Fin de vie : les médecins des soins palliatifs plaident pour une meilleure prise en charge de la douleur
| 18.04.2018 https://www.lequotidiendumedecin.fr*
Les moyens manquent en France en termes de soins palliatifs
et de prise en charge de la douleur, ont fait savoir des médecins
conviés à une table ronde organisée par la commission des affaires
sociales de l'Assemblée nationale ce 18 avril. Une réunion « dissociée
de la révision de la loi de bioéthique (...), destinée non à légiférer,
mais à écouter ceux qui voient la fin de vie au quotidien », a précisé la députée Brigitte Bourguignon (LaREM) en préambule.
Environ « 311 000 personnes requièrent un accompagnement palliatif par an, soit 60 % des situations de fin de vie. Or 75 % courent le risque d'une insuffisance de soins palliatifs », a rappelé le Dr Anne de la Tour, présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). Pourquoi ? « Parce que les moyens ne sont pas encore arrivés » depuis la loi de 1999, s'indigne-t-elle. La formation des étudiants en médecine, 10 heures, est insuffisante ; la France ne compte que cinq professeurs associés, et non titulaires, regrette-t-elle.
Les effectifs de soignants sont trop faibles, ce qui met en péril la pérennité de certaines unités de soins palliatifs. Les lits manquent, en particulier des lits d'urgence, dans ces unités. Dans un contexte de désertification médicale, les équipes et réseaux de soins palliatifs, mais aussi les médecins coordonnateurs dans les EHPAD devraient pouvoir prescrire, a fait valoir le Dr de la Tour.
Quant aux 190 millions d'euros du plan national 2015-2018, « certaines ARS prennent des libertés », a estimé la cheffe de service de soins palliatifs, accusant notamment l'agence Occitanie d'« amputer de 20 % le budget des équipes mobiles ».
Pour la reconnaissance d'une spécialité médecine de la douleur
Le Pr Serge Perrot, président de la Société française d'étude et de traitement de la douleur (SFETD) a dénoncé une méconnaissance voire un « mépris » (sic) par les tutelles et le corps médical de la médecine de la douleur. Avec la médecine palliative, la médecine de la douleur devrait être reconnue comme une véritable spécialité médicale, demande-t-il. « Ce n'est pas du luxe ! » insiste-t-il dit, regrettant la position inverse de l'Ordre des médecins. Le Pr Perrot plaide aussi pour la valorisation des approches complémentaires (hypnose, psychologue, acupuncture) via des parcours et des forfaits hors T2A. Il déplore le silence de la Stratégie nationale de santé sur la douleur alors que celle-ci doit être considérée tout au long de la vie, dans toutes les structures, en particulier les centres anticancers et les services de psychiatrie.
Faut-il revoir la loi Leonetti-Claeys ?
La question s'est glissée inéluctablement dans le débat, faisant apparaître des divergences entre les acteurs.
Turgdual Derville, délégué général d'Alliance Vita, refuse catégoriquement de « franchir une ligne rouge » ; et de pointer les dérives à craindre selon lui dans les EHPAD ou dans la cohérence de la politique de prévention du suicide.
« Laissez-nous le temps de travailler » avant de légiférer de nouveau, a exhorté le Dr Anne de la Tour à l'adresse des députés, alors que la Haute autorité de santé vient tout juste de préciser ce qu'il faut entendre derrière la « sédation profonde et continue ». Elle a néanmoins rappelé que l'euthanasie ne fait pas partie de l'histoire des soins palliatifs, nés de la consternation des soignants à l'égard des cocktails lytiques jadis pratiqués, et de leur volonté de trouver des alternatives pour répondre à la souffrance réfractaire.
Du côté des patients, Sylvain Fernandez-Curiel, de France assos santé, demande qu'une évaluation des demandes de sédation et des soins palliatifs soit conduite avant de remettre le travail sur l'ouvrage. Parmi les pistes d'amélioration à creuser dès aujourd'hui, il suggère une clarification de la HAS sur les conditions dans lesquels les médecins peuvent passer outre les directives anticipées contraignantes, et une meilleure mise en œuvre de l'allocation pour les aidants.
En revanche le Pr d'éthique Emmanuel Hirsch estime que le statu quo n'est pas tenable, la loi Leonetti-claeys, « de compromission », étant trop ambiguë. À titre personnel opposé à l'euthanasie, il estime néanmoins la société assez mature pour « ne pas verser dans un tout euthanasique, si demain passe une loi qui y serait favorable, avec des encadrements précis ».
Le responsable de l'espace éthique Île-de-France appelle surtout à dépasser des contradictions insolubles sur ce point précis, pour penser plus largement une politique de santé qui protège les plus vulnérable et une solidarité qui lutte contre « l'abandonnisme social ». « Évitons les polémiques stériles et interrogeons-nous sur le "long survivre" », conclut-il, appelant à un débat qui n'est plus médical, mais social et politique.
Environ « 311 000 personnes requièrent un accompagnement palliatif par an, soit 60 % des situations de fin de vie. Or 75 % courent le risque d'une insuffisance de soins palliatifs », a rappelé le Dr Anne de la Tour, présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). Pourquoi ? « Parce que les moyens ne sont pas encore arrivés » depuis la loi de 1999, s'indigne-t-elle. La formation des étudiants en médecine, 10 heures, est insuffisante ; la France ne compte que cinq professeurs associés, et non titulaires, regrette-t-elle.
Les effectifs de soignants sont trop faibles, ce qui met en péril la pérennité de certaines unités de soins palliatifs. Les lits manquent, en particulier des lits d'urgence, dans ces unités. Dans un contexte de désertification médicale, les équipes et réseaux de soins palliatifs, mais aussi les médecins coordonnateurs dans les EHPAD devraient pouvoir prescrire, a fait valoir le Dr de la Tour.
Quant aux 190 millions d'euros du plan national 2015-2018, « certaines ARS prennent des libertés », a estimé la cheffe de service de soins palliatifs, accusant notamment l'agence Occitanie d'« amputer de 20 % le budget des équipes mobiles ».
Pour la reconnaissance d'une spécialité médecine de la douleur
Le Pr Serge Perrot, président de la Société française d'étude et de traitement de la douleur (SFETD) a dénoncé une méconnaissance voire un « mépris » (sic) par les tutelles et le corps médical de la médecine de la douleur. Avec la médecine palliative, la médecine de la douleur devrait être reconnue comme une véritable spécialité médicale, demande-t-il. « Ce n'est pas du luxe ! » insiste-t-il dit, regrettant la position inverse de l'Ordre des médecins. Le Pr Perrot plaide aussi pour la valorisation des approches complémentaires (hypnose, psychologue, acupuncture) via des parcours et des forfaits hors T2A. Il déplore le silence de la Stratégie nationale de santé sur la douleur alors que celle-ci doit être considérée tout au long de la vie, dans toutes les structures, en particulier les centres anticancers et les services de psychiatrie.
Faut-il revoir la loi Leonetti-Claeys ?
La question s'est glissée inéluctablement dans le débat, faisant apparaître des divergences entre les acteurs.
Turgdual Derville, délégué général d'Alliance Vita, refuse catégoriquement de « franchir une ligne rouge » ; et de pointer les dérives à craindre selon lui dans les EHPAD ou dans la cohérence de la politique de prévention du suicide.
« Laissez-nous le temps de travailler » avant de légiférer de nouveau, a exhorté le Dr Anne de la Tour à l'adresse des députés, alors que la Haute autorité de santé vient tout juste de préciser ce qu'il faut entendre derrière la « sédation profonde et continue ». Elle a néanmoins rappelé que l'euthanasie ne fait pas partie de l'histoire des soins palliatifs, nés de la consternation des soignants à l'égard des cocktails lytiques jadis pratiqués, et de leur volonté de trouver des alternatives pour répondre à la souffrance réfractaire.
Du côté des patients, Sylvain Fernandez-Curiel, de France assos santé, demande qu'une évaluation des demandes de sédation et des soins palliatifs soit conduite avant de remettre le travail sur l'ouvrage. Parmi les pistes d'amélioration à creuser dès aujourd'hui, il suggère une clarification de la HAS sur les conditions dans lesquels les médecins peuvent passer outre les directives anticipées contraignantes, et une meilleure mise en œuvre de l'allocation pour les aidants.
En revanche le Pr d'éthique Emmanuel Hirsch estime que le statu quo n'est pas tenable, la loi Leonetti-claeys, « de compromission », étant trop ambiguë. À titre personnel opposé à l'euthanasie, il estime néanmoins la société assez mature pour « ne pas verser dans un tout euthanasique, si demain passe une loi qui y serait favorable, avec des encadrements précis ».
Le responsable de l'espace éthique Île-de-France appelle surtout à dépasser des contradictions insolubles sur ce point précis, pour penser plus largement une politique de santé qui protège les plus vulnérable et une solidarité qui lutte contre « l'abandonnisme social ». « Évitons les polémiques stériles et interrogeons-nous sur le "long survivre" », conclut-il, appelant à un débat qui n'est plus médical, mais social et politique.
En savoir plus sur https://www.sante-sur-le-net.com/recommandations-has-fin-vie/#kVsLcYk3OUzASD0s.99
INFO +
En savoir plus sur le site de la HAS :15 mars 2018 | Dossier de presse Fin de vie : en parler, la préparer et l’accompagner
https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2834548/fr/fin-de-vie-en-parler-la-preparer-et-l-accompagner
***
Fin de vie : le CESE se prononce pour un droit à une « médication expressément létale »
| 10.04.2018 equotidiendumedecin.fr*
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté ce 10 avril un avis appelant
à ouvrir un nouveau droit pour une personne malade : celui de demander
au médecin « une médication expressément létale ».
Rédigé par une commission temporaire constituée pour répondre à cette autosaisine, dans laquelle on retrouve Étienne Caniard, ancien président de la Mutualité française, la Pr Sylvie Castaigne (hématologue), ou encore le psychiatre Michel Debout, l'avis, intitulé « Fin de vie : à l'heure des choix », fait d'abord le constat d'une insuffisante mise en œuvre des droits actuels : accès compliqué aux soins palliatifs, notamment à domicile, méconnaissance des dispositions visant à placer le malade au centre de décisions le concernant, et mise en œuvre de la sédation profonde et continue « entravée par des difficultés d'ordre tant médical que juridique et éthique ».
L'avis propose plusieurs mesures pour améliorer l'application de la réglementation en vigueur : lancer une campagne d’information sur les soins palliatifs, augmenter les moyens qui y seront alloués dans le plan 2019-2021 pour gonfler l'offre à l'hôpital de 20 à 40 %, les exclure de la tarification à l'activité (T2A) et mieux prendre en compte la rémunération du médecin coordonnateur, autoriser la prescription par la médecine de ville de médicaments nécessaires à la sédation profonde et continue et leur dispensation par les officines, ou encore préciser par décret la procédure collégiale afin de conforter la place des non-médecins et des associatifs…
Éviter des « mots qui crispent »
Dans un second volet, l'avis veut élargir le champ des possibles en « autorisant les derniers soins », c'est-à-dire donner la possibilité à une personne malade de demander au médecin, y compris à travers les directives anticipées ou sa personne de confiance, dans des conditions strictes, de recevoir une médication expressément létale. Des mots pesés pour éviter les termes d'euthanasie ou de suicide assisté : « Il y a des mots qui immédiatement crispent, qui bloquent, et qui sont les mots de suicide et d'euthanasie », s'est justifié le rapporteur du texte Pierre-Antoine Gailly, représentant au CESE du groupe des entreprises. « L'opinion, depuis 2001, est d'avis que le pays devrait autoriser des formes de mourir plus volontaristes que les dernières lois », analyse-t-il.
« Un tel amendement, qui réaliserait une dépénalisation conditionnelle de l’aide à mourir, devrait préciser la définition de ce soin ainsi que les modalités de l’acte, selon que celui-ci est réalisé par le médecin (et donc assimilable à une euthanasie) ou par la personne elle-même (et donc assimilable à un suicide assisté). Cela induit une révision des règles éthiques définies par l’Ordre des médecins pour éviter qu’un acte « dépénalisé » puisse faire l’objet de sanctions professionnelles », lit-on dans le corps de l'avis.
En parallèle, la loi doit inclure une clause de liberté de conscience, permettant à toute personne, quelle que soit sa profession, de refuser la prescription, la dispensation, ou l'administration de cette médication expressément létale.
https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2018/04/10/fin-de-vie-le-cese-se-prononce-pour-un-droit-une-medication-expressement-letale-_856889
Rédigé par une commission temporaire constituée pour répondre à cette autosaisine, dans laquelle on retrouve Étienne Caniard, ancien président de la Mutualité française, la Pr Sylvie Castaigne (hématologue), ou encore le psychiatre Michel Debout, l'avis, intitulé « Fin de vie : à l'heure des choix », fait d'abord le constat d'une insuffisante mise en œuvre des droits actuels : accès compliqué aux soins palliatifs, notamment à domicile, méconnaissance des dispositions visant à placer le malade au centre de décisions le concernant, et mise en œuvre de la sédation profonde et continue « entravée par des difficultés d'ordre tant médical que juridique et éthique ».
L'avis propose plusieurs mesures pour améliorer l'application de la réglementation en vigueur : lancer une campagne d’information sur les soins palliatifs, augmenter les moyens qui y seront alloués dans le plan 2019-2021 pour gonfler l'offre à l'hôpital de 20 à 40 %, les exclure de la tarification à l'activité (T2A) et mieux prendre en compte la rémunération du médecin coordonnateur, autoriser la prescription par la médecine de ville de médicaments nécessaires à la sédation profonde et continue et leur dispensation par les officines, ou encore préciser par décret la procédure collégiale afin de conforter la place des non-médecins et des associatifs…
Éviter des « mots qui crispent »
Dans un second volet, l'avis veut élargir le champ des possibles en « autorisant les derniers soins », c'est-à-dire donner la possibilité à une personne malade de demander au médecin, y compris à travers les directives anticipées ou sa personne de confiance, dans des conditions strictes, de recevoir une médication expressément létale. Des mots pesés pour éviter les termes d'euthanasie ou de suicide assisté : « Il y a des mots qui immédiatement crispent, qui bloquent, et qui sont les mots de suicide et d'euthanasie », s'est justifié le rapporteur du texte Pierre-Antoine Gailly, représentant au CESE du groupe des entreprises. « L'opinion, depuis 2001, est d'avis que le pays devrait autoriser des formes de mourir plus volontaristes que les dernières lois », analyse-t-il.
« Un tel amendement, qui réaliserait une dépénalisation conditionnelle de l’aide à mourir, devrait préciser la définition de ce soin ainsi que les modalités de l’acte, selon que celui-ci est réalisé par le médecin (et donc assimilable à une euthanasie) ou par la personne elle-même (et donc assimilable à un suicide assisté). Cela induit une révision des règles éthiques définies par l’Ordre des médecins pour éviter qu’un acte « dépénalisé » puisse faire l’objet de sanctions professionnelles », lit-on dans le corps de l'avis.
En parallèle, la loi doit inclure une clause de liberté de conscience, permettant à toute personne, quelle que soit sa profession, de refuser la prescription, la dispensation, ou l'administration de cette médication expressément létale.
https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2018/04/10/fin-de-vie-le-cese-se-prononce-pour-un-droit-une-medication-expressement-letale-_856889