Sud-Ouest du 9 avril 2022 

Bordeaux : Le 3114 à l’écoute des souffrances 

Depuis octobre, 12 centres répondants accompagnent les personnes en situation de souffrance psychique en France. Reportage dans celui de Bordeaux 

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L’équipe est installée au sein de l’hôpital Charles-Perrens. PHOTOS THIERRY DAVID/ « SUD OUEST »

Dans le cadre de la stratégie nationale de prévention du suicide, 12 centres répondants ont vu le jour depuis octobre. Le 3114 est la première ligne professionnelle nationale de prévention des suicides. À Bordeaux, le centre reçoit les appels émis depuis la Gironde, les Landes, le Lot-et-Garonne, la Dordogne et les Pyrénées-Atlantiques. Il est ouvert du lundi au dimanche de 9 à 21 heures. Lorsqu’il est fermé, les appels sont transférés au centre de Brest, ouvert 24 heures sur 24. 

Rattachée au pôle urgences Médoc-Arcachon de l’hôpital Charles-Perrens du docteur Chantal Bergey, l’équipe est constituée de cinq psychologues, quatre infirmiers, une assistance sociale et une secrétaire. Elle est chapeautée par Florian Giron, psychiatre et coordinateur médical, et Sophie Boutinaud, cadre de santé. 

Discussions sans jugement 

« Le 3114 ne gère pas des appels mais des situations », précise celle-ci. À chaque nouvel appel, l’équipe doit évaluer le potentiel suicidaire de la personne afin d’adapter les moyens à mettre en œuvre pour atténuer sa souffrance et l’aider à trouver des alternatives. Les répondants n’hésitent pas à demander clairement aux appelants s’ils ont des idées suicidaires. Il est souvent plus simple de se confier à un inconnu au téléphone qu’à ses proches, d’autant plus que les discussions se font sans jugement. « Le suicide est multifactoriel, il ne faut pas confondre le facteur précipitant avec la cause unique », poursuit Sophie Boutinaud. 

Depuis le 1er octobre, le centre a réceptionné 3 600 appels entrants et 1 390 appels sortants. 14 % des appels entrants concernaient une tentative de suicide en cours ou à venir très prochainement. Lorsque c’est le cas, l’appel est très rapide, les répondants contactent rapidement les secours et/ou les proches de l’usager. Chaque situation est différente, il est impossible de faire des généralités. La prise en charge est personnalisée et la création du lien de confiance est capitale. 

« Ces dernières semaines, nous recevons de plus en plus d’appels de mineurs », remarque Sophie Boutinaud. Selon Pierre, un infirmier répondant, le Covid a accentué le mal-être des adolescents et des enfants. Communiquer avec les plus jeunes n’est pas forcément le plus facile car ils ont du mal à évoquer leurs idées suicidaires et ont peur d’en parler à leurs parents. Pour autant, à la différence des adultes, les mineurs ne sont jamais seuls et peuvent être plus facilement mis en sécurité. 

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« Mettre de la distance » 

Pour les référents, le bien-être des répondants est très important. Après chaque appel, l’équipe débriefe. « Ce n’est pas toujours facile. Les débriefs à chaud ont été porteurs pour moi. On a de la chance d’avoir des référents qui nous incitent à nous livrer », témoigne Auréliane, psychologue et répondante. « Pendant les appels, j’arrive à mettre de la distance mais j’ai parfois eu besoin d’un gros débrief pour me rassurer. On a besoin d’entendre qu’on a fait au mieux », ajoute Claire, infirmière et répondante. 

L’équipe bénéficie de locaux chaleureux. Elle est installée dans un bâtiment relativement excentré du reste de l’hôpital qui offre calme et confort. Un vrai cocon pour préserver cette équipe composée de répondants bienveillants et à l’écoute.

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