Un journal nigérian, préoccupé par les cas de suicides dans le
pays le plus peuplé d’Afrique, a lié cette situation au fait qu’un
adulte sur cinq est chroniquement déprimé.
Par Motunrayo Joel & Lee Mwiti
« Au Nigeria, la dépression chronique touche un adulte sur cinq », a déclaré The Guardian dans un article publié en février 2018.
La dépression à long terme est-elle être si fréquente au Nigeria ?
4.581 ménages nigérians interrogésComme source, le quotidien a orienté Africa Check vers un dossier sur le site Web de l’Unité de développement et de comportement de la Banque mondiale. Celui-ci renseigne qu’ « en moyenne, 22 % des Nigérians sont chroniquement déprimés ».
« L’unité a attribué cette statistique à une étude représentative à l’échelle nationale, réalisée en 2015-2016 par le Bureau national des statistiques du Nigeria. Le bureau a interrogé 4.581 ménages dans le cadre de son panel d’enquête générale sur les ménages, qui a lieu tous les deux ou trois ans.
Le sondage a été administré six fois en visitant les mêmes ménages deux fois par semaine pendant trois semaines, a déclaré à Africa Check Tunde Adebisi, chef de la division de la méthodologie de l’agence de données.
Seul le chef de ménage sondéL’enquête générale sur les ménages a inclus une mesure de la dépression du chef de ménage. Pour ce faire, l’enquête a utilisé une version de l’échelle de dépression du Centre des études épidémiologiques, a déclaré à Africa Check Julie Perng, de l’Unité de développement et de comportement de l’esprit.
L’échelle de 10 questions est un test de dépistage de la dépression et des troubles dépressifs. Mais, contrairement au reste de l’enquête par panel, l’échelle n’a été administrée qu’une seule fois. On a demandé aux répondants combien de fois au cours des sept derniers jours ils ont senti que tout ce qu’ils faisaient était un fardeau et combien de fois leur sommeil était agité, par exemple.
Le nombre de fois a ensuite été additionné. Ceux qui ont marqué plus de 10 étaient « définis comme ceux avec la dépression chronique», a déclaré Mme Perng. Mais ces personnes n’ont reçu aucun diagnostic de suivi.
L’échelle mesure uniquement les symptômesLes experts ont indiqué à Africa Check que si un score plus élevé sur l’échelle signifiait qu’il était probable qu’une personne soit déprimée, de multiples entretiens de diagnostic au fil du temps seraient nécessaires pour confirmer cela.
« Il est important de comprendre que [l’échelle] ne donne pas de diagnostic de dépression : c’est une mesure des symptômes », a déclaré à Africa Check Dr Ian Gotlib, directeur du Département de psychologie de l’Université de Stanford.
« Une seule utilisation de [l’échelle] ne peut pas conduire à une conclusion sur la dépression chronique. Peu importe le score », a déclaré le Dr Gotlib. « Donc, si les chercheurs ont utilisé l’échelle une seule fois, aucune déclaration sur la dépression chronique basée uniquement sur cette mesure n’est justifiée. »
Dr Gotlib a co-édité le Handbook of Depression avec Dr Constance Hammen, professeur émérite au département de psychologie et des sciences du comportement à l’Université de Californie à Los Angeles.
Elle a déclaré que l’échelle « peut certainement être utilisée pour suggérer une dépression potentiellement cliniquement significative si les scores sont suffisamment élevés ». Cependant, il serait plus approprié, à partir d’un seul test, de suggérer qu’un certain pourcentage de Nigérians aient des niveaux élevés de symptômes dépressifs.
La Banque mondiale modifie son texteSuite à la question d’Africa Check, Mme Perng a déclaré que le langage utilisé dans la note publique de la Banque mondiale – en référence à 22 % des Nigérians – n’avait pas été « aussi précis » que dans son blog qui est plus détaillé.
« Nous allons modifier la note pour souligner que nous parlons bien des chefs de famille », a-t-elle dit.
Depuis lors, la banque a modifié le libellé en disant que « dans un ménage sur cinq au Nigeria, on rencontre des symptômes dépressifs ». Le blog parle toujours de « dépression chronique ».
Quelle est la fréquence de la dépression au Nigeria ?L’ampleur réelle de la dépression au Nigeria est difficile à évaluer, a confié à Africa Check Ayodeji Ajayi, psychologue clinicien à l’Hôpital neuropsychiatrique fédéral de Lagos.
Une formation plus poussée est nécessaire pour que le personnel de santé puisse diagnostiquer la dépression, tandis que les hôpitaux devraient également être équipés pour le traitement, a ajouté M. Ajayi.
Il a également souligné que la politique actuelle du pays en matière de santé mentale est inadéquate. Elle remonte à 1991, alors qu’un projet de loi présenté pour la première fois à l’Assemblée nationale en 2003 n’a pas encore été adopté.
Conclusion : prétendre qu’un adulte nigérian sur cinq est atteint de dépression chronique est incorrectUn adulte nigérian sur cinq souffre de dépression à long terme, selon un grand quotidien au Nigeria, qui souligne que cela explique l’augmentation des cas de suicide dans ce pays. Le journal a attribué cette statistique à l’Unité des sciences du comportement de la Banque mondiale.
Dans une note publique, l’unité avait déclaré que les résultats d’une échelle de dépression avaient montré que « 22 % des Nigérians étaient chroniquement déprimés ».
Les experts ont indiqué à Africa Check que l’échelle ne fournit pas de diagnostic de dépression mais mesure uniquement les symptômes. Pour être certain, un professionnel de la santé mentale devrait faire un diagnostic clinique.
L’unité de la Banque mondiale a, depuis, révisé sa note, indiquant que 22 % des chefs de ménage nigérians présentaient des « symptômes dépressifs ».
Traduit de l’anglais. Lisez la version originale.
https://fr.africacheck.org/reports/1-adulte-nigerian-5-atteint-de-depression-banque-mondiale-modifie-note/