vendredi 23 avril 2021

Blog en vacances de retour le 12 mai 2021

TEMOIGNAGE "Après avoir connu l'enfer de la dépression, je suis revenue du côté de la vie "

Après avoir connu l'enfer de la dépression, je suis revenue du côté de la vie - BLOG

Lettre à celle que je serai et qui rechutera peut-être un jour.
Aujourd’hui, alors que je débute ma troisième hospitalisation, soutenue par mes proches et aidée par mes soignant.e.s mais aussi par mes médicaments, je vais mieux, nettement mieux. Je me tiens debout et j’ai envie de rentrer chez moi.

DÉPRESSION — À nous tou·te.s, souffrant·e·s, malheureu·x·ses, terrorisé·e·s, apathiques ou résigné·e·s,

À celles et ceux qui traversent leur première crise suicidaire et à celles et ceux qui ne les comptent plus,

Aux incompris·es qui n’espèrent même plus être ramené·e·s du côté de la vie,

À celles et ceux qui ont besoin d’entendre encore une fois qu’il y a bien une lumière au bout du tunnel,

À mes soignant·e·s,

À vous, qui n’avez jamais cessé d’y croire quand je n’en étais plus capable,

À toi qui, en me tenant la main, m’as sauvé la vie,

Et à celle que je serai et qui rechutera peut-être un jour.

“Nous savons que l’on peut guérir d’une dépression, et ce, même sans séquelles”. Une pulsion de vie m’a envahie lorsque ma psychiatre a prononcé ces mots à l’issue de mon second séjour en clinique psychiatrique. Je voulais désespérément vivre et cesser de survivre.

Premières idées noires et crises suicidaires après 20 ans

Sur le papier, mon parcours a été un “sans-faute”. J’avais tout pour moi, des ami·e·s, des amant·e·s, une famille aimante, une joie de vivre en toute circonstance, un parcours académique et professionnel brillant. J’aurais dû être diplomate. J’aurais dû me caser avec un·e collègue et m’expatrier dans un pays où il aurait fait bon vivre. J’aurais dû mettre assez de côté avant mes 30 ans et devenir propriétaire d’un “charmant T3 en proche banlieue parisienne” et me dire “chanceuse parce que, tu te rends compte, on a même un petit balcon qui donne sur un parc”. La belle vie quoi. Mais à 24 ans, j’ai traversé l’enfer et j’aurais surtout dû mourir.

Mes premières idées noires sont apparues l’année de mes 23 ans. Je me suis réveillée une nuit en panique après un cauchemar où je m’étais vue mourir. Je m’étais jetée dans la gueule du loup et je m’étais laissée me faire tuer, sans me débattre, sans un mot, attendant simplement la fin, l’esprit enfin apaisé. Je me suis réveillée terrorisée. Comment avais-je pu me sentir si soulagée et libérée par cette idée de mourir? Dès lors, les cauchemars se sont multipliés. Quand je ne mourrais pas en silence, parfois même au milieu d’une foule, mais toujours dans l’invisibilité la plus totale, je me faisais violenter, juste assez pour ne pas mourir, juste assez pour souffrir encore un peu plus.

Mes premières crises suicidaires sont apparues peu après. Je n’avais pas encore 24 ans et je voulais désespérément mourir. Enfin, je croyais que c’était ce que je voulais, mais je voulais juste arrêter de souffrir. Je préférais ne plus jamais rien ressentir que de continuer à ressentir ça. La souffrance avait atteint un tel stade que la mort m’apparaissait comme le seul moyen de trouver une issue à ces crises qui s’éternisaient à chaque fois toujours un peu plus. Pour autant, l’idée de mourir ne m’est jamais apparue comme attrayante, elle me terrifiait tout autant que de continuer à vivre ma vie où je me sentais prise au piège d’un incendie qui me tuait à petit feu. Chaque jour qui passait j’avais l’impression de toucher un peu plus le fond, que j’étais coincée dans un puits sans fond. La douleur, aussi bien psychique que physique, s’amplifiait. Je me laissais mourir, je n’arrivais plus à m’alimenter, à me concentrer, à bouger, à échanger, à aimer, à avoir hâte, ni à pouvoir, ni même à vouloir. J’ai essayé d’habituer les autres à mon absence, en vain. Je leur en ai voulu de m’aimer autant, de s’inquiéter autant pour moi. Je me disais que s’iels m’aimaient vraiment, iels me laisseraient partir et ne m’en voudraient pas. Est donc venu assez naturellement le temps de la rédaction de mes lettres d’adieux, la disparition des réseaux sociaux, la préparation de mes obsèques allant même jusque dans le choix des musiques, le scénario de la chute du haut du sixième étage et bientôt (ou plutôt enfin) le répit salvateur.

«Mourir fait partie de la vie et me tuer ne m’aurait pas permis d’anéantir mon existence. Même morte, celle-ci n’aurait jamais vraiment été effacée, j’aurais continué d’exister à travers les souvenirs et à travers autrui.»

Le suicide n’est pas un acte égoïste, ni une solution de facilité, ni un choix. Le suicide n’est autre que la victoire d’une maladie sur l’être humain. J’ai réussi jusque-là, non sans mal, à ne pas me faire emporter, il aurait pourtant suffi d’un court instant. Je pensais à celui ou à celle qui allait assister à ma chute et à ses dix ans de thérapie derrière pour tenter d’effacer ce traumatisme. Je pensais à la voiture de mes voisin·e·s qui risquait de prendre un sacré coup si mes calculs n’étaient pas bons. Je pensais aux ambulancier·e·s, aux policier·e·s, à la mobilisation de tant de fonds publics; à tout ce monde attroupé autour de moi alors que tout ce dont je rêvais était d’être invisible. Comment peut-on avoir si peu d’estime de soi? Comment peut-on, dans un tel état de souffrance, avoir la lucidité de se soucier autant de tout et de tou·te·s sauf de soi? Mais je pensais avant tout aux ravages que j’aurais causés au sein de ma famille et parmi mes ami·e·s, à combien iels ne méritaient pas d’endurer cette profonde tristesse qu’aurait causée ma mort. Personne ne mérite pareil chagrin. Mais au fond, ce n’était pas vraiment le sujet.

J’avais toujours aimé profondément les choses de la vie et l’humain dans toute rencontre. Pourtant, j’avais cette colère si grande envers l’humanité que cela me rongeait et s’infiltrait dans chacun de mes pores m’emmenant irrémédiablement vers la mort. Je ne comprenais pas l’intérêt de l’existence, l’intérêt d’être née. Je ne comprenais pas pourquoi on devait endurer la douleur et être confronté à la violence et à l’injustice qui gangrènent ce monde ainsi qu’à la déchéance de l’humanité quand tout pouvait s’arrêter “simplement”. Nous sommes nés. Pour mourir. En attendant, il faut bien vivre disait Jean d’Ormesson. Mais à quoi bon vivre après tout? J’aurais peut-être aimé ne jamais exister, ne jamais ”être”, ne jamais manquer à quiconque. J’ai longtemps vu le suicide comme la seule et unique issue à mon mal-être si profond, à mon ”à-quoi-bonisme”. Mais mourir fait partie de la vie et me tuer ne m’aurait pas permis d’anéantir mon existence. Même morte, celle-ci n’aurait jamais vraiment été effacée, j’aurais continué d’exister à travers les souvenirs et à travers autrui.

Hospitalisation en urgence

Mi-décembre, accompagné par celui à qui je dois tout, j’ai été hospitalisée en urgence. Je le revois quitter l’unité de crise où j’étais, enfermée pendant une semaine. Je ne comprenais plus ce qu’il m’arrivait, j’étais vide. Je ne me sentais plus en vie et pourtant la souffrance que j’endurais m’y raccrochait. Je voulais que l’on m’aide à mourir et je voulais avoir la validation des soignant·e·s. Mais la seule réponse que les médecins me donnaient était “on ne peut que vous aider dans la vie, on ne peut pas vous accompagner dans la mort”. Je leur en ai tant voulu pour cela. Je me sentais incomprise, je ne me sentais pas écoutée. J’estimais qu’un·e médecin devait faire ce qui était le mieux pour sa patiente et qu’il n’y avait que cette dernière qui pouvait savoir ce qui était le mieux pour elle. Je n’étais plus capable de rien, ni même de “choisir” ma propre mort. J’avais l’impression d’être maintenue en vie pour des raisons morales alors que j’étais profondément persuadée que j’aurais été mieux morte.

Fin décembre, ne supportant toujours plus de survivre ainsi, j’ai fait le choix de me faire hospitaliser de nouveau. Comme pour me rassurer de bien rentrer dans des cases, je prenais connaissance de mon diagnostic dans des termes médicaux. Je souffrais d’un “F32.2: épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques” et d’une “F41.1: anxiété généralisée” qui se traduisait — pour reprendre les termes exacts – par une tristesse de type mélancoliforme, une anxiété profonde, un sentiment de désespoir et des ruminations suicidaires. À mi-parcours, celles-ci ont resurgi avec une force démesurée. Je n’avais jamais connu pareille douleur, je n’avais jamais autant souffert, je ne m’étais jamais sentie aussi morte tout en étant techniquement en vie, alors je les suppliais de me laisser mourir. Craignant un raptus suicidaire, on m’a enfermée et placée sous surveillance contre mon gré pendant 24 heures. J’aurais peut-être pu, pendant ce temps, me donner la mort, ou du moins tenter de le faire. Alors pourquoi ne l’ai-je pas fait? Qu’est-ce qui m’a retenue? J’ai dû puiser dans le plus profond de mon être pour me rappeler que je n’avais pas fondamentalement envie de mourir. Mais pourquoi est-ce que le prix à payer était si fort? Pourquoi ma tête me faisait-elle vivre dans cet enfer permanent? Pourquoi me faisait-elle toucher du doigt la mort sans jamais me laisser l’embrasser? Mais cette tentative de suicide précipitée n’aurait pas été assez bien préparée, ni cadrée, ni calculée. Aurais-je été sauvée par mon perfectionnisme maladif et mon besoin de tout contrôler? Triste bonne nouvelle.

Une rencontre

Lors de cette hospitalisation, j’ai fait une rencontre. Nous nous connaissions à peine et pourtant, je ne m’étais jamais sentie aussi comprise que par lui. Nous avions une histoire différente et pourtant, nous partagions la même vision du monde et de l’humanité, les mêmes angoisses existentielles, le même mode de fonctionnement. Cette rencontre a été libératrice à bien des égards. Je n’étais soudainement plus seule au monde, plus seule contre le monde. Nous passions nos soirées sur un canapé rouge dans un couloir de la clinique à nous ”émerveiller” de la similitude de nos pensées et de nos souffrances. Il disait qu’il aurait donné cher pour connaître les mots qui auraient pu m’apporter un tout petit peu de répit dans ma tête, sans savoir qu’il me l’offrait déjà par sa simple présence.

La dépression, une maladie curable, distincte de soi

Aujourd’hui, alors que je débute ma troisième hospitalisation, soutenue par mes proches et aidée par mes soignant. e. s mais aussi par mes médicaments, je vais mieux, nettement mieux. Je me tiens debout et j’ai envie de rentrer chez moi. J’intègre et j’accepte peu à peu l’idée que je ne suis pas intrinsèquement dépressive mais que je souffre d’une dépression, une maladie potentiellement mortelle, mais curable et qui est distincte de ma personne. Pour autant, la souffrance m’a un temps emmenée si loin du chemin de la vie que je ne sais pas si je serai capable de le rejoindre complètement un jour. Je ne sais pas si je finirai par accepter le fait qu’une fois sortie de l’épisode dépressif sévère, la courbe ne resterait pas indéfiniment linéaire, que je ne trouverai pas de réponse à pourquoi l’existence? Et qu’il allait bien falloir se faire à l’idée que même si je n’ai pas choisi d’être en vie, je suis bel et bien.

Alors oui j’ai surpassé cette agonie, j’ai fait preuve d’une force et d’une résilience quasi surhumaines pour combattre ce démon intérieur qui a failli me tuer. Les optimistes diraient que plus rien ne pourra désormais m’atteindre, que plus rien ne sera jamais aussi dur que ce que j’ai enduré. Les pessimistes diraient au contraire que je suis bien trop amochée et — en toute modestie — trop lucide sur la réalité du monde pour pouvoir encore avoir de l’énergie à revendre au profit d’une humanité qui court à sa perte.

Même si je souffre encore, même si je ne suis pas encore guérie – et peut-être ne le serai-je même jamais complètement —, aujourd’hui est un bon jour. J’ai envie d’être dans le camp des optimistes. J’ai envie de croire que ce n’est pas qu’une pulsion de vie qui me traverse, mais que c’est bien moi qui reprends le dessus sur ma maladie. J’ai envie de vivre. J’ai envie de vivre plus fort que ça. J’ai envie de ne faire que des choses qui contribueront à mon bien-être et j’ai hâte de ces choses-là. J’ai envie. J’aspire à être heureuse et que rien n’en soit la cause, comme disait Christian Bobin. Mais une partie de moi a peur.

Peur des mauvais jours à venir, peur de rechuter, peur de récidiver — surtout quand je me rappelle qu’après un premier épisode dépressif, plus d’un. e patient. e sur deux en fera un deuxième –, peur de ressentir de nouveau ne serait-ce qu’une seconde cette agonie qui m’a rongée des mois durant et qui m’a empêché de croire qu’il y avait une lumière au bout du tunnel. J’ai peur de voir l’instant de répit s’envoler, de n’avoir aucune emprise dessus, de constater avec peine que je suis toujours malade et de voir qu’après tout ce que j’ai traversé je dois encore lutter. J’ai peur de ne plus les avoir pour me rassurer, pour me prendre dans leurs bras afin de m’aider à endurer la douleur et à la surpasser comme iels n’ont cessé de le faire pendant des mois. J’ai peur de ne jamais être capable de me débarrasser de mon trop-plein de médicaments ni de mes lettres d’adieux juste “au cas où”. J’ai peur de la crise de trop. Et même si je me suis prouvé avoir les ressources pour faire face et que je sais qu’elles seront encore là, j’ai peur de ne plus avoir envie de lutter si cette crise finissait par arriver.

Alors, si par malheur je suis la triste élue qui donnera raison aux statistiques, aussi naïf soit-il, je me supplie d’avance de me croire quand une partie de moi me répètera qu’il y a bel et bien une fin et que j’aurai de nouveau en -vie.

Je suis une malade qui ne pensait pas que c’était possible de revenir des enfers, et pourtant…

https://www.huffingtonpost.fr/entry/apres-avoir-connu-lenfer-de-la-depression-je-suis-revenue-du-cote-de-la-vie-blog_fr_608043d7e4b0e26a691c0238

jeudi 22 avril 2021

Pays-Bas Call for papers La prévention du suicide du point de vue infirmier : Suicide and Its Prevention: Contemporary and Historical Perspectives in Nursing, 1880–2020

La prévention du suicide du point de vue infirmier

Suicide and Its Prevention: Contemporary and Historical Perspectives in Nursing, 1880–2020

Call for papers

Deadline for abstract submission: 31 May 2021

Dates
May 19–21, 2022

Venue
Rijksmuseum Boerhaave, Leiden, The Netherlands

About the Conference

The European Association for the History of Nursing and five professional nursing organisations from The Netherlands invite abstract submissions from nursing scholars, historians, ethicists, and social scientists from all countries in Europe. This pan-European conference will examine contemporary and historical perspectives on suicide and its prevention. The two-day Conference will be limited to a maximum of 75 participants. This is to facilitate a thorough discussion and debate around the conference theme, including comparisons of similarities and differences in practices across the various European countries represented. Such dialogue may offer new ways of thinking about suicide and new recommendations for education, clinical practice, and research. See below for details or download the pdf.

About the Conference theme

Suicide, suicidal ideation, and suicidal behaviour may be studied from several perspectives. It may be seen as an individual psychological pathology, as a family and societal issue, or as an ethical concern. Hence, many disciplines have studied suicide and its prevention, including psychiatry, psychology, nursing, public health, economics, history, and ethics. It is therefore a topic that may be best examined through interdisciplinary lenses, combining, for example, psychiatry and nursing, psychology and nursing, and nursing history and ethics. The conference theme will therefore address a range of interdisciplinary perspectives and how they influence the theory and the practice of nursing in both general and mental healthcare settings.

The conference will explore the ways in which nurses have encountered and responded to suicide in contemporary mental health and general healthcare settings, in different social and historical contexts, and among particular groups, such as people with a depressive illness, people with a drug addiction, and soldiers and nurses during times of war. It will also review and examine how the nursing profession has addressed the impact of suicide on nurses themselves, and consider contemporary issues facing nurses as they respond to suicidal ideation, care for people following suicide attempts, or work with the bereaved. The conference may also review the epidemiology of and the risk factors for suicide among nurses.

The conference will examine contemporary and historical perspectives on suicide and its prevention, with reference to theory and practice. For the purpose of the conference theme, theory may be considered as the content of curricula in nursing education and training, didactic texts, such as books and journals, published national standards and guidelines, and other contemporary and historical documents. Practice may be considered as the ways in which nurses perform their professional role in light of theory and other forms of professional discourse.

Possible contemporary and historical topics to consider
  • The psychiatric and/or psychological concepts that determine(d) the interpretation and handling of suicide and patients with suicidal ideation, and the extent to which these changed the way suicidality was and is handled in nursing, regardless of the care setting
  • The theoretical education of nurses about care for suicidal patients, including the practical instructions in preventing suicide when a patient has uttered suicidal thoughts or shown suicidal behaviour
  • The influence of care for suicidal patients on the daily work and the professional self- image of nurses
  • The role of religious beliefs and ethical views in dealing with suicidal patients
  • The division of labour between psychiatrists and nurses with regard to suicidal patients
  • The extent to which suicide was or is related to insanity in the education, training, and practice of general and psychiatric nursing
  • The procedures after a patient had died by suicide and the way these changed over time
  • The role of the nurse with regard to aftercare of the bereaved
  • The support for or disciplinary measures against nurses who had been exposed to suicide
  • Suicidal behaviour among nurses themselves during the past 140 years

Possible ethical questions to consider
  • What tasks and responsibilities did and do nurses assume in dealing with suicidal persons and what specific ethical challenges did and do they face?
  • How did and do questions of nursing ethics and the attitude of nurses in dealing with suicidal patients differ, depending on their care setting, for example, the acute wards in general hospitals, psychiatry, palliative care, nursing homes?
  • Were and are nurses obliged to prevent suicide in all circumstances? 2
  • Did and do nurses have the freedom to take their own ethical stand with regard to suicide?
  • Were and are nurses permitted or willing to support people who want to commit suicide?
  • How were and are suicidal ideations by patients in general or psychiatric hospitals and by nursing home residents discussed in the context of nursing ethics?
  • Which groups of patients were and are the focus of the discussion on nursing ethics with regard to suicide, for example, children and adolescents, people with mental illnesses or people with a terminal physical illness?
  • Which gaps in ethical theory could or can be identified?

Guidelines for abstract submission

Abstract submissions should focus on contemporary and/or historical aspects of suicide and its prevention, including theory and professional discourse and how these have and continue to influence nursing practice. Abstracts should contain the following essential information: abstract title; a brief outline of the background; the aim and/or objectives of the paper; the sources of research or historical evidence being presented; the main findings and/or the key argument; a brief statement of conclusions with particular reference to knowledge and practice. Abstracts should be a maximum of 450–500 words.

For papers examining historical aspects of the topic, abstracts should contain specified dates in the abstract title and should list the historical primary sources consulted. For papers examining ethical aspects of the topic, abstracts should include a statement of the ethical theory, ethical argument, or ethical concern. All abstracts should be written in English and should be submitted with a brief biographical statement referring to the author’s current work and relevant research/publications. Abstracts exceeding the recommended word limit or submitted after the deadline will not be considered.

Deadline for abstract submission May 31st, 2021. Submitted abstracts will be peer reviewed by the Conference Scientific Committee. In addition, a selection of the accepted Conference abstracts will be considered for possible inclusion in a volume of the European Journal of Nursing History and Ethics in 2023. The authors of these selected abstracts will then be invited to submit a complete manuscript for further peer review.

Deadline for accepted manuscripts February 25th, 2022

Additional information Only one abstract per individual is permitted. Submit two copies of the abstract, one with the author name, author title and credentials, and the second anonymized.

Submit abstract to the following:

Prof. dr. Manon Parry at M.S.Parry@vu.nl
Dr. Cecile aan de Stegge at stegge.ad.c@hsleiden.nl

Source http://histoiresante.blogspot.com/2021/04/la-prevention-du-suicide-du-point-de.html

#ProtegeTonInterne : l’Isni tire la sonnette d’alarm. "Nous avons réorienté le message de cette campagne (sur le risque suicidaire des internes)

#ProtegeTonInterne : l’Isni tire la sonnette d’alarme

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

22 avril 2021 https://francais.medscape.com*

Gaétan Casanova

Paris, France — Cinq suicides d’internes depuis janvier 2021. L’InterSyndicale Nationale des Internes (ISNI) est excédée par cette épidémie silencieuse, dont les causes sont connues. Le syndicat d’internes a donc lancé une campagne de sensibilisation auprès du grand public, #protegetoninterne, pour sensibiliser et agir. Gaétan Casanova, président de l’Isni, nous explique pourquoi et comment éviter ces drames.

Medscape : Quels messages avez-vous voulu faire passer avec cette campagne ?

Gaétan Casanova : À la base, #ProtegeTonInterne est une campagne que nous avons lancée pour dénoncer les phénomènes d'omerta, de harcèlement et de violence dans le monde de la médecine. Évidemment, des problématiques récurrentes, telles que l'épuisement et le non-respect de la limite légale du temps de travail, doivent être également évoquées. Les internes travaillent 60 heures par semaine en moyenne, voire plus de 70 heures en chirurgie, et c'est un danger pour tout le monde, patients et soignants. Nous avons réorienté le message de cette campagne (sur le risque suicidaire des internes) après les récentes déclarations du président de la République, qui a demandé aux soignants de faire un effort supplémentaire. Cela a déclenché une vague d'anxiété, de panique chez les internes, et en particulier dans les zones qui ont été les plus touchées par l’épidémie.

Vous évoquez 5 suicides depuis janvier 2021. Est-ce à mettre en relation avec la forte mobilisation des internes pendant la crise pandémique ?

Gaétan Casanova : Pas seulement. Il faut considérer que le phénomène d'anxiété générale est très dépendant du phénomène de pandémie. Mais la question du harcèlement n'a pas de rapport avec la pandémie. Par ailleurs, les causes des suicides que nous avons à déplorer depuis le début de l'année sont vraiment très diverses. Par exemple, pour le dernier suicide que nous avons recensé, celui de Valentin, ce sont les ECNi qui l'ont fait plonger dans une grande dépression, laquelle a fini par le tuer.

Cela donne l'impression qu'il n'y pas eu de prévention contre ce type de suicide. Y a-t-il des campagnes de prévention qui sont menées ?

Gaétan Casanova : Non et c'est bien là la difficulté. Nous sommes au contact de la souffrance des internes dans tous ces aspects, et lorsque nous disons que l'hôpital tue, c'est parce que ce sont les établissements de santé, et la médecine, qui sont à l'origine de tant de souffrance. Il n'y a pas actuellement de formation pour détecter ces signaux faibles de désespérance. Et il faut aussi évoquer la culture médicale, qui interdit toute expression de faiblesse : nous n'avons pas le droit d'exprimer notre douleur, nous n'avons pas le droit de nous mettre en retrait en cas de problème, c'est de l'orgueil pur, c'est de la stupidité. Et le gouvernement n'est pas responsable de cette culture médicale. Faut-il le rappeler ? Un soignant dépressif soigne moins bien, il fait plus d'erreurs, c'est une évidence.

La culture médicale...interdit toute expression de faiblesse : nous n'avons pas le droit d'exprimer notre douleur, nous n'avons pas le droit de nous mettre en retrait en cas de problème. Gaétan Casanova

Il y aurait donc trois grandes causes au suicide des médecins : le non-respect des limites légales du temps de travail, le harcèlement et les conséquences de la culture médicale ?

Gaétan Casanova : Oui, tout à fait. Pour ce qui est du respect du temps de travail, cela amène une réponse immédiate des pouvoirs publics. Mais ce n'est pas la seule chose à faire, les médecins sont totalement déresponsabilisés. En tant que médecin à l'hôpital public, il ne peut pas vous arriver grand-chose, c'est souvent l'hôpital qui assume la responsabilité. Il faut que les médecins soient responsables de leurs actes, il faut qu'ils soient mis sur la sellette, lorsqu'ils ne dénoncent pas des situations de harcèlement, par exemple. Sur le temps de travail, nous butons contre une difficulté : quantifier le temps de travail. Actuellement, les internes confrontés à des temps de travail à rallonge n'ont aucun moyen de prouver qu'ils ont trop travaillé.

Actuellement, les internes confrontés à des temps de travail à rallonge n'ont aucun moyen de prouver qu'ils ont trop travaillé. Gaétan Casanova

Le ministère de la santé avait pourtant obligé les établissements de santé à installer des tableaux de service pour les internes ?

Gaétan Casanova : Le problème c'est que trop souvent, le tableau n'est pas fait, et il n'est pas transmis aux agences régionales de santé (ARS). Par ailleurs, le système de tableau est un système déclaratif. C'est différent du système de pointage, beaucoup plus objectif.

La solution serait la pointeuse ?

Ce n'est pas à nous syndicat d'expliquer au ministère de la santé le meilleur mode de décompte du temps de travail car cela reste malgré tout un sujet technique et complexe. Je cite la pointeuse car c'est un système qui fonctionne, pour les personnels paramédicaux, entre autres, à l'hôpital. Il faut laisser aux experts techniques le choix du meilleur système.

Mais selon vous, il faut sortir du système déclaratif ?

Oui, car une règle qui n'est pas assortie de sanction n'a pas d'intérêt.

Revenons au harcèlement, cause de tant de souffrance. Il parait tout à fait aberrant qu'il y ait aussi peu de sanctions. Comment agir pour y mettre un frein ?

Il faut séparer les pouvoirs : l'idée d’être jugé par ses pairs, c’est-à-dire d'avoir une juridiction spéciale pour juger les PUPH par les PUPH, d'avoir une justice ordinale composée de médecins pour juger des médecins, n'est pas une bonne idée. La justice de l'entre-soi, c'est la justice de l'omerta. Je pense qu'il faut supprimer la justice ordinale. Une justice performante met en rapport des personnes qui n'ont aucun lien d'intérêt entre eux. Il nous faut un seul système de sanctions, et non pas cette multiplicité que nous connaissons actuellement : le directeur de l'ARS, le Cnom, les PUPH, le CNG, le tribunal, peuvent prononcer des sanctions... Ce n'est pas possible, c'est une usine à gaz. A l'Isni, nous avons par ailleurs embauché une avocate pénaliste et nous comptons bien poursuivre en justice toute personne au sein de l'hôpital qui n'aurait pas dénoncé des faits de violence ou de harcèlement, tel que l'oblige l'article 40 du code de procédure pénale.

A l'Isni,...nous comptons bien poursuivre en justice toute personne au sein de l'hôpital qui n'aurait pas dénoncé des faits de violence ou de harcèlement. Gaétan Casanova

Le syndicat Jeunes médecins avait déjà décidé de poursuivre systématiquement au pénal, mais cela n'a pas eu grand effet, puisque nous constatons que les cas de harcèlement n'ont pas tari. L'association Jean-Louis Mégnien a aussi été empêchée de travailler sur ces cas. Pourquoi ces initiatives ont-elles connu tant d'échecs ?

Ce que je peux vous dire, c'est que je suis pénaliste à la base. Je pense qu'il n'y a pas, actuellement, dans les syndicats, cette culture du droit, ce qui aboutit à de mauvaises interprétations de la loi. Je peux vous dire que, quelle que soit la gravité des faits, nous allons poursuivre, au civil ou au pénal.

Cette campagne #ProtegeTonInterne est à destination du grand public. Pourquoi ?

Il faut dire au grand public qu'il est en danger, lorsqu'il est pris en charge par des internes qui travaillent 80 heures par semaine, épuisé. Par ailleurs, il est clair qu'il règne au sein du monde médical une omerta sur ce problème, donc nous en appelons au grand public. Aujourd'hui, l'hôpital public a un comportement indigne à l'endroit des soignants, en particulier des internes.

Aujourd'hui, l'hôpital public a un comportement indigne à l'endroit des soignants, en particulier des internes. Gaétan Casanova

Êtes-vous écouté par le ministère de la santé sur ces questions ?

Non, absolument pas. Et ce n'est pas du fait de la pandémie, puisque l'écoute du ministère de la santé était déjà faible avant. Je conçois qu'il est difficile de mettre en place des mesures effectives de mesure du temps de travail en pleine pandémie, mais cela a des conséquences, sur la souffrance des internes. Lorsque le ministre annonce la mise en place d'indicateurs de mesures du temps de travail dans cinq mois, je lui réponds que dans ce laps de temps, il faudra comptabiliser 10 suicides d'internes de plus. Deuxième chose : nous avons alerté le ministre sur la question des suicides et il nous a été répondu que le ministre était sous l'eau à cause de la prise en charge de la pandémie. Je l'ai longtemps cru jusqu'à ce que je vois le ministre, le 23 mars dernier, participer aux mardis de l'Essec. Un temps d'échange qu'il aurait pu consacrer à ce drame qu'est le suicide des internes...

Enfin, comment réformer la culture médicale ?

Le ministre plaide en effet pour des changements culturels. Mais cela ne va pas bouger en quelques jours. Il y a en effet des réformes sur le mode de recrutement en formation initiale, nous allons voir ce que cela va donner. Je pense que la réforme de la formation est essentielle, car nous avons sélectionné pendant des années des profils d’étudiants monolithiques et psychorigides, avec tous les risques que cela comporte, notamment en ce qui concerne la relation avec les patients. Il faut aussi changer cette culture médicale qui veut que l'on emmagasine des connaissances qui ne serviront à rien : il faut que les médecins sachent trier entre ce qui est utile et ce qui ne l'est pas, qu'ils synthétisent leurs connaissances, et qu'ils aient un esprit d'ouverture. Un médecin n'est pas un technicien. Aujourd'hui, il y a beaucoup de patients atteints de maladies chroniques, qui méritent un accompagnement humain de la part des médecins. Dernière chose : pour opérer un changement culturel, il faut commencer par des décisions politiques. Par exemple, Robert Badinter a décidé d'abolir la peine de mort, alors que la majorité des Français était pour. Nous demandons au ministre d'avoir le même courage.

https://francais.medscape.com/voirarticle/3607099?

 

 

ETUDE RECHERCHE Machine Learning Assessment of Early Life Factors Predicting Suicide Attempt in Adolescence or Young Adulthood

Machine Learning Assessment of Early Life Factors Predicting Suicide Attempt in Adolescence or Young Adulthood

Marie C. Navarro 1 Isabelle Ouellet-Morin 2 Marie-Claude Geoffroy 3 Michel Boivin 4 Richard E. Tremblay 5, 2 Sylvana M. Cote 1 Massimiliano Orri 1
1 BPH - Bordeaux population health
2 UdeM - Université de Montréal
3 Douglas Mental Health University Institute [Montréal]
4 ULaval - Université Laval [Québec]
5 UCD - University College Dublin [Dublin]
Abstract : IMPORTANCE: Although longitudinal studies have reported associations between early life factors (ie, in-utero/perinatal/infancy) and long-term suicidal behavior, they have concentrated on 1 or few selected factors, and established associations, but did not investigate if early-life factors predict suicidal behavior. OBJECTIVE: To identify and evaluate the ability of early-life factors to predict suicide attempt in adolescents and young adults from the general population. DESIGN, SETTING, AND PARTICIPANTS: This prognostic study used data from the Québec Longitudinal Study of Child Development, a population-based longitudinal study from Québec province, Canada. Participants were followed-up from birth to age 20 years. Random forest classification algorithms were developed to predict suicide attempt. To avoid overfitting, prediction performance indices were assessed across 50 randomly split subsamples, and then the mean was calculated. Data were analyzed from November 2019 to June 2020. EXPOSURES: Factors considered in the analysis included 150 variables, spanning virtually all early life domains, including pregnancy and birth information; child, parents, and neighborhood characteristics; parenting and family functioning; parents’ mental health; and child temperament, as assessed by mothers, fathers, and hospital birth records. MAIN OUTCOMES AND MEASURES: The main outcome was self-reported suicide attempt by age 20 years. RESULTS: Among 1623 included youths aged 20 years, 845 (52.1%) were female and 778 (47.9%) were male. Models show moderate prediction performance. The areas under the curve for the prediction of suicide attempt were 0.72 (95% CI, 0.71-0.73) for females and 0.62 (95% CI, 0.60-0.62) for males. The models showed low sensitivity (females, 0.50; males, 0.32), moderate positive predictive values (females, 0.60; males, 0.62), and good specificity (females, 0.76; males, 0.82) and negative predicted values (females, 0.75; males, 0.71). The most important factors contributing to the prediction included socioeconomic and demographic characteristics of the family (eg, mother and father education and age, socioeconomic status, neighborhood characteristics), parents’ psychological state (specifically parents’ antisocial behaviors) and parenting practices. Birth-related variables also contributed to the prediction of suicidal behavior (eg, prematurity). Sex differences were also identified, with family-related socioeconomic and demographic characteristics being the top factors for females and parents’ antisocial behavior being the top factor for males. CONCLUSIONS AND RELEVANCE: These findings suggest that early life factors contributed modestly to the prediction of suicidal behavior in adolescence and young adulthood. Although these factors may inform the understanding of the etiological processes of suicide, their utility in the long-term prediction of suicide attempt was limited.
Dernière modification le : jeudi 22 avril 2021 -
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ETUDE RECHERCHE Étude des difficultés ressenties par les secrétaires médicales dans le processus de tri des motifs urgents de consultation chez l'adulte en cabinet de médecine générale

Étude des difficultés ressenties par les secrétaires médicales dans le processus de tri des motifs urgents de consultation chez l'adulte en cabinet de médecine générale
Charlotte Huntzinger 1
1 UNICAEN Santé - Université de Caen Normandie - UFR Santé

Résumé : La réponse aux demandes de soins urgents ou non programmés (DNSP) est un enjeu majeur de la pratique de médecine générale. L’objectif principal était d’étudier les difficultés ressenties par les secrétaires médicales dans le processus de tri des motifs urgents de consultation. Les objectifs secondaires étaient de déterminer la fréquence des différents types d’urgences en cabinet de médecine générale, ainsi que les potentiels facteurs d’amélioration de la réponse. Une étude observationnelle, transversale et descriptive a été réalisée via un questionnaire en ligne auprès des secrétaires médicales de cabinets de médecine générale de Normandie occidentale. Les motifs les plus complexes à gérer pour les secrétaires médicales sont les douleurs thoraciques, le risque suicidaire et les chutes pour les urgences vraies, les demandes d’arrêts de travail et les syndromes dépressifs pour les urgences relatives et enfin les réévaluations de traitements chroniques et les demandes de certificat pour les urgences ressenties. Ces difficultés étaient liées au jugement global du patient au sujet de sa demande de consultation, au positionnement d’intermédiaire de la secrétaire entre le patient et le médecin et à la surcharge du planning. Une adaptation de la formation initiale et continue au sein des cabinets pourrait permettre une meilleure réponse.
Sciences du Vivant [q-bio] / Médecine humaine et pathologie

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Soumis le : jeudi 25 mars 2021  Dernière modification le : mercredi 21 avril 2021

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AUSTRALIE Les pharmaciens sont en première ligne dans la lutte pour la santé mentale en Australie, mais ils sont souvent négligés.

Les pharmaciens sont en première ligne dans la lutte pour la santé mentale en Australie, mais ils sont souvent négligés. "Pharmacists are on the frontline of Australia's mental health battle, but they're often overlooked Par Bridget Judd
Publié 21/04/2021 https://www.abc.net.*
Claire O'Reilly (à gauche) et Sarira El-Den forment la prochaine génération de pharmaciens à mieux répondre aux personnes qui vivent une crise de santé mentale. (ABC Nouvelles: Brendan Esposito)


Presque anodine dans sa formulation, la question du client arrêta Claire O'Reilly dans son élan.

"De combien de ceux-ci ai-je besoin pour me suicider?" demanda la femme de l'autre côté du comptoir.

Pour les pharmaciens australiens de proximité ou de détail, aborder les sujets délicats fait partie intégrante du port de la blouse blanche. Gardiens des médicaments et visage familier de ceux qui naviguent dans le système de santé mentale, les pharmaciens jouent un rôle unique - bien que souvent négligé - dans la prévention du suicide.

Pourtant, ces 10 mots, prononcés il y a dix ans - si complexes dans leur simplicité - ont pris O'Reilly au dépourvu.
O'Reilly dit que les preuves montrent qu'une chose ne réglera pas tout en matière de prévention du suicide. (ABC Nouvelles: Brendan Esposito)

Devant elle se tenait un patient à la recherche de plus qu'une simple solution médicale.

"C'est une chose très difficile à entendre", dit Mme O'Reilly.

"La plupart du temps, vous ne savez pas vraiment quoi dire en réponse à cela."

L'expérience d'O'Reilly est loin d'être une anomalie.

Dans une enquête menée auprès de pharmaciens communautaires en Australie et au Canada, 85 % des personnes interrogées ont déclaré avoir eu affaire au moins une fois à une personne qu'elles pensaient être à risque de suicide, tandis que 66 % ont affirmé qu'un patient leur avait volontairement fait part de ses pensées suicidaires.

Alors que le secteur de la santé mentale reconnaît de plus en plus l' importance d'une approche pangouvernementale , ces expériences poussent au changement - non seulement parmi les pharmaciens, mais dans leur implication dans l'approche plus large de la prévention du suicide en Australie.

Et tout commence avant que les pharmaciens ne mettent les pieds derrière le comptoir.
Dans une enquête auprès des pharmaciens d'officine, 85 pour cent des répondants ont déclaré avoir eu au moins une fois une interaction avec une personne qu'ils pensaient à risque de suicide. (ABC Nouvelles: Brendan Esposito)

«Aurais-je pu dire quelque chose de différent?

Poussés par leurs expériences dans les pharmacies, O'Reilly - maintenant maître de conférences à l'Université de Sydney - et sa collègue, Sarira El-Den, forment la prochaine génération de pharmaciens à mieux répondre à ceux qui vivent une crise de santé mentale.

Et tout commence par les premiers soins en santé mentale.
Poussées par leurs propres expériences, Claire O'Reilly et Sarira El-Den souhaitent que les pharmaciens soient prêts et capables de répondre à ceux qui vivent une crise de santé mentale. (ABC Nouvelles: Brendan Esposito)

"Malheureusement, il y aura des situations qui échappent à notre contrôle", dit El-Den. "Mais tant que nous sommes ici, c'est un pas dans la bonne direction."

Conçu pour enseigner aux étudiants comment aider les adultes ayant un problème de santé mentale jusqu'à ce qu'une aide professionnelle appropriée soit reçue ou que la crise se résout, ceux qui passent par l'école de pharmacie de l'Université de Sydney doivent suivre une «formation de gardien» dans le cadre de leur diplôme.

Pour certains, le concept peut sembler une évidence. Mais contrairement à la formation en premiers soins physiques, les premiers soins en santé mentale ne sont pas nécessaires pour devenir pharmacien agréé.

«Si quelqu'un s'effondre et subit ce qui ressemble à une urgence physique, ou si quelqu'un entre avec le bras cassé ou coupé, nous savons quoi faire», dit El-Den.

«Mais je pense que pour les situations de santé mentale, nous nous remettons souvent en question.

"Nous ne savons pas ce qui est exactement approprié, nous ne savons pas quand devrions-nous appeler l'ambulance et quand devrions-nous simplement fournir un soutien."

C'est une situation difficile reflétée dans les données.

Alors que l'enquête auprès des pharmaciens australiens et canadiens a révélé que la majorité avait eu affaire à un patient révélant des pensées suicidaires, 60 pour cent se sentaient «mal à l'aise à très mal à l'aise» à propos de leur implication après la situation.

Des obstacles tels que le manque de formation ont influencé la préparation des pharmaciens à aider directement quelqu'un dans une crise suicidaire, a révélé l'étude, soulignant le besoin de «formation des gardiens et des stratégies de prévention du suicide pour les pharmaciens communautaires».

Ce devrait être une «qualification de base» pour les pharmaciens, fait écho O'Reilly, qui a co-écrit l'étude, et croit que le secteur bénéficierait d'une plus grande implication dans la politique de santé mentale.

"Beaucoup de données relatives aux stratégies de prévention du suicide montrent qu'une seule chose ne va pas tout régler", dit-elle. "Il faut qu'il y ait plusieurs facettes".
Tout le monde a un rôle à jouer

Pour Jennifer Stuber, c'est un dilemme douloureusement familier.

Professeur associée à l'école de travail social de l'université de Washington à Seattle, elle n'est pas étrangère aux gouffres du système de santé mentale. Mais elle n'avait jamais prévu que le système laisserait tomber sa famille.

En 2010, en proie à la dépression, son mari Matt Adler avait atteint un point de crise et avait demandé l'aide d'un psychiatre.

Mais quand il leur a dit qu'il envisageait de se suicider, ils ont été incapables de le soigner.

«L'un des aspects clés de l'histoire de Matt est que le prestataire ne connaissait pas vraiment quelles étaient les meilleures pratiques en matière de soins de prévention du suicide», dit Stuber.

"Plus nous faisions de recherches pour savoir quelles étaient les exigences en matière de formation [pour les professionnels de la santé], plus nous nous rendions compte qu'il y avait d'énormes lacunes.

"Et cela commence lorsque les étudiants sont formés à ces métiers."

En février 2011, Matt Adler a perdu son combat contre la dépression. Mais face à la tragédie, Stuber a transformé le chagrin en action.

Ce qui a suivi était la loi de 2012 sur l'évaluation, le traitement et la gestion du suicide de Matt Adler .

La législation a fait de Washington le premier État américain à exiger que tous les professionnels de la santé mentale et autres fournisseurs de soins de première ligne reçoivent une formation obligatoire sur l'évaluation, le traitement et la gestion du suicide.
  (Facebook: Prévention du suicide Forefront)

Et "les pharmaciens ont vraiment senti qu'ils devaient jouer un rôle", dit Stuber.

En collaboration avec l'association des pharmaciens de l'État de Washington, ils ont mis au point une formation sur mesure pour que ceux qui se trouvent derrière le comptoir puissent jouer un rôle plus proactif.

Lors d'évaluations successives du programme, les pharmaciens ont fait état d'une amélioration des connaissances, des attitudes et de la confiance dans l'engagement des patients qu'ils pensaient à risque.

«Que vous soyez pharmacien de première ligne ou chiropraticien, ou quel que soit le milieu dans lequel vous vous trouvez, tout le monde a un rôle à jouer», déclare Stuber.
"Parfois, les gens ne se rendent pas compte qu'ils ont affaire à quelqu'un qui souffre de douleurs chroniques ou qui vient d'apprendre qu'il est atteint d'un cancer en phase terminale et qui présente un risque accru de suicide.


Combler le fossé

Aider les personnes en situation de crise n'est qu'une pièce du puzzle.

En Australie, on estime à 9 000 le nombre de décès prématurés chaque année parmi les personnes vivant avec une maladie mentale grave et persistante.

Mais cela est généralement dû à des problèmes de santé courants, comme les maladies cardiovasculaires et respiratoires.

"Nous avons affaire à des personnes qui, bien souvent, prennent déjà des médicaments pour des problèmes de santé mentale, ou qui ont des problèmes ou des médicaments qui présentent un risque élevé d'être associés à un problème de santé mentale", explique Chelsea Felkai, présidente de la branche NSW de la Pharmaceutical Society of Australia.

"Donc, à titre d'exemple, il y a en fait des liens établis entre les problèmes respiratoires et les problèmes cardiaques et la dépression."

En Australie, des essais sont en cours pour remédier à ce type d'inégalités en matière de santé.

Dans le cadre de l' intervention de PharMIbridge - une collaboration entre l'Université Griffith, l'Université de Sydney, la Pharmacy Guild of Australia et la Pharmaceutical Society of Australia - les pharmaciens ont commencé à travailler avec les patients sur une période de six mois pour réduire les problèmes liés aux médicaments et gestion des maladies physiques.

C'est un concept simple, conçu pour combler l'écart d'espérance de vie entre les Australiens vivant avec une maladie mentale et ceux qui n'en ont pas.

Et si son impact n'est pas encore connu, à quelque 16 000 kilomètres de là, une première initiative mondiale pourrait donner de l'espoir.
 
Rapprocher les services de santé

Derrière les comptoirs des pharmacies communautaires de la Nouvelle-Écosse, au Canada, le changement est en marche.

Le programme Bloom , qui a débuté en tant que projet pilote en 2014, est un programme financé par le gouvernement et basé sur une pharmacie communautaire qui aide à améliorer les résultats de santé des personnes ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie.

"[Les gens consultent les pharmaciens] dix fois plus souvent que leur médecin généraliste", explique Andrea Murphy, cocréatrice du programme Bloom et professeure agrégée à la faculté de pharmacie de l'université Dalhousie

Youtube Change Makers - Programme Bloom


"C'est une relation très informelle. Les gens peuvent souvent entrer et dire:" Hé, j'ai une question pour vous "."

Les patients qui adhèrent au programme sont associés à un pharmacien pendant six mois et, ensemble, ils identifient des objectifs ou des domaines prioritaires.

Il peut s'agir de n'importe quoi, de la gestion des symptômes persistants de dépression ou des effets secondaires des médicaments à l'amélioration d'autres conditions physiques qui ont un impact sur leur qualité de vie.

Les pharmaciens sont également encouragés à développer des relations avec les services locaux de santé mentale et de lutte contre les dépendances et à entreprendre des simulations de scénarios et des débriefings avec des experts pour mieux comprendre les expériences des patients.

"Il s'agit de réfléchir à la façon dont vous pouvez soutenir quelqu'un dans votre communauté?" dit Murphy.

"Pouvez-vous l'aider à s'orienter dans les différents services de santé qui existent et l'aider à trouver les soutiens dont il peut avoir besoin sur le moment ?"

Surtout, l'objectif est de briser les silos entre les prestataires de soins de santé afin d'empêcher les gens de passer entre les mailles du filet.

Et c'est une ambition qui se reflète dans les résultats. Lors d'une évaluation du programme, quatre problèmes de médicaments sur cinq ont été entièrement résolus ou améliorés .

"Ils veulent s'assurer que tout le monde travaille ensemble", explique M. Gardner, qui est également professeur associé au College of Pharmacy de l'Université Dalhousie.

"[Ce n'est pas]" nous avons cinq priorités et je ne sais pas si elles fonctionnent avec les priorités que vous avez avec votre médecin ". Nous voulons nous assurer qu'elles sont toutes identiques."

'C'est notre pain et notre beurre'

Le secteur pharmaceutique australien plaide depuis longtemps pour un rôle plus important et plus collaboratif dans l'approche nationale de la prévention du suicide.

Dans sa soumission à la commission de productivité , la Pharmaceutical Society of Australia a formulé cinq recommandations, notamment l'élaboration et la mise en œuvre d'examens réguliers pour les personnes souffrant de troubles mentaux et l'intégration des pharmaciens dans les stratégies de prévention du suicide.

«Si une personne récupère ses médicaments tous les mois, en particulier s'il s'agit de médicaments psychotropes ou d'antidépresseurs, alors nous savons qu'elle est susceptible de les prendre régulièrement", explique Felkai.

"Mais si nous remarquons qu'elle a raté quelques mois et revienne pour l'obtenir, est elle aussi adhérente au traitement qu'elle devraient l'être? Prend-elle ses médicaments comme elle le devrait?"

"C'est notre pain et notre beurre, donc cela nous ouvre la porte pour avoir une conversation avec le patient."

L’Australian Medical Association a déclaré qu’elle soutenait largement les recommandations qu’elle qualifiait de «très sensées».

Tout en avertissant qu'aucun modèle unique ne serait la panacée à la crise du suicide dans le pays, le vice-président national Chris Moy a déclaré que les professions «devraient toujours travailler ensemble dans la mesure du possible».

«Par exemple, je vais recevoir un appel téléphonique d'un pharmacien pour dire« [le patient] ne prend pas d'ordonnance », et c'est vraiment utile, et c'est là que cela devrait fonctionner», a-t-il déclaré.

«Là où cela devient un problème, c'est si le pharmacien prend en charge l'ensemble des soins du patient de manière isolée...… mais je ne pense pas que ce soit ce que suggère cette proposition.»

C'est un sentiment partagé par l'Australian Psychological Society, qui a souligné les possibilités pour tous les points de contact du système de santé mentale de travailler plus en collaboration.

«Les pharmaciens sont des prestataires de soins visibles et accessibles, en particulier dans les zones rurales et éloignées, et jouissent de la confiance de la communauté», a déclaré la présidente Tamara Cavenett.

«Ils devraient être formés de manière appropriée pour identifier les problèmes de santé mentale, orienter les gens vers les services appropriés et réduire la stigmatisation communautaire liée à la maladie mentale.»

"Ne le gardez pas pour vous"

El-Den et O'Reilly sont pragmatiques sur l'état des lieux.

Bien que la formation seule puisse mieux équiper les pharmaciens pour aborder ces sujets délicats, mettre en pratique ces enseignements tirés du papier n'est pas toujours aussi simple.

Dans le but de combler le fossé, le duo amène la pharmacie dans la salle de classe.
Bien que la formation seule puisse mieux équiper les pharmaciens pour aborder ces sujets délicats, mettre en pratique ces enseignements tirés du papier n'est pas toujours aussi simple. (ABC Nouvelles: Brendan Esposito)

En collaboration avec One Door Mental Health - un groupe de défense des personnes vivant avec une maladie mentale - les personnes ayant vécu des expériences font des jeux de rôle avec les élèves pour tester leur état de préparation et faire part de leurs commentaires sur leur réponse.

Ils peuvent être confrontés à un «patient» qui a récemment perdu son emploi et est venu pour remplir une prescription d'antidépresseur, ou à une nouvelle maman souffrant de dépression post-natale qui a commencé à boire tous les soirs.

«Apprendre les compétences dans un cours est formidable, mais c'est vraiment une question de pratique et de pouvoir les utiliser», déclare O'Reilly.

«Et c'est pourquoi nous essayons de leur donner autant de pratique [que possible] dans ce cadre éducatif avant de se lancer dans le monde réel.

"Parce qu'il ne fait aucun doute qu'ils auront une sorte de scénario comme celui-ci dans leur pratique à l'avenir."

Dans son rapport final, publié lundi, la conseillère nationale en prévention du suicide Christine Morgan a présenté une série de recommandations visant à renforcer l'approche nationale de la prévention du suicide.

Notant que "ceux qui connaissent la formation des gardiens de la communauté ont demandé avec passion qu'elle soit plus accessible", le rapport indique qu'il est "vital de renforcer les capacités et les connaissances au sein de la main-d'œuvre et des communautés pour assurer une compréhension commune de la détresse suicidaire et de l'importance d'une approche cohérente et compatissante".

Pour O'Reilly et El-Den, la demande de soutien supplémentaire va de soi.

Les pharmaciens "ont déjà ces conversations, s'occupent des gens et appellent les lignes de crise", dit El-Den.

Mais s'il est courant de se rendre dans une pharmacie pour toute une série de problèmes physiques, dit-elle, "on ne pense pas forcément à nous consulter pour parler de sa santé mentale".

"Et je pense que nous devons rendre cela plus visible, en particulier les pharmaciens qui sont formés", dit El-Den.

"Cette visibilité dit aux patients : "Nous sommes des personnes confiantes et désireuses d'avoir ces discussions avec vous, ne gardez pas cela pour vous, venez discuter avec nous"".

https://www.abc.net.au/news/2021-04-22/australia-pharmacists-suicide-prevention-training/100029612










AUSTRALIE Selon un rapport gouvernemental, les possibilités de prévenir le suicide à un stade précoce sont "manquées".

 Selon un rapport gouvernemental, les possibilités de prévenir le suicide à un stade précoce sont "manquées".  d’après article "Chances to prevent suicide early being ‘missed’, says Govt report " https://www.abc.net.au*
Par Maddy King
Mercredi 21 Avril 2021

Il est également crucial de cibler les groupes touchés de manière disproportionnée par le suicide, notamment les jeunes.

Un rapport du gouvernement fédéral a appelé à se concentrer sur l'intervention précoce lorsqu'il s'agit de prévenir le suicide en Australie.

"Nous ratons des occasions d'atteindre plus tôt les personnes en détresse suicidaire et de prévenir l'apparition d'un comportement suicidaire ", indique le rapport, rédigé par la conseillère nationale pour la prévention du suicide, Christine Morgan.

Le rapport est le fruit de 18 mois de travail, d'enquêtes sur les types de réformes nécessaires au niveau politique, auprès des communautés vulnérables et des services de soutien, et d'écoute des personnes ayant une expérience du suicide.

Le rapport note que l'approche actuelle en Australie tend à se concentrer sur le suicide aux points de crise, plutôt que de répondre à une détresse plus précoce.

"Cette approche recentrée n'attend pas que les gens demandent de l'aide. Elle renforce et s'appuie sur les aides actuellement disponibles par le biais des organisations communautaires et des systèmes de santé", indique le rapport.

Au total, les recommandations couvrent huit domaines clés, dont les réponses des gouvernements, la collecte de données, la formation et les services d'un personnel "bienveillant", le ciblage des groupes vulnérables et l'utilisation des connaissances des personnes ayant une expérience vécue.

Certains aspects spécifiques concernent les jeunes, comme la garantie d'un accès précoce aux programmes, aux traitements et au soutien. Les jeunes ont également été identifiés comme l'un des groupes "prioritaires" touchés de manière disproportionnée par le suicide, au même titre que les membres de la communauté LGBTQI+, les Australiens vivant dans les régions et les zones reculées, les personnes issues de milieux culturels différents, les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres.

Parmi les autres recommandations spécifiques, citons la création d'un Bureau national de prévention du suicide, la mise en place de services de suivi pour toute personne ayant tenté de se suicider ou se trouvant en situation de crise, et l'apport d'un soutien opportun et compatissant aux familles, aux amis, aux soignants et aux communautés touchées.

Réaction mitigée au rapport, questions sur le financement

L'organisation de recherche sur la santé mentale, le Black Dog Institute, a salué le rapport et a déclaré qu'il identifiait un certain nombre de domaines clés pour des changements significatifs.

Le professeur Helen Christen, directrice et scientifique en chef de l'institut, a déclaré qu'elle soutenait l'accent mis par le rapport sur l'intervention et la prévention précoces, sa recommandation de passer à une approche "pangouvernementale" pour la prévention du suicide, et la reconnaissance de l'importance de la qualité des données.

"Une approche coordonnée à l'échelle nationale de la collecte de données est nécessaire - une approche qui va au-delà de la surveillance des décès par suicide et qui inclut la détresse suicidaire, les tentatives de suicide et les données sur les principaux facteurs de risque associés à la suicidalité", a-t-elle déclaré.

L'institut a noté que des "investissements importants" seraient encore nécessaires pour apporter ces changements.

D'autres experts se sont montrés prudents dans leur réponse, soulevant des questions sur le financement et les délais de mise en œuvre des recommandations.

Le professeur Ian Hickie, du Brain and Mind Centre de l'université de Sydney, était l'un d'eux.

"C'est un rapport professionnel et bien conçu qui ne fait que répéter ce que d'autres enquêtes et rapports ont conclu à de nombreuses reprises", a-t-il déclaré au Guardian.

Il a souhaité que l'on se concentre davantage sur la qualité des soins, et pas seulement sur la sensibilisation et l'accès. Et en ne modélisant pas le montant nécessaire pour remédier aux problèmes, il pense qu'il y a un risque que le gouvernement choisisse de financer seulement quelques recommandations à petite échelle, avec peu d'impact.

"Ce dont nous avons besoin, ce sont des recommandations pour des initiatives stratégiques plus importantes et ciblées, plutôt que d'essayer d'être inclusif et de tout changer d'un coup."


https://www.abc.net.au/triplej/programs/hack/suicide-prevention-final-report-early-intervention/13311588

Le cabinet de réflexions d'Infosuicide.org : suicide assisté, euthanasie, fin de vie, mort volontaire et prévention du suicide

Le cabinet de réflexions d'Infosuicide.org
La rubrique " Le cabinet de réflexions d'Infosuicide.org " : c'est un dossier sur un sujet spécifique avec ses actualités, débats, articles,tribunes, points de vue, etc. qui nous questionnent et nous interpellent...
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 «La pratique de l’euthanasie sous l’œil des chercheurs». La chronique d’Anaïs Maréchal

Anaïs Maréchal 21 Avril 2021 https://www.lopinion.fr/*

L’aide à mourir alimente une controverse, même dans les pays l’ayant dépénalisée, soulignant la difficulté à poser un cadre législatif. En médecine, santé publique ou encore sociologie, des travaux scientifiques éclairent les enjeux et pratiques de la mort assistée
 
Début avril, les députés débattaient d’une proposition de loi pour « le droit à une fin de vie libre et choisie ». Non adoptée, elle s’inscrit dans une longue liste de propositions visant à dépénaliser l’aide à mourir, c’est-à-dire l’euthanasie et le suicide assisté. Aujourd’hui dans le monde, plus de 200 millions de personnes peuvent y recourir. Mais le débat ne s’éteint pas, même dans les pays ayant dépénalisé la pratique. Si le cadre légal est entre les mains des politiques, la communauté scientifique (médecins, sociologues...) cherche à apporter des éclairages factuels.

Dans un contexte législatif similaire – où l’aide active à mourir est dépénalisée – les pratiques observées sont variables. Par exemple, elle est sensiblement plus répandue chez les hommes que chez les femmes en Belgique et aux Pays-Bas, contrairement à la Suisse. Et si 79 % des Néerlandais décident de mourir à domicile, seuls un tiers des patients suisses font le même choix. Concernant les motivations, la douleur n’est pas la principale raison évoquée, mais plus souvent la perte d’autonomie, de dignité et de qualité de vie.

En France, plusieurs études épidémiologiques se sont penchées sur les demandes d’aide à mourir, notamment dans les unités de soins palliatifs. « Elles témoignent d’un désir d’être acteur de sa propre fin de vie. Ces requêtes perdurent, même avec les soins palliatifs », détaille Régis Aubry, enseignant-chercheur en médecine palliative et président de la plateforme nationale de recherche sur la fin de vie. Créée en 2018, cette plateforme fédère les acteurs de la recherche française. « L’un des objectifs est d’éclairer le débat, souvent peu argumenté », explique Régis Aubry.

Tabou. Mais caractériser les enjeux et les pratiques est complexe. « Il existe très peu de travaux transdisciplinaires et il y a un vide en médecine où ce sujet est tabou », constate Régis Aubry. La multiplication des approches est pourtant fondamentale et peut éclairer les soignants. « Une demande de mort peut revêtir une multitude de significations : certains l’analysent comme une souffrance psychique ou physique non soulagée, d’autres y voient l’expression de la souveraineté d’une personne qui doit être respectée », illustrent Cherry Schrecker et Frédéric Balard, respectivement sociologues aux universités de Lorraine et Grenoble-Alpes.

Difficile également de s’affranchir des biais inhérents à la recherche. « La majorité des travaux s’intéresse aux unités de soins palliatifs, souligne Laurena Toupet, doctorante en sociologie à l’Université de Lorraine. C’est un environnement important à étudier, mais il en faut d’autres car les contextes de fin de vie sont multiples : à domicile, en Ehpad… » Autre obstacle : l’opinion des chercheurs. « Derrière les articles scientifiques, il peut y avoir des formes plus ou moins conscientes de militantisme ou d’idéologie, rapportent Frédéric Balard et Cherry Schrecker. Notre rôle n’est pas de trancher la question du droit à la mort assistée mais de montrer les difficultés pratiques derrière les lois. »

La communauté scientifique s’accorde sur la nécessité de plus investir le sujet. Dans un éditorial, deux chercheurs pointent des axes de recherche à privilégier, comme la compréhension du processus de décision ou de la fréquence et des caractéristiques des décès assistés. Il ne faut cependant pas en attendre une réponse législative toute prête, conclut Frédéric Balard : « Il y a un écart entre les valeurs et pratiques que nous analysons, et l’application de la demande de mort assistée qui relève, elle, de la politique. »
https://www.lopinion.fr/edition/politique/pratique-l-euthanasie-l-oeil-chercheurs-chronique-d-anais-marechal-242194

 ***

TRIBUNE S’ils savaient la réalité des suicides
Tous ceux qui plaident pour les soins palliatifs tranquillement assis dans leur fauteuil ignorent ce qu’est une mort par suicide lorsqu’elle n’est pas accompagnée dans des conditions correctes. Sans quoi ils rejoindraient les partisans du suicide assisté dans un même élan d’humanité.
par François Michaud-Nérard, membre du Conseil national des opérations funéraires, ancien directeur général de la SEM des Services funéraires-ville de Paris
publié le 13 avril 2021 à 16h09

Les adversaires résolus de toute forme d’assistance à la fin de vie et a fortiori d’acte pouvant provoquer la mort mettent en avant l’euthanasie, faisant référence aux pratiques de l’Allemagne nazie. Ils décrédibilisent ainsi par avance toute proposition de ceux qui promeuvent des solutions pour mourir dans la dignité.

Inversement, les militants de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) promeuvent un droit absolu lié à une volonté individuelle. Ils réclament de pouvoir mourir en reportant sur un support médical cette responsabilité plutôt que de les laisser mourir.

Faute de connaître la réalité de ce qu’est le moment de la mort, surtout par suicide, les personnes qui débattent de la fin de vie et du suicide assisté racontent parfois des horreurs.
«Ils ont le droit de se suicider»

J’ai bondi dernièrement en entendant une journaliste, dans une émission du soir sur LCI, réduire la proposition de loi du député Falorni – proposition de loi numéro 3 755 visant à affirmer le libre choix de la fin de vie et à assurer un accès universel aux soins palliatifs en France – à de l’euthanasie. Son principal argument fut de déclarer qu’après tout, si les gens veulent en finir, ils ont le droit de se suicider, ce qui n’est pas interdit en France.

Pour avoir dirigé pendant plus de vingt ans les services funéraires de la ville de Paris, la société municipale qui a notamment en charge de relever, sur réquisition de police, les cadavres des personnes décédées de mort violente, je voudrais expliquer à cette journaliste, et à tous ceux qui débattent de ce sujet tranquillement assis dans leur fauteuil, ce qu’est une mort par suicide lorsqu’elle n’est pas assistée dans des conditions correctes.

Les personnels funéraires sont en première ligne pour toucher de près ce que sont les suicides violents. Les défenestrés qui s’explosent sur le trottoir au petit matin, à l’heure où les enfants partent à l’école. Les pendus que leurs proches retrouvent dans le grenier. Les suicidés par arme à feu, dont la moitié du visage a été emportée par le tir. Les noyés, que les passants vont retrouver au bord d’un canal.

Et ne croyons pas que les suicides par des médicaments accessibles au grand public soient plus anodins. Le médicament le plus utilisé pour les suicides dans les pays du nord de l’Europe, le paracétamol, détruit le foie et provoque une longue agonie.
Acte désespéré

Non, contrairement à ce que croit cette journaliste, se suicider n’est pas facile. Ce n’est pas une liberté, c’est l’acte désespéré de celui ou celle que personne ne veut entendre avec compassion. Il est extrêmement difficile de se suicider sans imposer à ses proches, ses voisins, les passants, aux policiers qui vont constater le décès, aux opérateurs funéraires qui vont relever et transporter les corps, des visions horribles.

Il est indigne et inhumain, dans un pays «civilisé», de laisser les personnes désespérées en arriver à ces extrémités. Il existe bien chez nos voisins des solutions plus dignes. Mais ce sont des solutions réservées aux plus riches et aux plus agiles intellectuellement.

Alors réfléchissons de façon humaine à cette fin de vie que la pandémie met en avant. Bien sûr, il faut développer les soins palliatifs. Que de nombreux départements en France ne disposent pas de centres adaptés est un scandale. La priorité est l’accompagnement de nos concitoyens pour qu’ils puissent achever leur vie dans ce cadre humain formidable qu’est le système de soin palliatif.

Mais il y a également des cas où les souffrances ne peuvent être réduites. Parce que la douleur ne peut être traitée, parce que la dignité de la personne en fin de vie ne peut être assurée du fait de la déliquescence du corps, parce que l’agonie sera inévitablement abominable lorsque, par exemple, les muscles respiratoires défaillent jusqu’à provoquer l’étouffement. Dans ces cas-là, il est de notre devoir de permettre aux personnes placées devant cette échéance inéluctable d’abréger une vie qui n’a plus de sens.
Un vrai débat parlementaire

Paulette Guinchard nous a laissé de Suisse un testament important que nous a transmis son compagnon. C’est elle-même qui a déclenché le dispositif qui a mis fin à sa vie. Une vie qui devenait intenable, avec ses muscles qui l’avaient lâchée depuis longtemps pour sa mobilité, son élocution, et qui défaillaient jusqu’à l’empêcher même de respirer. Elle a été accompagnée, elle a choisi, elle a pu agir, elle a été digne et fidèle à une vie d’engagement pour les autres.

Je suis sûr que, s’ils savaient la réalité des suicides dans la «vraie vie», les partisans des soins palliatifs rejoindraient les partisans du suicide assisté dans un même élan d’humanité.

Quant à l’euthanasie qui, ne nous voilons pas la face, pose des questions éthiques fondamentales, discutons-en de façon apaisée. Il est urgent de débattre du sujet de la fin de vie au travers d’un vrai débat parlementaire, après consultation du Comité consultatif national d’éthique et après des auditions parlementaires approfondies. Cela permettra d’éviter des débats bâclés, des interventions abruptes et simplificatrices sur les plateaux de télévision.

Notre fin de vie, notre humanité méritent mieux.
François Michaud-Nérard a notamment signé la Révolution de la mort (Vuibert, 2007), une Révolution rituelle, accompagner la crémation (l’Atelier, 2012) et Les cimetières, que vont-ils devenir ? (Hermann, 2019).

https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/sils-savaient-la-realite-des-suicides-20210413_KTQIATE5QJGXXONIWWKIS2ZY7I/



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Euthanasie : l'inspirateur d' "intouchables" est contre
Article paru dans Le télégramme le 12 avril 2021, signalé sur association-entractes.blogspot.com*





*https://association-entractes.blogspot.com/

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A Puteaux, les soins palliatifs se veulent « un vivoir », pas un « mouroir »

Béatrice Jérôme, Lemonde.fr, 9/04/2021

L’unité du centre hospitalier Rives-de-Seine soulage la douleur des malades en fin de vie. Les soignants s’assurent aussi et surtout qu’en dépit de la maladie, les patients aient la meilleure vie possible.

« Alors monsieur G., c’est fini ! » : la docteure Nathalie de Soultrait s’avance lentement et d’une voix douce s’adresse au défunt : « Monsieur G., on va vous enlever votre pacemaker. » Elle fait le tour du lit, s’approche et répète : « Monsieur G. On va vous enlever votre pacemaker. » La chambre plongée dans la pénombre est décorée d’une orchidée blanche et d’un bromélia rouge. Elle sort. La porte restera entrouverte. Le corps ne sera pas soustrait au regard des visiteurs ou des patients qui passent dans le couloir. Ils verront son visage apaisé à la lueur d’une bougie blanche.

La mort n’est pas cachée à l’unité de soins palliatifs du centre hospitalier Rives-de-Seine à Puteaux (Hauts-de-Seine). « On ne la combat pas. On ne la fuit pas non plus. On la considère comme un processus naturel qui fait partie de la vie », confie Ségolène Perruchio, chef de ce service de douze lits où 250 patients entrent chaque année et dont seul un sur cinq ressort vivant. Deux cents y meurent, soit deux décès tous les trois jours.

Ici, l’ennemie n’est pas la mort mais la douleur. Atteints d’un cancer en phase terminale, d’une maladie incurable, bien des patients requièrent des doses de morphine qui feraient frémir la plupart des services hospitaliers. Malgré l’arsenal de stupéfiants à sa disposition, chaque soignant du service a entendu une fois au moins dans la bouche d’un patient : « Je veux que vous m’aidiez à partir. » « La demande est formulée, observe Marie Simian, psychologue au sein de l’unité. Mais, pour l’immense majorité des patients, elle disparaît dès que la douleur s’apaise. »

Etienne Prache, bénévole aux Petits Frères des pauvres, recueille depuis vingt ans les confidences des patients du lieu : « S’il n’y a plus de souffrance physique, la demande d’euthanasie s’arrête », confirme ce publicitaire à la retraite. « Vous savez que l’unité est un cinq-étoiles des soins palliatifs, s’exclame-t-il. Ici, les malades sont cocoonnés, choyés, entourés. Ils se sentent en sécurité. Dès lors qu’ils n’ont plus mal, ils deviennent comme vous et moi, et même joyeux parfois ! »

Souffrance psychique

Ségolène Perruchio reconnaît qu’« une infime minorité persistent à demander l’euthanasie ». Le plus souvent, ce sont des patients qui ne supportent pas l’idée de la déchéance de leur corps. Certains souffrent de la maladie de Charcot, d’autres de cancers. « Mais dès qu’on leur dit qu’on ne va pas les tuer, que la loi l’interdit, notre réponse provoque paradoxalement un regain d’envie de vivre chez certains », observe-t-elle.

Se fondant sur ces expériences, Edith De Sa Moreira, médecin à l’unité de soins palliatifs, récuse l’idée que « beaucoup de personnes en fin de vie voudraient être endormies pour ne pas avoir à supporter la mort. Ce n’est pas une réalité à partir du moment où on est disponibles et où on les accompagne ». Toute loi qui créerait le droit au « suicide assisté » supprimerait, soutient-elle, « l’espace qui existe aujourd’hui pour permettre au médecin d’aider le patient à surmonter la peur de mourir, crainte inhérente à toute fin de vie ».

« L’objectif n’est pas que les patients vivent le plus longtemps possible, mais que leur vie soit la meilleure possible », Séglène Perruchio, chef de service

La « sédation profonde et continue jusqu’au décès », autorisée par la loi Claeys-Leonetti de 2016 est-elle davantage demandée ? Pas plus que « deux fois par an », révèle Mme Perruchio. « On ne laisse pas les gens arriver au stade où ils la demandent. On a le plus souvent les moyens de les soulager avec des antalgiques ou des sédations proportionnées pour leur permettre de se réveiller en étant plus confortables. »

Si « l’envie d’en finir » est indexée sur la douleur physique, reste la souffrance psychique. Comment « raccrocher à la vie des gens qui sont morts dans leur tête avant d’être morts dans leur corps ? C’est là notre grand challenge », reconnaît la chef de service. « L’objectif n’est pas que les patients vivent le plus longtemps possible, précise-t-elle, mais que leur vie, malgré la maladie, soit la meilleure possible. » A Puteaux, le défi se relève de plusieurs façons.

D’abord, il y a le décor des lieux : la teinte taupe des portes des chambres, les chambranles framboise, les fauteuils club en cuir du salon des familles font qu’une fois franchi le seuil la déréliction tend à disparaître. Chaque mercredi, l’odeur du clafoutis ou de la tarte aux pommes contribue aussi à chasser toute idée morbide.

« Non-réponses »

Dans la cuisine, ce 31 mars, une patiente a posé ses cannes de marche pour éplucher les fruits. La fille d’un autre patient prépare un gâteau surprise. Monsieur M. a pris son déambulateur pour aller jeter un œil à l’atelier pâtisserie. « J’en ai fait des hôpitaux, soupire ce Nanterrien. Jamais je n’ai vu une telle disponibilité, une telle gentillesse. Il y a chez les soignants une humanité impressionnante. Cela a forcément un impact positif sur mon état. »

La tarte aux pommes encore chaude circule de chambre en chambre. Les assiettes sur le chariot sont en porcelaine. « On mange avec les yeux », sourit Malika Ourdi, agent des services hospitaliers. A l’office, elle montre fièrement les plats, verres, ramequins qui permettent de dresser le couvert des patients « comme à la maison ». Chacun déjeune ou dîne à l’heure de son choix. Les repas sont à la carte.

« Ici, on n’accueille pas des malades mais des personnes », insiste Nathalie de Soultrait. « Les gens se rendent compte au bout de quelque temps que l’unité de soins palliatifs n’est pas un mouroir mais au contraire un “vivoir”, presque un endroit gai… » , sourit Mme Perruchio. « Parmi tous les services où j’ai travaillé, assure Juliette Isla, psychomotricienne, l’unité de soins palliatifs de Puteaux est celui où j’ai ressenti le plus de vie. Dans la plupart des services, la mort n’existe pas, du coup, il n’y a pas de vie. Ici, la mort est présente, du coup, il y a de la vie aussi. »

Ce mercredi 31 mars, après sa tournée des chambres, Marie Simian prend le temps d’une pause avec quelques soignants dans le petit local autour d’un café. « En soins palliatifs, confie la psychologue, on est confrontés aux pires angoisses d’abandon, de solitude, de déliaison. On est face à l’impensable, à la catastrophe qui peut survenir à tout instant. Face à cela, on est souvent dans des non-réponses. L’objectif n’est pas de trouver la meilleure solution, c’est d’appliquer la moins mauvaise. » Pour y parvenir, « on se réunit beaucoup, on discute entre nous. On réfléchit tout le temps ».

Travail en binôme

Vendredi 2 avril, la pendule indique 9 heures dans la salle de soins, l’heure des transmissions. Douze blouses blanches font le bilan de la veille et de la nuit, préparent les admissions. Monsieur F., 69 ans, est attendu en fin de matinée. Il arrive sur un brancard. Mme de Soultrait l’accompagne dans sa chambre. « Je vais défaillir », dit soudain le nouvel arrivant, 48 kilos pour 1,72 mètre, avant de demander un jus d’orange ou de pomme avec une paille. Dans l’unité, les pailles sont proscrites pour éviter les fausses routes, mais que faire si cela rassure ce patient ? Avec une aide-soignante, Caroline Sanpaio, l’infirmière, fabrique pour lui une paille avec un tube de plastique. « D’habitude, nous sommes toujours deux ou trois pour accueillir les patients », glisse Mme de Soultrait.

« Dans la plupart des services, la mort n’existe pas, du coup, il n’y a pas de vie. Ici, la mort est présente, du coup, il y a de la vie », Juliette Isla, psychomotricienne

Accueil, toilette, soins : chaque acte s’accomplit en « binôme » pour « croiser les regards » entre différents corps de métier. « Quand elles sont deux, elles arrivent aussi à rire. Quand elles sont seules, c’est plus difficile », observe Françoise Philippe, l’autre bénévole au sein de l’unité de soins palliatifs.

Noémie, une infirmière, s’est aperçue que chanter Dalida et Céline Dion avec une patiente rendait sa toilette plus facile à réaliser. Grâce à l’hypnose, la médecin Mélanie Monribot aide les infirmières à manipuler des patients « douloureux ». Masser les corps pour qu’ils retrouvent des sensations est un art que pratique Juliette Isla, la psychomotricienne.

Le travail en binôme implique près de deux fois plus de personnels que dans un service de gériatrie aiguë : l’unité de soins palliatifs de Puteaux compte une aide-soignante et une infirmière pour six patients. Un encadrement qui a un coût et qui explique le faible nombre de ces services spécialisés en France. Le pays compte 164 unités de soins palliatifs pour un total de 1880 lits. Pourtant, bien des services gagneraient à s’inspirer de la « culture des soins palliatifs », estime la chef de service, Ségolène Perruchio, qui intervient à la tête d’une antenne mobile au sein des hôpitaux alentour.

Un immense sourire

Outre le travail en binôme, les soins palliatifs consistent à « écouter ». « On pose le moins de questions possible aux malades. En revanche, on prend le temps de s’asseoir avec eux et avec leur famille », résume la médecin.

A 15 h 30 ce vendredi, Sonia B. et sa fille Laura ont rendez-vous avec Mélanie Monribot et Marie Simian. Lorsqu’elle retrace les étapes de la maladie de son mari, jusqu’à son arrivée dans le service, Sonia laisse couler ses larmes. « On est là pour s’occuper de votre mari et de ton papa, dit d’une voix posée Mme Monribot, pour lui apporter ce qu’il faut pour le soulager. Et vous permettre de passer du temps avec lui. »

Après cet entretien, Laura échange un « check » avec son père. « De quoi as-tu besoin ? », demande Sonia à son mari, 74 ans, ex-chanteur et grand amateur de rock. « Tu veux que je ramène ta guitare ? » « Non », répond-il d’un air triste. La conversation roule pourtant sur la musique. Marie Simian quitte alors la chambre. La psychologue revient avec sa propre guitare basse. Elle pose l’instrument sur le lit. Il caresse les cordes de l’instrument. Son visage s’illumine d’un immense sourire. Celui que Marie Simian guettait depuis son arrivée dans le service.

La journée s’achève. Ce jour-là, l’équipe n’a pas réussi à organiser un « temps bonsaï », cette réunion hebdomadaire qui permet aux soignants de parler des patients décédés, de faire le deuil. « Ici, glisse Marie Simian, on est dans l’éphémère. Quand on rentre le soir chez nous, on ne sait pas qui on va retrouver le lendemain. » Le bonsaï est symbole d’éternité pour les Japonais. Il est l’arbre que le service a pour habitude de placer dans la chambre de chaque défunt. Cet article est paru dans Le Monde (site web)

https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/04/09/a-puteaux-les-soins-palliatifs-se-veulent-un-vivoir-pas-un-mouroir_6076145_3224.html

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'actualité en France

Euthanasie : "C’est la possibilité de quitter la vie qui nous fait l’aimer"


Instruments pour se suicider à Liestal en Suisse, où le scientifique australien David Goodall, 104 ans, a mis fin à ses jours le 10 mai 2018 en s'injectant du pentobarbitol.
(Photo AP / Philipp Jenne)

07 avr 2021
Mise à jour 07.04.2021 par
Oumy Diallo


Le 8 avril, une proposition de loi pour “donner le droit à une fin de vie libre et choisie” aux personnes souffrant d’une pathologie incurable, sera débattue à l’Assemblée nationale. Pour le philosophe François Galichet, militant du droit à la “mort délibérée”, la crise sanitaire nous rappelle que si nous n’avons qu’une vie et qu’il faut en profiter, nous n’avons aussi qu’une mort et il faut la préparer.


Quelle est la différence entre l’euthanasie active et le suicide médicalement assisté ? Qu’en est-il du projet de loi pour “donner le droit à une fin de vie libre et choisie” ?


Membre de l’association Ultime Liberté, François Galichet a été mis en examen en mars 2021, soupçonné d'avoir aidé des personnes à se procurer du Pentobarbital (interdit en France), pour mettre fin à leurs jours.
DRFP / Odile Jacob

François Galichet, philosophe : L’euthanasie c’est quand une personne, généralement un médecin, donne la mort à une autre personne volontaire, bien évidemment. La personne peut être inconsciente au moment de la piqûre létale, mais a donné son accord quand elle était lucide. Lors du suicide assisté, la personne est consciente et c’est elle-même qui se donne la mort par voie orale ou en appuyant sur un bouton qui déclenche une perfusion. Jusqu’au bout, la personne est libre d’accomplir le geste ou non. Le projet de loi présenté ce jeudi concerne uniquement l’euthanasie.

N’est-ce pas une responsabilité trop lourde à faire porter aux médecins ?

François Galichet : C’est vrai… Les médecins opposés à l’euthanasie évoquent le serment d’Hippocrate à la base de la déontologie médicale ("Tu ne tueras pas". "Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion", Ndlr). Mais dans ce même serment le respect de la volonté du malade est aussi très important.

Beaucoup de médecins estiment que cela fait partie de leur devoir d’aider le patient jusqu’au bout, quand il n’y a plus d’espoir et que la fin de vie est certaine. Quoi qu’il en soit, la proposition de loi prévoit une clause de conscience qui permet à tous médecins opposés à un geste létal de se récuser.

Les défenseurs de l’euthanasie mettent en avant la “dignité” du malade. Qu’est-ce que la dignité ?

François Galichet : Pour mon dernier livre, Qu’est-ce qu’une vie accomplie ?, paru chez Odile Jacob, j’ai mené une enquête auprès d’une cinquantaine de personnes qui avaient pu se procurer de manière illégale du pentobarbital (puissant somnifère et anesthésiant interdit en France et utilisé dans le cadre du suicide assisté, Ndlr), non pas pour l’utiliser tout de suite mais pour avoir la certitude de pouvoir quitter la vie le moment venu si c’était nécessaire.

Certains craignent d‘être accablés par une douleur atroce, d’autres de devenir dépendants et de ne plus pouvoir accomplir les gestes élémentaires comme manger, d’aller aux toilettes ou de se laver seuls. La peur d’être une charge pour l’entourage, généralement les enfants, revient beaucoup.

En 2005, la loi Leonetti permettait de prévenir l’acharnement thérapeutique et en 2016 s’y est ajouté le droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès du patient (loi Clayes-Leonetti), appelée euthanasie passive. Pourquoi jugez-vous cela insuffisant ?

François Galichet : Ce dispositif permet d’endormir le patient, de ne plus le nourrir ni de l'hydrater et d’attendre qu’il meurt. Mais a-t-on la preuve qu’il ne ressent rien ? Rien ne prouve que le sommeil prévient les souffrances. D’autre part, cela se pratique à l’hôpital, le patient n’est pas conscient et ne peut pas dire au revoir à ses proches.

Beaucoup de gens que j’ai aidés à partir, de manière clandestine, le font avant d’entrer à l’hôpital précisément pour pouvoir mourir chez eux avec leurs proches et quitter la vie entourés d’affection plutôt qu’entourés de tuyaux dans un état semi-comateux. Il s’agit d’anticiper un état de dégradation irréversible. Dans le cas de la maladie de Charcot par exemple qui mène progressivement à une paralysie totale… Les victimes refusent cette prison et c’est leur droit.

Pourquoi faudrait-il absolument légiférer ? Le suicide est après tout une affaire personnelle...

François Galichet : Rien n’empêche de mettre fin à ses jours mais de façon très violente. Il est normal de donner aux gens qui manifestent une volonté claire, lucide, calme et réfléchie, les moyens de mourir doucement et non de manière brutale en se jetant sous un train ou par la fenêtre. L’Etat doit encadrer, organiser et réguler cet acte. Pour ma part, je n’emploie pas le mot suicide que je trouve trop lié à l’idée de meurtre. Je préfère “mort délibérée” qui contient la notion de volonté et de réflexion, ce n’est pas un geste impulsif.

La Suisse autorise le suicide médicalement assisté et la Belgique a dépénalisé l’euthanasie active en 2002. Comment qualifieriez-vous le débat en France ?

François Galichet : La France est en retard sur nombre de pays européens. Plus récemment, l'Espagne et le Portugal ont légiféré. J’espère que les députés français vont faire un pas dans cette direction. L’aide à mourir doit vérifier que le demandeur ne le fait pas de manière impulsive. La loi doit prévoir des procédures pour permettre à la personne de clarifier sa volonté, de l’affirmer et de la justifier. En Belgique et en Suisse il se passe parfois un mois entre le dépôt de la demande et son acceptation. Cela permet aux accompagnants de vérifier qu’il n’y a pas de manipulations de l’entourage.

(Re)voir : L'Espagne légalise l'euthanasie et le suicide assisté, sous conditions

Comment expliquez-vous que l’interdiction perdure en France ?

François Galichet : Même si selon un sondage Ifop 96% des Français sont favorables à l’euthanasie, il y a deux groupes de pression extrêmement puissants. D’abord le lobby médical. Le gouvernement compte beaucoup de médecins à commencer par le ministre de la Santé Olivier Véran qui considèrent qu’il est trop tôt pour légiférer. Il y a aussi le lobby religieux. Le 5 avril, Monseigneur Aupetit, l’archevêque de Paris était sur France Inter et a pris publiquement position contre toute idée d’aide à mourir.

La mort est-elle tabou en Occident ?

François Galichet : Tout à fait ! Jusqu’au début du XXe siècle on mourait chez soi et la mort était quelque chose de familier qu’on apprenait à apprivoiser. Aujourd’hui, la mort est invisible, cachée dans les hôpitaux ou les Ehpads. Elle fait peur car on ne la voit plus.

Depuis un an, la mort a brutalement ressurgi dans notre quotidien…

François Galichet : La crise sanitaire a mis la mort au centre de nos préoccupations. Nous nous sommes rappelés notre condition de simples mortels. Il faut regarder la mort en face et savoir comment la préparer. Les détracteurs de l’euthanasie active et du suicide assisté défendent le caractère sacré de la vie, mais de quelle vie parlent-ils ? La vie biologique ou la vie humaine ?

En ce moment, au nom de la vie biologique, on impose des mesures extrêmement contraignantes et dommageables à la vie humaine. Comme l’a dit le Christ, l’Homme ne vit pas seulement de pain, mais d’amour, de culture, de joie partagée, de recherche artistique… En fin de vie, la vie biologique peut devenir atroce et c’est au nom de la vie humaine, que l’on peut vouloir partir.


Qu’est-ce que la philosophie dit du suicide ?


François Galichet : Les philosophes sont partagés. Un premier courant affirme que la vie est sacrée et qu’il ne faut y mettre un terme sous aucun prétexte comme Kant, Hegel et Spinoza. De l’autre côté, Sénèque, Montaigne, Rousseau ou même Platon considèrent que cela fait partie de la liberté humaine, comme on choisit ou non de se marier ou d’avoir des enfants. Nietzsche disait “Mourir fièrement quand on ne peut plus vivre fièrement”, j’aime beaucoup cette citation.

Je pourrais vous citer une phrase du philosophe Cioran : “Sans l’idée de suicide, je me serais tué depuis longtemps”, c’est la possibilité de quitter la vie qui nous fait l’aimer. On ne peut aimer qu’une chose qu’on a la liberté de choisir. J’adore les tableaux de Van Gogh mais si on me forçait à les regarder toute la journée, je finirais par les détester… Mais peut-on comparer la vie à un objet, aussi beau soit-il ? On ne choisit pas de naître comme on choisit d’acquérir une œuvre…


François Galichet : Vous avez raison, mais je ne vois pas pourquoi ce serait un argument contre la liberté de mourir. Si on ne choisit pas de naître, qu’on nous laisse au moins la liberté de mourir, puisque celle-ci nous l’avons.


Qu’est-ce qu’une vie accomplie ?, paru chez Odile Jacob en 2020.
https://information.tv5monde.com/info/euthanasie-c-est-la-possibilite-de-quitter-la-vie-qui-nous-fait-l-aimer-403637