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lundi 20 janvier 2025

MàJ Description des personnes écrouées décédées par suicide en France sur la période 2017-2021. Interprétation de données de surveillance par Santé publique France.

Actualités de l'Urgence - APM

15/01/2025 * https://www.sfmu.org*

EN PRISON, LE TAUX ANNUEL DE SUICIDE 10 FOIS PLUS ÉLEVÉ POUR LES HOMMES ET 40 FOIS POUR LES FEMMES

SAINT-MAURICE (Val-de-Marne), 15 janvier 2025 (APMnews) - Le taux annuel des suicides est de 17 pour 10.000 personnes chez les hommes et de 23 pour 10.000 chez les femmes, soit à âge égal respectivement 10 et 40 fois plus élevé qu'en population générale, selon un rapport publié mercredi par Santé publique France (SPF).

Sur la base de ces données de surveillance, l'agence "considère que le taux de mortalité par suicide chez les personnes détenues constitue un point d'attention et met en avant l'importance de renforcer le déploiement des dispositifs de prévention du suicide en milieu carcéral".

Cette synthèse s'appuie sur une étude menée par Alexis Vanhaesebrouck dans le cadre de sa thèse de doctorat en santé publique.

Sur la période 2017-2021, 627 personnes écrouées sont décédées par suicide (par pendaison dans 90% des cas) dont 598 personnes détenues. Ces dernières étaient écrouées dans 144 établissements pénitentiaires différents, soit environ les trois quarts des établissements français.

Le taux de suicide était de 17,5 cas pour 10.000 personnes sur un an pour les personnes détenues, contre 4,8 pour les personnes écrouées non détenues.

Il était deux fois plus élevé pendant la détention provisoire, pendant laquelle sont survenus près de la moitié des cas. Plus des trois quarts des cas sont survenus en maison d'arrêt ou en quartier maison d'arrêt, soit un taux de suicide multiplié par 1,7 par rapport aux autres types d'établissement.

Les données de santé étaient disponibles pour 78% des cas, ces derniers étant représentatifs de l'ensemble des personnes détenues pour toutes les caractéristiques sociodémographiques, pénales et carcérales.

Les comparaisons avec les études menées en population carcérale générale indiquent que les troubles psychiatriques ne seraient pas plus fréquents, voire le seraient moins, en cas de suicide. Cela s'explique probablement par une sous-estimation des troubles psychiatriques dans la présente étude, concernant 64% des personnes.

Il apparaît que 46% des personnes qui se sont suicidées avaient déjà tenté de le faire une ou plusieurs fois, avant ou pendant l'incarcération. La semaine qui a précédé le suicide, un événement marquant a été retrouvé pour 61%, et 60% avaient consulté à l'unité sanitaire. Au moment du suicide, un risque suicidaire avait été repéré par l'administration pénitentiaire pour 44% des cas.

Un suicide sur neuf a eu lieu la première semaine de détention, soit un taux de suicide six fois plus élevé que pour le reste de la détention, et les deux tiers la première année de détention. Le risque suicidaire a tendance à être plus modeste la dernière semaine avant la libération.

De manière surprenante, les personnes décédées par suicide au cours des trois premiers mois présentaient un meilleur état de santé avant et pendant l'incarcération, et notamment par une fréquence moins importante de consommation de substances addictives et de certains troubles psychiatriques, que celles s'étant suicidées après plus de trois mois de détention. Des explorations complémentaires seraient nécessaires.

Globalement, le taux de suicide des personnes détenues a diminué d'environ un tiers au tournant des années 2000 mais il est stable depuis une quinzaine d'années. L'écart avec la population générale se creuse en raison de la diminution du taux de suicide en population générale, observe SPF, rappelant que la France a l'un des taux de suicide en prison les plus élevés du monde.

Cette étude exhaustive à l'échelle nationale est la première sur les suicides des personnes détenues à regrouper des données issues à la fois de l'administration pénitentiaire et des unités sanitaires. Ces résultats ont fait l'objet de retours auprès des parties prenantes, notamment la direction générale de la santé (DGS) et la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) du ministère de la justice.

Des échanges pilotés par la DGS, en lien avec la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), ont par ailleurs eu lieu pour évaluer la faisabilité de l'utilisation du système national des données de santé (SNDS) pour décrire le recours aux soins et la mortalité chez les personnes écrouées, ajoute SPF.

SPF, "Description des personnes écrouées décédées par suicide en France sur la période 2017-2021. Interprétation de données de surveillance par Santé publique France"

Alexis Vanhaesebrouck, "Le suicide des personnes détenues en France. Etat des lieux, facteurs de risque et enjeux pour la prévention", thèse de doctorat

ld/nc/APMnews

https://www.sfmu.org/fr/actualites/actualites-de-l-urgences/en-prison-le-taux-annuel-de-suicide-10-fois-plus-eleve-pour-les-hommes-et-40-fois-pour-les-femmes/new_id/70244

 

INFO +


Suicides en détention : un trouble psychiatrique repéré dans 64% des cas

Le taux annuel de suicide en prison est 10 fois plus élevé pour les hommes et 40 fois plus pour les femmes, selon cette étude de Santé publique France, qui s’attache à en décrire les circonstances. Les risques sont par ailleurs très élevés en début de détention et en quartier disciplinaire.

Les personnes détenues sont identifiées comme une population vulnérable au suicide. Cette étude de Santé publique France vise à décrire les circonstances et caractéristiques de ces actes, afin de dégager des pistes de prévention. Elle porte sur les suicides de personnes écrouées survenus sur la période 2017-2021, en partenariat avec la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP) et les unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP). Elle met en évidence sur la période un taux annuel de suicide de 17 pour 10 000 personnes chez les hommes et de 23 pour 10 000 personnes chez les femmes. Il était ainsi, à âge égal, 10 fois plus élevé pour les hommes et 40 fois plus élevé pour les femmes en prison qu’en population générale.

Concernant les caractéristiques médicales, on relève qu’un trouble psychiatrique a été rapporté pendant la détention pour 64 % des cas, principalement troubles anxieux et dépressifs, et près d’un tiers des personnes concernées n’avait pas d’antécédent psychiatrique connu avant l’incarcération. Des chiffres qui comportent toutefois un biais, puisque ces troubles ont été systématiquement recherchés en détention et non en soins courants avant l’incarcération. Le lien avec les conditions de détention est souligné. Par ailleurs, le suicide avait été précédé d’une ou de plusieurs tentatives de suicide pour 46 % des cas avant ou pendant l’incarcération.

Dans les circonstances du passage à l’acte, l’étude pointe qu’un événement marquant avait été retrouvé au cours de la semaine précédente pour 61 % des personnes et que 60 % avaient consulté à l’unité sanitaire. Au moment du suicide, un risque suicidaire avait été repéré par l’administration pénitentiaire pour 44 % des cas.

Par ailleurs, un suicide sur neuf a eu lieu la première semaine de détention, soit un taux de suicide 6 fois plus élevé que pour le reste de la détention, et les deux tiers la première année de détention. Par rapport aux personnes décédées par suicide après plus de trois mois de détention, les personnes décédées par suicide au cours des trois premiers mois étaient caractérisées par un meilleur état de santé avant et pendant l’incarcération, et notamment par une fréquence moins importante de consommation de substances addictives et de certains troubles psychiatriques.

La concentration des suicides en début de détention témoigne de la rupture avec le milieu libre, mais aussi probablement des événements éprouvants qui ont le plus souvent précédé l’incarcération (arrestation, garde à vue, audience judiciaire). Ce « choc carcéral », qui nécessiterait un accompagnement spécifique, a été pointé également par une étude récente de la Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France (F2RSM Psy), sur l’épreuve psychique que constitue l’entrée en prison.

Par ailleurs, 14 % des suicides ont eu lieu en quartier disciplinaire, dont la moitié dans les premières 24 heures, des tendances confirmées par d’autres études. Les placements au quartier disciplinaire avaient été motivés par des violences contre le personnel pour 41 % des placements parmi les personnes décédées par suicide, contre 15 % parmi l’ensemble de la population carcérale. Plus de 90 % des décès par suicide sont consécutifs à une pendaison

Santé publique France conclut que cette problématique « constitue un point d’attention et met en avant l’importance de renforcer le déploiement des dispositifs de prévention du suicide en milieu carcéral. »

Description des personnes écrouées décédées par suicide en France sur la période 2017-2021. Interprétation de données de surveillance par Santé publique France. Données de surveillance, A. Vanhaesebrouck, Santé publique France, janvier 2025. A télécharger en pdf.

https://www.santementale.fr/2025/01/un-trouble-psychiatrique-repere-pour-64-des-suicides-en-detention/

 

1er post 16/01/25 

mardi 19 mars 2024

ETUDE RECHERCHE Suicide following a conviction, solitary confinement, or transfer in people incarcerated: A comprehensive retrospective cohort study in France, 2017–2020

Suicide following a conviction, solitary confinement, or transfer in people incarcerated: A comprehensive retrospective cohort study in France, 2017–2020
Alexis Vanhaesebrouck, Institut de Recherche Interdisciplinaire sur les enjeux Sociaux - sciences sociales, politique, santé, Hôpital Jean Verdier [AP-HP], Institut Pierre Louis d'Epidémiologie et de Santé Publique
Thomas Fovet, Hôpital Jean Verdier [AP-HP]
Maria Melchior, Institut de Recherche Interdisciplinaire sur les enjeux Sociaux - sciences sociales, politique, santé
Thomas Lefevre, Institut de Recherche Interdisciplinaire sur les enjeux Sociaux - sciences sociales, politique, santé Hôpital Jean Verdier [AP-HP]

Résumé
Introduction Suicide rates are higher in prison than in the general population in most countries. The proximity of some suicides to prison events has only received little attention in comparative studies. The aim of this study was to assess the relationship between suicide and four prison events: conviction, disciplinary solitary confinement, nondisciplinary solitary confinement and inter‐prison transfer, in a national retrospective cohort study of people in prison. Methods All incarcerations in France that occurred during 2017–2020 were eligible. Data were collected from an administrative database of the National Prison Service. Survival bivariate and multivariate analyses were performed with a Cox regression model. Results Of 358,522 incarcerations were included, among which 469,348 events and 449 suicides occurred. In multivariate analysis, suicide risk was higher the first day of disciplinary solitary confinement (HR = 42.1 [21.5–82.7] and HR = 119.0 [71.5–197.9], before and after a government decree on the disciplinary system, respectively. It was higher within 2 weeks after a transfer (HR = 3.5 [2.3–5.2])) or entry in nondisciplinary solitary confinement (HR = 6.7 [3.4–13.3]) and lower within 2 weeks after a conviction (HR = 0.6 [0.4–1.0]). Conclusion Solitary confinement and transfer were found to be precipitating factors of suicide in people who are incarcerated. These results offer interesting perspectives on prevention. 
Alexis Vanhaesebrouck, Thomas Fovet, Maria Melchior, Thomas Lefevre. Suicide following a conviction, solitary confinement, or transfer in people incarcerated: A comprehensive retrospective cohort study in France, 2017–2020. Suicide and Life-Threatening Behavior, 2024, ⟨10.1111/sltb.13064⟩. ⟨hal-04471050v2⟩

vendredi 9 février 2024

rapport d’enquête de l’Observatoire international des prisons : quinze fois plus de risque de suicide en quartier disciplinaire

Prison : quinze fois plus de risque de suicide en quartier disciplinaire

Le rapport d’enquête de l’Observatoire international des prisons, le dénonce sans détours : la machine disciplinaire ne fonctionne en prison « qu’au prix d’atteintes graves et nombreuses aux droits fondamentaux des personnes détenues« . Il préconise « de supprimer le quartier disciplinaire » qui affecte gravement la santé mentale des détenus avec des tentatives de suicide extrêmement fréquentes.

Ce rapport d’enquête de l’Observatoire international des prisons (OIP) intitulé « Au coeur de la prison : la machine disciplinaire » le souligne avec force : « la discipline ne fonctionne qu’au prix d’atteintes graves et nombreuses à la dignité et aux droits fondamentaux des personnes détenues ». Au cœur de la réponse disciplinaire, le placement au quartier disciplinaire « est aussi inhumain que contre-productif – pour ne pas dire destructeur » : mobilier vissé au sol, fenêtres laissant à peine passer la lumière, isolement total, sortie quotidienne d’une heure dans une « cour de promenade » laissant à peine voir le ciel et dénuée de tout équipement, sans compter les nombreux cas de violences et de brimades par des surveillants pénitentiaires.

Il est courant que le séjour au quartier disciplinaire (QD) entraîne des conséquences sur l’état de santé de la personne détenue. Des problèmes somatiques peuvent ainsi apparaître en raison du froid, de l’humidité ou encore de l’insalubrité de la cellule : « On observe des maux de tête, des infections ORL, des maux de ventre. Il s’agit d’un cortège de symptômes classiques, pas trop graves, mais qui témoignent de conditions de détention plus sévères ». Surtout, les effets du QD peuvent être dramatiques pour la santé mentale. De fait, les conditions de vie qui caractérisent le quartier disciplinaire (QD), et en particulier l’isolement, sont hautement suicidogènes. Le risque de mettre fin à ses jours en cellule disciplinaire est quinze fois plus élevé que dans une cellule ordinaire. Les suicides, risques ou menaces suicidaires constituent des alertes régulières reçues par l’OIP en 2022 de la part des personnes détenues, de leurs proches ou d’intervenants en milieu carcéral s’agissant de la détention au QD. Pour autant, les textes n’interdisent pas la mise au QD des personnes susceptibles d’avoir un comportement suicidaire. La circulaire du 8 avril 2019, relative au régime disciplinaire des personnes détenues majeures, recommande seulement de prendre en compte ce risque au moment du placement au QD.

« En 2022, près de la moitié des personnes incarcérées ont fait l’objet de comptes rendus d’incident (CRI) qui ont conduit au prononcé de 69 174 sanctions disciplinaires, dont plus de 100 000 jours de quartier disciplinaire (QD). La durée d’enfermement peut y atteindre 30 jours, « 

Selon le rapport d’enquête, en 2024, la palette des réponses qu’apporte l’administration pénitentiaire à un comportement qu’elle estime problématique « revêt de nombreuses zones d’ombre, aux conséquences dommageables manifestes, où le contradictoire et le droit au recours peinent à être effectifs« . Ce rapport s’efforce de les mettre en lumière et souligne l’urgence à agir pour fonder le quotidien des personnes détenues sur des impératifs non négociables de préservation de la dignité et de respect des droits fondamentaux.

• Rapport d’enquête de l’Observatoire international des prisons (OIP) – section française – : « Au coeur de la prison : la machine disciplinaire », janvier 2024. (PDF)

 

https://www.santementale.fr/2024/02/suicide-risque-quinze-fois-plus-eleve-quartier-disciplinaire-quen-detention-ordinaire/

lundi 17 avril 2023

TOULOUSE Cette équipe accompagne les prisonniers souffrant de troubles psychiatriques sévères lors de leur sortie

 Cette équipe accompagne les prisonniers souffrant de troubles psychiatriques sévères lors de leur sortie

  • L'équipe EMOT de l'hôpital Marchant accompagne les détenus souffrant de troubles psychiatriques dans les semaines qui suivent leur sortie de prison.
    L'équipe EMOT de l'hôpital Marchant accompagne les détenus souffrant de troubles psychiatriques dans les semaines qui suivent leur sortie de prison. DDM - MICHEL VIALA
Publié le

l'essentiel L'hôpital psychiatrique Gérard Marchant, à Toulouse, vient d'inaugurer son unité EMOT. Depuis un an, une équipe mobile accompagne des détenus souffrant de troubles psychiatriques sévères au moment de leur libération. Les semaines qui suivent leur sortie de prison constituent une période critique où les risques de mortalité sont majeurs. 

Après la prison, ses barreaux et ses murs, le vertige. Pour les anciens détenus, la période qui suit la libération est synonyme de grande vulnérabilité, avec un risque plus important de mortalité. Et c'est encore plus vrai lorsqu'ils souffrent d'une maladie psychiatrique. 

"À leur sortie de prison, deux détenus sur trois présentent un trouble psychiatrique. C'est un moment où les risques de suicide, de rechute psychiatrique, d'overdose et de réincarcération augmentent. Les trois mois qui suivent la libération sont critiques, et le premier mois, encore plus. Notre but est d'accompagner ce moment-là, d'amener les patients vers le soin pour éviter les décès, les rechutes et les passages aux urgences", résume le Dr Anne-Hélène Moncany, chef du pôle psychiatrie et conduites addictives en milieu pénitentiaire à l'hôpital Gérard Marchant de Toulouse, à l'origine du projet EMOT (Equipe MObile transitionnelle) qui a également été déployé à Lille. 


"Ne pas les perdre en attendant leur prise en charge"

Lancée en novembre 2021, l'équipe mobile transitionnelle EMOT de Toulouse a accompagné ses premiers patients en mai 2022. Avec une file active de 25 patients, elle a déjà suivi 40 personnes, dont 4 femmes. Les résultats sont encourageants. "À ce jour, nous n'avons pas eu à déplorer de décès, de mise en danger ou d'overdose et seulement un passage aux urgences psychiatriques. Des démarches de sevrage ont même été engagées par certains patients. Quant à ceux qui ne sont plus dans le dispositif EMOT, on sait qu'ils suivent des soins ", déclare le Dr Maxime Védère, médecin responsable de l'EMOT. Le psychiatre témoigne également du retour positif des familles et des patients : "Ils nous appellent beaucoup et disent se sentir perdus sans nous. Les délais d'obtention d'un rendez-vous dans un centre médico-psychologique (CMP) sont longs. Pour ne pas perdre nos patients, nous les accompagnons en attendant leur prise en charge dans les structures de soins". "Réaccueillir quelqu'un qui sort de prison, c'est difficile et ça l'est encore plus quand ces personnes présentent des troubles psychiatriques. Nous sommes là aussi pour guider les proches", ajoute le Dr Anne-Hélène Moncany. 


Schizophrènes, bipolaires, psychotiques

Le dispositif s'adresse aux détenus nouvellement libérés souffrant de troubles psychiatriques sévères (schizophrénie, troubles sévères de la personnalité, troubles psychotiques, bipolarité) et/ou de troubles en lien avec une addiction. Avant leur sortie, pour faire connaissance et être bien identifiée, l'équipe EMOT rencontre les volontaires à la maison d’arrêt de Seysses et au centre de détention de Muret. Si les questions de soins et d'hébergement ont généralement été traitées en amont, la sortie met les anciens détenus face à une grosse problématique sociale. "Il faut rouvrir tous les droits de base (couverture sociale, papiers d'identité) et tout est très compliqué. Or, un patient qui n'a plus de carte vitale ne peut plus aller chercher ses médicaments et se soigner. Le risque de rechute et de récidive est important", souligne le Dr Anne-Hélène Moncany. 


Le dispositif a fait parler de lui jusqu'au Québec

L'équipe EMOT a reçu un financement annuel de 332 000 € au titre du fond d'innovation organisationnelle en psychiatrie. Elle fonctionne, en équivalent temps plein, avec un éducateur spécialisé, une assistante sociale, deux infirmières, un médecin et une secrétaire et rayonne sur un secteur à 1 heure maximum de distance de Toulouse. L'accompagnement est prévu pour deux mois, renouvelables deux fois. "Nous sommes là pour un temps donné et nos patients le savent. C'est important pour qu'ils ne vivent pas la sortie de prison comme un abandon", déclare le Dr Maxime Védère. 

Le dispositif EMOT sera évalué dans deux ans, mais il a déjà fait parler de lui jusqu'au Canada où il n'existe pas d'équivalent. La chef du service de psychiatrie en milieu pénitentiaire de Montréal a prévu de rendre visite aux équipes toulousaines au mois de juin prochain.



66 % des hommes et 75 % des femmes présentent un trouble psychiatrique à leur sortie de prison

La F2RSMpsy (Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France) a publié, en février 2023 à la demande de la Direction générale de la santé, un rapport national sur la santé mentale de la population carcérale.

Selon les conclusions, les deux tiers des hommes et les trois quarts des femmes sortant de détention présentent un trouble psychiatrique ou lié à une substance. Un tiers des hommes et la moitié des femmes sont concernés par des troubles de l'humeur incluant la dépression. Un tiers des hommes et la moitié des femmes sont concernés par des troubles anxieux ; 10 % des hommes et un sixième des femmes sont concernés par un syndrome psychotique.

Au moment de leur sortie de prison, 32,3 % des hommes et 58,8 % des femmes sont considérés comme modérément à gravement malades pour les hommes tandis que le risque suicidaire est estimé à 27,8 % pour les hommes et 59,5 % pour les femmes.

Emmanuelle Rey

https://www.ladepeche.fr/2023/04/17/cette-equipe-accompagne-les-prisonniers-souffrant-de-troubles-psychiatriques-severes-lors-de-leur-sortie-11130899.php

lundi 16 mai 2022

Le centre pénitentiaire d'Orléans-Saran s'engage dans la lutte contre le suicide : des détenus "premiers maillons de la chaîne de secours"


Institutions
Le centre pénitentiaire d'Orléans-Saran s'engage dans la lutte contre le suicide : des détenus "premiers maillons de la chaîne de secours"
Publié le 13/05/2022 https://www.larep.fr*

Claude Longombé, nouveau directeur du centre pénitentiaire d'Orléans-Saran, remet son diplôme à un codétenu de soutien, sous les yeux de Pascal Vion, directeur interrégional des services pénitentiaires et Laura Robin-Hébert, directrice des services pénitentiaires à Saran. © Alban GOURGOUSSE

Sept détenus, cinq hommes et deux femmes, du centre pénitentiaire d'Orléans-Saran, ont été formés dans le cadre d'un dispositif de la lutte contre le suicide en prison. Un vrai fléau depuis de nombreuses années que l'administration pénitentiaire entend bien juguler.

"On est régulièrement tenté (par le suicide). Maintenant, on surmonte tout ça. Mais, on n'oublie pas d'où l'on vient. Et de pouvoir apporter aux autres, c'est très important pour nous." Ce détenu est l'un des sept à avoir reçu son diplôme de codétenu de soutien.

En effet, le centre pénitentiaire d'Orléans-Saran est le premier établissement de l'interrégion de Dijon à mettre en œuvre ce dispositif (ils sont treize en France). Ces sept détenus auront un rôle "citoyen d'alerte et de soutien envers les autres détenus", explique Laura Robin-Hébert, directrice des services pénitentiaires à Saran.

Parce qu'on le sait, les risques suicidaires sont accrus en milieu carcéral. La lutte contre le suicide en prison est une priorité de l'administration pénitentiaire en France. Deux personnes détenues se sont suicidées en 2021 au centre pénitentiaire d'Orléans-Saran, et déjà une en 2022.

Le suicide en prison est "une vieille histoire", lance de son côté Pascal Vion, directeur interrégional des services pénitentiaires, présent à Saran, ce jeudi. "Quand je suis entré dans l'administration pénitentiaire en 1994, on en parlait très peu. Cela a changé il y a vingt ans. Des outils se sont mis en place progressivement. L'objectif est d'impliquer davantage les personnes détenues dans leur quotidien."

Ces détenus ont donc été formés pour prévenir les suicides de leurs camarades de cellule. Ils ont reçu leur diplôme ce jeudi 12 mai dans le gymnase du centre pénitentiaire d'Orléans-Saran sous les yeux du nouveau directeur, Claude Longombé (arrivé il y a à peine une semaine dans ses nouvelles fonctions), des associations, des surveillants, des représentants du service pénitentiaire d'insertion et de probation, d'un représentant du parquet d'Orléans, d'une juge d'application des peines et des sapeurs-pompiers.

Ces mêmes sapeurs-pompiers qui ont d'ailleurs participé à la formation : "Le suicide est quelque chose qu'on rencontre trop souvent à l'extérieur", souligne le formateur du service départemental d'incendie et de secours. "Il faut du monde pour réagir très vite (quand il y a un suicide)."
Les premiers maillons de la chaîne de secours

Puis, s'adressant aux sept détenus : "Vous serez les premiers maillons de la chaîne de secours." En plus d'une formation à base d'un stage de prévention et secours civique de niveau 1, ils ont bénéficié d'une formation repérage du risque suicidaire et une sur l'écoute et soutien psychologiques.

Pour l'instant, la maison d'arrêt 1, la maison d'arrêt femmes et le quartier arrivants à Saran auront des codétenus de soutien. Une convention en ce sens a été signée ce jeudi. En septembre 2022, le centre de détention hommes, la maison d'arrêt 2 et le quartier disciplinaire devraient suivre. "Je vous rappelle, sans vous mettre la pression, qu'il y a eu beaucoup de candidatures", rappelle un surveillant aux sept détenus. "On compte sur vous pour donner le maximum. "

C'est une grande responsabilité. Ils en sont conscients. "Je l'ai déjà fait dans ma cellule mais là je me sens légitime", conclut cette détenue. "J'ai déjà eu, dans ma cellule, quelqu'un qui avait une pathologie suicidaire. Ça peut aller très vite et ça revient souvent. Quelques minutes d'inattention et ma codétenue y serait passée..."

Alban Gourgousse 

https://www.larep.fr/saran-45770/actualites/le-centre-penitentiaire-d-orleans-saran-s-engage-dans-la-lutte-contre-le-suicide-des-detenus-premiers-maillons-de-la-chaine-de-secours_14128946/

jeudi 14 avril 2022

ETUDE RECHERCHE Scoping review des outils de dépistage des conduites suicidaires des adolescents en milieu carcéral

Scoping review des outils de dépistage des conduites suicidaires des adolescents en milieu carcéral
Adrien Miranne Guivarc’h 1


1 UR UFRS - Université de La Réunion - UFR Santé
Résumé : Introduction : plusieurs études récentes ont montré que la santé mentale des adolescents incarcérés est plus dégradée que celle de la population générale du même âge. Les conduites suicidaires restent fréquentes au sein des prisons pour mineurs malgré une surveillance étroite. Notre étude propose de faire un état des lieux des outils de dépistage des conduites suicidaires d’adolescents incarcérés et de discuter de la pertinence de leur systématisation. Méthode : cette scoping review a utilisé les articles issus de la revue de la littérature de Borschmann et collaborateurs publiée en 2020, complétée secondairement par des recherches sur Pubmed/Embase et Google Scholar. Nous avons sélectionné des articles relatifs à des études ayant eu recours à au moins un outil de dépistage des conduites suicidaires d’adolescents incarcérés. Résultats : 25 articles ont été sélectionnés pour l’analyse des données. Parmi eux, nous avons identifié plusieurs outils de dépistage de conduites suicidaires d’adolescents incarcérés avec mis en exergue l’intérêt du Massachusetts Youth Screening Instrument. Nous avons également présenté les principales comorbidités associées au risque suicidaire dans cette population comme la toxicomanie et l’exposition traumatique. Conclusion : la systématisation d’un outil de dépistage du risque suicidaire et des autres comorbidités psychiatriques associées apparait primordial pour mieux repérer et prévenir les tentatives de suicides de ces adolescents à risque. Par ailleurs, au-delà d’un simple outil, des réévaluations régulières par des professionnels qualifiés et une bonne communication entre les différents services travaillant auprès de ces jeunes et leur famille s’avèrent primordiaux au vu de la vulnérabilité pédopsychiatrique de ces adolescents.

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03635167
Soumis le : vendredi 8 avril 2022 - 11:49:37
Dernière modification le : jeudi 14 avril 2022 - 03:24:06

Fichier Miranne_Adrien_37008336.pdf
Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
Citation
Adrien Miranne Guivarc’h. Scoping review des outils de dépistage des conduites suicidaires des adolescents en milieu carcéral. Sciences du Vivant [q-bio]. 2021. ⟨dumas-03635167⟩

mardi 1 mars 2022

Données Plus de 120 suicides en prison en 2021, selon le ministère de la Justice

Plus de 120 suicides en prison en 2021, selon le ministère de la Justice

mardi 1 mars 2022  AFP -

Évry (AFP) - Un total de 122 détenus se sont donnés la mort dans les prisons françaises en 2021, selon un bilan communiqué à l'AFP par le ministère de la Justice, un nombre en légère hausse par rapport aux deux années précédentes.

Selon cette même source, 111 personnes se sont suicidées en détention en 2020 et 114 en 2019.

D'après l'Observatoire international des prisons (OIP), les détenus se suicident six fois plus que la population générale.

Plusieurs suicides ont déjà été recensés depuis le début de l'année dans les établissements pénitentiaires du pays, notamment à Fleury-Merogis (Essonne) et à Fresnes (Val-de-Marne). 

[...]

mardi 24 août 2021

PRESENTATION STRUCTURE Depuis septembre 2020, une équipe mobile mise en place par le CHU de Lille accompagne les sortants de prison : équipe de mobilité transitionnelle (Emot)


Soins : des psys font le lien à la sortie 

Source https://oip.org/*


Depuis septembre 2020, une équipe mobile mise en place par le CHU de Lille accompagne les sortants de prison atteints de troubles psychiatriques pour faciliter leur prise en charge dans les structures extérieures. Les semaines suivant la libération étant cruciales pour la réinsertion de ce public vulnérable, il s’agit d’éviter l’interruption du parcours de soins.


Les premières semaines qui suivent la sortie de détention représentent une période charnière. Elles le sont d’autant plus pour les personnes faisant l’objet d’une prise en charge psychiatrique pendant leur incarcération. Le relais du suivi médical entre la prison et l’extérieur est ainsi essentiel pour éviter les risques de suicide, d’overdose ou de récidive, accrus par les difficultés financières, matérielles ou sociales auxquelles les sortants sont confrontés. S’il existe en détention des consultations “sortants” pour préparer la personne détenue et faciliter la transmission du dossier médical à un médecin à l’extérieur, le dispositif est, dans les faits, rendu inopérant par la surpopulation carcérale, la grande précarité des personnes libérées et les difficultés du secteur de la psychiatrie publique(1). La fin de la détention rime donc bien souvent avec rupture de soins.

Prévenir les suicides et les overdoses, une priorité

C’est pourquoi, depuis septembre 2020, le CHU de Lille a mis en place une équipe de mobilité transitionnelle (Emot), composée de quatorze professionnels qui exercent pour la plupart aussi en détention. L’équipe se déplace à la rencontre des patients pendant les six mois suivant leur libération, afin d’assurer le relai des soins psychiatriques et leur prise en charge dans les structures médicosociales de droit commun. Cette mobilité vise à « pallier les difficultés des patients sortants que l’on perd de vue. La plupart n’ont pas de domicile fixe, pas de téléphone », explique Tatiana Scouflaire, psychiatre au CHU de Lille, ayant cofondé l’Emot avec son confrère Thomas Fovet. « Nous allons toujours vers les patients, ce ne sont pas eux qui viennent à nous. » Alors que le taux de suicide parmi la population carcérale en France est déjà sept fois supérieur à celui relevé dans la population générale, il est encore multiplié par quatre au cours des deux semaines qui suivent la libération. Six mois après, ce taux redevient identique à celui observé en prison(2). L’objectif de l’Emot est donc d’agir pendant cette période sensible. Par ailleurs, une transition défaillante vers une prise en charge en milieu libre expose davantage les sortants, en situation de détresse psychologique, au risque de récidive : « Nous faisons face au syndrome des “portes tournantes” : on voit entrer et sortir de prison les mêmes patients, qui n’arrivent pas à retrouver leur équilibre dehors », pointe Tatiana Scouflaire. Les membres de l’équipe prennent en charge des personnes qu’ils soignaient déjà entre les murs, ou qui leur sont adressées par des confrères depuis les unités de soin des centres pénitentiaires de Lille-Loos-Sequedin et d’Annoeullin, et de l’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) de Seclin. Les sortants souffrant de troubles psychiques et addictologiques sont rencontrés dans les deux mois qui précèdent leur libération, pour établir un premier contact et s’assurer de leur souhait d’être accompagnés. « Le relais des soins psychiatriques est doublé d’un accompagnement social en fonction des besoins du patient. Infirmiers et éducatrices interviennent pour aider à la réappropriation de la vie quotidienne, et les assistantes sociales les accompagnent dans leurs démarches, nombreuses et laborieuses à la sortie d’incarcération », précise le médecin psychiatre. Les déplacements se font toujours en binôme, où que se trouve le patient : à son domicile, en foyer d’hébergement, à la rue. Le maintien des liens est assuré par des contacts rapprochés avec les structures d’accueil, d’accompagnement et de soins locales, telles que les centres d’hébergements, les centres médico-psychologiques (CMP), centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa), etc.(3) Quand cela est possible, l’équipe se met en relation avec l’entourage de la personne suivie. « Il nous arrive de rencontrer la famille avec le patient pour expliquer les troubles dont il souffre et présenter notre dispositif. Nos patients sont très souvent des personnes isolées, éloignées de leur famille, et le rétablissement des liens sociaux fait également partie de nos objectifs. »

Le but n’étant pas que l’équipe mobile se substitue aux services médico-psychologiques extérieurs, le passage de relais est organisé progressivement. La co-fondatrice de l’Emot détaille : « Au début, nous accompagnons les patients pour leurs premiers rendez-vous en CMP ou en Csapa. Plus nous avançons dans les six mois de suivi, plus nous encourageons le patient à être autonome dans ses rendez-vous quand cela est possible. »

Neuf mois plus tard, des passages de relais encourageants

L’Emot est financée par l’Agence régionale de santé des Hauts-de-France pour trois ans, avec une période d’évaluation de deux ans. Les résultats, tant en termes de prévention des risques de suicide et d’overdose que de continuité des soins, devront convaincre de la nécessité de pérenniser le dispositif avec des moyens supplémentaires. Après dix mois de fonctionnement, l’équipe pouvait déjà dresser un premier bilan. Ainsi, depuis le mois de septembre, trente-deux personnes sont ou ont été accompagnées par l’Emot. « Trois personnes ont été réincarcérées au cours de leur suivi. Six personnes ont été perdues de vue. Nous ne déplorons aucun suicide ou overdose, détaille Tatiana Scouflaire. Et même quand la prise en charge s’arrête avant l’heure, on a pu avancer sur la situation de certains patients. » C’est dire si de tels dispositifs sont indispensables pour reprendre attache avec l’extérieur.

par Pauline Petitot

(1) CGLPL, Avis relatif à la prise en charge des personnes détenues atteintes de troubles mentaux, 22 novembre 2019.
(2) Fovet et P. Thomas, “Les suicides et tentatives de suicide et leur prise en charge en milieu carcéral”, Actualité et dossier en santé publique, septembre 2018, p. 28.
(3) Centres d’hébergement d’urgence, Caarud (centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues), etc.
Ecrit le 20 août 2021 

https://oip.org/analyse/soins-des-psys-font-le-lien-a-la-sortie/

mardi 18 mai 2021

ETUDE RECHERCHE Les suicides des détenus : étude descriptive multicentrique rétrospective de 64 cas

Les suicides des détenus : étude descriptive multicentrique rétrospective de 64 cas
Hélèna Maya 1

1
UM Médecine - Université de Montpellier - Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes

Résumé : Le suicide en milieu carcéral constitue une problématique importante, en particulier en France. Sa fréquence est sept fois celle du suicide en milieu libre. Le but de ce travail rétrospectif est de rechercher objectivement des paramètres permettant d’améliorer la prévention du suicide parmi les détenus. Population et méthodes : après obtention des accords auprès de la CNIL, nous avons mené une étude descriptive rétrospective multicentrique sur dossiers, de personnes détenues suicidées en détention. La population d’étude est composée d’un échantillon de dossiers de « volontaires » provenant des IML de Grenoble, Lyon, Nîmes et Montpellier. Résultats : le profil des détenus suicidés était plutôt constitué de classes d’âge jeunes, prévenu plutôt que condamné, pour des atteintes à la personne, placé seul en cellule. Ce profil n’a pas montré de particularité hebdomadaire ni de saisonnalité. La pendaison, parmi l’ensemble des moyens, était plus que majoritaire. Les suicides étaient plus précoces chez les récidivistes ou chez les personnes avec un trouble anxieux ou une addiction. Les suicidés consommaient des anxiolytiques ou du cannabis de façon importante. La molécule la plus consommée en dehors de la prescription du médecin était les anxiolytiques, alors que les antipsychotiques qui étaient prescrits disparaissaient des analyses toxicologiques. Conclusion : cette étude préliminaire de 64 cas vient confirmer le profil de suicidé carcéral dressé dans la littérature. Elle apporte un point fondamental, qui est l’automédication et le non-respect de la prescription du psychiatre. Mais ces 64 cas étant des dossiers imposés, ils n’ont permis que des statistiques descriptives. Il serait nécessaire d’aller plus loin en menant une étude qui repose sur une perspective de prédiction et qui soit générale, sur un véritable échantillon, « représentatif » de la population carcérale.
Contributeur : Scd Université de Montpellier <antoine.tarrago@umontpellier.fr>
Soumis le : jeudi 28 janvier 2021 - dernière modification le : mercredi 12 mai 2021 - 03:15:32
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lundi 22 mars 2021

En Allemagne, le Land de Basse-Saxe s'apprête à recourir à l'intelligence artificielle afin de prévenir les tentatives de suicide en prison

Intelligence artificielle
En Allemagne, l'intelligence artificielle pourra aider à surveiller les détenus

Comment surveiller sans faillir ? En Allemagne, le Land de Basse-Saxe s'apprête à recourir à l'intelligence artificielle afin de prévenir les tentatives de suicide en prison. Plus globalement, par la mise en place d'un système de reconnaissance par vidéosurveillance, il s'agit en réalité d'améliorer la sécurité en milieu carcéral. Selon ses partisans, la technologie promet d'être plus respectueuse de la vie privée que l'intervention humaine. Big Brother verrait tout mais n'en garderait que peu de souvenirs. La machine omniprésente permettra-t-elle de mieux protéger ou de mieux punir ?

Les prisonniers susceptibles d'être réveillés dans les centres de détention allemands sont ceux qui sont considérés comme les plus vulnérables, car diagnostiqués comme suicidaires.

Dormir en paix est un droit autant qu'une nécessité. Le prisonnier Alexeï Navalny en a témoigné il y a quelques jours : la colonie pénitentiaire dans laquelle a été envoyé l'opposant russe est selon ses dires "un véritable camp de concentration", où les détenus sont en permanence surveillés par des caméras et où un gardien le réveille toutes les heures chaque nuit pour le prendre en photo et attester de sa présence. Une déshumanisation qu'il juge digne du roman 1984 de George Orwell.

Les réveils intempestifs n'ont pas seulement cours dans les dystopies totalitaires, et c'est en partie pour remédier à cette pratique qu'une motion déposée le 9 mars 2021 au parlement du Land allemand de Basse-Saxe propose de recourir à des systèmes de vidéosurveillance basés sur l'intelligence artificielle, "afin de prévenir le suicide et d'améliorer la sécurité dans les prisons". Une expérience du même type est déjà en cours en Rhénanie-du-Nord-Westphalie depuis un an et la reconnaissance intelligente de situations et de comportements à l'aide de caméras est également à l'œuvre dans les postes de sécurité de certaines grandes gares, à Berlin comme à Mannheim.

Détecter des comportements suspects à un stade anticipé

L'Allemagne n'étant pas la Russie, les prisonniers susceptibles d'être réveillés dans les centres de détention allemands sont en réalité ceux qui sont considérés comme les plus vulnérables, car diagnostiqués comme suicidaires. Toutes les 15 minutes, y compris pendant la nuit, un surveillant vient s'assurer qu'aucune tentative n'est en cours et pour cela lève le loquet de la porte de la cellule, allume la lumière, puis referme le loquet. Il est impossible de bien dormir ainsi, estime le ministre de la Justice de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Peter Biesenbach, même si le droit au repos des prisonniers suicidaires n'est pas sa seule préoccupation. Plus globalement, il s'agit surtout de mettre en place en milieu carcéral un système de sécurité plus vaste et plus fiable que le regard humain, qui puisse déceler aussi bien dans les cellules qu'en extérieur des comportements déterminés comme atypiques, des gestes reconnus comme suspects ou bien des objets considérés comme dangereux. La surveillance intelligente assurerait donc une fonction de détection, afin de prévenir les tentatives de suicide certes, mais aussi les actes délictueux au sein de la prison : remise d'objets interdits, altercations, violences.


La vidéosurveillance intelligente : un système d'alerte

En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, c'est la société FusionSystems, spécialisée dans le développement de logiciels d'automatisation et de systèmes intelligents, qui a décroché le contrat pour développer le logiciel de reconnaissance.

Cette spin-off de l'Université Technique de Chemnitz a décidé de procéder en deux phases pour constituer l'algorithme qui servira de base au logiciel d'analyse automatisée. Après avoir aménagé dans ses locaux une salle test, réplique d'une cellule de détention, les chercheurs ont eux-mêmes alimenté le logiciel afin de le rendre capable de reconnaître des séquences de mouvements spécifiques et de les différencier des moments non critiques. Il devra à terme savoir déterminer si un geste ou un déplacement est normal ou potentiellement dangereux, il saura quels sont les endroits les plus sensibles dans la pièce, il avertira qu'un objet dangereux a franchi une limite ou a été déposé dans une zone prédéfinie comme non autorisée. La deuxième phase de l'apprentissage, actuellement en cours, a lieu en fonctionnement réel dans le centre correctionnel de Düsseldorf.

Une fois que le logiciel aura intégré toutes ces données, il sera capable d'évaluer le degré de danger de certaines situations selon une échelle de valeur. La caméra disposée dans la cellule filmera donc le détenu en continu, les images seront analysées en temps réel par l'intelligence artificielle, mais l'écran de contrôle dans le centre de surveillance restera éteint ; il ne s'allumera que lorsque l'algorithme déclenchera l'alarme, informant qu'une intervention humaine est sans doute nécessaire. Le surveillant prévenu, par messagerie, par un signal visuel ou par une sonnerie, évaluera à son tour la situation d'après les images à l'écran et décidera d'intervenir ou non. Il s'agit donc d'un système d'alerte en cas de comportement "suspect".

Un complément au travail humain

Sauver des vies (on compterait 50 à 100 suicides dans les prisons allemandes chaque année), veiller à la qualité du sommeil, les ambitions du système de vidéosurveillance avancées par le ministre Biesenbach sont louables. Ce dernier ne considère pas pour autant l'intelligence artificielle comme une panacée, mais comme une manière de soulager le travail humain. Il existe en effet tout un panel de dispositifs préventifs d'aide et d'écoute des détenus angoissés ou malades : télémédecine, soutien spirituel, codétenus "auditeurs"… Pour Volker Bajus, membre du parti des Verts au parlement de Basse-Saxe, une prise en charge psychosociale ne peut toutefois être évincée par la technologie moderne, "car la technologie vidéo ne peut pas remplacer le travail social, elle peut au mieux le soutenir."

Un système compatible avec la protection des données ?

Mais le parlement de Basse-Saxe est favorable à la motion déposée, et a donc l'intention de créer les conditions juridiques préalables à l'utilisation de l'intelligence artificielle par caméra dans les prisons du Land. Pour ce qui est de la protection des données, les défenseurs du projet estiment que la surveillance intelligente est plus respectueuse du droit individuel que les systèmes de surveillance conventionnels, car il n'y a pas ou peu d'enregistrement de données personnelles. En l'absence de stockage de données et sans observation continue en temps réel, un détenu, même surveillé 24 heures sur 24, peut ainsi, à leurs yeux, bénéficier d'une vie privée. Dans sa colonie pénitentiaire, Alexeï Navalny rêve très certainement de conditions de détention aussi idylliques.

https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/intelligence-artificielle/en-allemagne-l-intelligence-artificielle-pourra-aider-a-surveiller-les-detenus_152677

jeudi 11 mars 2021

INTERVIEW Pourquoi les troubles psychiatriques à l’entrée en prison sont un enjeu de santé publique

Pourquoi les troubles psychiatriques à l’entrée en prison sont un enjeu de santé publique

PSYCHIATRIE Découvrez, chaque jour, une analyse de notre partenaire The Conversation. Aujourd’hui, deux psychiatres nous expliquent l’importance des soins psychiatriques à destination des populations carcérales

20 Minutes avec The Conversation
  • Troubles psychiatriques et conduites addictives sont très fréquents chez les personnes nouvellement incarcérées dans les prisons françaises, selon notre partenaire The Conversation.
  • L’évolution de ces troubles au cours de la période d’incarcération reste mal connue, c’est pourquoi a été lancée une étude visant à évaluer la fréquence des troubles psychiatriques lors de la libération.
  • L’analyse de ce phénomène a été menée par Thomas Fovet, psychiatre au Pôle de psychiatrie, médecine légale et médecine pénitentiaire du CHU de Lille, et Pierre Thomas, chef du Pôle de psychiatrie, médecine légale et médecine pénitentiaire du CHU de Lille.

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, bon nombre de chercheurs se sont inquiétés de l’impact de l’actuelle crise sanitaire et des périodes de confinement sur la santé mentale de la population carcérale. Mais que sait-on aujourd’hui de la prévalence des troubles psychiatriques en milieu pénitentiaire ? Cette population est-elle particulièrement vulnérable, et en quoi ?

Sur ces questions, l’enquête que nous avons récemment menée dans plusieurs maisons d’arrêt du nord de la France est riche d’enseignements.

Des troubles psychiatriques très présents

En pratique, il n’est pas simple d’évaluer la santé mentale de la population carcérale. En milieu pénitentiaire, les études épidémiologiques se heurtent en effet à de nombreux obstacles tant sur les plans logistique (contraintes liées à l’environnement carcéral, accès aux personnes détenues, etc.) que réglementaire (législation et cadre spécifique) ou méthodologique (difficultés multiples pour obtenir un échantillon « représentatif » de l’ensemble de la population carcérale).

Vidéo : « La prise en charge de la santé mentale en prison » © Franceinfo & INA

Ces contraintes expliquent probablement pourquoi très peu d’enquêtes sur la santé mentale ont été conduites jusqu’alors dans les prisons, en France notamment. D’après une analyse systématique des études publiées entre 1966 et 2010 dans une vingtaine de pays incluant la France, il semble toutefois que les troubles psychiatriques soient présents à des niveaux élevés en milieu pénitentiaire.

C’est que confirme l’étude qui fait référence dans notre pays. Publiée voilà quinze ans par l’équipe de Bruno Falissard, elle s’appuyait sur le double interrogatoire, par deux cliniciens, de quelque huit cents prisonniers sélectionnés au hasard dans vingt prisons. D’après ses résultats, 36 % des répondants présentaient un trouble psychiatrique de gravité marquée à sévère. Les diagnostics retenus par consensus entre les cliniciens étaient les troubles de l’humeur (28 % dont 24 % de dépression), les troubles anxieux (29 %), les troubles psychotiques (17 % dont 6 % de schizophrénie) et les troubles liés à l’usage de substance (19 %).

Les travaux que notre équipe a publiés au printemps dernier, dans le cadre de l’étude Santé mentale en population carcérale, viennent compléter ces données.

Une fréquence multipliée par trois

Plutôt qu’interroger des personnes emprisonnées depuis un laps de temps variable, comme cela a été fait par le passé, nous nous sommes focalisés sur la santé mentale d’hommes et de femmes à leur arrivée en prison. Plus précisément, nous avons interrogé 653 personnes – sélectionnées au hasard dans huit maisons d’arrêt du Nord et du Pas-de-Calais – dans les 72 premières heures de leur incarcération, c’est-à-dire avant que le stress du quotidien pénitentiaire n’intervienne.

L’un des intérêts du protocole choisi est d’autoriser la confrontation, sur un territoire particulier, de données en population carcérale et en population générale, en s’appuyant sur la même méthodologie d’évaluation et en tenant compte de l’âge et du sexe. Cela nous nous a permis de constater la très nette surreprésentation des troubles psychiatriques, mais aussi des conduites addictives, parmi les personnes récemment incarcérées.

En moyenne, les troubles liés à l’usage de substances (alcool et autres substances illicites) concernent environ un arrivant sur deux, ce qui correspond à un taux huit fois supérieur à la population générale. Quant aux troubles psychiatriques, ceux que nous avons étudiés s’y révèlent en moyenne trois fois plus fréquents.

C’est particulièrement le cas pour le syndrome psychotique (multiplié par 3,1) et le trouble dépressif caractérisé (2,9) dont les fréquences respectives ont été mesurées à 7 et 27 % à l’entrée en détention. Le trouble de stress post-traumatique apparaissait quant à lui six fois plus fréquent chez les personnes admises en détention qu’en population générale.

L’ensemble de ces troubles augmentent la probabilité à plus ou moins long terme qu’une personne réalise un geste suicidaire. De fait, ce risque suicidaire a été identifié chez 31 % des personnes détenues interrogées.

Deux troubles ou plus

Si les troubles psychiatriques se révèlent très fréquents chez les personnes nouvellement incarcérées, on constate aussi qu’en règle générale, elles n’en présentent pas un seul, mais plusieurs : nous avons relevé deux troubles ou plus pour près de 42 % d’entre elles, alors qu’en population générale, ceci n’est observé que pour 10 % des enquêtés.

Télécharger le PDF « Prévalence des troubles psychiatriques en prison » (avril 2018)

Cette cooccurrence de plusieurs troubles a, on le sait, un impact important tant sur la prise en charge que sur la répétition des incarcérations, chez des personnes particulièrement fragilisées sur le plan socio-économique. Et alors que le ministre de la Justice a récemment lancé une nouvelle mission d’inspection sur les suicides en prison, notre enquête souligne la nécessité d’une prise en charge efficiente dans les maisons d’arrêt.

De toute évidence, l’accès à des soins psychiatriques de qualité doit s’imposer comme l’une des mesures de prévention incontournables pour lutter contre les suicides en population carcérale : le taux de suicide y est actuellement sept fois supérieur à celui observé en population générale, ce qui en fait l’une des principales préoccupations des soignants exerçant en milieu pénitentiaire.

Enfin, outre une réflexion sur l’accès à des soins de qualité, notre étude devrait pousser à réfléchir sur l’absence d’alternatives à l’incarcération pour les personnes diagnostiquées avec des troubles mentaux dans notre pays.

Si notre enquête a mis en lumière des taux de prévalence très élevés pour les troubles psychiatriques et les conduites addictives chez les personnes nouvellement incarcérées dans les prisons françaises, plusieurs questions restent néanmoins en suspens.

Après la prison : suivre de près l’évolution

En effet, l’évolution de ces troubles au cours de la période d’incarcération demeure peu étudiée. En d’autres termes, on connaît mal l’impact de l’environnement carcéral sur la santé mentale. C’est pourquoi avec le soutien de la Direction générale de la santé, de Santé Publique France et de la Fédération de recherches en psychiatrie et santé mentale, une nouvelle étude a été lancée afin d’évaluer la fréquence des troubles psychiatriques lors de la libération.

Intitulée Santé en population carcérale sortante, et menée au niveau national, cette étude vise aussi à déterminer le parcours de soins des personnes détenues souffrant de troubles psychiatriques, que ce soit avant, pendant ou après l’emprisonnement.

Les trente jours qui suivent immédiatement la sortie de prison constituent une période critique, avec un risque important de décès par suicide ou par overdose, mais aussi de décompensation psychiatrique. Or, malheureusement, l’articulation des soins psychiatriques entre la période d’incarcération et la vie hors des murs de la prison est aujourd’hui loin d’être satisfaisante.

Soulignons-le : la santé mentale des personnes incarcérées est souvent fragile. Il s’agit là d’un enjeu de santé publique important qui va bien au-delà de la prison puisque l’ensemble des personnes détenues seront, de facto, libérées à l’issue de leur peine d’emprisonnement. Les soins psychiatriques en milieu pénitentiaire devraient donc davantage s’articuler avec les services de soins en santé mentale en dehors des murs de la prison. Des dispositifs dits « d’interstice » pourraient être pensés, à l’instar des équipes mobiles transitionnelles expérimentées à Lille, et prochainement à Toulouse.

Cette analyse a été rédigée par Thomas Fovet, psychiatre au Pôle de psychiatrie, médecine légale et médecine pénitentiaire du CHU de Lille, et Pierre Thomas, chef du Pôle de psychiatrie, médecine légale et médecine pénitentiaire du CHU de Lille.
L’article original a été publié sur le site de 
The Conversation.

https://www.20minutes.fr/societe/2994627-20210311-pourquoi-troubles-psychiatriques-entree-prison-enjeu-sante-publique


vendredi 5 mars 2021

Troubles psychiatriques à l'entrée en prison : un enjeu de santé publique

Troubles psychiatriques à l'entrée en prison : un enjeu de santé publique
4 mars 2021, 20:09 https://theconversation.com*
Auteurs  Thomas Fovet, Chargé de projets de recherche au Centre national de ressources et de résilience Lille-Paris (CN2R) et Psychiatre du pôle Psychiatrie médecine légale et médecine en milieu pénitentiaire, Centre hospitalier régional universitaire de Lille
Pierre Thomas, Centre hospitalier régional universitaire de Lille

Déclaration d’intérêts
L’étude Santé mentale en population carcérale a été menée par la Fédération Régionale de Recherche en Psychiatrie et Santé Mentale des Hauts de France (F2RSM Psy) et le Centre collaborateur français de l'OMS pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS), avec le soutien financier de l’Agence Régionale de Santé (ARS) des Hauts-de-France.
Pierre Thomas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, bon nombre de chercheurs se sont inquiétés de l’impact de l’actuelle crise sanitaire et des périodes de confinement sur la santé mentale de la population carcérale. Mais que sait-on aujourd’hui de la prévalence des troubles psychiatriques en milieu pénitentiaire ? Cette population est-elle particulièrement vulnérable, et en quoi ?

Sur ces questions, l’enquête que nous avons récemment menée dans plusieurs maisons d’arrêt du Nord de la France est riche d’enseignements.
Des troubles psychiatriques très présents

En pratique, il n’est pas simple d’évaluer la santé mentale de la population carcérale. En milieu pénitentiaire, les études épidémiologiques se heurtent en effet à de nombreux obstacles tant sur les plans logistique (contraintes liées à l’environnement carcéral, accès aux personnes détenues, etc.) que réglementaire (législation et cadre spécifique) ou méthodologique (difficultés multiples pour obtenir un échantillon « représentatif » de l’ensemble de la population carcérale).

Ces contraintes expliquent probablement pourquoi très peu d’enquêtes sur la santé mentale ont été conduites jusqu’alors dans les prisons, en France notamment. D’après une analyse systématique des études publiées entre 1966 et 2010 dans une vingtaine de pays incluant la France, il semble toutefois que les troubles psychiatriques soient présents à des niveaux élevés en milieu pénitentiaire.

C’est que confirme l’étude qui fait référence dans notre pays. Publiée voilà quinze ans par l’équipe de Bruno Falissard, elle s’appuyait sur le double interrogatoire, par deux cliniciens, de quelque huit cents prisonniers sélectionnés au hasard dans vingt prisons. D’après ses résultats, 36 % des répondants présentaient un trouble psychiatrique de gravité marquée à sévère. Les diagnostics retenus par consensus entre les cliniciens étaient les troubles de l’humeur (28 % dont 24 % de dépression), les troubles anxieux (29 %), les troubles psychotiques (17 % dont 6 % de schizophrénie) et les troubles liés à l’usage de substance (19 %).

Les travaux que notre équipe a publiés au printemps dernier, dans le cadre de l’étude Santé mentale en population carcérale, viennent compléter ces données.
Une fréquence multipliée par trois

Plutôt qu’interroger des personnes emprisonnées depuis un laps de temps variable, comme cela a été fait par le passé, nous nous sommes focalisés sur la santé mentale d’hommes et de femmes à leur arrivée en prison. Plus précisément, nous avons interrogé 653 personnes – sélectionnées au hasard dans huit maisons d’arrêt du Nord et du Pas-de-Calais – dans les 72 premières heures de leur incarcération, c’est-à-dire avant que le stress du quotidien pénitentiaire n’intervienne.

L’un des intérêts du protocole choisi est d’autoriser la confrontation, sur un territoire particulier, de données en population carcérale et en population générale, en s’appuyant sur la même méthodologie d’évaluation et en tenant compte de l’âge et du sexe. Cela nous nous a permis de constater la très nette surreprésentation des troubles psychiatriques, mais aussi des conduites addictives, parmi les personnes récemment incarcérées.

En moyenne, les troubles liés à l’usage de substances (alcool et autres substances illicites) concernent environ un arrivant sur deux, ce qui correspond à un taux huit fois supérieur à la population générale. Quant aux troubles psychiatriques, ceux que nous avons étudiés s’y révèlent en moyenne trois fois plus fréquents.

C’est particulièrement le cas pour le syndrome psychotique (multiplié par 3,1) et le trouble dépressif caractérisé (2,9) dont les fréquences respectives ont été mesurées à 7 et 27 % à l’entrée en détention. Le trouble de stress post-traumatique apparaissait quant à lui six fois plus fréquent chez les personnes admises en détention qu’en population générale.

L’ensemble de ces troubles augmentent la probabilité à plus ou moins long terme qu’une personne réalise un geste suicidaire. De fait, ce risque suicidaire a été identifié chez 31 % des personnes détenues interrogées.
Deux troubles ou plus

Si les troubles psychiatriques se révèlent très fréquents chez les personnes nouvellement incarcérées, on constate aussi qu’en règle générale, elles n’en présentent pas un seul, mais plusieurs : nous avons relevé deux troubles ou plus pour près de 42 % d’entre elles, alors qu’en population générale, ceci n’est observé que pour 10 % des enquêtés.

Cette co-occurrence de plusieurs troubles a, on le sait, un impact important tant sur la prise en charge que sur la répétition des incarcérations, chez des personnes particulièrement fragilisées sur le plan socio-économique. Et alors que le ministre de la Justice a récemment lancé une nouvelle mission d’inspection sur les suicides en prison, notre enquête souligne la nécessité d’une prise en charge efficiente dans les maisons d’arrêt.

De toute évidence, l’accès à des soins psychiatriques de qualité doit s’imposer comme l’une des mesures de prévention incontournables pour lutter contre les suicides en population carcérale : le taux de suicide y est actuellement sept fois supérieur à celui observé en population générale, ce qui en fait l’une des principales préoccupations des soignants exerçant en milieu pénitentiaire.

Enfin, outre une réflexion sur l’accès à des soins de qualité, notre étude devrait pousser à réfléchir sur l’absence d’alternatives à l’incarcération pour les personnes diagnostiquées avec des troubles mentaux dans notre pays.

  Si notre enquête a mis en lumière des taux de prévalence très élevés pour les troubles psychiatriques et les conduites addictives chez les personnes nouvellement incarcérées dans les prisons françaises, plusieurs questions restent néanmoins en suspens.
Après la prison : suivre de près l’évolution

En effet, l’évolution de ces troubles au cours de la période d’incarcération demeure peu étudiée. En d’autres termes, on connaît mal l’impact de l’environnement carcéral sur la santé mentale. C’est pourquoi avec le soutien de la Direction générale de la santé, de Santé Publique France et de la Fédération de recherches en psychiatrie et santé mentale, une nouvelle étude a été lancée afin d’évaluer la fréquence des troubles psychiatriques lors de la libération.

Intitulée Santé en population carcérale sortante, et menée au niveau national, cette étude vise aussi à déterminer le parcours de soins des personnes détenues souffrant de troubles psychiatriques, que ce soit avant, pendant ou après l’emprisonnement.

Les trente jours qui suivent immédiatement la sortie de prison constituent une période critique, avec un risque important de décès par suicide ou par overdose, mais aussi de décompensation psychiatrique. Or, malheureusement, l’articulation des soins psychiatriques entre la période d’incarcération et la vie hors des murs de la prison est aujourd’hui loin d’être satisfaisante.

Soulignons-le : la santé mentale des personnes incarcérées est souvent fragile. Il s’agit là d’un enjeu de santé publique important qui va bien au-delà de la prison puisque l’ensemble des personnes détenues seront, de facto, libérées à l’issue de leur peine d’emprisonnement. Les soins psychiatriques en milieu pénitentiaire devraient donc davantage s’articuler avec les services de soins en santé mentale en dehors des murs de la prison. Des dispositifs dits « d’interstice » pourraient être pensés, à l’instar des équipes mobiles transitionnelles expérimentées à Lille, et prochainement à Toulouse.   

https://theconversation.com/troubles-psychiatriques-a-lentree-en-prison-un-enjeu-de-sante-publique-153600

lundi 21 décembre 2020

ETUDE RECHERCHE / ALBANIE : Perception des gardiens de prison sur les comportements suicidaires des détenus de la prison de Dubrava

Perceptions of correctional officers about suicidal behavior among prisoners in Dubrava prison - 19/12/20
Perception des gardiens de prison sur les comportements suicidaires des détenus de la prison de Dubrava
Doi : 10.1016/j.amp.2020.11.017
Besnik Fetahu 1
Faculty of Public Safety, Kosovo Academy for Public Safety, Pristina, Kosovo, Albania

Sous presse. Épreuves corrigées par l'auteur. Disponible en ligne depuis le Saturday 19 December 2020

Résumé

Le nombre de suicides dans la prison de Dubrava au Kosovo augmente d’année en année. Cette étude est basée sur l’enquête menée auprès de 273 gardiens de la prison de Dubrava, âgés de 20 à 64 ans, avec deux à vingt-cinq ans d’expérience professionnelle. Le but de cet article est de montrer la perception qu’ont les gardiens de prison sur les motifs qui poussent les détenus au suicide. L’objectif de cette étude est d’exprimer la corrélation bidimensionnelle avec le coefficient de Pearson entre les variables indépendantes de la stigmatisation, de la perte d’espoir, de l’environnement correctionnel et de la décision du tribunal avec la variable dépendante du comportement suicidaire. Les résultats montrent qu’il existe une forte corrélation positive entre le nombre de cas motivés par le milieu correctionnel et la décision du tribunal. Aussi, l’étude présente des données sur la saison et le moment où les cas de suicide sont plus présents selon l’expérience des gardiens de prison. Les résultats montrent que les cas de suicide surviennent après minuit et aux premières heures du matin, et la plupart d’entre eux dans la première partie du printemps. Les détenus présentent un risque plus élevé de suicide et de tentative de suicide par rapport à la population générale. Les hommes agressifs et toxicomanes sont courants dans les prisons, et ils sont connus pour avoir des taux de suicide élevés, qu’ils soient ou non en prison. Selon ces résultats de recherche, il est clair que la vie en prison et même les décisions judiciaires produisent des facteurs de stress qui augmentent la probabilité de suicide. Le potentiel suicidaire pourrait être décrit comme : un sujet qui a grandi dans une famille caractérisée par des parents perturbés qui peuvent avoir abusé de l’enfant et divorcé ou décédé ; qui développe un trouble psychiatrique accompagné d’une humeur dépressive, d’une faible estime de soi, d’une pensée irrationnelle et de faibles capacités de résolution de problèmes ; et qui, lorsqu’il rencontre du stress dans sa vie, n’a pas les ressources nécessaires pour y faire face et dispose d’une méthode mortelle de suicide facilement accessible. L’évaluation du risque suicidaire dans la prison de Dubrava doit englober deux besoins. Premièrement, elle doit s’assurer qu’elle a satisfait aux normes cliniques et juridiques adéquates en matière de soins tant pour l’évaluation que pour la gestion des détenus potentiellement suicidaires. La gestion de la prison de Dubrava, en coopération avec le Service correctionnel du Kosovo, devrait commencer à former les gardiens de prison à identifier et à prévenir les cas de suicide. En outre, le Service correctionnel du Kosovo devrait développer des programmes d’éducation et de formation à l’intention du personnel nouvellement embauché du service correctionnel sur l’identification et la prévention du suicide. Deuxièmement, le personnel de santé mentale, le psychologue et le travailleur social de la prison de Dubrava doivent acquérir les informations nécessaires pour planifier un programme de traitement adéquat pour la prison, pour déterminer si le traitement et la réadaptation sont possibles dans la prison de Dubrava et pour évaluer l’urgence avec laquelle des mesures de prévention du suicide doivent être prises. La planification d’un programme de traitement nécessite une évaluation générale de l’état psychiatrique et de la situation sociale du client. Décider de l’urgence avec laquelle le traitement doit commencer et si des précautions au suicide sont justifiées nécessite une attention particulière à l’évaluation de la prédiction du risque de suicide. Troisièmement, la prison de Dubrava devrait employer plus de psychologues et de travailleurs sociaux. Il est en effet impossible de fournir des services psychologiques et des services sociaux aux détenus avec un seul psychologue et travailleur social dans cette prison.Le texte complet de cet article est disponible en PDF.
https://www.em-consulte.com/article/1416477/perceptions-of-correctional-officers-about-suicida

Keywords : Jail, Justice decision, Perception, Prevention, Prison staff, Prisoners, Suicide, Suicide attempt

Mots clés : Décision de justice, Détenu, Perception, Personnel pénitentiaire, Prévention, Prison, Suicide, Tentative de suicide

Plan
Introduction
Theoretical background
Methods
Hypothesis
Study sample
Results
Discussion
Conclusion
Disclosure of interest