jeudi 9 décembre 2021
DEBAT CRITIQUE AVIS "La réduction de la pauvreté devrait faire partie des moyens de prévention du suicide."
Les aides financières ont fait baisser le taux de suicide en 2020
F.T. Green — Traduit par Peggy Sastre — 9 décembre 2021 sur http://www.slate.fr/*
Parce que l'argent distribué par les gouvernements pendant la pandémie de Covid-19 a empêché certains de se donner la mort, la réduction de la pauvreté devrait faire partie des moyens de prévention du suicide.
Le Covid-19 aura tué des êtres chers, plongé des millions de gens dans le chômage et privé de nombreuses personnes de contact humain pendant des mois. À bien des égards, cette pandémie aurait dû être une «tempête parfaite» pour le risque de suicide. Mais de récentes données montrent au contraire que les habitants de pays à revenu élevé ou intermédiaire se sont en réalité suicidés à un taux plus faible en 2020. Il y a une raison majeure à cela: l'argent.
Bien des gouvernements ont aidé financièrement leurs citoyens à faire face aux confinements. Pour de nombreux pauvres, ces aides ont même dépassé les allocations auxquelles ils avaient habituellement droit et les salaires qu'ils auraient gagnés si leurs entreprises avaient tourné normalement. Aux États-Unis, la pauvreté a diminué et, malgré tout le deuil, l'isolement et l'anxiété, les taux de suicide ont baissé dans le même temps. Au Canada, où les aides d'urgence se sont faites généreuses et durables, le taux de suicide a chuté de 30%, selon des données encore provisoires. Au total, les taux de suicide en 2020 ont diminué ou sont restés stables dans vingt-et-un pays à revenu élevé ou intermédiaire (on dispose de très peu de données sur l'effet de la pandémie sur le suicide dans les pays pauvres). L'aide financière apportée aux personnes pauvres semble avoir diminué les suicides.
Ce déclin n'est que l'énième preuve que la pauvreté pousse au suicide. Ces dernières années, des chercheurs ont constaté que les taux de suicide sont les plus élevés parmi les personnes les plus pauvres. Les enfants de gens bénéficiant de l'aide sociale sont deux fois plus susceptibles de se suicider. Les sans-abris se suicident environ dix fois plus fréquemment que les individus disposant d'un logement.
Quand le chômage monte, le suicide aussi
Les personnes pauvres sont plus vulnérables au suicide parce que la pression de la misère augmente considérablement les risques de développer une maladie mentale. Le faible statut socio-économique est à l'origine d'environ la moitié des maladies mentales. Les gens sont beaucoup plus susceptibles de souffrir de dépression, de trouble bipolaire, et même de schizophrénie lorsqu'ils n'ont pas assez d'argent pour satisfaire leurs besoins matériels. La science a constaté depuis longtemps que les taux de suicide et d'hospitalisation en psychiatrie augmentent de manière fiable après les hausses de chômage.
La bonne nouvelle, c'est que l'argent règle les mêmes problèmes qu'il provoque. Selon une étude comparative entre la Nouvelle-Zélande, qui a procédé à des coupes sombres dans son système de protection sociale en période de récession, et la Finlande, qui ne l'a pas fait, le taux de chômage a beaucoup moins d'incidence sur le suicide dans les pays offrant un soutien financier plus important aux chômeurs. En Indonésie, moins de pauvres sont morts par suicide quand le gouvernement s'est mis à les aider financièrement. Aux États-Unis, l'augmentation du salaire minimum fait baisser le taux de suicide chez les pauvres. Ce qu'il faut en conclure n'est pas très compliqué: empêcher les gens de vivre dans la pauvreté prévient les suicides.
Malgré ces preuves, beaucoup n'ont visiblement pas envie d'admettre le lien entre le suicide et l'incapacité à répondre à ses besoins fondamentaux. Dans les médias, face à l'annonce de la baisse des suicides en 2020, d'autres explications ont été traquées –l'amélioration des services de télésanté ou encore la théorie dite de la «lune de miel». Selon cette dernière, la société se resserrerait en temps de crise: des liens sociaux se créent et se renforcent, ce qui fait que le nombre de suicides diminue en conséquence.
La prévention n'inclut rien sur la pauvreté
Mais les données susceptibles de prouver cette théorie laissent à désirer. Oui, il arrive que le nombre de suicides diminue après une catastrophe, comme il arrive qu'il reste stable ou augmente –une étude récente révélait même que les épidémies du passé avaient souvent entraîné une augmentation des suicides.
Militants et universitaires semblent eux aussi éviter d'aborder de grands problèmes de société comme la pauvreté et le sans-abrisme lorsqu'ils parlent de prévention du suicide. La liste «exhaustive» des stratégies du SPRC, la principale organisation américaine pour la prévention du suicide, n'inclut rien sur la pauvreté. Il en va de même pour un certain nombre d'analyses de la littérature sur le sujet, qui se focalisent plutôt sur les médicaments, la thérapie et le fait d'apprendre aux médecins le dépistage des personnes à risque, entre autres interventions.
Même dans les études concluant que la pauvreté augmente le risque de suicide, les auteurs omettent souvent d'en appeler à des changements s'attaquant à la pauvreté, et préfèrent s'orienter vers des interventions anti-suicide traditionnelles. Peut-être parce que si l'argent est autant une cause qu'un remède, alors la question ne relève pas de la compétence des professionnels de la santé mentale étudiant le suicide. Ou peut-être faut-il simplement y voir un constat de realpolitik: la pauvreté n'est pas près de disparaître.
La restriction des moyens émousse seulement la pointe de l'iceberg
Pour le dire sans ambiguïté, mettre fin à la pauvreté ne mettrait pas fin au suicide. De nombreux autres facteurs sont en jeu, et certaines des stratégies traditionnelles préconisées par les experts sont valables. L'une des plus connues et des plus efficaces consiste en une limitation de l'accès aux méthodes mortelles, que les experts appellent la «restriction des moyens»: on modifie la vie quotidienne pour que les personnes suicidaires aient plus de mal à se donner la mort. Ce qui fonctionne: dans certains cas, les pulsions suicidaires sont temporaires et faciles à étouffer; si des moyens létaux ne sont pas facilement disponibles, l'envie passe et la personne continue sa vie.
Un exemple classique de restriction des moyens nous est donné par le Royaume-Uni au milieu du XXe siècle, quand le taux de suicide diminua parce que les poêles étaient passés du gaz de charbon toxique au gaz naturel, de sorte que les gens ne pouvaient plus se tuer en tournant simplement un bouton et en désactivant une sécurité. À la fin des années 1990, le nombre de suicides a chuté au Sri Lanka après l'interdiction d'une classe de pesticides particulièrement mortels pour empêcher les gens de se suicider; de telles interdictions à Taïwan et en Corée du Sud ont également entraîné une baisse du taux de suicide.
Mais la restriction des moyens a ses limites. Après avoir limité l'usage de pesticides hautement létaux, Taïwan a dû faire face à l'essor de méthodes alternatives. Au Canada, le contrôle des armes à feu a permis de réduire les suicides par arme à feu, tout en entraînant une augmentation des pendaisons.
En outre, la restriction des moyens ne sert qu'aux gens qui sont déjà au bord du précipice. Elle permet d'éviter certains suicides, mais ne fait rien pour réduire le nombre de personnes souhaitant mettre fin à leur vie. En réalité, les Sri Lankais se sont davantage empoisonnés à la fin des années 1990 et au début des années 2000 –si le taux de suicide a baissé, c'est uniquement parce que les pesticides ingérés étaient moins mortels qu'auparavant. Moins de personnes sont mortes, mais les causes profondes de la suicidalité sont restées.
Pour chaque personne qui se tue, des dizaines d'autres tentent de se suicider et des centaines d'autres y songent sérieusement. Le suicide est la pointe d'un iceberg de désespoir humain évitable. La restriction des moyens, comme bon nombre des stratégies dominantes de prévention du suicide, n'émousse que cette pointe. La réduction de la pauvreté fait fondre tout l'iceberg.
Les aides d'urgence au Covid-19 ont pu démontrer que, même dans les moments les plus sombres, l'argent réduit les suicides. Des pauvres qui se seraient suicidés sont aujourd'hui en vie parce que les gouvernements leur ont donné de l'argent (l'interdiction des expulsions locatives a également été déterminante). Mais ces mesures visaient uniquement à sauver l'économie, pas à prévenir les suicides. Malheureusement, l'économie est en train de revenir à la normale.
http://www.slate.fr/story/219831/sante-mentale-argent-taux-suicide-prevention-aides-financieres-gouvernements-pandemie-covid-19
vendredi 29 octobre 2021
AUTOUR DE LA QUESTION Morts de la rue : les SDF décédés recensés en 2020 avaient en moyenne 48 ans
Morts de la rue : les SDF décédés recensés en 2020 avaient en moyenne 48 ans
Publié le 28 octobre 2021par C.M. / Localtis https://www.banquedesterritoires.fr/
Les personnes sans domicile fixe dont la mort a pu être recensée en 2020 sont en moyenne décédées à l'âge de 48 ans, contre 79 pour le reste de la population, selon un décompte publié mercredi 27 octobre par le collectif "Les morts de la rue" (CMDR) qui analyse ces décès chaque année.
D'après les données, "non exhaustives", recueillies par ce collectif, 587 personnes vivant à la rue ou en structure d'hébergement provisoire sont mortes en 2020, dont au moins une sur quatre de mort violente (agression, suicide, noyade, accident). Parmi ces 587 personnes, 24% avaient passé plus de dix ans en errance, précise le collectif dans un communiqué.
"Les morts de la rue" a également recensé le décès en 2020 de 81 autres personnes qui avaient connu une période sans domicile, et qui sont mortes en moyenne à l'âge de 58 ans. "Les personnes ayant connu un parcours à la rue même une fois entrées dans un logement subissent toujours le poids de temps passé à la rue qui impacte leur santé et l'âge moyen de leur décès", explique à l'AFP Julien Ambard, épidémiologiste.
Plus de 45% des décès recensés sont concentrés en Île-de-France (suivent les Hauts-de-France et l’Occitanie).
En 2019, au moins 531 personnes SDF étaient mortes, en moyenne à l'âge de 49 ans, selon la même source. Qui précise l'ampleur probable de la non-exhaustivité : "Selon l’étude effectuée en 2014 par des scientifiques extérieurs au CMDR, la réalité se tiendrait autour d’un peu plus de 2.000 décès par an (6.730 personnes sans domicile décédées entre 2008 et 2010)."
Quel a été l’effet de la crise sanitaire sur la mortalité des personnes SDF ? Difficile à dire pour l'heure. En tout cas, "la mobilisation sans précédent des acteurs de l’urgence sociale et des pouvoirs publics a permis d’atteindre des situations exceptionnelles au cours du premier confinement (baisse de 70 à 80% des appels au 115 entre les semaines 7 et 19, baisse des demandes non pourvues) et a contribué à contenir l’impact de l’épidémie sur cette population vulnérable", écrit CMDR dans son propos introductif à ce rapport détaillé de 94 pages.
Toutefois, au-delà des dispositions d'urgence en termes de places d'hébergement temporaires prises par le gouvernement au début de la pandémie, le collectif considère qu'il "ne suffit pas de prendre des mesures ponctuelles, aussi importantes soient-elles, pour réduire la mortalité des personnes sans chez soi, elles doivent être durables et soutenues dans le temps".
Les recommandations de CMDR
A. Mieux connaître :
- la population des "sans chez soi"
- le nombre de décès et leurs causes
B. Prévenir la perte de logement :
- rendre effective la production de logements sociaux et très sociaux par une loi de finances sans coupes budgétaires
- prévenir les expulsions locatives
- s’interroger sur l’utilité réelle des évacuations d’habitats informels (campements, bidonvilles, squats...)
- un revenu garanti pour les 18-25 ans
- accompagner la sortie des dispositifs ASE (aide sociale à l'enfance)
C. Assurer l’accès au logement pour des populations fragiles
- femmes enceintes et leurs familles
- mineurs et jeunes en danger
- demandeurs d'asile
D. Renforcer l’effectivité de l’accès au logement des publics en situation de rue dans le cadre de la politique "Un logement d’abord"
E. Accompagner le soin et la prévention
Pour aller plus loin
Accéder au rapport et à son résumé sur le site du collectif
Source https://www.banquedesterritoires.fr/morts-de-la-rue-les-sdf-decedes-recenses-en-2020-avaient-en-moyenne-48-ans
vendredi 22 octobre 2021
IRLANDE Le service de conseil d'urgence et de prévention du suicide destiné aux personnes sans domicile fixe a réduit de moitié le nombre d'appels aux ambulances - rapport
Le service de conseil d'urgence d'une organisation caritative a réduit de moitié le nombre d'appels aux ambulances - rapport
Les conseillers ont fait de gros efforts pour entrer en contact avec les personnes à risque.
21/10/2021 D’après article Charity’s emergency counselling service cut need for ambulance call-outs by half - report ‘Major efforts made by the counsellors to connect with at-risk clients’ highlighted
Lorsqu'un résident d'un logement d'urgence ou une personne vivant dans la rue exprime des idées suicidaires ou s'automutile, le personnel de première ligne peut demander l'intervention urgente d'un conseiller Sure Steps pour procéder à une évaluation.
Selon un rapport sur son fonctionnement, un service de conseil d'urgence et de prévention du suicide destiné aux personnes sans domicile fixe a permis de réduire de moitié les appels aux ambulances dans les foyers et auprès des habitants de la rue.
Le rapport, dirigé par le chercheur indépendant Kevin Cullen, spécialiste des questions sanitaires et sociales, indique que l'un des défis auxquels est confronté le service de conseil Sure Steps est de "maintenir la réactivité du service face à une demande en forte augmentation".
Sure Steps, exploité par Dublin Simon, a étendu ses heures de fonctionnement à l'automne 2018 pour assurer une couverture de 8h à 22h du lundi au vendredi et de 16h à 22h le week-end. Cette décision a été prise à la suite d'une recommandation du bureau national de prévention du suicide (national office for suicide prevention (NOSP)).
Le système fonctionne de telle sorte que lorsqu'un "client" - un résident d'un logement d'urgence ou de la rue - exprime des idées suicidaires ou s'automutile, le personnel de première ligne peut demander l'intervention urgente d'un conseiller pour évaluer la personne - immédiatement ou dans les 24 heures.
Au total, 655 interventions/séances auprès des clients ont été fournies en 2019, selon le rapport.
"Les appels d'ambulance ont été inférieurs de près de la moitié au cours de la période depuis l'introduction du service hors heures (septembre 2018 - décembre 2019) par rapport à la période de huit mois précédente pour laquelle des données étaient disponibles", indique le rapport.
Un échantillon de journal des incidents, notant leur nature et si les ambulances ont été appelées, montre que dans 44 pour cent des incidents - y compris l'automutilation, la tentative de suicide, les idées suicidaires - les ambulances ont été appelées entre janvier et août 2018. Ce chiffre est tombé à 24 pour cent entre septembre 2018 et la fin de 2019.
"Les journaux d'activité montrent également la volatilité et la vulnérabilité de la population cliente desservie, ainsi que les efforts majeurs déployés par les conseillers pour entrer en contact avec les clients à risque et établir/maintenir leur engagement envers le service.
"Suivre les clients qui se déplacent entre le logement et la rue et rester en contact avec eux demande beaucoup de temps et de ténacité (mais) l'extension du service apporte clairement une forte contribution dans le cadre du service global de réponse à la prévention du suicide Sure Steps et aide à fournir une alternative aux appels d'ambulance pour les incidents où cela est approprié et faisable", indique le rapport.
Le responsable des spécialistes en psychologie à Dublin Simon, Derek Dempsey, a déclaré : "La réduction spectaculaire du nombre d'appels d'ambulance met également en évidence la nécessité de développer ce type de service, qui correspond aux niveaux de suicidalité que nous observons chez les clients qui se présentent à nous."
lundi 15 juin 2020
Observatoire national du suicide Suicide : quels liens avec le travail et le chômage ? Penser la prévention et les systèmes d’information - 4e rapport / juin 2020
publié le10.06.20
État de santé et recours aux soins 2020

Dénombrer les suicides liés au travail ou au chômage est un exercice délicat. La part qu’ont représenté les facteurs professionnels dans la décision de la personne de mettre fin à ses jours est difficile à évaluer. Pourtant, ce geste ne peut pas être réduit à une fragilité individuelle et les conditions de travail ou le vécu du chômage sont souvent en cause. Face à cette réalité, des mesures concrètes de prévention du suicide sont mises en oeuvre dans de nombreuses professions, celles s’adressant aux chômeurs restent, en revanche, à construire.
Pour ce quatrième rapport, l’Observatoire national du suicide apporte des éclairages académiques, statistiques et juridiques sur les suicides liés au travail et au chômage. Il offre également un état des lieux des évolutions des systèmes d’information pour améliorer la mesure globale des suicides et éclairer les liens avec la situation professionnelle et la santé mentale.
Avant-propos
Ouvrage
Ouvrages complémentaires
Contributeurs
Ouvrage principal
pdf Suicide : quels liens avec le travail et le chômage ? Penser la prévention et (...) Téléchargement (10.1 Mo)
Synthèse
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Dossiers
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Fiches
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Annexes
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lundi 2 mars 2020
Publications du CREDOC tous autonomes et fragiles à la fois
Résumé
***
Dépasser la vision figée d'une fracture sociale: tous autonomes et fragiles à la fois
BERHUET Solen, CROUTTE Patricia, DE BARTHES Jeanne, HOIBIAN Sandra
Consommation & Modes de Vie N°CMV310 février 2020
Résumé
Accès https://www.credoc.fr/download/pdf/4p/CMV310.pdf
Source https://www.credoc.fr/publications/depasser-la-vision-figee-dune-fracture-sociale-tous-autonomes-et-fragiles-a-la-fois
vendredi 10 janvier 2020
ETUDE RECHERCHE USA Effets de l'augmentation du salaire minimum en fonction du taux de chômage sur le suicide aux États-Unis
Augmenter le salaire minimum de 1 $ peut empêcher des milliers de suicides, selon une étude
Une nouvelle étude suggère que l'augmentation du salaire minimum pourrait faire baisser le taux de suicide - en particulier lorsque le chômage est élevé - et que cela aurait pu sauver des dizaines de milliers de personnes de mourir par suicide au cours du dernier quart de siècle.
Le salaire minimum fédéral minimum est de 7,25 $, bien que de nombreux États l'ont fixé plus haut. Entre 1990 et 2015, l'augmentation du salaire minimum de 1 $ dans chaque État aurait pu sauver plus de 27 000 vies, selon un rapport publié cette semaine dans le Journal of Epidemiology & Community Health. Une augmentation de 2 $ du salaire minimum de chaque État aurait pu empêcher plus de 57 000 suicides.
"Il s'agit, semble-t-il, d'une manière d'améliorer le bien-être des personnes occupant des emplois à bas salaire et de leurs personnes à charge", explique John Kaufman, auteur principal de l'étude et doctorant en épidémiologie à l'Université Emory.
Fait crucial, les chercheurs ont constaté que l'augmentation du salaire minimum semble réduire davantage le taux de suicide lorsqu'il est plus difficile de trouver un emploi. Dans les périodes difficiles, la même augmentation de 1 $ pourrait sauver plus de gens qu'elle ne le ferait dans les périodes fastes.
"Plus le taux de chômage est élevé, plus cet effet protecteur potentiel semble être fort", explique Kaufman.
Les chercheurs ont découvert que 26 000 décès auraient pu être évités après le pic de chômage de 2009, lors de la dernière récession, si le salaire minimum avait été plus élevé de 2 $.
Le rapport se concentre sur les adultes moins scolarisés car ce groupe est plus susceptible de gagner le salaire minimum. Ce groupe présente également un risque plus élevé de dépression et de suicide, explique Kaufman. L'augmentation du salaire minimumne semblait pas avoir d'incidence sur la possibilité que les diplômés d'universités meurent par suicide
Un certain nombre d'autres chercheurs explorent les liens entre l'économie et notre bien-être. L'étude est la troisième en moins d'un an à montrer que l'augmentation du salaire minimum peut faire baisser le taux de suicide, dit le Dr Alexander Tsai, professeur agrégé de psychiatrie à l'Hôpital général du Massachusetts à Harvard, qui n'a pas participé à la recherche actuelle.
Un document de travail publié par le National Bureau of Economic Research en avril 2019 estimait que l'augmentation du salaire minimum et du crédit d'impôt sur le revenu gagné de 10% chacun pourrait empêcher 1230 personnes de mourir par suicide chaque année.
Ce qui est nouveau dans l'étude menée par Kaufman, dit Tsai, c'est sa découverte que les hausses de salaires abaissent davantage les taux de suicide lorsque le chômage est élevé.
Ces documents s'inscrivent dans le cadre d'un regain d'intérêt pour le lien entre la santé et le salaire minimum, dit-il. Sur une trentaine d'études reliant les hausses à une série de meilleurs résultats de santé, M. Tsai estime que la plupart ont été publiées au cours des cinq dernières années.
Tsai étudie également comment les opportunités économiques affectent la santé. Il est l'auteur principal d'une étude publiée dans JAMA Internal Medicine, qui a révélé que les surdoses d'opioïdes avaient augmenté de 85% dans les comtés cinq ans après la fermeture d'une usine automobile.
"Dans de nombreuses régions du pays, nous constatons que le rêve américain ne se concrétise pas pour beaucoup de gens", dit-il.
Pour déterminer si le salaire minimum était lié aux taux de suicide, Kaufman et ses coauteurs ont examiné les deux chiffres, par État, pour chaque mois entre 1990 et 2015. Ils ont analysé les chiffres selon un modèle mathématique qui montrait, en moyenne, que pour chaque Augmentation de 1 $ du salaire minimum, le taux de suicide a baissé de 3,5% à 6%. Lorsqu'ils ont ajouté les taux de chômage au modèle, ils ont constaté que l'effet de chaque augmentation de 1 $ semblait plus important lorsque davantage de personnes étaient sans emploi.
Parce que l'étude a examiné les données au niveau de l'État et non les individus, "il n'est pas en mesure de montrer pourquoi la hausse des salaires a semblé réduire les taux de suicide", a déclaré Kaufman par e-mail.
Sans savoir exactement pourquoi, il n'y a pas suffisamment de preuves pour justifier une augmentation du salaire minimum, explique Aparna Mathur, économiste au conservateur American Enterprise Institute.
"À première vue, je pense que l'idée a du sens", dit-elle, mais mais "l'analyse est à un niveau si global que nous ne comprenons pas quel est le lien."
L'étude a également besoin de données plus détaillées avant de pouvoir exclure l'impact potentiel de programmes tels que le Supplemental Nutrition Assistance Program, ou les bons d'alimentation, qui, selon elle, pourraient éventuellement contribuer à protéger contre le suicide. (Mme Kaufman dit que son étude contrôle l'effet d'un autre programme à faible revenu, l'Aide aux familles avec enfants à charge/Aide temporaire aux familles dans le besoin).
Centrer l'étude sur le suicide peut masquer d'autres impacts moins nocifs mais toujours graves, explique Mathur. Les hausses du salaire minimum pourraient amener un employeur à supprimer le poste de quelqu'un ou à ne pas engager de nouveaux employés. Dans ce cas, "ils ne se suicideront peut-être pas, mais leur situation économique pourrait être encore pire", dit-elle.
En l'absence de réponse directe à la raison pour laquelle il existe une relation entre l'augmentation du salaire minimum et la baisse des taux de suicide, Kaufman prévoit de futurs travaux pour voir si la dépression, un facteur de risque de suicide, diminue également avec les hausses de salaire.
"Il y a beaucoup d'informations que nous aimerions avoir pour combler les lacunes", mais les données dont ils disposent suggèrent que l'augmentation du salaire minimum pourrait être une intervention pour prévenir les suicides, dit Kaufman.
L'étude soulève d'autres questions sur la façon dont l'augmentation du salaire minimum pourrait affecter la santé mentale, dit Tsai. Il a émis l'hypothèse que les tentatives de suicide, qui se produisent 20 à 30 fois pour chaque suicide, pourraient également décroître avec des salaires minimum plus élevés. De même, des salaires plus élevés pourraient aider les parents à créer une plus grande stabilité économique pour leurs enfants. Cela, à son tour, les rend moins susceptibles de faire face à des événements indésirables pendant l'enfance, tels que la violence entre partenaires intimes et la maltraitance des enfants, qui peuvent nuire à leur santé physique et mentale à l'âge adulte.
Graison Dangor est journaliste à Brooklyn.
https://www.npr.org/sections/health-shots/2020/01/08/794568118/raising-the-minimum-wage-by-1-may-prevent-thousands-of-suicides-study-shows?t=1578642715413
autre article sur le sujet
jeudi 21 novembre 2019
Santé mentale, suicide et expériences du travail, du chômage et de la précarité : Pistes de réflexions françaises
Intervention de Valérie Ulrich, responsable, Observatoire national du suicide (France).
Lors du 15e institut d'été de Crise, Québec, Du 22 au 24 mai 2019,
sur le thème Santé mentale, suicide et expériences du travail, du chômage et de la précarité : Pistes de réflexions françaises
Santé mentale, suicide et expériences du travail, du chômage et de la précarité : Pistes de réflexions françaises from CRISE on Vimeo.
Lien https://vimeo.com/343104885/4e188edd35
Plan
Ce que l’on sait et ce que l’on sait moins:
• Santé mentale / suicide et travail
• Santé mentale / suicide et précarité professionnelle / chômage
• Prévention de la santé mentale / suicide au travail
vendredi 8 novembre 2019
ETUDE RECHERCHE Santé mentale des mères et des enfants de familles sans logement en Île-de-France.
M. Roze a S.Vandentorren b M.Melchior a
a Inserm, équipe de recherche en épidémiologie sociale, institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (UMRS 1136), Sorbonne Universités, UPMC Université Paris 06, 75012 Paris, France
b Direction des régions, santé publique France, 94415 Saint-Maurice cedex, France
Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l'Adolescence
Volume 67, Issue 7, November 2019, Pages 313-318
samedi 6 juillet 2019
ETUDE RECHERCHE Conduites suicidaires chez les personnes adultes sans abri : une revue de la littérature
Pierre Jannel ; sous la direction d'Edouard Leaune
Thèse d'exercice : Médecine : Lyon 1 : 2019
Auteur(s) : Jannel, Pierre Auteur
Leaune, Edouard Directeur de thèse
Université Claude Bernard (Lyon). Organisme de soutenance
Accès en ligne : Accès au texte intégral
https://n2t.net/ark:/47881/m6n878zw
Résumé(s) :
Une population pour laquelle la suicidologie développe un intérêt est celle qu'on qualifie dans ce travail de « sans-abri ». Les facteurs de risque démographiques, sociologiques et cliniques qu'on retrouve chez cette population justifient l'intérêt de mieux identifier, quantifier et comprendre les conduites suicidaires chez ces personnes qui subissent un niveau extrême de précarité. L'objectif principal de cette revue de la littérature scientifique est de quantifier et caractériser les conduites suicidaires (qui comprennent : le suicide, les antécédents de tentatives de suicide (TS), la prévalence des idées (IS) et du risque (RS) suicidaires) survenant chez les personnes exposées au sans-abrisme. Ce travail vise aussi à évaluer l'efficacité des mesures de prévention des conduites suicidaires chez les personnes sansabri. Une revue de la littérature scientifique a été conduite pour investiguer les conduites suicidaires et identifier des stratégies de prévention du suicide chez les personnes sans-abri. En Août 2018, nous avons recherché sur les bases de données MEDLINE, SCOPUS et PSYCINFO les articles publiés depuis le 1er Janvier 1973 traitant des conduites suicidaires chez les personnes adultes sans-abri. Les sous-populations spécifiques d'anciens militaires américains ainsi que les enfants ou adolescents sans-abri ont été exclues de cette recherche compte tenu de travaux spécifiques les concernant. Nous avons inclus les articles originaux traduits en langue anglaise incluant un minimum de cent individus exposés au sans-abrisme, qui contenaient une estimation quantitative standardisée des conduites suicidaires : d'une part les suicides ou les décès inexpliqués formulés en ratios de mortalité, d'autre part les taux de prévalence de TS, IS, RS ou de lésions auto-infligées (« selfharm ») exprimés en pourcentage. 36 études observationnelles et 4 études interventionnelles ont été incluses dans cette revue. 4 de ces articles formulent une estimation standardisée par rapport au sexe et à l'âge des suicides comparée à une population générale de référence. Les estimations significatives de ces SMSR (Standadized Mortality by Suicide Ratio) ou HR (Hasard Ratio) vont de 1.9 (IC95%=1.5-2.5) à 14.2 (95%IC=9.2–20.9). 43% des personnes exposées au sans-abrisme interrogées sur le fait d'avoir réalisé une TS au cours de leur vie répondent positivement ; 39,7% des personnes sans-abri interrogées sur le fait d'avoir eu des IS au cours du dernier mois répondent affirmativement (moyennes pondérées par l'effectif des études ; 34% des personnes sans-abri étaient considérées d'après leurs déclarations comme ayant un RS élevé ou modéré actuel. Les études interventionnelles de type housing first (Logement d'abord) n'apportent pas de résultat significatif en termes du suicide. Cependant, ces quelques essais cliniques randomisés montrent de façon homogène une décroissance du taux d'IS entre le moment de l'inclusion et le suivi à 6 mois, 1 an et 2 ans, décroissance d'importance comparable dans les groupes housing first et témoin (suivi dans le cadre d'un traitement habituel). Les études de mortalité des personnes sans-abri méritent d'être actualisées à l'échelle locale, en prenant en compte la part des morts inexpliquées, afin de mieux évaluer l'ampleur du suicide chez les personnes sans-abri. En effet, la prévalence des conduites suicidaires apparaît globalement plus importante (environ dix fois supérieure) chez les sans-abri que dans la population générale, notamment les IS et les TS, d'où un RS plus élevé chez cette population. Ces marqueurs de souffrance psychique doivent être détectés et considérés comme des enjeux cliniques et sociologiques au sein de cette population extrêmement précaire. Cependant, il est difficile d'affirmer, compte tenu de l'hétérogénéité des études, de la faible puissance statistique de la plupart d'entre elles vis-à-vis de la fréquence des évènements étudiés, de la prévalence des cofacteurs et de l'absence de métaanalyse, que l'exposition au sans-abrisme est un facteur de risque indépendant de passage à l'acte suicidaire. Le sur-risque observé peut aussi être considéré comme une résultante des cofacteurs démographiques, cliniques (comorbidités somatiques psychiatriques et addictives notamment) et sociologiques (précarité, faible support et faibles facteurs protecteurs)
Source info http://www.sudoc.abes.fr//DB=2.1/SET=2/TTL=1/CLK?IKT=1016&TRM=Conduites+suicidaires+chez+les+personnes+adultes+sans+abri
vendredi 28 juin 2019
AUTOUR DE LA QUESTION DEBATS REFLEXIONS Lutter contre les inégalités, un remède (inattendu) contre la maladie mentale
Agir contre l'injustice sociale, un appui utile pour la médecine.
Repéré par Robin Lemoine sur The Guardian
26/06/2019 sur https://korii.slate.fr*
Selon le dernier Rapport sur les inégalités, coécrit par plusieurs économistes – Facundo Alvaredo, Lucas Chancel, Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman–, les inégalités de revenu, de patrimoine et de capital augmentent depuis 1980 dans la quasi-totalité des pays du monde.
Les chercheurs expliquent: «L’inégalité économique est un phénomène complexe et multidimensionnel, et dans une certaine mesure inévitable. Néanmoins, nous avons la conviction que si l’aggravation des inégalités ne fait pas l’objet d’un suivi et de remèdes efficaces, elle pourrait conduire à toutes sortes de catastrophes politiques, économiques et sociales.»
Ce ne serait pas le seul problème: elles pourraient avoir aussi un impact psychologique. Une récente étude, remise à l'Organisation des Nations Unies (Onu), démontre que les inégalités, les politiques d'austérité comme l'insécurité de l'emploi ont un effet très négatif sur la santé mentale des populations.
Les inégalités augmentent
Les dernières statistiques de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), montrent que 971 millions de personnes souffrent de troubles mentaux dans le monde. L'OMS constate également que les troubles liés à la dépression et à l'anxiété ont augmenté de plus de 40% au cours des trente dernières années.
Le Dr Dainius Püras, rapporteur spécial de l'Onu sur la santé à Genève, souligne que, depuis la crise de 2008, les politiques d'austérité visant à réduire la dépense publique ont accentué les inégalités et les situations d'isolement, des phénomènes néfastes à l'équilibre mental: «Les gens ne se sentent plus en sécurité, ils sont anxieux. De nombreux facteurs dégradant la santé mentale sont étroitement liés aux inégalités entre différents modes de vie. Estimer que la vie est quelque chose d'injuste influe par ailleurs sur ces facteurs», explique-t-il au Guardian.
Remède savant versus politique
Comment soigner ces gens? Faut-il leur administrer des médicaments ou améliorer leurs conditions de vie via des politiques publiques? Les spécialistes sont divisés. Certain·es considèrent la maladie mentale comme un dysfonctionnement essentiellement biologique ou neurologique, auquel seule la médecine peut remédier; d'autres pensent que ces maladies seraient d'ordre psychologique et liées à des facteurs sociaux, politiques, économiques.
Dainius Püras estime que des mesures réduisant les inégalités et les discriminations seraient beaucoup plus efficaces pour lutter contre les maladies mentales: «Ce serait le meilleur vaccin contre les maladies mentales, bien plus efficace que les prescriptions de psychotropes actuelles.»
https://korii.slate.fr/et-caetera/lutter-inegalites-ameliorer-sante-mentale
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ÉCHOS AUX RÉFLEXIONS ET DÉBATS :
Quel est le vrai impact d’une crise économique sur la santé ?

Récemment, je suis tombé sur une étude passionnante d’un chercheur en sciences sociales – pas en économie (ceci explique peut-être cela). Cet homme s’appelle David Stuckler, il enseigne à l’Université de Bocconi, en Italie et il s’est penché sur deux exemples antagonistes, la Grèce et l’Islande. Sa conclusion est étonnante : en matière de santé, les conséquences d‘une récession économique dépendent certes de l’ampleur de la crise elle-même – on s’en doutait un peu – mais elles dépendent encore plus de l’attitude des gouvernements.
Démonstration. En 2010, trois organismes internationaux (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international, le FMI) prescrivent à la Grèce un plan d’austérité particulièrement sévère. Parmi les mesures mises en œuvre, une réduction de 40% de l’ensemble des dépenses de santé, imposée sans discernement ni délai. Les programmes nationaux de lutte contre le VIH (distribution gratuite de seringues et de préservatifs notamment) sont brutalement interrompus. Les municipalités coupent leurs budgets d’environnement (assèchement des zones humides), les régions n’assurent plus de suivi post-natal. Bref, tout ce qui ressemble de près ou de loin à une politique de prévention n’est plus financé.
Les conséquences ne se font pas attendre. Pour la première fois depuis quarante ans, le paludisme ressurgit dans les campagnes et certaines grandes villes. En trois ans à peine, la mortalité infantile augmente de 40%, et celle des décès par suicide de 45%. Par ailleurs, le taux de dépression majeure dans la population est multiplié par 2, et celui des nouvelles contaminations par le VIH est multiplié par 30.
A la même époque, un autre pays traverse une récession économique sans précédent, l’Islande. Dans cette ile, les banques privées, impactées par la crise des subprimes aux Etats-Unis, subissent des pertes énormes et l’économie nationale s’effondre. Le FMI exige alors de l’Etat qu’il assume la responsabilité de ces pertes et qu’il les compense en reversant la moitié du revenu national ! Par ailleurs, le FMI impose une politique d’austérité draconienne dont les conséquences sont lourdes pour la population : chute vertigineuse de la valeur de la couronne nationale, flambée des prix des importations, forte réduction des revenus.
Et pourtant, cette crise économique n’a eu que très peu d’impact sur la santé des habitants. Pourquoi ? Parce que l’Etat islandais a fait exactement l’inverse du gouvernement grec. Il a multiplié par trois le budget de la santé ; il a investi dans la protection sociale ; il a encouragé la création d’emplois, en particulier dans les métiers d’aide à la personne. Enfin, les Islandais se sont unis autour de leur Président qui s’était opposé publiquement aux dictats du FMI.
Autre effet, beaucoup plus inattendu celui-là : la santé des citoyens s’est globalement améliorée. En effet, durant cette crise, McDonald’s a fermé ses établissements à cause de la hausse du coût des importations d’oignons et de tomates (les ingrédients les plus chers de ses hamburgers !). Conséquence, les Islandais ont revu leur régime alimentaire et mangé davantage à la maison, du poisson notamment – ce qui a eu pour autre résultat positif de relancer les revenus de la flotte du pays.
En définitive, les effets sur la santé se sont résumés à une augmentation des urgences cardiaques – pendant une semaine, pas plus. Les suicides n’ont pas augmenté, la mortalité non plus, l’accès aux soins n’a pas connu de réductions particulières et le système de soutien familial local a permis de limiter l’impact de la baisse globale des revenus.
Seul symptôme préoccupant : en trois ans, le nombre de patients asthmatiques a connu une hausse sensible. Des chercheurs se sont penchés sur le phénomène et ils ont fini par trouver la bonne explication : c’était la faute… à l’éruption du volcan Eyjafjallajokull en 2010 !
https://blogs.lexpress.fr/le-boulot-recto-verso/2019/06/27/quel-est-le-vrai-impact-dune-crise-economique-sur-la-sante/
lundi 20 mai 2019
USA ETUDE RECHERCHE CRITIQUE DEBAT Comment l'augmentation du salaire minimum pourrait réduire le nombre de suicides
Comment augmenter le salaire minimum pourrait réduire les suicides
Traduction infosuicide.org
SALT LAKE CITY - Pour réduire le taux national de suicide, il faudra peut-être plus que simplement augmenter les services de santé mentale, comme la thérapie et les médicaments, selon de nouvelles recherches qui démontrent un lien entre le suicide et le salaire minimum.
Un document de travail diffusé par le National Bureau of Economic Research cette semaine a montré que l'augmentation du salaire minimum de 10% chez les adultes américains non diplômés d'un collège réduisait le nombre de suicides de 3,6% en moyenne dans l'ensemble des États. L’augmentation de 10% du crédit d’impôt sur le revenu d’activité a entraîné une diminution de 5,5% des suicides.
Une augmentation de 10 % du salaire minimum et du crédit d'impôt sur le revenu gagné - un crédit d'impôt remboursable pour les travailleurs à faible revenu et leurs familles - pourrait prévenir environ 1 230 suicides par an, selon les auteurs du journal, les économistes Anna Godoey et Michael Reich de l'Université de Californie, Berkeley et les spécialistes en santé publique William Dow et Christopher Lowenstein.
Afin d'évaluer comment de tels changements de politiques pourraient influer sur le taux de suicide, l'équipe de recherche a examiné les États qui ont augmenté leur salaire minimum ou leur crédit d'impôt pour revenu gagné entre 1999 et 2015 et a mesuré les changements dans les taux de suicide avant et après. Ils se sont également ajustés aux tendances nationales en évaluant les États qui n'ont pas connu de changements dans le salaire minimum ou le crédit d'impôt sur le revenu gagné.
"Lorsqu'ils mettent en œuvre ces politiques, les suicides chutent très rapidement ", a déclaré M. Godoey au Washington Post.
Godey a déclaré à Berkeley News qu'une plus grande sécurité financière est liée à une amélioration de la satisfaction à l'égard de la vie et de la santé mentale.
Le lien étroit qui existe entre les changements apportés aux politiques fiscales et salariales devrait encourager les décideurs à comprendre " toutes les conséquences des changements apportés aux politiques économiques " lorsqu'ils débattent de l'augmentation du salaire minimum fédéral, a dit M. Godoey.
Le suicide est la 10ème cause de décès aux États-Unis et le taux de suicide national a augmenté de 33% au cours des deux dernières décennies, selon les centres américains de contrôle et de prévention des maladies. De nombreux décideurs et particuliers ont réclamé davantage de fonds publics pour les services de santé mentale en réponse à ces statistiques alarmantes.
Cependant, un nombre croissant de recherches établissant un lien entre la santé mentale, les politiques économiques et les résultats, indique qu'une réponse plus large pourrait être nécessaire.
Par exemple, une étude de 2014 publiée dans l'American Economic Journal a révélé que les mères bénéficiant d'un crédit d'impôt sur le revenu gagné plus élevé se déclaraient en meilleure santé mentale et physique. Selon une étude de 2015 publiée par Psychology Research and Behavior Management, un nombre croissant de suicides est associé à un ralentissement économique entraînant une augmentation du chômage.
Et une étude publiée en mars dans l'American Journal of Preventive Medicine a montré qu'une augmentation de 1 $ du salaire minimum d'un État était associée à une diminution de 1,9 % des suicides, même après ajustement en fonction des conditions économiques générales de l'État, comme les taux d'emploi et la productivité.
"Il y a dix ans, nous parlions de la nécessité de faire plus de thérapies pour prévenir le suicide, mais au cours des deux ou trois dernières années, nous avons commencé à reconnaître que nous n'allions pas nous sortir de la crise du suicide par la thérapie ", a déclaré Raymond Tucker, porte-parole de l'American Association of Suicidology et professeur adjoint de psychologie à la Louisiana State University à Baton Rouge, dans les États-Unis.
Il n'existe pas de stratégie de prévention universelle pour les personnes à risque, ni de programme unique pour empêcher les suicides de se produire. Mais s'attaquer à certains des maux sociaux associés au suicide par le biais d'initiatives de santé publique, comme l'augmentation du salaire minimum et l'amélioration des inégalités économiques et sociales, pourrait avoir un impact significatif, selon Tucker.
Le salaire minimum fédéral est de 7,25 $ l'heure depuis 2009. Lors d'un forum avec des travailleurs syndiqués la semaine dernière, six candidats démocrates à la présidence de 2020 ont déclaré qu'ils étaient en faveur d'une augmentation du salaire minimum fédéral, mettant la question au premier plan de la course à la présidence, a déclaré Vox reported.
Les changements apportés au salaire minimum touchent les Américains dont le revenu est le plus faible. L'association entre les augmentations du salaire minimum et les taux de suicide était la plus forte chez les jeunes femmes et les hommes noirs et hispaniques parce que ces Américains sont les plus susceptibles d'avoir un emploi au salaire minimum, selon le document de travail.
Pour ceux qui pensent que les hausses du salaire minimum augmentent le chômage, augmenter les salaires peut ne pas sembler être une solution raisonnable pour prévenir les suicides. Selon certaines études, le salaire minimum n'a pas ou peu d'effet sur l'emploi, tandis que d'autres constatent des effets importants. La réduction des impôts des petites entreprises et l'amélioration des programmes de formation professionnelle, en plus de l'élargissement du crédit d'impôt sur le revenu gagné, sont parmi les solutions de rechange pour améliorer les perspectives des Américains de la classe ouvrière.
Cependant, Arindrajit Dube, chercheur au salaire minimum de l'Université du Massachusetts à Amherst, a déclaré au Washington Post que l'étude Berkeley fournit " des preuves supplémentaires importantes sur l'impact possible d'un salaire minimum plus élevé sur le niveau de vie - ou sur la vie même ".
Qui est à risque ?
Selon Monica H. Swahn, professeure d'épidémiologie et de biostatistique à la Georgia State University, le suicide n'est pas toujours associé à des antécédents de problèmes de santé mentale, de sorte que les efforts de prévention devraient aller au-delà des services de santé mentale. En fait, selon les Centers for Disease Control and Prevention, plus de la moitié des personnes décédées par suicide aux États-Unis ne souffraient pas d'une maladie mentale diagnostiquée connue.
"La prévention du suicide est habituellement axée sur la personne et dans le contexte de la maladie mentale, qui est une approche très limitée. Généralement, le suicide est décrit comme une conséquence de la dépression, de l'anxiété et d'autres problèmes de santé mentale, y compris la consommation de substances ", a écrit Swahn pour Quartz. "Et il ne faut pas les banaliser ; ces conditions peuvent être invalidantes et mettre la vie en danger et devraient recevoir un traitement."
"Bien qu'il y ait de nombreuses raisons de s'inquiéter de la fragmentation de notre système de santé mentale, de l'écart de traitement et des facteurs connexes, je ne pense pas qu'il soit suffisant pour comprendre notre taux croissant de suicide ", a poursuivi Swahn.
Selon l'American Foundation for Suicide Prevention, le taux de suicide est le plus élevé chez les hommes blancs d'âge moyen. En 2017, les hommes blancs représentaient 69,67 % des décès par suicide. Les jeunes de 15 à 24 ans étaient les moins susceptibles de se suicider.
D'autres recherches montrent que les personnes qui vivent dans des communautés rurales sont plus à risque, en plus des personnes aux deux extrémités de l'éventail économique - les très pauvres et les très riches. D'autres recherches suggèrent que l'inégalité, ou le fait d'avoir un statut inférieur par rapport à ses voisins, augmente le risque de suicide.
"Nous sommes élevés toute notre vie pour nous juger nous-mêmes par rapport à nos pairs et pour réussir sur le plan économique ", a déclaré Simon Gunning, PDG de Campaign Against Living Miserably (Calm), une organisation caritative britannique primée qui se consacre à la prévention du suicide masculin, à BBC. "Quand il y a des facteurs économiques qu'on ne peut pas contrôler, ça devient très difficile."
"Deaths of despair" est une expression vulgarisée par les économistes de Princeton Anne Case et Angus Deaton dans deux articles largement cités en 2015 et 2017. Le terme fait référence à l'augmentation des taux de mortalité chez les Américains blancs d'âge moyen attribués aux "overdoses de drogues, aux suicides et à la mortalité hépatique liée à l'alcool - en particulier chez ceux qui ont un diplôme d'études secondaires ou moins".
Selon l'étude de Berkeley, la mortalité à la quarantaine est en hausse chez les Blancs sans diplôme universitaire depuis les années 1990. Depuis 2013, il en va de même pour les Hispaniques et les Afro-Américains.
"C'est une crise de santé économique, a rapporté USA Today. "L'économie est en train de passer du muscle au mental - ou du muscle à la puce électronique, comme c'est le cas des 1,7 million de conducteurs de camions qui, selon les prévisions, seront en grande partie remplacés par des camions à conduite automatique.
"Comme les États-Unis négligent l'enseignement professionnel, ceux qui n'ont pas de diplôme d'études secondaires ont un taux de chômage près de trois fois plus élevé que ceux qui ont un diplôme collégial, poursuit l'article.
En plus de s'attaquer aux conditions socioéconomiques, l'Organisation mondiale de la Santé suggère que les pays élaborent des plans complets de prévention du suicide qui comprennent des efforts pour réduire l'accès aux moyens de suicide (comme les armes à feu), sensibiliser les gens au fait que les suicides peuvent être évités, accroître la recherche et la formation des travailleurs sanitaires, des enseignants et des policiers en intervention d'urgence.
Dans un article du New York Times, Matthew Desmond écrit que la pauvreté peut exacerber le stress et les problèmes de santé mentale.
"La pauvreté peut être implacable, honteuse et épuisante. Lorsque les gens vivent si près de l'os, un petit contretemps peut rapidement dégénérer en un traumatisme majeur ", dit-il.
M. Godoey a déclaré que l'augmentation du salaire minimum et du crédit d'impôt sur le revenu gagné pourrait aider à alléger ce fardeau.
"La plupart du temps, la discussion sur l'augmentation des salaires minima s'inscrit dans des termes économiques étroits ", a déclaré M. Godoey à Berkeley News.
"Bref, ajoute Godoey, notre étude montre qu'un salaire minimum plus élevé peut sauver des vies.
Si vous ou quelqu'un que vous connaissez avez besoin d'aide, appelez la Ligne nationale de prévention du suicide au 1-800-273-8255.
https://www.deseretnews.com/article/900069159/minimum-wage-suicide-poverty.html
vendredi 4 janvier 2019
ETUDE RECHERCHE Idéation et conduites suicidaires des migrants en situation de précarité : revue de la littérature et résultats d’une enquête qualitative réalisée auprès d’acteurs de terrain
vendredi 23 novembre 2018
Article Chômage : des impacts multiples sur la santé
Jacques Baugé, Médecin du travail, Tours
Vincent Xavier, Psychosociologue du travail, Tours