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mardi 9 novembre 2021

MàJ DECRYPTAGE DEBAT CRITIQUE AVIS "Covid-19 et «explosion» des suicides chez les jeunes : ce que dit vraiment l’étude menée à l’hôpital Robert-Debré"


CheckNews Les suicides et tentatives de suicide des jeunes sont-ils en hausse de 300% depuis le Covid ?
Francedossier

Ce chiffre a récemment retenu l’attention médiatique. Calculé dans un hôpital parisien, il concerne les tentatives (et non les suicides) et n’est pas applicable à l’ensemble du pays, mais il est bien le symptôme d’un phénomène réel.

La hausse des tentatives de suicide depuis le début de l'épidémie a aussi été observée à l'étranger, notamment aux Etats-Unis.
par Fabien Leboucq
publié le 8 novembre 2021 à 17h30 https://www.liberation.fr*
Question posée le 21 octobre par Yohan.

«Est-il vrai qu’il y a quatre fois plus de tentatives de suicide chez les jeunes depuis le Covid ?» Vous nous interrogez sur une statistique circulant sur les réseaux sociaux, et mentionnée notamment par la psychologue Marie-Estelle Dupont sur CNews le 21 octobre (à 16′30) : «Le Journal américain de l’Académie de médecine (sic) a publié un article écrit par le pédopsychiatre de [l’hôpital] Robert Debré […] Par rapport à il y a dix ans, nous avons en novembre-décembre 2020, 299% d’augmentation des tentatives de suicides et des suicides chez les moins de 15 ans. […] On a donc des adolescents qui, depuis les restrictions sanitaires, le deuxième confinement, l’anxiété de leurs parents, les difficultés économiques et psychosociales… vont très mal, et ont des idées de mettre fin à leurs jours. [Leur nombre a] drastiquement augmenté.» En parallèle sont diffusés des graphiques montrant que la hausse a été très forte au cours des deux dernières années. Sur Twitter, le chiffre a été largement repris. Martin Blachier, médecin en santé publique et figure très médiatique pendant la pandémie, a ainsi déploré une hausse de 300% des suicides chez les enfants, évoquant un «phénomène jamais vu auparavant». Le président des Patriotes, Florian Philippot, a également relayé l’information qui justifierait selon lui la démission des autorités.

«Corrélation entre les tentatives de suicide et l’épidémie»

Ces différentes données sont issues d’une lettre de recherche intitulée «Tendances temporelles des tentatives de suicide parmi les enfants dans la décennie avant et pendant la pandémie de Covid-19, à Paris». Publiée dans le Journal of the American Medical Association. Elle porte sur les enfants de moins de 15 ans, admis aux urgences pédiatriques de l’hôpital parisien Robert-Debré (XIXe arrondissement), entre janvier 2010 et avril 2021. Soit 830 enfants. Contrairement à ce que Florian Philippot, Martin Blachier ou Marie-Estelle Dupont affirment, cette augmentation ne concerne pas les suicides, puisque ces derniers ne sont pas pris en compte dans l’étude. Cette dernière porte sur les tentatives.

Le coauteur de l’enquête Richard Delorme, psychiatre de l’enfance et de l’adolescent dans l’hôpital Robert-Debré, précise que les admissions aux urgences dans ce centre font l’objet de notes centralisées, prises par le personnel, depuis des années, et que c’est en se fondant sur ce registre qu’il a pu constater la hausse des tentatives de suicide (TS) chez les plus jeunes.

On retrouve bien dans cette publication le chiffre de + 299 % évoqué sur CNews. Ce dernier désigne l’augmentation des admissions aux urgences de l’hôpital Robert-Debré pour tentatives de suicide chez les moins de 15 ans entre juillet-août 2019 et mars-avril 2021. Soit entre le plus bas niveau de 2019, et le plus haut niveau de 2021. Si on regarde la courbe des tendances, qui gomme les variations mensuelles, la progression est logiquement moins importante, même si la hausse reste spectaculaire. Peu avant 2020, ce chiffre avait déjà presque doublé. Depuis 2021, on compte plus de 40 admissions pour tentatives de suicide par bimestre dans l’hôpital Robert-Debré, c’est deux fois plus qu’avant 2020, et même quatre fois plus que pendant la période 2011-2017.

L’augmentation apparaît ainsi comme le fruit d’un double phénomène, selon l’étude : une tendance longue et haussière, depuis environ 2016, mais aussi donc une accélération forte dans la période de la pandémie. Richard Delorme précise au sujet de cette accélération : «Il y a une corrélation positive entre les tentatives de suicide chez les plus jeunes et l’épidémie, mais les déterminants exacts sont inconnus.» L’étude dresse d’ailleurs plusieurs hypothèses : «De nombreux facteurs peuvent avoir contribué à cette accélération, comme la sensibilité spécifique des enfants aux mesures de prévention [mitigation], la détérioration de la santé ou de la situation économique de la famille, l’augmentation du temps d’écran et de la dépendance aux médias sociaux, ou le deuil.»

Peut-on étendre ces résultats à l’ensemble du pays ?

Comme toute étude scientifique, celle des équipes de Richard-Debré comporte une partie «discussion», où les auteurs réfléchissent aux limites de leur travail : «Notre étude présentait certaines limites dans la mesure où elle était monographique, sujette à un biais de représentativité, et également incapable de ventiler les patients par sexe. Seuls les patients âgés de 15 ans ou moins ont été inclus, ce qui limite la comparaison de nos résultats avec des travaux similaires incluant des patients âgés de 16 à 21 ans. Enfin, notre suivi attentif des potentielles évolutions de la santé mentale des enfants depuis le début de la pandémie peut également avoir conduit à une surestimation des résultats que nous avons rapportés.» Cette dernière phrase fait référence à un biais connu dans tout travail statistique : plus on est attentif à un problème, plus celui-ci a tendance à être recensé (ce qui ne veut pas dire qu’il n’augmente pas objectivement).

Le psychiatre Richard Delorme rappelle aussi que l’étude porte sur un bassin de population correspondant au quart nord-est de Paris et de l’Ile de France. Soit «une population plutôt défavorisée, dont les parents ont plus travaillé que les autres pendant le Covid, plus précaires économiquement.» Autrement dit : une population vulnérable chez qui les facteurs de risques de suicide ont plus de chances de s’aggraver dans le contexte pandémique.

«Il faut se méfier d’une vision centrée sur un seul hôpital», met en garde Vincent Jardon, responsable dans les Hauts-de-France de VigilanS, un dispositif de suivi des personnes ayant tenté de se suicider, à partir des remontées d’informations de services d’urgences partenaires (et qui peut donc procéder à une compilation de leurs nombres). Toutefois, il note que «le constat général semble assez partagé sur le territoire national».

Auprès de CheckNews, le psychiatre fait état des chiffres qui lui ont été transmis par les hôpitaux de plusieurs villes. A Rouen, on constate que les entrées aux urgences pour des TS ont presque quadruplé entre 2019 et 2020. A Marseille, il y a eu chez les moins de 15 ans deux fois plus de TS en 2021 par rapport à 2020. A Nancy par contre, si les «crises suicidaires» ont bien augmenté, ce n’est pas le cas des tentatives.

Autres sources de données allant dans le même sens que les précédentes : les bulletins épidémiologiques émis par Santé publique France (SPF), intitulés «Analyse des regroupements syndromiques de santé mentale.» Parmi les phénomènes observés : les «gestes suicidaires». Cet indicateur «regroupe les passages aux urgences en lien avec un geste suicidaire certain (auto-intoxications et lésions auto-infligées) ou probables (intoxications médicamenteuses, effet toxique de pesticides et asphyxie d’intention non déterminée)», résume SPF. La mesure s’opère via les remontées du réseau Oscour sur les passages aux urgences.

On ne trouve pas de valeurs absolues dans ces publications, mais les graphes qu’elles contiennent sont éclairants. Ceux qui suivent sont issus du point épidémiologique paru le 25 octobre (téléchargeable ici).

(Analyse des regroupements syndromiques liés à des troubles psychologiques. Point du 25/10/21 par Santé publique France)

D’abord, on constate que pendant la première moitié de l’année 2020 (courbe verte sur les graphes), c’est-à-dire au début de la pandémie, il y a eu moins de passages aux urgences pour des gestes suicidaires que les autres années, quelle que soit la classe d’âge observée. L’étude menée à l’hôpital Robert-Debré dressait le même constat : «Il est intéressant de noter que nous avons observé une diminution des tentatives de suicide dans les premiers mois de la pandémie, pendant la période de confinement de mars 2020 en France, ce qui peut avoir résulté non seulement d’une surveillance parentale accrue mais aussi de difficultés d’accès aux soins urgents.»

Mais surtout, d’après les graphes de SPF, on compte autant d’admissions aux urgences pour des gestes suicidaires au cours de l’année 2021 (courbe jaune dans les graphes) que lors des précédentes pour l’ensemble de la population. Sauf pour une catégorie : les moins de 15 ans. Dans le graphique en haut à gauche, la courbe jaune se situe largement au-dessus de celle des années précédentes. Il y a bien eu plus de gestes suicidaires chez les jeunes que lors des années précédentes. SPF ne se prononce pas sur l’origine du phénomène : «Nous ne disposons pas de données sur les causes via ce système d’information.»

Même constat aux Etats-Unis


Le même constat a été dressé dans d’autres pays, relève l’étude menée à Robert-Debré. Comme aux Etats-Unis, où à partir des remontées de 71% des services d’urgence du pays, les Centres pour le contrôle et de prévention des maladies (CDC) ont constaté dans la population des 12-17 ans que «par rapport aux périodes correspondantes en 2019, le taux de visites aux urgences pour des tentatives de suicide présumées [c’est-à-dire la part des visites aux urgences pour TS parmi l’ensemble des visites aux urgences] était 2,4 fois plus élevé au printemps 2020, 1,7 fois plus élevé en été 2020 et 2,1 fois plus élevé en hiver 2021. Cette augmentation est due en grande partie aux visites pour tentative de suicide présumée chez les femmes.»

Aussi, écrivent les auteurs, «au début du mois de mai 2020, le nombre de visites aux urgences pour des tentatives de suicide présumées a commencé à augmenter chez les adolescents âgés de 12 à 17 ans, en particulier chez les filles. Au cours de la période du 26 juillet au 22 août 2020, le nombre hebdomadaire moyen de visites aux urgences pour tentative de suicide présumée chez les filles âgées de 12 à 17 ans était supérieur de 26,2% à celui de la même période un an plus tôt ; au cours de la période du 21 février au 20 mars 2021, le nombre hebdomadaire moyen de visites aux urgences pour tentative de suicide présumée était supérieur de 50,6% chez les filles âgées de 12 à 17 ans par rapport à la même période en 2019.»

Ce sont ces phénomènes que traduisent les graphiques ci-dessous : en 2021 aux Etats-Unis, il y a eu plus d’admissions aux urgences pour des tentatives de suicides, surtout chez les filles de 12 à 17 ans, qu’au cours des années précédentes. En revanche, les tentatives de suicides chez les garçons de 12-17 ans n’ont pas connu une telle hausse. Les données publiques françaises ne permettent pas de faire la distinction des tentatives selon les sexes, ni donc de voir si cette divergence selon le genre s’observe aussi en France.


(CDC "Emergency Department Visits for Suspected Suicide Attempts Among Persons Aged 12–25 Years Before and During the COVID-19 Pandemic — United States, January 2019–May 2021")

Manque de données sur les suicides

S’il est incontestable que les tentatives de suicides sont en hausse chez les plus jeunes, il n’est pas (encore) possible d’en dire autant pour les suicides, les données concernant ces derniers n’ayant pas encore fait l’objet de publications.

«En regroupant les 15-44 ans, et en appliquant la méthode que nous avions présentée en mai [recherche à partir des termes dans le texte des certificats de décès], aucune hausse de la mortalité par suicide n’est observable jusqu’en mars 2021», nous écrit Grégoire Rey, le directeur du centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc), rattaché à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Mais il ne nous a pas été possible d’obtenir le détail par classe d’âge. De même, Grégoire Rey ne nous a, pour l’heure, pas précisé si ce constat d’une stabilité globale sur cette large tranche d’âge s’appuyait sur l’ensemble des certificats ou sur les seuls remontés électroniquement (environ un tiers de l’ensemble). Pas possible non plus d’avoir le nombre de suicides chez les jeunes après de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), rattachée au ministère de la Santé : «Les statistiques sur les tentatives de suicide et celles des décès par suicide pour l’année 2020 sont en cours d’exploitation et ne sont pas encore disponibles, nous indique-t-on. Un rapport sera publié avec un focus sur les jeunes mais seulement au deuxième semestre 2022.»

Hausse des dépressions


Quant aux autres marqueurs du phénomène suicidaire, comme les pensées noires ou les dépressions, ils semblent aussi en augmentation chez les jeunes. Un communiqué du mois de janvier de la Société française de pédiatrie s’en alarmait déjà (ainsi que de la hausse des gestes suicidaires).

Plus récemment, une note de la Drees datant d’octobre est venue confirmer le phénomène. Les syndromes dépressifs majeurs sont «supérieurs de plus de six points chez les moins de 25 ans en novembre 2020 par rapport à 2019 et de plus de deux points chez les 25-34 ans, alors qu’ils sont restés à des niveaux comparables dans les autres classes d’âge.»

Le 1er octobre dernier était lancé le 31 14, un numéro «gratuit, accessible sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, depuis tout le territoire national» et qui permet «d’apporter une réponse immédiate aux personnes en détresse psychique et à risque suicidaire».
https://www.liberation.fr/checknews/les-suicides-et-tentatives-de-suicide-des-jeunes-sont-ils-en-hausse-de-300-depuis-le-covid-20211108_P6VEAIE2UJHHDI3N74ISXBDUUM/


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1er post sur le sujet 25/10/2021

Fact-checking Société
Covid-19 et «explosion» des suicides chez les jeunes : ce que dit vraiment l’étude menée à l’hôpital Robert-Debré
Une étude scientifique publiée début octobre met en lumière une hausse notable du nombre de tentatives de suicide chez les moins de 15 ans admis à l’hôpital Robert-Debré, à Paris (XIXe). Une tendance vérifiée par les données scientifiques nationales et internationales en la matière, mais qui nécessite d’être analysée à la loupe.

Par Clémence Bauduin
Le 22 octobre 2021 https://www.leparisien.fr*


Le lycée parisien Hélène-Boucher (XXe) achève sa semaine dans une ambiance particulière, mélange de choc et de tristesse, accentuée ce vendredi par la présence d’une cellule psychologique dépêchée par le rectorat de Paris. Jeudi en fin d’après-midi, un jeune homme a tenté de mettre fin à ses jours dans l’enceinte du lycée. L’élève de Terminale est désormais hors de danger, mais la violence de son geste se double d’un constat sans appel : la récurrence, ces derniers mois, des tentatives de suicide chez les jeunes.

Publiée début octobre par Jama Network, une étude sur l’évolution du nombre de tentatives de suicide chez les enfants entre 2010 et avril 2021 démontre sans ambages que les 13 mois de crise sanitaire liée au Covid-19 sortent du lot. « La pandémie est associée à de profonds changements dans la dynamique des tentatives de suicide chez les enfants, résume l’analyse, basée sur un échantillon de 830 admissions à l’hôpital parisien Robert-Debré et qui souligne « une augmentation spectaculaire des tentatives de suicide chez les enfants fin 2020 et début 2021 après le début de la pandémie de Covid-19 en France »

Étude scientifique, outil politique

Jeudi, le chef de file des Patriotes, Florian Philippot, a mis en valeur deux graphiques de cette étude pour imputer la responsabilité de cette flambée suicidaire directement au gouvernement.

Mais une telle conclusion se heurte à plusieurs limites, à commencer par le fait que les résultats obtenus ne s’appliquent pas seulement à la France. « Notre étude concerne plutôt le nord-est du pays du fait de la localisation de l’hôpital Robert-Debré mais, ce qui est intéressant, c’est que les résultats sont superposables à l’ensemble de la littérature internationale sur le sujet », souligne le professeur Richard Delorme, chef du service Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital Robert-Debré et coauteur de l’étude.

Le professeur Delorme l’accorde : « 850 patients à Robert-Debré, ce n’est pas très grand comme échantillon, mais quand on regarde ce qu’il se passe aux États-Unis, au Japon ou en Corée par exemple, on obtient des données très similaires : une augmentation de la fréquentation des urgences, une baisse en première phase de la crise sanitaire, une accélération en deuxième phase », décrit-il.
Une crise sanitaire mais plusieurs causes possibles, parfois opposées

Le lien de causalité entre la pandémie et cette détresse reste lui à explorer. «De nombreux facteurs peuvent avoir contribué à cette accélération, tels que la sensibilité spécifique des enfants aux mesures de restriction sanitaire, la détérioration de la santé familiale et des conditions, l’augmentation du temps passé devant un écran et la dépendance aux médias sociaux, ou encore le deuil », explique l’étude. Mais à l’heure actuelle, peu d’analyses - sinon aucune - ne livrent dans le détail les raisons de ce lien entre Covid-19 et tentatives de suicides chez les jeunes.

Une chose est sûre, l’étude de Richard Delorme et ses confrères ne servait en rien une fin politique, et certainement pas celle des antivax et anti-pass que défend Florian Philippot. « Tout l’intérêt de l’étude était que nos préconisations du début de la crise, à savoir ne pas fermer toutes les écoles - soient validées scientifiquement. » Sur ce point, là encore, c’est trop difficile à dire : « On n’a pas une grande différence avec les États-Unis, qui ont pourtant fermé beaucoup leurs écoles. Et impossible d’établir ce qu’il se serait passé si on avait fermé nos écoles pendant huit mois d’affilée, puisque ça n’est pas arrivé », résume le professeur Delorme.
Une flambée qui s’amenuise

Bonne nouvelle, la flambée semble s’apaiser depuis quelques semaines. « On rejoint progressivement une phase de tension qui était déjà familière à l’avant-crise », indique le professeur Delorme. N’en demeure pas moins que les parents doivent rester en alerte en cas de changement de comportement de leur enfant. « Est-il devenu plus taciturne, mange-t-il moins ? Il ne faut pas perdre son intuition de parent », conseille le pédopsychiatre. Et ne pas avoir peur de choquer son enfant en abordant un sujet. « Si vous y pensez, c’est que l’enfant y aura pensé avant vous. »

https://www.leparisien.fr/societe/covid-19-et-explosion-des-suicides-chez-les-jeunes-ce-que-dit-vraiment-letude-menee-a-lhopital-robert-debre-22-10-2021-U6TTUQZESZHVJLEZX6BFDCUR2I.php

lundi 25 novembre 2019

USA DEBAT CRITIQUE les enjeux et obstacles du depistage universel aux urgences

D’après article  A few simple questions could help doctors stem the suicide epidemic
https://www.washingtonpost.com* Par William Wan
8 novembre 2019

Quelques questions simples pourraient aider les médecins à endiguer l'épidémie de suicide
Mais les urgences disent qu'elles n'ont pas les ressources nécessaires pour dépister les pensées suicidaires chez les patients.
Edwin Boudreaux has tested suicide screening in emergency rooms in seven states. (Adam Glanzman/For The Washington Post)Edwin Boudreaux a testé le dépistage du suicide dans les salles d'urgence de sept États. (Adam Glanzman/For The Washington Post)

Edwin Boudreaux se souvient de la première fois où il s'est vu confier la responsabilité d'un patient alors qu'il était étudiant diplômé en psychologie. La patiente était venue pour un traitement de routine du diabète, mais il est rapidement devenu évident qu'elle était suicidaire.

"Elle était tellement suicidaire que j'ai dû l'accompagner de notre clinique aux urgences pour m'assurer qu'il ne se passerait rien entre les deux ", a dit Boudreaux.

Près de trois décennies plus tard, Boudreaux a produit une recherche convaincante qui révèle qu'un nombre alarmant de patients qui se présentent aux urgences pour des problèmes sans rapport ont des pensées suicidaires émergentes et non détectées - une population nombreuse qui pourrait être sauvée si les médecins et les infirmières demandaient simplement si elles ont des pensées suicidaires.

"Cela ne devrait pas poser de problème ", a déclaré M. Boudreaux, professeur de médecine d'urgence et de psychiatrie à la faculté de médecine de l'Université du Massachusetts, qui a été l'un des nombreux chercheurs en prévention du suicide qui ont insisté pour rendre ce dépistage obligatoire dans les urgences du pays. "Vous pouvez sauver des centaines de vies en faisant ça. Mais la quantité de refoulement a été frustrante."
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Le problème du suicide en Amérique a maintenant atteint des niveaux de crise. Chaque année depuis 1999, le taux de suicide du pays a augmenté, grimpant de 33 % au cours des deux dernières décennies. Plus de 47 000 personnes se tuent maintenant chaque année, et plus d'un million d'entre elles tentent de le faire. Fait alarmant, de nouvelles analyses montrent que l'augmentation a été plus marquée chez les jeunes et les adolescents que dans tout autre groupe d'âge. La violence armée est entrelacée avec l'augmentation globale - près de la moitié de tous les suicides mortels impliquent des armes à feu. Les suicides représentent aujourd'hui 60 pour cent des décès par arme à feu aux États-Unis.

D'éminentes autorités médicales affirment que les États-Unis pourraient réduire ces taux en flèche grâce à une solution relativement simple en dépistant les suicides dans les dispensaires et les salles d'urgence.

Le dépistage universel consiste à demander à toutes les personnes se rendant dans une clinique de soins primaires ou à l'urgence si elles ont des idées suicidaires et, dans l'affirmative, à mettre en place des interventions brèves telles que des conseils téléphoniques et des recommandations pour un traitement supplémentaire.
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L’Institut national de la santé mentale a souscrit à cette idée, qui a investi des millions de dollars dans la recherche sur la proposition et a tenté de persuader les groupes de médecins, les entreprises de soins de santé et les autorités de réglementation de l’appuyer. Les groupes de prévention du suicide ont également fait pression pour un dépistage généralisé.
La résistance provient principalement du secteur hospitalier et des médecins et infirmières des urgences, qui affirment ne pas disposer de ressources suffisantes pour prendre en charge des patients suicidaires et atteints de maladies mentales qu'ils connaissent déjà dans leurs établissements, et encore moins de ceux qui seraient identifiés par des dépistages. L'American College of Emergency Physicians s'est prononcé contre cette idée, pour les mêmes raisons. La Commission mixte - qui est chargée d'accréditer les hôpitaux et exerce une influence considérable sur leurs politiques - a déclaré que les examens préalables pourraient être utiles mais ne les a pas rendus obligatoires.

Dans un courriel, David Baker, vice-président exécutif de la Commission chargé de l'évaluation de la qualité des soins de santé, a expliqué qu'après mûre réflexion, son organisation avait décidé de ne pas exiger le dépistage universel parce que la recherche montrait que le dépistage seul n'était pas efficace lorsqu'il ne s'accompagne ni de counselling ni de suivi.
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"À l'heure actuelle, la plupart des[services d'urgence] ne sont pas en mesure de fournir ce niveau de soins ", a dit M. Baker. "Nous serions prêts à envisager une extension des exigences en matière d'examen préalable à l'avenir, et nous continuons de suivre cette question de près."

Les médecins et les experts de la santé affirment que le traitement de la santé mentale est gravement sous-financé et en manque de personnel dans les hôpitaux du pays. Les patients qui se présentent aux urgences pour des problèmes de santé mentale doivent souvent attendre 24 heures ou plus avant de voir un médecin. Certains attendent des jours et même des semaines pour un lit dans le service psychiatrique.
«Si j'ai un patient souffrant d'une appendicite ou d'une crise cardiaque, je peux contacter un chirurgien par téléphone et le faire soigner instantanément», a déclaré Sandra Schneider, urgentiste et ancienne présidente de l'ACEP. "Mais si quelqu'un essayait de se suicider, dans de nombreux hôpitaux du pays, la seule personne disponible est une infirmière psychiatrique, un travailleur social ou un spécialiste du comportement sur appel ce jour-là. Ce n'est même pas un docteur."
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Selon les urgentistes, il est souvent plus difficile d'obtenir un remboursement pour les traitements de santé mentale dans les urgences que pour les maladies physiques. Et dans certains cas, les hôpitaux finissent par en assumer les coûts.

Les médecins d'urgence soulignent également la litanie de dépistages qu'ils font pour d'autres problèmes, tels que le tabac, la consommation d'alcool et la violence domestique. Ils disent qu'ils auraient besoin de plus de temps, d'argent et de formation pour ajouter le dépistage du suicide.

«Je suis un partisan du dépistage, mais la question est de savoir comment traiter les gens une fois que l'on découvre qu'ils veulent se faire mal.» A déclaré Michael Wilson, urgentiste et chercheur en santé mentale à l'Université de l'Arkansas. "Vous ne pouvez pas simplement filtrer et les envoyer par la porte."

En l'état actuel des choses, a-t-il dit, le personnel des urgences doit souvent choisir parmi les mauvaises options: hospitaliser les patients, ce qui peut alourdir les ressources, ou leur donner congé avec une liste de cliniques de santé mentale à appeler - qui pourraient ne pas être en mesure de voir de nouveaux patients pendant un mois ou même plus longtemps.
UN D

«Se concentrer sur le dépistage, c'est un peu comme s’inquiéter de la pelouse qui prend feu lorsque la maison est en train de brûler», a déclaré Wilson.

Boudreaux a reconnu ces préoccupations.

«Il existe de réels obstacles à la mise en œuvre», a-t-il déclaré. «Personne ne le nie. Mais quelle est l’alternative? Est-ce que nous préférerions ne pas savoir que les gens veulent se tuer? Vaut-il mieux ne pas demander et ne pas savoir?

Après avoir passé la dernière décennie à tester le dépistage du suicide dans les salles d’urgence de sept États américains, M. Boudreaux s’est dit convaincu que cette approche permettait de sauver des vies.

Dans le cadre d’une étude financée par le gouvernement fédéral et à hauteur de 17 millions de dollars, M. Boudreaux et d’autres chercheurs de huit hôpitaux ont découvert que l’ajout du dépistage dans les salles d’urgence doublait le nombre de patients identifiés comme ayant des idées suicidaires ou ayant déjà fait une tentative de suicide: de 2,9% des patients adultes à 5,7%.
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Les chercheurs ont également constaté que la combinaison du dépistage avec une brève assistance téléphonique après la visite avait permis de réduire de 30% le nombre total de tentatives de suicide au cours des 52 semaines de suivi, par rapport aux soins ordinaires.

Une étude différente l'année dernière - basée sur le traitement de 1 200 patients dans cinq hôpitaux d'Anciens Combattants - a montré qu'une simple intervention du personnel des urgences pouvait réduire les risques de tentatives ultérieures. En élaborant un plan de sécurité avec les patients suicidaires avant de les libérer, le personnel des urgences a réduit de moitié leur risque de comportement suicidaire.

Les plans de sécurité consistaient à dresser une liste des personnes à appeler lorsque des idées suicidaires se présentaient, y compris des prestataires de services de santé mentale et des lignes d’urgence, ainsi qu’à élaborer des stratégies d’adaptation et à limiter l’accès à des moyens mortels tels que des armes à feu ou du matériel toxique.

«Souvent, les patients ne demandent pas d’autres soins que ceux qu’ils reçoivent aux urgences», a déclaré Barbara Stanley, une psychologue de l’Université de Columbia qui a rédigé l’étude. «C'est peut-être la seule fois où nous sommes avec eux. Nous avons donc eu l’idée de leur donner quelque chose avec lequel ils peuvent repartir, même si c’est petit. »
UN D

Les groupes de prévention du suicide et les services d'urgence ont commencé à trouver un terrain d'entente. Au cours de l’année écoulée, par exemple, les urgentistes ont travaillé avec la Fondation américaine pour la prévention du suicide à la mise au point d’un outil de dépistage et d’intervention rapide appelé ICAR2E, qu’ils encouragent à adopter volontairement dans les salles d’urgence pour aider à évaluer et à gérer les patients suicidaires.

«Nous avons pris 31 études sur la prévention du suicide dans les services d’urgence et nous en sommes restés aux meilleures pratiques et étapes», a déclaré Wilson. «Tous les médecins d'urgence que je connais se sont mis au travail pour sauver des vies. La question est de savoir quels sont les meilleurs moyens de le faire.

Les dépistages universels ne risquent pas de se généraliser à moins qu'une autorité d'accréditation telle que la Commission mixte les rende obligatoires, ou si leur financement est disponible, ont déclaré des urgentistes et des défenseurs de la santé mentale.
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De nouveaux financements semblent toutefois peu probables à moins que les responsables fédéraux responsables de Medicare et de Medicaid introduisent des remboursements, des incitatifs financiers pour la planification de la sécurité ou le dépistage dans les hôpitaux, ou modifient le mode de financement du traitement de la santé mentale dans les services d’urgence, ont indiqué des responsables des urgences et des défenseurs du suicide.

Les responsables des Centers for Medicare et des services Medicaid n'ont pas répondu à la question de savoir s'ils envisageaient un tel changement.

«La question est de savoir si, en tant que société, nous sommes prêts à payer ce qu'il faut pour résoudre les problèmes de santé mentale», a déclaré Boudreaux.

Si vous ou une de vos connaissances avez besoin d’aide, appelez la Ligne nationale de prévention du suicide au 800-273-TALK (8255). Vous pouvez également envoyer un SMS à un conseiller en cas de crise en envoyant un message à la ligne de texte en cas de crise au 741741.


https://www.washingtonpost.com/health/a-few-simple-questions-could-help-doctors-stem-the-suicide-epidemic/2019/11/07/76107f26-ad95-11e9-bc5c-e73b603e7f38_story.html

samedi 12 octobre 2019

Le cabinet de curiosités d'Infosuicide.org Enquête menée par Citoyenne Féministe Violences conjugales : dépression et envie suicidaire

La rubrique " Le cabinet de curiosités d'Infosuicide.org " des sujets, actualités, débats plus ou moins documentés et sous réserves d'informations complémentaires et/ou fiables, qui toutefois nous questionnent et nous interpellent...
Nous les relayons essentiellement comme matière à penser et à débattre.
Aidez nous à alimenter une réflexion... 

Violences conjugales et envies suicidaires
2 oct. 2019 blogs.mediapart.fr/citoyenne-feministe/*

Par CITOYENNE FEMINISTE
Blog : CITOYENNE FEMINISTE
Enquête sur les conséquences psychologiques et traumatiques, à long terme, des victimes de violences conjugales. Quand le suicide devient l'unique solution pour mettre fin aux violences. Un fléau encore tabou qui concernent la majorité des témoignantes : 76 % des victimes affirment avoir eu des idées suicidaires et 29% ont fait des tentatives de suicides

Violences conjugales : dépression et envie suicidaire
Enquête menée par Citoyenne Féministe
( du 19/06/2018 au 29/08/2019)
Collage féministe - Paris Collage féministe - Paris
 Citoyenne Féministe : l’origine du mouvement
Citoyenne Féministe est mouvement féministe, né en février 2018, pour lutter contre les violences faites aux femmes. Ce mouvement a pour objectif principal de dénoncer les violences conjugales (psychologiques et/ou physiques) et le suicide forcé.
Origines de l’enquête
En France, les chiffres publiés ne comptabilisent pas le nombre de victimes se suicidant suite à des violences conjugales. Parce que l'absence d'études et de statistiques empêche de réaliser l'ampleur de ce fléau, CF a donc décidé de mener sa propre enquête.
Méthode
Afin de mobiliser la population, dénoncer le tabou du suicide forcé et pour obtenir un maximum de réponses diversifiées (population, âge, sexe, milieu professionnel), CF a choisi de proposer un questionnaire en ligne. Ce questionnaire a été relié à un QR CODE1 qu’il était possible de flasher dans la rue. Il a également été transmis par la presse, relayé sur les réseaux sociaux et transmis à de nombreuses associations.
Grâce à la mobilisation d’une soixantaine d’activistes, suite à notre appel via les réseaux sociaux, 17 000 «QR Code» ont été collés dans 22 villes/villages2 de France.
Objectifs
Notre objectif est de mettre en avant les conséquences psychologiques et traumatiques, sur le long terme, des victimes de VC. Nous souhaitons dénoncer le suicide forcé et mettre en avant le manque de solutions proposées face à un tel fléau. CF est un mouvement féministe qui n’a pas pour profession/objectif de réaliser des statistiques. En raison des résultats alarmants de notre enquête, nous invitons toutes personnes compétentes à développer cette recherche dans une structure professionnelle habilitée.
Résultats
584 victimes de violences conjugales ont répondu à notre enquête, dont 94,5% sont de genre féminin. Le partenaire violent est à 93,7% de genre masculin.3 Il faut noter qu’il ne s’agit pas d’une enquête statistique représentative de la population française, mais des résultats d’une enquête conduite sur la base du volontariat. Il faut également relever que 86 % des répondantes ne sont plus en couple, il s'agit donc de la partie des victimes de violences qui a été en mesure de se détacher du conjoint violent.
43 % des victimes de violences physiques, de notre enquête, se sentent responsables. Elles sont plus de 62 % à se sentir coupables, suite à des violences psychologiques. Ainsi 90 % ont pu identifier un mécanisme de dévalorisation chez leur partenaire. Menaces (74 %), chantage  (73,5 %), jalousie extrême (58,6 %), isolement (61,5 %) mais aussi mensonges (77,4%) enferment la victime dans schéma culpabilisant.
Manipulation et emprise
Nous avons pu dégager de tous ces témoignages, notamment lors des nombreuses questions ouvertes, une idée centrale : celle de la manipulation et de l’emprise.
Connaissant les petits défauts et les souffrances de l’autre, l’agresseur les lui rappelle quotidiennement dans le moindre de ses actes. Jamais à la hauteur, la victime est sans cesse dévalorisée : mauvaise cuisinière, mauvaise mère, toujours en retard, irresponsable, égoïste, flemmarde… Il amplifie souvent les erreurs de la partenaire pour que ceux-ci apparaissent alors comme des défauts. Se basant ainsi sur des faits réels, l’agresseur noie la victime pour l’accabler. D’une erreur banale le compagnon va faire une vérité sur le caractère de sa compagne. (Rater un plat de pâtes une fois : incapable de cuisiner en général.)
La moindre action devient alors prétexte pour dévaloriser l’autre. Au fil des jours et des critiques, la victime se dresse un tableau d’elle-même de plus en plus noir où s’accumulent les défauts. C’est la première phase de déconstruction de la personnalité de l’autre. La femme perd confiance en elle, elle se sent “nulle” et sans valeur. Elle se remet sans cesse en question. Elle culpabilise alors de ne pas “être à la hauteur” des besoins et attentes de l’autre.
Parallèlement à ce lavage de cerveau, l’agresseur va jouer de cette culpabilité naissante.  Le compagnon violent utilise alors les défauts de l’autre, en les martelant et en les amplifiant, pour se dédouaner de ses propres fautes. La régularité de cette pression, souvent plusieurs fois par jour (39,2 %) ou plusieurs fois par semaine (33,6 %) asphyxie la victime et l'empêche d’avoir du recul sur elle-même et sur la situation.
L’agresseur justifie alors ses actes ou/et ses violences par les défauts de sa compagne : «Je bois car tu ne me soutiens pas. C’est de ta faute». Il accable la victime de ses reproches afin qu’elle se sente elle-même coupable et oublie les actes de l’agresseur. Ce n’est plus lui le coupable, il est même la victime. Le débit de parole et le flot de reproches noient la compagne. Son cerveau s’emballe, elle n’arrête pas de se remettre en question. Elle en oublie alors jusqu’au début de la conversation pour ne retenir qu’un seul élément : je suis nulle et coupable.
Retournant la situation (90% des cas), la femme devient l’élément déclencheur des violences de son compagnon. Triple culpabilité. Culpabilité d’être mauvaise en tout, culpabilité de faire souffrir l’autre et culpabilité d'entraîner l’autre dans des actes violents.
Conséquences des violences
Plus de la moitié des victimes subissent des cauchemars (58 %), ont des troubles du sommeil (76,7 %), de l’appétit (68,2 %), des crises d'angoisse (62 %), un sentiment de tristesse (79,8 %), une perte d'énergie (76,2 %), une baisse de concentration (64,4 %) et un retrait social (57,7 %).
Près de la moitié ont également des crises de colère (45,7 %), des pertes de mémoire (48,8 %), une sensibilité ou hypersensibilité au bruit (43,8 %), sont victimes de sursauts (40,1 %) et de changements brusques d’humeur (42,5 %).
Des symptômes qui apparaissent pendant la relation (73%) et ne disparaissent que peu même une fois la relation terminée. Ainsi 63 % des femmes sont encore aujourd’hui victimes de ses symptômes handicapant.
Résultat enquête CF © Citoyenne Féministe Résultat enquête CF © Citoyenne Féministe
Envies suicidaires
76 % des victimes affirment avoir eu des idées suicidaires. 29% ont fait des tentatives de suicides, et 13 % ont été hospitalisées en psychiatrie.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces idées noires :
  • « Que tout s'arrête »
Concernant les idées suicidaires, les témoignages mettent en avant une envie de “mettre fin aux souffrances et “une délivrance”; comme une unique solution pour que cette violence cesse. Le champ lexical de l’enfermement est souvent utilisé par les victimes : Tunnel sans fin, prisonnière, sans issue, impossible de s’en sortir...
La majorité des victimes qui ont des idées noires, voient dans le suicide une solution “concrète”, “immédiate” : “l’unique solution pour mettre fin aux souffrances.” La mort et le suicide sont alors ressentis comme un soulagement : Retrouver sa liberté par la mort.
Ex: - “Recherche d’une solution concrète : acheter une corde pour me pendre”.
- “ LA solution, c’était mourir”.
- «À chaque parole, menace ou humiliation. C'est comme si mon cerveau disait stop ça suffit, je n'en peux plus, il faut que ça s'arrête. Alors l'idée de suicide apparaît comme une libération».
La victime qui est dans une détresse totale, choisit de mettre fin à ses jours pour sortir de sa souffrance extrême. Finies les humiliations, finie la peur constante de mal faire, finie la culpabilité de se sentir «nulle», «folle», «stupide», «inutile», «sans avenir», «moche», «grosse», «incapable», «indésirable», «sale» et «méprisable», finis les coups, les crachats, les violences, les séquestrations ou les viols. La victime qui suffoque sous les attaques quotidiennes, la honte et les angoisses, se libère par la mort.
  • Fatigue intense : Disparaitre/dormir/ paix
Les témoignages mettent en avant la fatigue et le besoin de se reposer. Les mécanismes de répétition épuisent les victimes et les enferment dans une souffrance “toujours à revivre”, avec un futur sans espoir. La volonté de certaines victimes est alors de trouver la «paix». Par le suicide, ces femmes veulent dormir à jamais plutôt que mourir. Elles sont exténuées psychiquement et le sommeil est alors l'unique endroit où elles se sentent en sécurité. Un lieu où le cerveau n'est alors plus en ébullition.
Ex : - «L'envie de seulement "dormir" car dans mes rêves je me sentais protégée».
- « Qu'il serait si bon de s'endormir et de ne plus réfléchir ».
Nous pouvons noter que 77 % des victimes ont des troubles du sommeil. Certaines vont se réfugier dans le sommeil en dormant le plus possible (hypersomnie), quand d'autres auront des insomnies à répétition. Le manque de sommeil va rendre encore plus difficile le quotidien de la victime. Celle-ci est alors épuisée psychiquement et physiquement.
  • Reprendre le contrôle
La victime se sent complètement démunie face à son agresseur, mais aussi face à ses angoisses. 69% des victimes ont « l'impression de ne plus se reconnaitre », même des années après une séparation avec l’agresseur, et 62% ont la sensation de «devenir folles. » La manipulation de l'agresseur mêlée à l'incapacité de contrôler ses propres émotions - face à l'apparition des symptômes liés à la mémoire traumatique - noient la victime. Elle se sent incapable de quitter l'agresseur, incapable de dire non aux violences, incapable de maitriser son propre cerveau et son état psychique (cauchemars, troubles de mémoire, dépression, tremblements, flashs, crises de colère, perte de parole, bégaiement, baisse de tension, crise de panique ou d'agoraphobie, boulimie ou anorexie...). Elle ne maitrise plus rien dans sa vie.
Les témoignages mettent donc en avant, chez certaines victimes, la volonté de reprendre le contrôle de sa vie par le suicide. Ainsi, en choisissant de se donner la mort, la femme prend enfin une décision seule et par elle-même. C'est elle qui décide et non son bourreau. Ce n'est pas lui qui décidera de mettre fin à ses jours en la frappant et en la tuant ; c'est bien elle qui sera alors maitresse de son destin, de sa mort et donc de sa vie. Choisir de se suicider devient alors une victoire, une vengeance contre l'agresseur. Se suicider, reprendre justice sur sa vie.
Ex: - «Je préfèrais me tuer moi même par médicament plutôt qu'il n'arrive à me tuer.»
- «Il menace de nous tuer et je ne veux pas lui donner de plaisir, je préfèrerai le faire moi même.»
Notons que l'acte de se scarifier chez certaines victimes leur permet également de reprendre le contrôle de la situation et de leur corps.
Ex : « Je me suis sacrifiée aussi à cette époque. Plus pour contrôler ma douleur et ce que je ressentais que pour mettre ma vie en danger. »
  • La projection de l'agresseur
De manière beaucoup moins systématique, et contrairement à l'envie de reprendre le contrôle, quelques victimes ont exprimé l'envie de se suicider pour répondre aux attentes de l'agresseur. Ici l'emprise psychologique est telle, qu'elle neutralise l'être, et le manque d'estime de soi efface tout désir de vivre. La parole de l'agresseur est toute puissante. La victime n'a plus du tout de recul et seul le bourreau, qui dirige sa vie, détient la vérité face à ses souffrances.
Ex : «Il me disait que j'étais une merde qui ne méritait pas de vivre. Il partait taffer en me disant adieu, et que je devais prendre la décision d'avaler la bonne dose de medocs ... ».
À cela peut s'ajouter la culpabilité extrême d'exister. La personnalité de l'autre est alors tellement niée que la victime n'a plus aucune valeur pour elle-même. La dévalorisation de soi est si forte que la victime pense faire souffrir les personnes rien que par sa présence. En donnant sa vie, elle se fait kamikaze pour le bien être des autres. Par sa mort, la victime se soulage d'infliger tant de souffrance à son agresseur et à son entourage.
Ex : «Je voulais "sauver" mon mari.»
  • L'incapacité de vivre sans l'agresseur
La difficulté pour la femme de rompre définitivement avec son compagnon violent est un facteur aggravant de ses angoisses. Les témoignages soulignent que le mécanisme d'emprise est si fortement enclenché que la femme quitte son bourreau pour revenir ensuite sur sa décision. Les ruptures et surtout les réconciliations à répétitions empêchent la victime d'imaginer un futur différent.
Ex : «Je me sentais "piégée " dans cette relation..., qu'il serait impossible de le quitter définitivement, qu'il réussirait comme à chaque fois que j'ai pu le quitter à me reprendre, sous son emprise».
Ce mécanisme de revenir toujours auprès de son agresseur est également lié à l'emprise psychologique. L'homme violent a tellement démontré, par des faits et de longs discours, à sa victime qu'elle était incapable en tout, que celle-ci est devenue entièrement dépendante de lui. Vivre sans lui est impossible. Le bourreau est devenu son oxygène. C'est un fait, il est son pire sauveur. Cette incapacité a ne pouvoir être indépendante annihile complètement la victime. Elle est piégée et n'a plus aucun espoir.
Ex : - «Quand je pensais n'avoir aucune échappatoire, il avait réussi à me faire croire que je ne serais rien et que je n'arriverais à rien sans lui. Donc pensant n'avoir aucune issue entre, d'une part ses propos et remarques. »
- « Il était blessant au quotidien, et j'échouais d'office en le quittant. »
- « Il disait toujours que je ne valais rien, que sans lui je ne pourrais vivre. »
  • La multiplication des contraintes
Le sentiment d’incompréhension de la part de l’entourage familial, professionnel, amical comme médical ajoute, au mécanisme d'emprise, un sentiment de difficultés insurmontables. La victime a l'impression de se débattre inutilement face à ses problèmes. Ayant cherché à lutter et à s'en sortir, elle n'a rencontré que des refus : seule la mort peut l'aider.
Ainsi, plusieurs témoignages soulignent la difficulté de trouver du secours auprès des institutions. Certaines ont tenté de porté plainte mais le manque de preuves faisant, la police leur a tourné le dos ; d'autres ont vu leur parole niée par la justice lors de procès (aucune condamnation et remise en liberté immédiate) ; certaines ont tenté de trouver de l'écoute auprès de professionnels de santé qui n'ont fait que les égarer davantage, ou encore ont été rejetées par la famille et l'entourage qui ne comprennent pas les comportements et revirements de situations permanents.
    • Prise en charge médicale inadaptée
Notons que plusieurs victimes ont fait part du mauvais diagnostic posé par des psychiatres. Ainsi selon les âges et en fonction des symptômes ressentis (hallucinations, sursauts, crises de colère, crises d'angoisse, envies suicidaires, euphorie, changements brusques d'humeur, mise en danger) par la victime, certains professionnels de santé auraient mal diagnostiqué les victimes. Le manque de prise en charge, mais aussi le manque de temps de prise en charge, des victimes auraient ainsi poussé aux erreurs médicales.
Ex : - « J'ai été diagnostiquée psychotique en moins de 30min dès le 1er rdv avec un psychiatre du CMP près de chez moi. Ce psychiatre a fait une erreur de diagnostic. »
- « Le premier psychiatre m'avait diagnostiqué bipolaire et avait mis en place un traitement très lourd qui m'abrutissait. Le thérapeute, qui m'a ensuite accompagnée et soignée, a peu à peu proposé un autre diagnostic : stress post-traumatique. »
Les symptômes étant proches de certaines maladies psychiatriques, certaines femmes auraient été diagnostiquées « dépressive », « bipolaire » ou « borderline » plutôt que victime de traumatismes suite à des violences conjugales. Un diagnostic culpabilisant qui enferme à nouveau la victime dans un schéma de folie et de responsabilité inhérente.
Si 72% des témoignantes ont été suivies par un professionnel de santé (psychiatre, psychologue...) alors seulement 20% d'entre elles ont pu être diagnostiquées correctement (syndrome de stress post traumatique, dépression suite à des violences conjugales). Ce manque de reconnaissance empêche la victime de poser des mots sur sa situation, de prendre du recul, de comprendre et ainsi d'avancer. La difficulté pour se reconstruire, même des années alors après la séparation, est d'autant plus grande.
Les témoignantes soulignent également des coûts de prise en charge beaucoup trop élevés, pour les consultations avec des spécialistes. De plus, le manque de structures à la campagne prive de nombreuses victimes de l'accès aux soins. Les thérapies sont encore réservées à une élite. Élite financière comme géographique.
    • Handicap professionnel
Les nombreux symptômes psychologiques découlant des violences conjugales peuvent être de véritables handicaps dans la sphère professionnelle. Ainsi, 26% des victimes ont été dans l'incapacité de se rendre à leur travail (arrêts de travail à répétition) et 23% ont quitté leur emploi pendant/après la relation toxique.
Mémoire traumatique
28% des personnes ayant apporté leurs témoignages ne savent pas à qui s’adresser pour être aidées et 20 % ne veulent pas l’être. Seulement 32,8% connaissent les termes de “mémoire traumatique”, 34,7% ont une vague idée de la signification et 32,5% n’ont aucune idée du sens. Des chiffres qui révèlent le manque évident d’information pour les victimes quant aux conséquences psychotraumatiques.
Solutions envisagées
  • Aide financière (remboursement, bons de transports...) pour généraliser les soins adaptés auprès des professionnels de la santé spécialisés dans les violences conjugales.
  • Sensibilisation auprès des institutions judiciaires et médicales afin de reconnaître les symptômes de violences conjugales.
  • Proposer une alternative de soin par téléphone ou internet pour les victimes isolées à la campagne.
  • Développer les structures d'accueil d'URGENCE.
  • Développer les structures d'accueil de RECONSTRUCTION, s'adressant aux victimes après la relation violente.
  • Prévention sur le suicide forcé. Communication pour déculpabiliser les victimes face aux idées noires. Campagne de prévention positive pour encourager les victimes et montrer la possibilité d'un futur serein. Communication autour de la mémoire traumatique afin de permettre aux victimes de poser un mot sur leur souffrance.
  • Proposer une solution immédiate face aux envies suicidaires : assistance téléphonique jour et nuit, application, site internet... Donner des clés aux victimes pour leur apprendre à réagir seules face aux angoisses envahissantes. Techniques ou exercices à appliquer immédiatement afin que le cerveau de la victime arrête de s'emballer.

Résultats complets ici :
Résultats enquête - Victimes de VC - dépression et envies suicidaires (pdf, 5.6 MB)
 Analyse en pdf ici :
Analyse des résultats CF (pdf, 106.0 kB)
1Un “Qr Code” est un type de code-barres que l'on peut scanner avec son téléphone portable, permettant d’encoder des données. Il s'agit le plus généralement d'un lien vers une page Internet (URL).
2 Marseille, Paris, Avignon, Toulouse, La Roche S/Yon, Tours, Flers, Quimper, Audierne, Douarnenez, Pouldreuzic, Landudec, Plonéour-Lanvern, Plozevet, Pont-l’Abbé, Pluguffan, Scaer, Mantes la jolie, Poitiers, Charolles, Lille, Bourges.
3CF a choisi d’utiliser la majorité des répondant.e.s et s’exprime donc dans ce texte en parlant d’agresseur masculin (compagnon) et de femme victime (compagne).

Contact : Citoyenne Féministe - Valérie Dontenwille . email : citoyennefeministe@gmail.com
https://blogs.mediapart.fr/citoyenne-feministe/blog/021019/violences-conjugales-et-envies-suicidaires

lundi 8 juillet 2019

ACTU DEBATS Hong Kong: la crise politique révèle le mal-être de la jeunesse

A Hongkong, la contestation ajoute au stress de jeunes déjà angoissés
AFP  Publié le 07/07/2019 https://www.lepoint.fr*
Vivek PRAKASH

La contestation à Hong Kong augmente considérablement les niveaux de stress chez des jeunes angoissés par la perspective d'un avenir sous le joug de Pékin et déjà minés par les inégalités sociales et un immobilier hors de prix, préviennent les spécialistes.

L'ex-colonie britannique est secouée par une profonde crise politique qui s'est traduite par des manifestations pacifiques, parallèlement à de violents affrontements entre policiers et manifestants pour la plupart jeunes.
La "révolte des parapluies" de l'automne 2014 était empreinte d'optimisme. Mais le mouvement déclenché par un projet de loi autorisant les extraditions vers la Chine est plus sombre, explosant le 1er juillet avec la mise à sac du Parlement par des centaines de jeunes masqués.

Le mouvement est également marqué par des suicides, les manifestants rendant publiquement hommage à quatre personnes qui se sont donné la mort récemment en laissant derrière elles des messages politiques.

Un armée de travailleurs sociaux, conseillers et volontaires s'est mobilisée pour affronter la hausse des sollicitations enregistrées par les services de santé mentale.

"Ces étudiants, ils mettent leur jeunesse en péril pour défendre cet endroit, c'est très fragile", explique Roy Kwong, député démocrate et ancien travailleur social.

Winnie Ng, spécialisée dans la thérapie par le théâtre, offre gratuitement ses services depuis plusieurs semaines. Pour elle, de nombreux jeunes étaient déjà soumis à des niveaux élevés de stress avant même la dernière crise.

Elle met en cause les criantes inégalités de richesse dans un territoire où le mètre carré est le moins abordable du monde. Et le refus des autorités proPékin de la moindre réforme démocratique et l'échec du mouvement de 2014.

"Quand tout a un rapport avec la politique, la vie devient déprimante", dit-elle. "Beaucoup de gens pensent qu'il n'y a aucun espoir".

Les appels au secours augmentent. Chez Les Bons samaritains, les appels ont été multipliés par cinq au cours du mois écoulé, et la plateforme de soutien Open Up reçoit certains jours des pics de 200 à 450 textos contre 60 à 80 en temps normal.

"La goutte d'eau"

Paul Yip, directeur du Centre de recherches et de prévention du suicide de l'Université de Hong Kong, juge que le texte sur les extraditions n'est que "la goutte d'eau qui fait déborder le vase".

Les suicides sont particulièrement préoccupants, avec l'érection de mémorials de fortune sur les lieux des drames et des veillées régulières. "Les études montrent que les gens qui se suicident souffraient de causes multiples et interactives", dit-il à l'AFP. Si les mémorials permettent aux gens d'exprimer leurs émotions, la rhétorique consistant à assimiler suicide et héroïsme risque de déclencher d'autres suicides.

Après des semaines de silence, le gouvernement a évoqué le problème vendredi. Matthew Cheung, l'adjoint de la cheffe du gouvernement, a demandé aux ONG de consacrer plus de temps et de ressources à lutter contre la dépression.

"Nous nous rendons compte que beaucoup de gens sont malheureux en ce moment", a-t-il déclaré.

"Chacun est important"

Un débat s'est ouvert à Hong Kong sur la santé mentale, question délicate dans cette société largement conservatrice.

Deux slogans visant à faire avancer la prise de conscience, "Chacun d'entre nous est important" et "Les hauts et les bas, nous les vivons ensemble", font leur chemin dans les manifestations.

Hong Kong bénéficie de droits inconnus sur le continent mais beaucoup estiment que les libertés reculent.

Les efforts du gouvernement pour arrimer davantage Hong Kong à la Chine font craindre pour la survie de sa langue et sa culture cantonaises.

Shai Dromi, sociologue à l'Université de Harvard, explique que les traumatismes collectifs ont souvent un rapport avec la perte de l'identité de groupe. "Cela touche vraiment à la peur de ne pas pouvoir pratiquer sa propre culture, ses droits et sa religion".

https://www.lepoint.fr/monde/a-hongkong-la-contestation-ajoute-au-stress-de-jeunes-deja-angoisses-07-07-2019-2323121_24.php

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Hong Kong: la crise politique révèle le mal-être de la jeunesse
Par Florence de Changy Publié le 08-07-2019 http://www.rfi.fr*

Des manifestants rendent hommage le 16 juin 2019 à Marco Leung, «l'homme au ciré jaune», au lendemain de sa chute d'un immeuble, à Hong Kong. REUTERS/Athit Perawongmetha

La crise liée à un projet de loi – actuellement suspendu – sur l’extradition a déjà provoqué quatre morts indirectes, dont au moins trois suicides avérés, et un accident mal élucidé chez des jeunes de moins de 30 ans. Les autorités sanitaires tirent la sonnette d’alarme, alors que la santé mentale reste peu ou mal comprise dans cette société largement conservatrice.

Avec notre correspondante à Hong Kong,

Quatre morts sont pour l’instant clairement associées au mouvement de protestation politique de ces dernières semaines. Le premier décès est celui d’un jeune homme, surnommé aujourd’hui « l’homme en jaune », parce qu’il portait un ciré jaune lorsqu’il est tombé d’un immeuble, sous les yeux de très nombreux témoins, après avoir accroché une banderole réclamant le retrait total du projet de loi et non sa simple suspension.

« L’homme en jaune » est tristement devenu l'un des symboles de cette crise. Or, sa mort est intervenue le 15 juin, juste après la première conférence de presse de Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif, qui avait annoncé la suspension du projet de loi, mais pas son retrait total.

Au lendemain de cette annonce partielle et de ce premier décès, on a vu deux millions de personnes descendre paisiblement dans la rue. Il est indéniable que cette mort a mobilisé quelques milliers ou dizaines de milliers de citoyens supplémentaires, en particulier parmi les jeunes.

Après ce premier drame, trois suicides ont été clairement revendiqués comme des réactions à la crise politique actuelle, à l’absence de réponse de gouvernement et à l’absence d’avenir pour les jeunes qui se sentent poussés inexorablement vers un monde, le modèle chinois, qu’ils rejettent viscéralement.

Résultat de cette vague dépressive, toutes les agences et les services en ligne de soutien se disent débordés par les appels, multipliés par cinq au cours du mois de juin. La plateforme de soutien Open Up reçoit ainsi jusqu’à 450 demandes de soutien par jour contre 60 à 80 en temps normal.

La crise politique, arbre qui cache la forêt de la détresse ?

Il faut dire que le contexte de la vie à Hong Kong est particulièrement stressant : outre la densité de la population, une des plus fortes du monde, Hong Kong a aussi le plus fort taux d’inégalités de tous les pays (ou territoires) développés.

Cela fait au moins 20 ans que l’ascenseur social ne fonctionne plus ; les milliardaires – qui au moins pour moitié sont partis de rien en arrivant de Chine dans les années 1940 et 1950 – contrôlent aujourd’hui les principaux secteurs de l’économie et l’immobilier est devenu totalement inaccessible.

D’ailleurs, selon Paul Yip, le directeur du Centre de recherches et de prévention du suicide à l'Université de Hong Kong, le texte sur les extraditions n'est que « la goutte d'eau qui fait déborder le vase ». Ce spécialiste de la question rappelle que les nombreuses installations commémoratives qui ont vu le jour un peu partout pour honorer ces morts dramatiques peuvent avoir tendance à inciter d’autres jeunes à passer à l’acte pour rejoindre le rang des « héros » ou des martyrs de ce combat. Les réseaux sociaux peuvent également aggraver l’effet de contagion.

Faible réaction du gouvernement

L’attitude du gouvernement n’a certainement pas aidé : Carrie Lam a commencé par ignorer de manière insultante le problème en refusant de répondre aux questions à ce sujet.

Finalement, vendredi 5 juillet, le numéro deux du gouvernement, Matthew Cheung, a dit que le gouvernement se « rendait compte que beaucoup de gens sont malheureux en ce moment » et a demandé aux ONG de consacrer plus de temps et de ressources à lutter contre la dépression.

La société civile, en revanche, s’est saisie du problème. Des nouveaux slogans sont apparus dans les rassemblements, notamment « chacun d'entre nous est important » et « les hauts et les bas, nous les traversons ensemble ». Et le 5 juillet, au cours de la veillée des mères des étudiants, l’un des messages était aussi un message de soutien et d’encouragement aux jeunes pour justement leur dire de ne pas perdre espoir.

http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20190708-hong-kong-crise-sociale-revele-le-mal-etre-jeunesse

jeudi 4 avril 2019

DEBATS PUBLICS Suicide de médecins hospitaliers : le « J’accuse » de deux syndicats


Suicide de médecins hospitaliers : le « J’accuse » de deux syndicats
Publié le 02/04/2019 jim.fr



Paris, le mardi 2 avril 2019 – Action praticiens hôpital (APH) et Jeunes Médecins souhaitent une plus grande mobilisation des pouvoirs publics face au phénomène suicidaire chez les praticiens hospitaliers.

Après avoir égrené la longue liste (non exhaustive…) de suicides de praticiens hospitaliers recensés ces derniers mois, les deux syndicats disent vouloir en finir avec « l'omerta » qui entourerait ces drames.
« La liste ne cesse de s'allonger. Les réactions des pouvoirs publics comme des établissements concernés minimisent l'impact des conditions de travail conduisant à ces drames, le plus souvent par des communiqués lapidaires et insupportables ». Les syndicats font ici notamment référence aux déclarations de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) après le décès du Pr Barrat (hôpital Avicenne) où avait été précipitamment rappelé son état de santé plutôt que ses relations dégradées avec ses pairs et l’administration.  

Alors qu’ils déplorent, une nouvelle fois et après d’autres, « l’absence d’une instance spécifique où les syndicats de PH auraient leur place pour examiner les conditions de travail, la sécurité et la santé de tous les praticiens dans les hôpitaux », les deux syndicats annoncent qu’ils saisiront désormais systématiquement la justice en cas de nouveaux suicides.

Afin de mettre, enfin, « les pouvoirs publics face à leurs responsabilités »…

F.H. 
http://www.jim.fr/en_direct/pro_societe/e-docs/suicide_de_medecins_hospitaliers_le_jaccuse_de_deux_syndicats_176941/document_actu_pro.phtml

ACTU DEBATS PUBLICS Suicide d'un enseignant: Pourquoi ce drame souligne-t-il les tensions croissantes parents-profs?


Suicide d'un enseignant: Pourquoi ce drame souligne-t-il les tensions croissantes parents-profs?
EDUCATION La mort de Jean Willot, accusé promptement par une mère de violence envers son enfant, a ravivé un certain malaise chez les enseignants
Delphine Bancaud
20minutes.fr

  • Jean Wilot, enseignant de primaire à Eaubonne (Val-d’Oise), qui a fait l’objet d’une plainte pour « violences aggravées sur mineur par une personne ayant autorité », s’est suicidé au mois de mars.
  • Un drame qui a bouleversé la communauté éducative, car il fait écho aux tensions croissances entre parents et enseignants.
  • Elles sont dues à un regard plus critique des parents sur l’école, à un manque de communication entre toutes les parties, et à une tendance accrue à judiciariser les «petits conflits».
Exercer son boulot de prof avec passion, être apprécié par ses collègues et ses élèves, mais un jour, se voir cloué au pilori par un parent d’élève. C’est ce qui est arrivé à Jean Willot, enseignant de primaire à Eaubonne (Val-d’Oise) de 57 ans, qui a fait l’objet d’une plainte pour « violences aggravées sur mineur par une personne ayant autorité ». Une mère d’élève estimait qu’il était responsable d’une griffure dans le dos de son fils, alors que l’enseignant affirmait n’avoir jamais eu de contact physique avec l’enfant et l’avoir juste réprimandé. Il n’a pas supporté d’être suspecté de la sorte et s’est pendu à une branche d’arbre mi-mars, laissant des lettres à ses proches. Et dans chacune d’entre elles, figurait la mention « innocent ».
Un drame qui a bouleversé la communauté éducative, comme l’a montré la marche blanche en hommage à Jean Willot, organisée dimanche dernier à Eaubonne. Sur Twitter, le hashtag #uneminutedesilencepourjeanwillot a donné lieu à une nuée de messages d’enseignants exprimant leur peine pour leur collègue défunt, mais aussi leur malaise à titre personnel, comme ils l’avaient fait avec le mouvement #PasDeVague en octobre dernier.

« Une mauvaise note, une remarque d’un professeur à un élève peuvent entraîner une réaction disproportionnée chez certains parents »
Ce drame fait écho aux tensions croissances entre parents et enseignants, comme l’a souligné le baromètre du climat scolaire annuel de la Fédération des autonomes de solidarité laïque (FAS), un réseau militant assurant la protection des membres du personnel de l’Éducation nationale. Paru en mars, il montre que les violences envers les enseignants ont progressé de 7 % entre 2017 et 2018. « Dans les faits, 55 % des litiges que nous traitons impliquent des parents. Les deux tiers des dossiers reçus font mention d’insultes, de menaces et de propos diffamatoires. Et sur le Web, certains parents ne se cachent même plus pour critiquer vertement les pratiques pédagogiques de quelques enseignants », constate Vincent Bouba, secrétaire de la FAS.
Et bien souvent, les conflits puisent leur source dans des faits qui paraissaient anodins au départ : « Une mauvaise note, une remarque d’un professeur à un élève peuvent entraîner une réaction disproportionnée chez certains parents », constate Philippe Vincent, secrétaire général du syndicat des chefs d’établissement (SNPDEN). « Les sanctions envers les élèves ne sont pas toujours bien expliquées par les enseignants, ni bien comprises par les parents. Et ces derniers ont tendance à réagir immédiatement, sans laisser le soufflet retomber », renchérit Vincent Bouba.

Une tendance à davantage judiciariser les différends scolaires
La confiance réciproque entre l’école et les familles ont donc perdu du terrain ces dernières années, comme l’indique Béatrice Descamp, députée UDI et coauteure d’un rapport en 2018 sur les relations école-parents : « L’école n’est plus autant valorisée dans les familles et le métier de professeur est moins bien considéré socialement », déclare-t-elle. « Certains parents ont l’impression qu’ils peuvent être décisionnaires de tout à l’école et n’hésitent plus à monter au front », renchérit Christophe Tardieux, enseignant au Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis) et auteur d'une BD virale qui met en scène l’histoire de Jean Willot.
Si des conflits dégénèrent, c’est aussi dû à une absence de dialogue : « Certains parents refusent de parler à l’enseignant ou au chef d’établissement. Parfois parce qu’eux mêmes ont eu un vécu scolaire difficile », observe Béatrice Descamp « Cette rupture de communication a des conséquences graves », estime aussi Christophe Tardieux. « En cas de désaccord, ils ont de plus en plus tendance à saisir l’inspection ou à judiciariser les " petits problèmes" », poursuit-il. Un avis partagé par Philippe Vincent : « Il y a quinze ans, les parents menaçaient juste de judiciariser les différents scolaires, désormais, le dépôt de plainte est mis à exécution », observe-t-il.

« On sait que même si on fait bien notre métier, une plainte peut nous tomber dessus un jour »
A force, le fait d’avoir cette épée de Damoclès au-dessus de la tête crée, chez les enseignants, un sentiment d’insécurité : « Ils savent que tout ce qui pourra être perçu comme un écart de conduite de leur part pourra leur être reproché. Cela les fragilise et les incite à ne plus sortir du politiquement correct. Et même si beaucoup de plaintes sont classées sans suite, la perspective d’avoir à répondre à des policiers est très stressante », analyse Philippe Vincent. « On sait que même si on fait bien notre métier, une plainte peut nous tomber dessus un jour. Alors on essaye de se protéger comme on peut : on ne reste jamais seul avec un enfant, on essaye d’avoir des témoins quand on le sanctionne. Et on parle beaucoup entre nous quand on constate des dysfonctionnements », témoigne Christophe Tardieux.
Pour être mieux préparés en cas de conflit avec les parents, beaucoup d’enseignants réclament d’être mieux formés : « Une formation à la gestion des relations avec les parents d’élèves, à la responsabilité civile des enseignants, devrait être intégrée au programme des ESPE (écoles supérieures du professorat et de l’éducation) », estime Vincent Bouba. De son côté, Béatrice Descamp plaide « pour que les directeurs d’école soient davantage déchargés de leur classe, pour jouer davantage leur rôle d’intermédiaire entre les parents et les enseignants ». Car la communication reste la meilleure prévention au délitement des relations.

https://www.20minutes.fr/societe/2486467-20190402-suicide-enseignant-pourquoi-drame-souligne-tensions-croissantes-parents-profs

jeudi 7 mars 2019

Plusieurs associations de policiers ont décidé de se réunir pour organiser un rassemblement le 12 mars prochain à Paris. Elles entendent dénoncer les suicides dans la police


D'apres article  : Suicides dans la police : Le réalisateur Olivier Marchal apporte son soutien aux associations de policiers


Dans une vidéo diffusée par des associations de policiers, Olivier Marchal leur apporte son soutien. (capture écran vidéo)
Plusieurs associations de policiers ont décidé de se réunir pour organiser un rassemblement le 12 mars prochain à Paris. Elles entendent dénoncer le fléau du suicide dans la police nationale. Dans une vidéo diffusée ce mardi, le réalisateur Olivier Marchal leur adresse son soutien.

« Parce-que je vous aime, vous les flics, parce-que heureusement que vous êtes là, parce-que je ne regrette pas d’avoir été flic, parce-que je suis fier d’avoir été flic, parce-que j’ai perdu deux potes qui se sont suicidés, parce-qu’il est arrivé ce qui est arrivé à Maggy [la présidente de l’association MPC] ». C’est par ces mots qu’Olivier Marchal apparaît dans une vidéo diffusée ce mardi par plusieurs associations de policiers, qui ont décidé d’organiser un rassemblement mardi prochain au Trocadéro à Paris pour dénoncer le nombre de suicide alarmant dans la police nationale.
Parmi les associations présentes dans ce mouvement, le MPC (Mobilisation des policiers en colère), l’UPNI (l’Union des policiers nationaux indépendants), le CLIP (Collectif libre et indépendant de la police), et les FFOC (Femmes de forces de l’ordre en colère) notamment.

« Parce-que nous avons perdu un collègue, un ami »
Dans cette vidéo d’une durée d’un peu plus de 5 minutes, de nombreux intervenants qui se sont filmés avec leur téléphone, prennent la parole, parfois en employant des termes forts. « Parce-que nous avons perdu un collègue, un ami, parce-que nous sommes les premiers témoins de cette violence du quotidien » dit Guillaume Lebeau, policier et vice-président de l’association MPC, désormais habitué aux plateaux télévisés.


« Parce-qu’il n’est pas normal que nos jeunes en viennent à se donner la mort » explique Robert Paturel, ex-policier du RAID et ancien boxeur professionnel. « Parce-que derrière chaque policier il y a un citoyen et que derrière elle, ou lui, une famille qui partage ses angoisses » dit Jean-Pierre Colombies, porte-parole de l’association UPNI.
« Parce-que nous les épouses, nous réfléchissons à deux fois avant de dire le métier de nos maris, parce-que nous nous regardons entre nous, en se demandant qui sera la prochaine veuve » explique ensuite Aurélie Laroussie, la présidente de l’association FFOC.

Un sénateur évoque « l’absence de réponse pénale adaptée »
« Les conditions indignes, que ce soit le logement, les locaux, les véhicules complètement à bout de souffle, le matériel de base qui manquait, l’absence de réponse pénale adaptée, les risques toujours accrus, que prennent les policiers » dit François Grosdidier, sénateur LR de Moselle.


Plusieurs policiers prennent également la parole. La vidéo se termine par le slogan « Protéger et mourir », puis la date du rassemblement du 12 mars à 20 heures au Trocadéro à Paris apparaît sous le titre « Tous unis contre le suicide ». En 48 heures cette semaine, trois policiers se sont donnés la mort en France. L’un au commissariat de Limoges, un second à Dunkerque et un troisième dans les Yvelines. Une situation qui s’était déjà produite en janvier dernier.
Au moins 17 policiers se sont suicidés depuis le 1er janvier
Le Directeur général de la police nationale Eric Morvan avait diffusé une note interne au début de l’année, évoquant un « constat douloureux » devant « amener collectivement, à nous rappeler le devoir de soutien de toute la chaîne hiérarchique, du chef de service à l’encadrement de proximité, et la solidarité entre collègues ».
En 2018, plus de 35 policiers et au moins 31 gendarmes ont mis fin à leurs jours. Un décompte non officiel, communiqué par ces mêmes associations, indique que 17 policiers nationaux se sont suicidés depuis le début de l’année.

https://actu17.fr/suicides-dans-la-police-le-realisateur-olivier-marchal-apporte-son-soutien-aux-associations-de-policiers/

jeudi 27 septembre 2018

ACTU Manifestation à Paris du Syndicat général de la police

Suicides dans la police: manifestation choc au cœur de Paris
Par  Christophe Cornevin Publié
Suicides dans la police: manifestation choc au cœur de Paris
Dans l'esprit des «flashmobs» mis en scène dans des lieux publics par Act-up pour marquer l'opinion, une dizaine de gardiens de la paix et de gradés en civil se sont livrés à une chorégraphie choc de quelques minutes.
Pour dénoncer le «mal-être» et la «détresse sociale» à l'origine d'une importante vague de suicides dans les rangs des forces de l'ordre, le Syndicat général de la police (Unité-SGP) a orchestré une manifestation mardi midi sur la Place du Palais-Royal, au cœur de Paris. Dans l'esprit des «flashmobs» mis en scène dans des lieux publics par Act-up pour marquer l'opinion, une dizaine de gardiens de la paix et de gradés en civil se sont livrés à une chorégraphie choc de quelques minutes. Tous porteurs d'un brassard «Police» à un bras et d'un foulard noir noué à l'autre en guise de deuil, le visage caché derrière un masque blanc sur lequel coule une larme de sang, ceux qui se présentent comme des «prolétaires de la police nationale» ont formé une ronde en se tenant la main, en présence d'environ 200 collègues syndiqués, sous le regard de passants et de touristes interloqués.
Alors que la mélodie du Trio de Schubert sortait de haut-parleurs, les policiers se sont mis à tomber les uns après les autres sous les fenêtres voisines du musée du Louvre et du Conseil d'État, avant de se relever en brandissant des affiches. Barrées du slogan «plus jamais cela», elles représentent des photographies de corde, de médicaments ou encore d'une arme de service surmontée de l'emblème de la police nationale.

S'attaquer aux causes du mal
«Nous avons dénoncé maintes et maintes fois le mal-être grandissant de nos collègues, mais rien ne bouge, déplore Rocco Cottento, responsable parisien du SGP. Ce n'est pas en mettant un psychologue derrière chaque policier que l'on va régler le problème. Il faut s'attaquer aux racines du mal, c'est-à-dire à un cycle qui n'offre qu'un week-end de repos sur six et à des techniques de management hyper-bureaucratisées. Froides et glaciales, elles sont fondées sur la politique du chiffre, pourtant officiellement abandonnée...». Revendiquant pêle-mêle un «plan de logements audacieux» ou encore des «crèches opérationnelles ouvertes jour et nuit», le syndicat a décidé de porter un nouveau «projet de reconnaissance du policier francilien».
«51 suicides en 2017, année noire pour la police, 24 de plus depuis janvier... Jusqu'à quand allons-nous devoir encore subir?», s'est exclamé le secrétaire général du SGP, Yves Lefebvre. Évoquant «le flic qui dort dans sa voiture, qui risque sa peau pour 2 000 euros par mois et qui ne voit plus ses gosses ni son épouse», ce responsable syndical s'est écrié: «trop, c'est trop!». Alors que les élections professionnelles s'approchent, chauffant traditionnellement les esprits dans les rangs, les manifestants n'excluent pas de durcir le mouvement et de «faire descendre 25 000 flics dans la rue s'il le faut».
Un rapport d'une commission d'enquête sénatoriale sur «l'état de la sécurité intérieure», établi par François Grosdidier (LR) et dévoilé début juillet par Le Figaro, soulignait un taux de suicide anormalement élevé dans la police, de 36 % supérieur à moyenne nationale, mais aussi dans la gendarmerie. «La police et la gendarmerie se sont mobilisées», notait cependant le document en précisant qu'«avec 82 postes de psychologues, le service de soutien psychologique opérationnel de la police nationale (SSPO) est le dispositif le plus important en France».

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/09/25/01016-20180925ARTFIG00218-suicides-dans-la-police-manifestation-choc-au-coeur-de-paris.php

lundi 12 mars 2018

MOBILISATION SYNDICALE Surpopulation à l’hôpital psychiatrique, près de Rouen

Surpopulation à l’hôpital psychiatrique, près de Rouen : « Il suffit d’une allumette pour que ça pète »
Les syndicats de l'hôpital psychiatrique du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), tirent la sonnette d'alarme sur la sur-occupation permanente de l'établissement.
actu.fr/normandie/
Les syndicats du Centre hospitalier du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), dénoncent la surpopulation dans leur hôpital, situé près de Rouen. (©SL / 76actu)
« Il y a un risque de drame », alarment les syndicats du Centre hospitalier du Rouvray, CFDT en tête. Deux semaines avant le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) extraordinaire qui doit, vendredi 23 mars 2018, se concentrer sur la surpopulation, ils estiment le personnel « au bord de craquer ». Dans la dizaine de services que compte l’hôpital psychiatrique de Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), tous les salariés sont en surrégime.

« Une vingtaine de lits supplémentaires et quatorze d’urgence »

« Ce sont des lits de camp posés à l’arrache », lâche Jean-Yves Herment, jeudi 8 mars 2018. Délégué syndical de la CFDT, il travaille CH du Rouvray « depuis 16 ans ». Sur cette durée, il assure n’avoir jamais vu telle situation. Au cœur des griefs syndicaux, la surpopulation qui mène l’hôpital « au bord d’une crise sans précédent ». En décembre 2017, 102,8 % des lits étaient occupés. « Une moyenne », appuie Jean-Yves Herment :
Officiellement, il y a 551 lits. Mais depuis plusieurs années, on peut monter à 110 ou 115 % d’activité. Au total, il y a une vingtaine de lits supplémentaires et quatorze d’urgence.
Ce qui fait grimper le nombre de patients à 585 grâce à des « lits-fantômes » devenus permanents. Des bureaux médicaux, des salles de visite destinées aux familles de patients et des salles d’activités sont devenus des chambres à part entière. « Il n’y a ni toilette, ni lavabo », fustige le délégué syndical. Le problème est tel que maintenant, pour les infirmiers chargés du flux, « la question n’est plus combien, mais où mettre les lits ».
Ces dernières semaines, des patients ont eu à passer « jusqu’à 20h sur une chaise, sans même voir une blouse », assure Jean-Yves Herment. Une « situation sans précédent » a été constatée dans la nuit du jeudi 22 au vendredi 23 février 2018, par la CGT : « Une saturation complète des capacités d’accueil de l’établissement. »

« En termes de risque suicidaire, c’est casse-gueule »

Ce trop-plein n’est pas sans conséquences sur les soins apportés aux patients, « qui continuent d’arriver » alors qu’en période de vacances, « un tiers des effectifs est en congé ». Vacances ou non, la surpopulation empêche la bonne prise en charge des patients « en souffrance, peu importe la pathologie » :
Ces gens ont besoin d’être aidés. Ils arrivent en crise après un divorce, la perte de leur emploi, sont schizophrènes… Plus le patient est en confiance, plus il reprend pied.
Ce que ne permettent pas les lits de fortune installés. « Vous ne reprenez pas confiance face à une porte de ce style », pose comme une évidence Jean-Yves Herment en montrant une photo « prise dans l’établissement ».
Il est devenu difficile de stabiliser les patients car « ça pousse derrière », obligeant les médecins à laisser sortir plus rapidement les personnes hospitalisées, selon le syndicaliste. « Il peut manquer jusqu’à une semaine. »

Des décisions arbitraires qui induisent des conséquences potentiellement dramatiques, dans « un département comme la Seine-Maritime, qui est sur le podium dans toutes les catégories : alcoolisme, suicide, toxicologie… »

Dans le corps infirmier, pas de doute : « En terme de risque suicidaire, c’est casse-gueule, parce qu’on n’a pas le temps de s’occuper d’eux. »
Dans les différents services du centre hospitaliers du Rouvray, des lits sont disposés dans des pièces non destinées à accueillir des patients. 

« Deux axes » pour mettre fin à la surpopulation
Pour appuyer son propos, Jean-Yves Herment fait le parallèle avec 2010, l’année « du premier mouvement » contre la surpopulation psychiatrique. « Nous avions eu plusieurs évasions et une pendaison », liste-t-il tristement. En ce temps, sous une autre direction, un plan de deux ans avait été mis en place par l’Agence régionale de santé (ARS), avec quatorze postes créés et un million d’euros débloqués.
Aujourd’hui, la CFDT envisage « deux axes » pour mettre fin à la surpopulation :
  • Des embauches : « Si nous accueillons tout le monde, il faut le personnel qui va avec », estime le syndicat. Pour pallier à la surpopulation, il faudrait créer une unité, soit le recrutement de 29 personnes. 
  • Faire avec les moyens : « Accepter que nous ne sommes pas assez nombreux et que l’hôpital n’accueille pas plus de patients qu’il ne peut. »
Pour la première hypothèse, Jean-Yves Herment « a peu d’espoir ». Reste la deuxième. Encore faut-il, selon les syndicats, que la direction le veuille : « Ils font croire que cette sur-occupation n’est pas maîtrisée, or nous avons l’impression que c’est volontaire. »

Obligés « de transférer sans tenir compte de la disponibilité »
Une impression confortée par le fait « qu’il n’y a jamais de quinzième patient » pour dépasser le chiffre de quatorze lits d’urgence. Une direction prise à défaut, veut croire la CFDT, montrant un mail :
Vous êtes dans l’obligation de transférer les patients présents dans leurs services d’origine (ils sont classés par zones géographiques, ndlr) sans tenir compte de la disponibilité de lits.
Envoyé vendredi 23 février par la direction, ce mail était à destination des médecins, « mais pas des infirmiers ». Or, ce sont les principaux concernés. Contactée par 76actu, la direction a refusé de communiquer « avant le CHSCT extraordinaire » du vendredi 23 mars 2018.
Jointe jeudi 8 mars, l’ARS Normandie – comptable des effectifs des hôpitaux – n’avait pas eu le temps de répondre à nos sollicitations dans les temps impartis.
Arguant de sa « souplesse », la CFDT se déclare prête « à continuer de tolérer la vingtaine de lits supplémentaires » si les quatorze d’urgence sont supprimés. Jean-Yves Herment en est certain, « il suffit d’une allumette pour que ça pète ». Promettant « des actions », il le répète : « Il y a un risque de drame » au centre hospitalier du Rouvray.