mardi 3 avril 2018

ETUDE RECHERCHE ROYAUME UNI Efficacité de la thérapie familiale systémique versus traitement habituel chez les jeunes après automutilations

Article original : Effectiveness of systemic family therapy versus treatment as usual for young people after self-harm: a pragmatic, phase 3, multicentre, randomised controlled trial.
Cottrell DJ 1, Wright-Hughes A 2, Collinson M 2, Boston P 3, Eisler I 4, Fortune S 3, Graham EH 2, Green J 5, House AO 3, Kerfoot M 6, Owens DW 3, Saloniki EC 7, Simic M 8, Lambert F 3, Rothwell J 6, Tubeuf S 3, Farrin AJ 2.
1 Leeds Institute of Health Sciences, University of Leeds, Leeds, UK. Electronic address: d.j.cottrell@leeds.ac.uk.
2 Clinical Trials Research Unit, University of Leeds, Leeds, UK.
3 Leeds Institute of Health Sciences, University of Leeds, Leeds, UK.
4 Department of Child and Adolescent Psychiatry, Institute of Psychiatry, Psychology and Neurological Science, Kings College London, London, UK.
5 Division of Neuroscience and Experimental Psychology, School of Biological Sciences, University of Manchester, Manchester, UK; Royal Manchester Children's Hospital, Manchester, UK.
6 Division of Neuroscience and Experimental Psychology, School of Biological Sciences, University of Manchester, Manchester, UK.
7 Centre for Health Services Studies and Personal Social Services Research Unit, University of Kent, Canterbury, UK.
8 South London and Maudsley NHS Foundation Trust, London, UK.

Lancet Psychiatry. 2018 Mar;5(3):203-216. doi: 10.1016/S2215-0366(18)30058-0. Epub 2018 Feb 12.

L'automutilation chez les adolescents est un problème de santé publique mondial: 10% des adolescents s'automutilent au cours de l'année. et le suicide est la deuxième cause de décès la plus fréquente chez les jeunes de 10 à 24 ans, après les accidents de la route. L'automutilation chez les adolescents a de graves conséquences et ceux qui s'automutilent courent un risque quatre fois plus élevé de mourir de n'importe quelle cause et dix fois plus de risque de suicide que la population générale
L'automutilation chez les adolescents est courante et la répétition se produit dans une proportion élevée de ces cas. Il existe peu de preuves de l'efficacité des interventions visant à réduire l'automutilation.

Méthodes
Cet essai pragmatique, multicentrique, randomisé et contrôlé de thérapie familiale versus traitement habituel a été réalisé dans 40 centres de services de santé mentale pour enfants et adolescents du Royaume-Uni (CAMHS). l'étude a  recruté des jeunes âgés de 11 à 17 ans qui s'étaient auto-infligés des blessures au moins deux fois et présentés au CAMHS après s'être automutilés. Les participants ont été assignés au hasard (1: 1) pour recevoir une thérapie familiale dispensée par des thérapeutes familiaux formés et supervisés ou un traitement comme d'habitude par le CAMHS local. Les participants et les thérapeutes étaient au courant de l'attribution du traitement; les chercheurs ont été masqués. Le résultat principal était la présence à l'hôpital pour la répétition de l'automutilation dans les 18 mois après l'assignation de groupe. Des analyses primaires et de sécurité ont été effectuées dans la population en intention de traiter. L'essai est enregistré au registre ISRCTN, numéro ISRCTN59793150.RÉSULTATS:
Entre le 23 novembre 2009 et le 31 décembre 2013, 3554 jeunes ont été dépistés et 832 jeunes admissibles ont accepté de participer et ont été assignés au hasard à recevoir un traitement familial (n = 415) ou un traitement habituel (n = 417). Les données sur les résultats primaires étaient disponibles pour 795 (96%) participants. Le nombre de consultations à l'hôpital pour des événements répétés d'automutilation n'était pas significativement différent entre les groupes (118 [28%] dans le groupe de thérapie familiale vs 103 [25%] dans le groupe traitement habituel, rapport de risque 1 ... 14 [IC 95% 0 · 87-1 · 49] p = 0 · 33). Des nombres similaires d'événements indésirables sont survenus dans les deux groupes (787 dans le groupe de thérapie familiale contre 847 dans le groupe de traitement habituel).INTERPRÉTATION:
Pour les adolescents adressés au CAMHS après s'être automutilés, s'être auto-blessé au moins une fois auparavant, notre intervention de thérapie familiale n'a conféré aucun avantage par rapport au traitement habituel en réduisant la fréquentation subséquente de l'hôpital pour les cas d'automutilation. Les cliniciens sont donc toujours incapables de recommander une intervention claire et fondée sur des données probantes pour réduire l'automutilation répétée chez les adolescents.
FINANCEMENT:Programme d'évaluation des technologies de la santé de l'Institut national de recherche en santé.


 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2215036618300580
 ***

Article sur le sujet  : Risque suicidaire de l’adolescent : la thérapie familiale pas supérieure aux traitements habituels, mais utile quand même
Cottrell DJ & al.   Lancet Psychiatry  1 mars 2018  de Agnès Lara  Univadis Résumés Cliniques
29 mars 2018 www.univadis.fr*

L’instauration d’une thérapie familiale chez les adolescents ayant déjà réalisé 2 tentatives de suicide (TS) ne modifie pas le nombre d’hospitalisations pour récidive de TS sur une période d’observation de 18 mois. Elle n’apparaît supérieure ni en termes cliniques, ni en termes de coût/efficacité. Cependant, les résultats sur l’échelle SDQ indiquent une amélioration des troubles émotionnels et comportementaux, ainsi qu’une réduction plus rapide des idéations suicidaires, suggérant un effet positif sur la santé mentale. De nouvelles études sont attendues pour identifier les interventions les plus efficaces selon le profil des patients suicidaires (mauvais fonctionnement familial, difficulté à exprimer ses émotions, etc.).


Pourquoi est-ce important ?

Les tentatives de suicide (TS) sont fréquentes chez les adolescents et elles sont souvent suivies de récidives (18%). Les facteurs familiaux tels que les relations parents-enfants, la capacité à exprimer ses émotions, des conflits parentaux, des abus sexuels, etc. constituent des facteurs de risque importants. Et les thérapies familiales visent à mobiliser les ressources des parents comme des enfants pour y faire face. Cependant les interventions ayant pour objectif de réduire ces gestes ont été peu évaluées jusqu’ici.

Thérapie familiale versus traitement classique

Cet essai multicentrique a été réalisé dans 40 centres psychiatriques pour enfants et adolescents au Royaume Uni. Il a recruté des jeunes de 11 à 17 ans ayant fait au moins deux TS. Leur âge moyen était de 14,3 ans, 89% d’entre eux étaient des filles et la proportion de ceux ayant réalisé au moins 3 TS était la même dans les deux sexes. Ces patients ont été randomisés pour bénéficier d’une thérapie familiale par un thérapeute expérimenté, ou d’un traitement habituel.

832 patients ont pu être inclus dans l’étude pour recevoir une thérapie familiale (n=415) ou le traitement habituel (n=417). Les caractéristiques des deux groupes étaient similaires à l’inclusion. Les participants du groupe thérapie familiale ont assisté à 6 sessions sur une durée de 5,1 mois (chiffres médians). Ceux du groupe soins habituels ont bénéficié de traitements plus variés allant d’un soutien psychologique à une thérapie comportementale. Un travail avec les familles était possible mais sans thérapie familiale formelle.

La thérapie familiale non inférieure aux traitements habituels sur le nombre d’hospitalisations pour récidive de TS

Il n’a pas été observé de différence significative entre les deux groupes quant au nombre d’hospitalisations pour récidive de TS à 18 mois (critère principal) : 28% pour la thérapie familiale vs 25% pour le groupe soins usuels (HR 1,14 [IC95% : 0,87-1,49], p=0,33).

Le nombre d’événements indésirables s’est montré similaire dans les deux groupes (54% vs 52%).

Les résultats aux questionnaires de dépression, de qualité de vie, de désespoir, de fonctionnement familial, de santé mentale des accompagnants et de capacité à exprimer des émotions n’ont pas non plus montré de différences significatives entre les groupes.

Une possible amélioration de la santé mentale

Cependant, les participants du groupe thérapie familiale ont rapporté moins de troubles comportementaux sur l’échelle SQD (Strengths and Difficulties Questionnaire), d’idéations suicidaires (échelle de Beck) et un meilleur fonctionnement avec les accompagnants familiaux (McMaster Family Assessment Device) par rapport à ceux du groupe soins habituels à 12 mois.

L’analyse coût/efficacité n’a pas montré non plus de différence significative, le coût de la thérapie familiale étant supérieur à celui des soins usuels, mais avec de meilleurs résultats cliniques.

Limitations

Étant donné la nature de l’intervention, patients et thérapeutes connaissaient l’attribution au groupe d’intervention ou contrôle, mais les chercheurs n’en avaient pas connaissance.

La forte proportion de participant perdus de vue limite la portée des résultats obtenus. Ceux-ci ne peuvent non plus être généralisés aux adolescents ayant fait une TS pour la première fois.


Voir l'abstract
Références
Disclaimer


Cottrell DJ, Wright-Hughes A, Collinson M, Boston P, Eisler I, Fortune S, Graham EH, Green J, House AO, Kerfoot M, Owens DW, Saloniki EC, Simic M, Lambert F, Rothwell J, Tubeuf S, Farrin AJ. Effectiveness of systemic family therapy versus treatment as usual for young people after self-harm: a pragmatic, phase 3, multicentre, randomised controlled trial. Lancet Psychiatry. 2018;5(3):203-216. doi: 10.1016/S2215-0366(18)30058-0. PMID: 29449180


https://www.univadis.fr/viewarticle/risque-suicidaire-de-l-adolescent-la-therapie-familiale-pas-superieure-aux-traitements-habituels-mais-utile-quand-meme-592204?