La revue Criminocorpus met en ligne les actes de la journée d’études « La pathologie du suicide »
La revue Criminocorpus vient de mettre en ligne les actes de la journée d’études « La pathologie du suicide – Pour une nouvelle histoire des enjeux médicaux et socio-politiques aux XIXe-XXe siècles » organisée le 13 juin 2016 à l’Institut universitaire de la médecine et de la santé publique (IUHMSP) à Lausanne avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) et la Fondation pour l’Université de Lausanne.
https://journals.openedition.org/criminocorpus/3771
La pathologie du suicide
Pour une nouvelle histoire des enjeux médicaux et socio-politiques aux XIXe-XXe siècles
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Credits : BnF
Editor's notes
Cette journée d'études a été organisée le 13 juin 2016 à l'Institut universitaire d'histoire de la médecine et de la santé publique (IUHMSP) à Lausanne avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) et la Fondation pour l'Université de Lausanne.
Présentation de la journée d'étude
Marc Renneville and Eva Yampolsky
La pathologie du suicide. Pour une nouvelle histoire des enjeux médicaux et socio-politiques aux XIXe-XXe siècles
Marc Renneville 1 Eva Yampolsky
1 CLAMOR - Centre pour les humanités numériques et l’histoire de la justice
Résumé
: Organisée par l’Institut universitaire d’histoire de la médecine et
de la santé publique (IUHMSP) le 13 juin 2016 à Lausanne, avec le
soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) et
la Fondation pour l'Université de Lausanne, cette journée d’étude se
voulait interdisciplinaire en réunissant des chercheurs qui se sont
intéressés à cette question, de près ou de loin, depuis leur lieu de
spécialisation, notamment en histoire de la justice, de la criminologie
et de la médecine, en études littéraires, mais aussi en sociologie. Elle
visait précisément, à partir d’étude de cas, à éclairer la manière dont
le suicide a été construit comme un objet relevant de la médecine, et
comment cette construction a été influencée voire définie par d’autres
discours non-médicaux, notamment juridique, journalistique et
littéraire, moral et politique.
Direction d'ouvrage, Proceedings, Dossier
France. https://journals.openedition.org/criminocorpus/3771, 2018,
〈https://journals.openedition.org/criminocorpus/3771〉
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01791201
Contributeur : Marc Renneville <marc.renneville@cnrs.fr>
Histoires de la pathologie du suicide [Full text]
14 May 2018
Communications
Marc Renneville 1 Eva Yampolsky
1 CLAMOR - Centre pour les humanités numériques et l’histoire de la justice
Résumé
: L’une des premières questions qu’il convient de poser à l’histoire du
suicide tient à la position du narrateur. S’agit-il de s’engager dans
une explication du passage à l’acte ? S’agit-il plutôt de rendre compte
des explications formulées dans un temps et un espace situé ? Les deux
démarches sont également légitimes et nous n’avons pas choisi d’en
privilégier une pour cette journée d’étude. La capacité de la mort
volontaire à susciter la réaction sociale rend l’histoire sociale du
suicide particulièrement complexe en raison du nombre de sources
disponibles (droit, justice, théologie, philosophie, médecine, sciences
humaines…). Cette variété appelle à une réserve méthodologique
préliminaire sur la capacité de l’histoire à en rendre compte par une
synthèse englobant plusieurs aires culturelles dans la longue durée.
Nous ne possédons pas pour l’instant de synthèse sur le sujet,
comparable au travail mené par Philippe Ariès sur la mort en Occident.
Les contextes nationaux ne sont pas indifférents à l’évolution de la
question et ils exigent de tenir compte de chronologies spécifiques
avant d’établir un inventaire des différences, des similitudes et de
circulations des savoirs. Ce qui a conduit, depuis ces dernières années,
plusieurs historiens à mener des études comparatives du suicide sur les
plans culturel, national et politique. Dans cette optique, la
compréhension du suicide, de ses causes et des mobiles, exige une
approche qui inscrit ce phénomène dans la spécificité culturelle et
nationale qui le détermine. Ainsi, si l’on compare la situation de la
France avec l’Angleterre, les différences paraissent a priori flagrantes
sur le plan juridique, puisque le code pénal de 1791 décriminalise
l’acte tandis que le suicide reste passible de poursuite durant toute la
période victorienne (Anderson 1987 ; MacDonald et Murphy, 1993) et ne
fut dépénalisé en Angleterre qu’en 1961. La tendance au retrait
judiciaire, dans sa pratique, est pourtant similaire. Nous avons donc
choisi pour cette journée d’étude de restreindre notre approche à la
période contemporaine, prise sous l’angle de l’histoire des savoirs
visant à produire une connaissance du phénomène suicidaire. Nous avons
délibérément écarté la question du suicide dans la littérature au XVIIIe
et au XIXe siècles, bien qu’il s’agisse d’un thème majeur qui a suscité
de nombreuses études critiques (Alvarez 1973 ; Gates 1987 ; Bell 2011 ;
Faubert 2015). Il ne s’agit pas pour autant d’ignorer les influences
réciproques entre médecine et littérature, et tout particulièrement dans
le champ de la folie et du suicide. Ces circulations, tant au niveau
conceptuel et terminologique qu’au niveau descriptif, ont fait l’objet
d’analyse en études littéraires et en humanités médicales, et qui
permettent de mieux comprendre la médicalisation du suicide (Rigoli 2001
; Roldan 2013). En précisant notre cadre d’études, nous avons également
écarté certaines questions qui sont à la périphérie de l’acte du
suicide, notamment le comportement autodestructeur qui a récemment fait
l’objet d’études approfondies (Millard 2015 ; Chaney 2017). Les articles
réunis dans ces actes partent de plusieurs axes d’études en histoire,
qui ont déjà été bien élaborés, comme la question de la sécularisation
et la médicalisation du suicide (MacDonald 1988, 1989 ; Kushner 1991),
le rapport entre violence et suicide (Chesnais 1981) et la perspective
du « genre » de la mort volontaire (Higonnet 1986 ; Kushner 1993 ;
Fauvel 2016).
Article dans une revue Criminocorpus, revue hypermédia, Criminocorpus, 2018,
〈https://journals.openedition.org/criminocorpus/3775〉
Juan Rigoli1
Psychopathologie et poétique de l’« ennui » en France au xixe siècle [Full text]
14 May 2018
1Juan Rigoli est professeur de littérature française à l’Université de Genève. Ses travaux portent principalement sur le XIXe
siècle (Chateaubriand, Balzac, Nerval, Flaubert, Rimbaud) et sur les
rapports entre littérature et médecine durant la même période, en
particulier sur la psychiatrie et la physiologie. Il a notamment publié :
Être et se connaître au XIXe siècle (avec John E. Jackson et Daniel Sangsue, préface d'Alain Corbin, Genève, Métropolis, 2006) ; Le voyageur à l’envers. Montagnes de Chateaubriand (Genève, Droz, 2004) ; Lire le délire. Aliénisme, rhétorique et littérature en France au XIXe siècle (préface de Jean Starobinski, Paris, Fayard, 2001) ; Poétiques barbares / Poetiche barbare (avec Carlo Caruso, Ravenna, Longo, 1998).
résumé L’« ennui » acquiert ou plutôt retrouve, à l’aube du xixe
siècle, le sens fort d’une expérience subjective douloureuse, placée
sous le signe du vide. Il s’inscrit au cœur de la nosographie
psychiatrique du suicide, en même temps qu’il désigne, avec
Chateaubriand et Senancour, une composante essentielle de la conscience
et de l’esthétique romantiques. Un large éventail de termes communs ou
savants, substituts absolus ou partiels de l’« ennui », oriente alors
récits et descriptions de l’état mélancolique, auquel il est associé :
« dégoût de la vie », « spleen », « vague des passions », « tædium vitae »
(de mémoire sénéquéenne), « misopsychie » et quelques autres, à travers
lesquels se dessine et se brouille à la fois la frontière entre
littérature et médecine. La psychopathologie s’enrichit ainsi d’une
entité incertaine, tour à tour affirmée et contestée, qui court
d’Esquirol à Minkowski, réveillant la mémoire d’une poétique dont elle
croit parfois s’être séparée.
Eva Yampolsky 1
Le suicide selon François-Emmanuel Fodéré [Full text]
Les ambiguïtés du discours entre crime et folie
1 PhD en littérature française, Emory University, Atlanta, États-Unis ;
doctorante en histoire de la médecine, section d’histoire et IUHMSP,
Université de Lausanne, Suisse. Elle prépare actuellement une thèse sur
l’histoire de la psychiatrie et la médicalisation du suicide en France
au
xixe siècle.
Au tournant du xixe
siècle, l’intérêt pour le suicide se déplace du contexte juridique au
cadre médical, et il devient un problème à la fois de santé mentale, de
santé publique et de médecine légale. Une de premières figures qui a
beaucoup développé la question du suicide depuis ces trois perspectives
médicales est François-Emmanuel Fodéré (1764-1835). Considéré comme l’un
des fondateurs de la médecine légale moderne, il fut un des premiers à
définir tout suicide comme un « acte de folie ». Cette position sera partagée par la plupart des aliénistes du début du xixe
siècle. Or, après avoir développé ces premières théories psychiatriques
sur le suicide, Fodéré reviendra plus tard sur cette position et
plaidera pour une nouvelle criminalisation de certains suicides dit
« volontaires ».
Marc Renneville
Le suicide est-il une folie ? Les lectures médicales du suicide en France au XIXe siècle [Full text]
Marc Renneville 1
1 CLAMOR - Centre pour les humanités numériques et l’histoire de la justice
Résumé
: Décriminalisé en 1791, le suicide est dans la France du XIXe siècle
un enjeu de savoirs, soumis à observation et à des analyses visant à
comprendre les mobiles de l’acte afin d’en réduire la fréquence. Les
médecins aliénistes cherchent tout particulièrement à comprendre les
causes du suicide en avançant plusieurs théories et un débat est ouvert
dans cette communauté scientifique entre les tenants d’une lecture
pathologisante et les défenseurs d’une approche causale plus éclectique.
À la fin du siècle, la sociologie naissante s’empare à son tour du
suicide pour tenter d’en expliquer les causes en s’inscrivant en rupture
avec l’approche médicale. Cet article propose de relever les
principales positions de la communauté médicale française, entre la
théorie de l’aliénation mentale de Pinel et le livre de Durkheim, publié
en 1897 sur le thème.
Criminocorpus, revue hypermédia, Criminocorpus, 2018,
〈https://journals.openedition.org/criminocorpus/3797〉
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01791600
Contributeur : Marc Renneville <marc.renneville@cnrs.fr>
Laurence Guignard
Le suicide, une pathologie carcérale ? [Full text]
Laurence Guignard est maître de conférence en histoire contemporaine à
Université de Lorraine, CRULH (Centre de recherches universitaires
lorrain d’Histoire). Ses recherches portent sur l’histoire de la
psychiatrie, l’histoire de la justice et des régulations sociale,
l’histoire du corps et l’histoire des savoirs.
Dernières publications :« Antoine Léger le lycanthrope (1824-1903) : une étape dans la genèse des perversions sexuelles »,
L’évolution psychiatrique, 82 (3), 2017, p. 579-591.
« Genèse de l’article 64 du Code pénal (1795-1810), présentation d’un dossier de sources en ligne »,
Criminocorpus. Dossier Folie et justice de l’Antiquité à l’époque contemporaine. Dirigé par Hélène Ménard, Hélène Bellanger, Marc Renneville, 22 avril 2016,
http://criminocorpus.revues.org/3215Avec
Jean-Claude Farcy, « Marques signes tatouages : archives de la
répression. Le registre des détenus administratifs de Bicêtre
(1813-1851) »,
RH 19, 2015/1, p. 119-136.
Cet article veut montrer que la prévention du suicide dans les prisons françaises de la seconde moitié du
xixe
siècle achoppe sur la logique disciplinaire qui se met alors en place
dans les lieux de détention. Celle-ci privilégie l’action sur le corps
par rapport à des méthodes de resocialisation ou de soutien moral des
détenus mélancoliques qui sont pourtant promues par des réformateurs et
philanthropes comme Béranger. L’échec de la prévention attestée par les
chiffres de la statistique pénitentiaire paraît donc inhérent aux
méthodes employées : la camisole de force, la cellule de sûreté,
l’apprentissage aussi des techniques de réanimation par les gardiens. Le
régime disciplinaire instauré et surtout la dépersonalisation des
détenus dont elle est porteuse est cependant également conforme à leur
situation juridique, puisqu’en prison, ils ne sont plus considérés comme
des sujets de plein droit, et se voient atteints dans leur identité
subjective par le caractère infamant de la peine.
14 May 2018
Maria Teresa Brancaccio 1 and David Lederer 2
1 Maria Teresa Brancaccio is Assistant Professor in History of Public Health at the Department, Health, Ethics and Society, Faculty of Medicine and Life Sciences, University of Maastricht and international correspondent at the UCL Health Humanities Centre (London). Her main research subjects are: history of the category of child hyperactivity; history of war trauma; history of suicide; history of hypnotism and psychical research.
2 David Lederer is Senior Lecturer in History at the National University of Ireland Maynooth. His main research areas are: Early Modern Europe, Germany, History of Suicide, History of Emotion.
Résumé : Les
contributions de Wagner et de Morselli sont souvent considérées en
rapport au débat transnational sur le suicide ou sur les méthodes
statistiques du xixe siècle, ou encore par l’influence qu’elles ont exercée sur Le Suicide
d’Émile Durkheim (1897). Notre objectif ici est de considérer l’apport
de Wagner et de Morselli dans le contexte du processus d’unification
nationale qui a eu lieu en Allemagne et en Italie.
14 May 2018
Michela Canevascini 1
La médicalisation des problématiques suicidaires : l’exemple d’un service d’urgence psychiatrique [Full text]
1 Michela Canevascini a un doctorat en anthropologie de la santé et
travaille actuellement chez Curaviva-Schweiz comme collaboratrice
scientifique. Dans ses recherches précédentes elle a travaillé avec une
perspective tant académique qu’appliquée dans les domaines de la
prévention du suicide, la santé mentale, la prévention du tabagisme et
la santé maternelle.
14 May 2018
Cet article analyse la prise en charge des personnes présentant des
idées ou des comportements suicidaires dans le cadre d’un service
d’urgences psychiatriques. Face aux problématiques suicidaires, les
soignants s’appuient sur des outils censés objectiver la pratique
psychiatrique, comme l’évaluation du potentiel suicidaire ou
l’établissement d’un diagnostic psychiatrique. Les soignants sont
toutefois confrontés à de nombreux patients présentant une souffrance
psychique légère, ce qui pose la question de la pertinence d’un
dispositif médical dans ce contexte. Si les soignants se montrent
critiques vis-à-vis des risques de médicalisation, les contraintes
institutionnelles, assécurologiques, ainsi que les logiques
disciplinaires s’imposent, induisant une médicalisation des
problématiques suicidaires.
Howard I. Kushner 1
Social Trauma and Suicide in Historical Perspective [Full text]
14 May 2018
1 Howard I. Kushner is the Nat C. Robertson Distinguished Professor of
Science & Society Emeritus at Emory University in Atlanta, Georgia
and the John R. Adams Professor of History Emeritus at San Diego State
University. At Emory, Kushner held joint appointments as Professor in
the Department of Behavioral Sciences and Health Education in the
Rollins School of Public Health, in Emory’s Programs in Human Health and
in Neuroscience and Behavioral Biology, as well as in the Graduate
Institute of Liberal Arts. At SDSU, Kushner is also Adjunct Professor in
the Graduate School of Public Health. In 2015, he joined the Laboratory
of Comparative Human Cognition in the Communications Department of the
University of California, San Diego.
Kushner’s current research
focuses on the possible connections between handedness, laterality, and
learning disorders. He is author of five books, including
On the Other Hand: Left Hand, Right Brain, Mental Disorder, and History (Johns Hopkins University Press, 2017),
A Cursing Brain? The Histories of Tourette Syndrome (Harvard University Press, 1999),
American Suicide: A Psychocultural Exploration (Rutgers University Press, 1991), and numerous articles on the history of suicide and addiction.
Les
crises économiques et le chômage en Occident sont toujours tenus pour
responsables des augmentations périodiques du taux de suicide. Cette
croyance est renfoncée par des études et des reportages médiatiques
depuis le milieu du xixe
siècle. Cette affirmation est soutenue par des données qui proviennent
des statistiques officielles des suicides accomplis, malgré
d’importantes preuves de leur faillibilité. À partir de méthodes et de
classifications douteuses, les chercheurs insistent toujours sur le fait
que les comportements et les motivations individuels peuvent être
révélés par l’étude de forces sociales – et tout particulièrement
économiques – plus larges. Cet article examine la persistance de ces
croyances et leur impact sur la politique publique depuis Durkheim. À
partir de l’ouvrage souvent cité mais rarement lu de Jack Douglas (Social Meanings of Suicide),
je propose une approche alternative sur l’étiologie du suicide qui
repose sur le sens social et qui remet en question les postulats
essentialistes, selon lesquels les aspirations, les succès et les échecs
humains portent toujours le même sens et la même définition. Ces
postulats prétendent à l’uniformité culturelle des motivations et de la
compréhension du suicide parmi les différents genres, ethnicités et
classes.