vendredi 6 avril 2018

ETUDE RECHERCHE Prévalence accrue des troubles anxieux chez personnes issues de l’immigration de la troisième génération par rapport aux natifs et aux migrants de première génération

Une troisième génération issue de l’immigration davantage en proie aux troubles anxieux Margaux Deuley , le 05/04/2018 https://www.la-croix.com/*

D’après les conclusions d’une étude épidémiologique pilotée par dix chercheurs, en France, la troisième génération issue de l’immigration serait plus encline à développer des troubles anxieux que le reste de la population.


D’après les résultats de l’enquête, 25,3 % des personnes issues de l’immigration souffriraient ainsi d’un trouble anxieux, (contre 20,7 % de la population générale).
Quand l’heure est venue aux conclusions, les chercheurs furent les premiers surpris. Après avoir mené une enquête sur la santé mentale en France et interrogé plus de 386 000 personnes – l’équipe de l’OMS de Lille, associée à plusieurs équipes de recherches, a dressé le constat suivant : face au reste de la population, les personnes issues de l’immigration seraient davantage en proie à l’anxiété, aux troubles addictifs et aux conduites suicidaires.

D’après les résultats de l’enquête, 25,3 % des personnes issues de l’immigration souffriraient ainsi d’un trouble anxieux, (contre 20,7 % de la population générale), 8,2 % auraient développé une addiction, (contre 4,1 %, soit le double de la population générale) et 14 % auraient déjà fait une tentative de suicide (contre 12,8 %).

Si l’écart demeure relativement faible, pour le professeur Antoine Pelissolo, chef de service en psychiatrie à l’hôpital Albert-Chevenier et co-auteur de l’étude, « le fait même que la prévalence de chacun de ces troubles soit plus forte chez les personnes issues de l’immigration est à prendre en considération. Cela prouve qu’il se passe quelque chose. »
Des conclusions variables selon les pays

Pourtant, à l’échelle internationale, les études réalisées sur le même sujet ont pour certaines présenté des conclusions contraires. Notamment au sein même de l’Europe, « où les résultats varient fortement d’un pays à l’autre », comme le souligne Baptiste Pignon, chercheur en psychiatrie à l’hôpital Albert Chevenier, également en charge de cette étude.

D’après le spécialiste, le phénomène de la densité ethnique pourrait constituer une piste explicative. « Pour les migrants, vivre dans un même quartier, entouré de nombreuses personnes partageant la même origine qu’eux a un effet protecteur. Au Mexique, par exemple, on a remarqué que la prévalence des troubles anxieux chez les immigrés était inférieure à celle de la population générale, explique-t-il. Dans la mesure où nous faisons le constat inverse, on pourrait supposer que les immigrés, en France, vivent dans des quartiers plus hétérogènes d’un point de vue ethnique. »
Une prévalence plus forte pour la troisième génération d’immigrés

Point de l’étude plus surprenant encore : ces troubles s’accentueraient statistiquement d’une génération à l’autre, faisant des actuels petits-enfants d’immigrés la tranche de population la plus exposée aux pathologies de l’anxiété sévère.

« La troisième génération est en effet plus susceptible de ressentir un stress lié à l’acculturation, qui est le fait de s’adapter à une nouvelle culture, à un moment où le tissu culturel et religieux qu’ils ont hérité des premières générations commence à s’effriter », expose Baptiste Pignon. Partagée entre la culture transmise par leurs aînés et celle dans laquelle ils évoluent quotidiennement, notamment à l’école, cette troisième génération « peut ressentir une forme d’ambivalence et de déséquilibre qui, dans certains cas, conduit à l’apparition d’un trouble anxieux », souligne Antoine Pelissolo.

Passé le constat, les chercheurs espèrent désormais qu’une attention particulière soit portée sur cette jeune population d’immigrés. « Bien souvent, ces pathologies sont négligées car elles ne sont pas nécessairement considérées comme les plus graves, remarque Antoine Pelissolo. Mais des solutions thérapeutiques existent, il vaut alors la peine de les repérer tôt pour agir vite. »

Margaux Deuley

https://www.la-croix.com/France/Immigration/troisieme-generation-issue-limmigration-davantage-proie-troubles-anxieux-2018-04-05-1200929281


Info étude citée : J Psychiatr Res. 2018 Mar 20;102:38-43. doi: 10.1016/j.jpsychires.2018.03.007.  Increased prevalence of anxiety disorders in third-generation migrants in comparison to natives and to first-generation migrants.
Pignon B 1, Amad A 2, Pelissolo A 3, Fovet T 4, Thomas P 4, Vaiva G 4, Roelandt JL 5, Benradia I 5, Rolland B 6, Geoffroy PA 7.
1 AP-HP, DHU PePSY, Hôpitaux universitaires Henri-Mondor, Pôle de Psychiatrie, Inserm, U955, Team 15, UPEC, Université Paris-Est, Faculté de médecine, Créteil, 94000, France; Fondation FondaMental, Créteil, 94000, France. Electronic address: baptiste.pignon@aphp.fr.
2 Univ. Lille, CNRS UMR 9193-PsyCHIC-SCALab, CHU Lille, Pôle de Psychiatrie, Unité CURE, F-59000, Lille, France; Fédération régionale de recherche en santé mentale (F2RSM) Nord-Pas-de-Calais, F-59000, Lille, France.
3 AP-HP, DHU PePSY, Hôpitaux universitaires Henri-Mondor, Pôle de Psychiatrie, Inserm, U955, Team 15, UPEC, Université Paris-Est, Faculté de médecine, Créteil, 94000, France; Fondation FondaMental, Créteil, 94000, France.
4 Univ. Lille, CNRS UMR 9193-PsyCHIC-SCALab, CHU Lille, Pôle de Psychiatrie, Unité CURE, F-59000, Lille, France.
5 EPSM Lille Métropole, Centre Collaborateur de l'Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche et la formation en santé mentale, Equipe Eceve Inserm UMR 1123, Lille, France.
6 Service Universitaire d'Addictologie, Pôle UP-MOPHA, CH Le Vinatier, Univ. Lyon, 69500, Bron, France; CRNL Inserm U1028/CNRS UMR5292, CH Le Vinatier, 69678, Bron Cedex, France.
7 Inserm, U1144, Paris, F-75006, France; Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, UMR-S 1144, Paris, F-75013, France; AP-HP, GH Saint-Louis, Lariboisière, F. Widal, Pôle de Psychiatrie et de Médecine Addictologique, 75475, Paris Cedex 10, France; Fondation FondaMental, Créteil, 94000, France.