Mourir sur les réseaux sociaux : décryptage d'un "phénomène"
Le 23.01.2017 sciencesetavenir.fr* Lise Loumé, Spécialiste santé au pôle digital de Sciences et Avenir
2016,
tout comme ce début d'année 2017, sont marqués par la médiatisation de
morts en direct sur Internet. Comment expliquer l'émergence de ce
"phénomène" ? Pourquoi un nombre croissant d'internautes regardent ces
vidéos ? Décryptage, avec deux spécialistes.
En
2016, et en ce début d'année 2017, les outils de diffusion de vidéos en
direct - Facebook Live et Periscope (Twitter) - ont fait à plusieurs
reprises la "Une". En cause, des vidéos choquantes, montrant la mort
d'individus, en particulier des suicides : en mai 2016, une Française
âgée de 19 ans, en octobre, un Turc de 22 ans, mi-janvier 2017, une
Américaine de 12 ans, et plus récemment, le 22 janvier, à la Rochelle,
c'est une jeune fille de 18 ans qui a tenté de se suicider par le feu
dans une station-service, en direct sur Facebook... Des gestes
prémédités, mais aussi des morts accidentelles, comme celle, fin 2016,
de Keiana Herndon : cette Américaine de 25 ans atteinte d'un cancer de
la thyroïde, se filmait quotidiennement et a fait un malaise fatal en
direct, "sans qu'aucun internaute n'intervienne", ont déploré
ses proches. Comment expliquer cette mise en scène de la mort sur les
réseaux sociaux ? Pourquoi un nombre croissant d'internautes
regardent-ils ces vidéos ? Deux spécialistes nous éclairent sur ce sujet
complexe : Xavier Briffault, chargé de recherche au CNRS sur la
thématique du suicide et membre du Haut conseil de la santé publique
(HCSP), ainsi que Charles-Édouard Notredame, psychiatre au CHRU de Lille
et spécialiste du phénomène de "contagion suicidaire".
"Le geste suicidaire est ambivalent : il met fin à une souffrance, tout en ayant l'objectif inconscient d'interpeller"
Malgré
la forte médiatisation de quelques cas de décès en direct sur Internet,
il est pour l'instant impossible de connaître l'ampleur de ce
"phénomène". "À ma connaissance, aucun outil n'a été mis en place
pour permettre de savoir combien de personnes se sont données la mort en
direct, ni leur profil", affirme Xavier Briffault. Et les études scientifiques sur le sujet sont quasi inexistantes. "Pour l'instant, ce 'phénomène' semble marginal", tempère
le spécialiste. Si l'on se penche donc sur les quelques cas médiatisés,
l'on remarque qu'ils concernent essentiellement des adolescents et
jeunes adultes, ce qui ne surprend pas Charles-Édouard Notredame. "Le
geste suicidaire est ambivalent : il met très souvent fin à une
souffrance, tout en ayant l'objectif inconscient d'interpeller, afin de
susciter une réaction de la part de l'autre. Ce dernier point est
d'autant plus important à l'adolescence, l'âge de la construction
identitaire, durant lequel l'on s'identifie à ses pairs, l'on essaie de
se singulariser tout en voulant appartenir à un groupe."
Les réseaux sociaux et leur immédiateté, leur universalité, décuplent forcément l'ampleur d'un acte "isolé". "Au-delà
de la simple interpellation, certains adolescents qui sont passés à
l'acte sur Internet ont aussi dénoncé la cause de leur mal-être, par
exemple une agression physique ou sexuelle, et l'on peut supposer que
leur geste revêtait une dimension de revendication, à la reconnaissance
de leur souffrance, de leur statut de victime", explique le
spécialiste du CHRU de Lille. Des signes de mal-être peuvent apparaître
quelques temps avant l'acte sur un profil Facebook, mais la détresse,
noyée dans un flux, peut ne pas être perçue. "Il n'est pas toujours
évident d'identifier une personne en danger, car un 'ras-le-bol de la
vie' ne signifie pas forcément un passage à l'acte", explique Xavier Briffault. Les réseaux sociaux prévoient un bouton d'alerte pour les proches, mais "il n'est pas rapidement facile à trouver" et "les coordonnées fournies en cas d'urgence sont rarement valables pour la France", font remarquer les deux spécialistes.
Pointés
du doigt pour ne pas avoir réagi à temps dans le cas du décès de Keiana
Herndon, les internautes visionnant ce type de vidéos sont également
accusés de pur voyeurisme. Mais les choses sont un peu plus complexes
que cela, pour Charles-Édouard Notredame. "Des sociologues et
psychiatres évoquent, dans notre société hyperindividualiste, un recul
des rituels et symboles liés à la mort, même si l'on a le sentiment à
première vue qu'elle est omniprésente. En fait, elle l'est
virtuellement, à travers les films notamment, mais pas réellement, car
les jeunes générations assistent à moins d'enterrements que leurs aînés,
par exemple. L'adolescent (ou le jeune adulte) est donc amené à
construire sa propre conception et exposition de la mort, seul. En se
tournant vers ces vidéos en direct, il est à la recherche de la 'mort
réelle', ce qui est paradoxal puisqu'elle reste virtuelle au final...
Mais elle est dans l'instantané, ce qui fait illusion."
Le risque d'être imité
Malheureusement, un acte isolé peut inspirer. "Chez
les personnes vulnérables, ce type de vidéos peut pousser à
l'imitation, d'autant qu'elles fournissent des moyens concrets de passer
à l'acte", affirme Xavier Briffault. Le suicide par imitation est loin d'être un phénomène nouveau : "Le
traitement médiatique inapproprié du suicide est l’un des nombreux
facteurs pouvant inciter les personnes vulnérables à passer à l’acte :
en psychologie, on appelle cela l'effet Werther, explique Charles-Edouard Notredame. Le
cas célèbre de l’actrice Marilyn Monroe en est une parfaite
illustration : le mois suivant son décès, on a assisté à une
augmentation de la mortalité par suicide de 12% aux États-Unis et de 10%
en Grande-Bretagne (NDLR : soit 363 suicides supplémentaires, rien que pour ces 2 pays)."
La "mort en direct", elle non plus, n'est pas récente : le premier cas
célèbre remonte à... 1974, lorsque la journaliste américaine Christine
Chubbuck se suicide à la télévision.
À
l’inverse, l’information, lorsqu’elle répond à certaines
caractéristiques, pourrait contribuer à prévenir les conduites
suicidaires. Cet effet protecteur est connu sous le nom de Papageno, et a
donné son nom à un programme de sensibilisation aux journalistes
afin qu'ils traitent le suicide de manière prudente, sans provoquer de
phénomène d'imitation. La technologie a elle aussi son rôle à jouer. "Des
applications de prévention sont en cours et permettront entre autres à
des équipes médicales de recontacter régulièrement des personnes qui ont
tenté de mettre fin à leurs jours, précise Xavier Briffault.
Il existe déjà une application, nommée 'Emoteo' et développée par un
psychiatre suisse, proposant de l'aide aux personnes souffrant de
troubles émotionnels, que l'on sait à risque." Ce spécialiste
envisage même le développement prochain de modèles, à l'aide des big
data et du deep learning, pour détecter des signes alarmants sur les
réseaux sociaux...
Numéro d'aide pour les adolescents : 0800 235 236 (Fil santé jeunes, service anonyme et gratuit pour les 12-25 ans, tous les jours de 9h à 23h)
En cas d'idées suicidaires, consultez votre médecin traitant. En cas d'urgence vitale, contactez le 15.
Les prisons de
Nantes ont été touchées par trois suicides en une semaine. Où en est-on
de la prévention ? Entretien avec Jean-Louis Terra, professeur de
psychiatrie.
Trois suicides en une semaine dans les prisons de Nantes. Série noire ou cas individuels à ne pas rapprocher ? Ouvrir
une cellule et voir des pieds qui ne touchent pas terre… Il y a cette
solitude de celui qui découvre le corps… J’étais à Nantes. Qu’est ce que
c’était triste… Ils sont tous très touchés. À Nantes,
cette série noire semble fortuite. Je ne vois aucun lien de causalité
entre les trois cas, comme on peut parfois l’observer dans une aile en
particulier. Là, cela touche trois bâtiments différents. Mais il faut
toujours regarder s’il n’y a pas une éventuelle faiblesse dans la
prévention. À Nantes, la maison d’arrêt est neuve… L’amélioration de l’hygiène, la diminution de la surpopulation ne protège pas ? Vous
savez, Lyon a longtemps été une prison aux conditions très mauvaises
sur le plan de l’hygiène. Mais il y avait du bruit, on se croisait. Une
forme de vie, avec ses défauts. Aujourd’hui, on est dans des systèmes
plus aseptisés, avec des bâtiments très grands, peu de contacts, qui
peuvent provoquer une forme de solitude. C’est ce que j’entends dire
même si rien n’est démontré en terme de facteur de risque.À Nantes, ce
n’est qu’une hypothèse qui mérite d’être regardée de près, la prison est
dotée d’installations modernes et d’une équipe médicale de qualité, ce
qui n’est pas le cas partout ! Du coup, ils reçoivent beaucoup de
détenus d’une certaine lourdeur. Y a-t-il eu des excès ? La France connaît toujours un taux de suicide en prison très élevé… Pourquoi ? Nos
taux, qui diminuent mais pas assez vite, restent importants
relativement aux autres pays européens. Nous avons un problème
structurel. Ailleurs, les prévenus ne sont pas enfermés en cellule
l’essentiel du temps comme chez nous. Cet isolement est un élément clé,
un facteur négatif. Aux États-Unis, où ils ont les suicides ont beaucoup
baissé, les détenus mangent ensemble et partagent les activités. Les
nuits sont longues mais les jours en communauté. Et quand on est avec
les autres, on ne se suicide pas. Les surveillants dénoncent l’augmentation des détenus qui relèveraient davantage de l’hôpital psychiatrique… Une
étude de l’Inserm montre que le taux de maladies mentales dans nos
prisons, telle que la schizophrénie, est très élevé. C’est le premier
facteur de risque. Des gens qui souffrent de pathologie ont plus de mal à
tenir leur place en prison. Quand la maladie est trop forte, les gens
ne sont plus capables de survivre, se défendre, couvrir leurs besoins de
base.Et puis, il y a un grave problème. Quel est le pourcentage des
personnes ayant un traitement adapté à leur dépression ? En 2003, je
m’étais rendu compte d’écarts de 1 à 10 sur cette prise en charge. Dans
certains établissements on comptait 3 % de personnes souffrantes contre
33 % dans d’autres. Anormal. Quels ont été les efforts réalisés dans nos prisons ? Le
suicide n’est pas une maladie, c’est un risque. L’essentiel de l’action
est tourné vers la formation des personnels de santé et pénitentiaires
sur la prévention. L’enjeu est de faire circuler l’information à travers
les cloisons, pour détecter les personnes en souffrance et les protéger
« on time ». Il faut évaluer l’état d’une personne à un moment donné et
planifier des actions pour diminuer ses souffrances, lui donner les
ressources pour s’apaiser. C’est très subjectif : on peut aller très
très mal malgré de bons soins. Il y a la question des
addictions, l’alcool, le cannabis, etc. Et aussi les éléments
extérieurs : on peut perdre son logement, se voir retirer ses enfants,
être rejeté par son quartier, sa famille… Dans le sous-marin de la
prison, les travailleurs sociaux ont un rôle de périscope à jouer pour
dire ce qui se passe dehors. Le seul levier est donc la prévention du risque ? Des
cellules dites lisses, sans point d’accroche, ont été créées partout,
pour placer les détenus très suicidaires, avant qu’ils ne soient vus par
un psychiatre. Ces détenus sont dotés de kit antisuicide (pyjama en
papier, etc.). On a aussi « adouci » les conditions du quartier
disciplinaire avec la radio, par exemple.Enfin, on expérimente, comme à
Angers, le codétenu de soutien. Il s’agit de six ou huit détenus par
prison, volontaires, équilibrés, solides, respectés et capables de
stratégie. Ils reçoivent la même formation que les personnels pour
détecter les détresses. J’appelle ça un brevet de secourisme psychique.
C’est un dispositif encourageant même si cela ne représente qu’une
petite part de la prévention, de l’ordre de 3 à 5 %.Mais on ne peut pas
l’imaginer à Nantes pour le moment. Cela ne peut fonctionner que dans un
établissement apaisé, pas juste après une crise comme celle qui vient
d’y survenir.
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Le suicide d'un octogénaire qui a tué son épouse atteinte d'un cancer incurable relance le débat sur l'euthanasie. Pour Damien Le Guay, auteur du Fin mot de la vie, contre le mal mourir en France, l'urgence n'est pas de légiférer sur la mort mais de remettre le malade au cœur de l'hôpital.
Damien
Le Guay, philosophe, président du comité national d'éthique du
funéraire, membre du comité scientifique de la SFAP, enseignant à
l'espace éthique de l'AP-HP, vient de faire paraitre un livre sur ces
questions: Le fin mot de la vie - contre le mal mourir en France, aux éditions du CERF. FIGAROVOX:
Un homme de 84 ans s'est donné la mort ce dimanche à l'hôpital Ambroise
Paré de Boulogne-Billancourt. Juste avant, il a tué d'une balle son
épouse hospitalisée pour un cancer incurable. Les partisans de
l'euthanasie demandent une loi pour «éviter ce genre de drames». Que
pensez-vous de ce «droit à mourir dans la dignité» qu'ils invoquent? Damien LE GUAY:
Il faut toujours remettre en cause l'idée selon laquelle il y aurait
d'un côté une mort «digne», celle, choisie, de l'euthanasie, et, de
l'autre une mort indigne, car «subie». Il faut contester à l'ADMD
(Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) la «dignité»
qu'ils revendiquent et qu'ils confisquent au détriment des autres. Il y a
des dignités différentes, voilà tout. Le droit à mourir dans la dignité
est mis en œuvre jour après jour par les innombrables bénévoles en
soins palliatifs bien plus que par l'ADMD. Un constat s'impose:
aujourd'hui, on meurt mal en France. Certains avancent une solution: ne
pas appliquer la loi Léonetti, ne pas améliorer les soins palliatifs et
légaliser l'euthanasie. Or, la légalisation de l'euthanasie serait un
mal pire que les maux qu'elle prétend résoudre.
Pourquoi? N'est-elle pas simplement l'expression d'une «ultime liberté»? Il
y a deux euthanasies. D'une part l'euthanasie-liberté qui est celle,
par exemple, d'André Comte-Sponville. Il pense l'euthanasie dans le
prolongement du suicide avec la noblesse d'une «ultime liberté» face à
toutes les contraintes, les lassitudes. Il est possible de discuter de
ces motivations - acceptables jusqu'à un certain point. D'autre part:
l'euthanasie économique. Plus sordide, moins avouable. Il y a un an un
vice-premier ministre japonais (avant de faire machine arrière) avait
fait le constat que 50% des dépenses de santé de son pays intervenaient
dans les dernières semaines de la vie. Ce qui est vrai au Japon l'est
aussi en France. Il avait suggéré que, par devoir civique, les japonais
«devraient» avancer de quelques semaines leur mort. Ainsi l'Etat ferait
de considérables économies. Les deux euthanasies sont distinctes et en
même temps, la seconde n'est pas loin de la première. Les coûts de la
santé sont collectifs. Une pression sociale existe, implicitement. La
dérive est possible. Et ceux qui, sans le dire, veulent diminuer les
dépenses de santé par une «économie» de quelques semaines sur la durée
de vie, font des partisans de l'euthanasie-liberté des «idiots utiles»
de ce débat. 96% des Français se disent favorables à l'euthanasie. Peut-il y avoir encore débat avec de tels sondages ? Oui.
Encore faut-il savoir pourquoi les Français veulent l'euthanasie? Avant
tout, ils craignent l'hôpital! Ils n'ont pas envie de mourir seuls,
abandonnés, face à des machines, réduits à leurs maladies et incapables
de comprendre la logique toute puissante des médecins. Ils savent qu'ils
vont perdre leur autonomie physique mais surtout leur autonomie de
décision. Ils ne seront plus maîtres du jeu. N'auront plus leur mot à
dire. De guerre lasse, ils préfèrent «l'euthanasie» sans savoir qu'ils
réclament bien des droits qui sont déjà acquis. Quand on demande aux
Français s'ils ont le droit de demander l'interruption des soins, ils
répondent non! Alors que c'est le cas depuis la loi de 2002! Toute cette
ignorance et cette peur se convertissent en une revendication
indistincte et incertaine de rejet de l'hôpital plus que d'adhésion à
l'euthanasie. Ne faudrait-il pas améliorer «l'offre palliative», la
place centrale de l'humain, l'écoute, l'humanité des relations, la
modestie du curatif! C'est une question de volonté politique. Avant de
se poser la question de l'euthanasie, posons-nous d'abord la question du
confort, de l'accompagnement, des conditions de la mort en France. Il y
a tant et tant à faire!
L'euthanasie, serait une solution de facilité, c'est ça? Oui.
On nous fait croire que le progrès est ce côté-ci, que la liberté
«moderne» est de ce coté-ci, que l'euthanasie va régler tous les
problèmes. Et inversement on nous dit qu'une mort bavarde, la moins
inconfortable possible, la plus accompagnée, serait «archaïque», trop
«chrétienne» - comme si le travail de l'ultime parole, des derniers
gestes, de la conscience seraient religieux avant que d'être humains. Le
rapport Sicard, demandé par le gouvernement socialiste pour, en
principe, mettre en œuvre l'engagement 21 de François Hollande nous le
dit bien: l'euthanasie n'est pas la solution. De nombreux aménagements
sont nécessaires pour améliorer la fin de vie de 150 000 personnes qui
meurent mal en France - sur un total de 550 000 décès. Alors que
l'euthanasie, si elle était légalisée, concernerait 6 à 7 000 cas par
an. Ne faut-il pas penser au plus grand nombre, plutôt que répondre à
des cas particuliers, de situations souvent très spécifiques - montées
en épingles par les médias dans des «affaires» -? Là est le sens de la
justice. Là est la responsabilité des politiques. Que signifie l'expression «mourir mal»? La mort n'est-elle pas de toute façon une tragédie? Il
n'y a pas de «bonne mort», de mort pacifiée, facile. Que feront-nous
une fois confronté à cette échéance ultime? Mystère. Chacun doit y faire
face, l'envisager dans la solitude, une solitude fondamentale. La
question n'est donc pas celle de résoudre l'angoisse de la mort
individuelle mais celle d'améliorer l'accompagnement, d'entourer les
personnes, de les considérer comme des personnes, de faciliter les
ultimes aménagements familiaux, les ultima verba qui peuvent permettre à
la famille de mieux vivre après. Comment faire pour que les gens «meurent mieux» en France? Première
question: faut-il mourir à l'hôpital? Aujourd'hui 70% des Français
meurent dans une structure hospitalière, parfois dans des conditions
indignes et de temps à autre, dans des circonstances sordides. Pensons à
ces personnes âgées «envoyées» à l'hôpital parce que la maison de
retraite ne veut pas payer les coûts du transport funéraire. Or,
n'est-il pas plus «confortable» de mourir chez soi? Oui. Au début des
années 1960, 70 % des français mourraient chez eux. Dans d'autres pays
européens, 70 % des gens meurent chez eux. Alors, pourquoi pas chez
nous? C'est une question politique, une ambition de santé publique. Un
objectif concret. Cela conduit à développer les équipes de soins
palliatifs, les soins à domicile, les équipes mobiles de soins, et plus
largement de refonder la manière dont nous envisageons la médecine des
dernières semaines. D'autres questions peuvent aussi être
abordées: la formation des médecins en éthique - qui est nulle. D'autre
part, le rapport Sicard dit que 80% des médecins ne sont pas formés aux
techniques actuelles de soulagement de la souffrance. Là aussi, il est
urgent d'agir. En ce qui concerne les soins palliatifs, seuls 20% des
personnes susceptibles d'y accéder passent par eux. Les séjours en unité
de soins palliatifs sont court. La diffusion de la «culture palliative»
est faible…. Tout cela coûte cher, et en des temps de disette publique… Ce
n'est pas une question de moyens financiers mais de volonté des
pouvoirs publics. Le rapport Sicard précise que les énormes économies
budgétaire qui pourraient être faites en limitant l'acharnement
thérapeutique devraient servir pour l'accompagnement, la qualité du
mourir et les soins palliatifs. Les constats sont faits. Les solutions
sont là. C'est maintenant une question de choix, de décisions
politiques, d'orientations de la politique de santé. Tout devrait être
fait sans tenir compte des revendications survalorisées de lobbies
minoritaires.
Au delà de ces améliorations
bien réelles, n'est-ce pas toute une refondation de la médecine
techno-scientifique qu'il faut ambitionner? Refonder.
Réorienter. L'ambition est claire: remettre le malade au cœur de
l'hôpital. Le rapport Sicard a très bien montré ce glissement de la
médecine d'une culture palliative à une culture curative. Le glissement
est dégradant: les personnes deviennent des patients, les patients des
malades, les malades des maladies, des maladies des organes malades. Les
médecins (depuis la «tarification à l'acte») sont incités à poursuivre
des «actes», des prescriptions, des traitements quand bien même ils
savent, in petto, que tout cela ne sert plus à rien. Et puis, le
discours médical a envahi les derniers moments. Il est omniprésent au
point de ne pas trop laisser de place aux espaces de paroles
personnelles. Espaces où naissent les derniers mots, les dernières
paroles, les regards au bord de l'abime, les gestes d'adieu. Refonder.
Réorienter. Disions-nous. Il s'agit-il d'une révolution multiculturelle
qui permettrait d'ajuster la culture palliative (qui protège et
réconforte la personne humaine) avec les exigences de la culture
curative - qui guérit le corps, soulage la douleur, donne le confort
biologique. Cette mixité des approches passe aussi par une humilité des
mots, expressions et discours curatifs. Les malades ne sont pas des
maladies dans un corps, mais le corps souffrant d'une personne humaine.
Ne faudrait-il pas retrouver le sens d'un mot oublié, désuet, «ringard»
et pourtant essentiel: le «mourant»? Il est obligé de prendre patience,
Il doit désormais cohabiter avec sa mort imminente, il se dit et est
reconnu à l'article de la mort, à l'articulation de la vie et de la
mort. Il semble que la médecine, enivrée par son propre
progrès, crée elle-même des situations inextricables où l'euthanasie
puisse devenir la seule issue… La médecine souffre d'une
démesure (hubris) technicienne. Emportée par ses moyens, ses outils,
ses médicaments, elle n'arrive pas à poser ses propres limites. Non pas
ses limites de soins (ils sont infinies et c'est tant mieux) mais, au
contraire, ses limites d'arrêt de soins, quand il n'y a plus rien à
faire et qu'il faut l'accepter. Sachez que dans les hôpitaux 50% des
décès sont liés à une décision. Désormais la mort «naturelle» n'existe
plus. Personne n'irait blâmer les avancées de la médecine. Ses progrès
sont formidables. Mais à un certain moment, dans certaines
circonstances, «l'acharnement thérapeutique» est inhumain, la poursuite
des traitements vaine pour ne pas dire «barbare» - barbare au sens de ce
qui empêche la parole humaine de naitre, de s'échanger. Si la médecine
ne doit jamais s'arrêter ; les médecins eux, doivent mieux appréhender,
cette limite entre l'efficacité et «l'obstination déraisonnable». Il
faut alors laisser toute la place aux soins spirituels, psychologiques,
familiaux, affectifs, religieux. Cette limite est mal appréhendée. Bien
des médecins semblent incapables de mettre un frein au «tout médical» au
profit d'une impuissance assumée. Quand la mort est toute proche,
laissons le corps en roue libre. Alors seul compte l'invisible des
mémoires familiales, des âmes en ouverture, des transmissions à
faciliter. S'ils comptaient moins sur leurs habitudes techniques
et jugeaient plus «en âme et conscience», ils trouveraient le courage
(qui est difficile) de convoquer le malade pour lui expliquer qu'il
n'est plus malade mais mourant. Mais les médecins ne sont pas formés à
cela. Les cours d'éthique n'existent pas (ou si peu) dans le cursus de
médecine. Comment doivent-ils accepter ce surcroit d'humanité, cette
impuissance de la médecine, ce face-à-face avec une personne livrée à la
mort? Comment changer leur regard? Cela suppose une injection éthique
dans leurs manières d'envisager un malade. En soi, cela n'est pas
compliqué mais changerait tout.
Vous mettez en avant dans
votre livre le «rôle salutaire de la parole échangée» au moment de la
mort. Pourquoi la parole est-elle si importante? Sommes-nous
avant tout notre corps ou surtout un certain «poids d'amour» dont parle
St Augustin? Ce «poids» est soupesé par chacun aux derniers jours. En
avons-nous fait assez vis-à-vis de ceux que nous aimons? Qu'allons-nous
laisser d'amour à nos enfants? Tout est là. Et dans ce grand maelstrom
des derniers instants, la séparation d'avec ceux que nous aimons est
essentielle. C'est pourquoi, nous disent les statistiques, la moitié des
dépressions sont liés à des deuils mal faits. Quelque chose se passe ou
ne se passe pas à ce moment là, qui non seulement engage la paix de
celui qui meurt, mais de ceux qui restent et vont demeurer, les
survivants. Dans les derniers moments, la parole sauve ou détruit. Elle
libère ou emprisonne. Elle allège ou condamne. Tout intervient dans ce
travail de la conscience sur elle-même en lien avec les personnes
aimées. Les modernes ont tendance à considérer que la conscience
individuelle pilote le corps, contrôle les mouvements, nous informe et
nous guide dans notre solitude nécessaire. Là est la logique de
l'autonomie moderne. Dès lors, en fin de vie, il faudrait quitter cette
vie comme on coupe la lumière avant de quitter la pièce et refermer la
porte à tout jamais. Or, me semble-t-il, la conscience est d'une autre
nature, plus archaïque, plus spirituelle, pleine de ressources
insoupçonnées, traversées de culpabilités croisées et de dettes
humaines. Elle nous tient plutôt que nous ne la contrôlons. Vous faites dans votre livre la distinction entre le «deuil» moderne et le «chagrin» archaïque. Quelle est la différence? Le
deuil est «moderne» ; le chagrin archaïque. Je tiens mon deuil ; le
chagrin me tient. Car, dans l'idée moderne du «deuil» je l'organise, le
contrôle. Dans le manuel de psychologie américain qui fait référence (le
DSM IV) il est dit que le deuil devient «pathologique» à partir de
trois mois. Lors de la mort de son père, on n'a pas le droit d'être
triste plus de trois mois. Sinon, ça devient de la «dépression». Le
«chagrin» lui est d'une autre nature, plus profond, plus abyssal - aussi
profond et abyssal que ma mémoire affective et spirituelle. Proust nous
le dit bien lors de la mort de sa grand-mère. N'en déplaisent aux
«modernes», les sentiments de culpabilité, de dépendance, les blessures
affectives, les fantômes mémoriels existent. Il nous faut «faire avec»,
vivre avec. Nous sommes dépendants de ceux qui nous ont aimés comme de
ceux que nous aimons. Deux conceptions de l'humanité s'opposent.
L'une individualiste, moderne. L'autre qui laisse à supposer que nous
sommes travaillés par un immense souci de responsabilité - comme nous le
dit E. Lévinas. Nous ne sommes pas auto-constitués, plein de nous
seuls, mais, tout au contraire, saturés d'altérités successives,
éducatives, affectives, familiales. Flottons-nous à la surface de
nous-même ou, au contraire, sommes-nous dans l'océan de nos engagements,
de nos vies partagées, de nos envies d'aller plus loin pour les autres?
Bien entendu, notre souci de transmission domine. Il nous faut
l'aménager dans les derniers moments. Et cela est rendu difficile,
parfois même impossible, dans notre société qui a perdu le sens de la
parole.
***
Un octogénaire tue sa femme et se suicide : un geste de désespoir plus que d'amour
LE
PLUS. Dimanche 23 novembre, un homme âgé de 84 ans a tué sa femme
hospitalisée pour un cancer incurable à Amboise-Paré, avant de retourner
l’arme contre lui. Pourquoi les homicides- suicides touchent-ils
surtout les personnes âgées ? Explications de Margueritte
Charazac-Brunel, psychanalyste et auteur de "Suicide des personnes
âgées" (Édition Eres, 2014).
Projection de l'œuvre de Vincent Van Gogh, "Au seuil de l'éternité" (1890), lors d'une exposition à Tel Aviv. (J. GUEZ/AFP)
Ce qui est survenu à l‘hôpital Ambroise-Paré de Boulogne Billancourt est ce qu’on appelle un "homicide-suicide".
À ma connaissance, il n’existe aucune étude statistique en France sur
les homicides-suicides de personnes âgées. Pourtant elles constituent
une population à haut risques de suicides létaux, et les
homicides-suicides ne sont pas rares.
L’homicide-suicide n’est pas un geste d’amour
Auprès des plus de 60 ans, il n’existe pas de réelle prévention pour éviter ce drame. La prévention du suicide de l’adolescent est
désormais assez bien structurée et implantée dans les institutions.
Ainsi une tentative de suicide d’un jeune est heureusement rarement
létale, le passage à l’acte d’une personne âgée, lui, est le plus
souvent fatal.
Pourtant, il a des répercussions importantes : les adolescents qui
ont un grand-parent décédé par suicide passent plus facilement au
passage à l’acte que les autres. Le suicide des grands-parents
représentent donc un facteur incitatif.
L’homicide-suicide a été très bien décrit par le film "Amour".
Bien que ce long métrage soit très intéressant d’un point de vue
clinique, il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit pas là d’un acte
d’amour mais d’un geste de désespoir.
Le terme "amour" valorise et banalise ce geste. Pour l’expliquer, il existe plusieurs facteurs suicidogènes :
1. L’annonce d’une maladie incurable
Le diagnostic d’une maladie incurable chez l’un des deux époux –
comme c’est le cas chez ce couple d’octogénaires – peut être un élément
déclencheur. Une annonce sans trop de précaution provoque un vécu
violent chez le conjoint. Ce vécu de sidération ou d’effondrement,
parfois les deux, nécessite un accompagnement et une prise en charge du
couple âgé.
Car le conjoint peut avoir des réactions de désinvestissements
massifs, une somatisation grave mais aussi passer à l’acte dans un
homicide-suicide ou euthanasier dans la clandestinité, de façon active
et parfois douloureuse son conjoint.
Il se dit qu’il ne sera peut-être pas capable d’accompagner son
épouse jusqu’au bout, qu’il va falloir lui trouver des structures pour
l’accompagner, et se demande souvent si ses possibilités financières
vont lui permettre d’assurer des conditions de fin de vie dignes. Ces angoisses sont très fréquentes.
Avant de se préoccuper de vouloir aider les personnes âgées à mourir
dignement, il serait plus souhaitable de les aider à vieillir dans la
dignité et la tendresse.
Aujourd’hui, les politiques sont davantage préoccupés par
l’euthanasie active que par la reconnaissance de la souffrance et le
désespoir qui mène au suicide des personnes âgées.
2. La dépression, un mal fréquent
Une accumulation de traumatismes, ou un seul important, sont des éléments qui engendrent un état dépressif grave, mal qui touche un grand nombre de personnes âgées. Malheureusement, la dépression est souvent négligée ou mal repérée.
Quand un patient apprend qu’il a une maladie incurable il s'effondre,
tant sur le plan physique que psychique. Ce phénomène est aussi bien
vécu par le malade que par son compagnon-aidant.
En France, la douleur physique fait l’objet d’une évaluation : les
soignants la numérotent sur une échelle de 0 à 10. Mais la souffrance
psychique n’est guère considérée et la prise en charge psychologique
auprès des personnes âgées en grande souffrance reste rare.
3. Le phénomène de "clivage"
En psychologie, il existe ce qu’on appelle le "clivage", c’est cette capacité à vouloir oublier et effacer tout au long de sa vie des traumatismes.
Confrontées à des malheurs ou à des difficultés, des personnes
peuvent penser qu’il est préférable d’oublier, de ne pas y penser, ou
même de les dénier. Mais avec l’âge, l’accumulation des traumatismes
clivés forme un noyau de condensation traumatique qui, au cours du
vieillissement, devient une véritable bombe à retardement.
Une fois entré dans le troisième âge, il arrive que la désagrégation
progressive du tissu social et l’angoisse de l’approche de la mort
mettent brusquement en échec ce clivage ; ceci provoque un passage à
l’acte destructeur très violent.
Ce genre de phénomène peut pousser à un suicide imprévisible. Aucun
proche ne s’imagine que la personne puisse passer à l’acte et pourtant,
c’est ce qui arrive dans un trop nombre de cas.
4. Une soudaine proximité avec la mort
À partir d’un certain âge, la proximité avec la mort et l’absence de
projet peut susciter de très nombreuses remises en question :
"À quoi bon se battre puisque la fin est proche ?"
Il n’y a plus de projet, le sentiment d’être "utile" se restreint à
l’aide du conjoint. Si on lui enlève cette possibilité, l'éprouvé se
soude à l’angoisse d’un sentiment d’impuissance. Cette collusion risque
d’entraîner la mort des deux membres du couple par l’homicide-suicide.
Il est intéressant de constater que les jeunes enfants n’ont pas peur
de parler de la mort – dans la mesure où leurs propres parents n’ont
pas de réticences à échanger avec eux sur ce sujet. Dès l’âge de cinq
ans, ils peuvent questionner leurs proches pour comprendre pourquoi une
personne est décédée.
Nous avons tendance à vouloir occulter cette fin. Ne pas oser parler
de la mort et des craintes qu’elle suscite accroît le niveau d’angoisse
et ferme dans un mutisme ; la mort ne peut plus être représentée, et
comme tout ce qui ne peut pas être représenté, elle provoque des
passages à l’acte impulsifs et violents.
C’est pourquoi, pour des personnes âgées qui vivent une confrontation
directe avec la mort (un ami, un proche), cela peut s’avérer un facteur
déclencheur pour un passage à l’acte.
5. L’isolement social
Des études montrent que les hommes ont souvent plus de difficultés à
supporter les changements et la maladie de leur compagne. Les
difficultés et souffrances provoquées par le vieillissement renforcent
ce que j’appelle dans mon livre : l’"encordage affectif".
C’est comme si en faisant de l’escalade, tout d’un coup votre proche,
celui avec qui vous êtes "encordés" depuis des années, tombait
soudainement. Une telle chute peut aussi vous faire basculer dans le
précipice.
Quand un conjoint décède, il n’est pas rare de constater la mort de l’autre dans l’année qui suit.
6. La peur de devenir un poids pour ses proches
Aujourd’hui, l’autonomie financière a pris une importance
considérable au sein de notre société. Les personnes âgées n’ont pas
envie d’être un poids financier ni pour leurs enfants ni pour leurs
petits-enfants.
Elles se sentent parfois inutiles. Cette crainte devient encore plus
forte quand elles appréhendent que leur maladie pèse sur les générations
suivantes.
7. Des facteurs facilitateurs
Il existe des d’éléments qui peuvent pousser en suicide : la présence
d’armes à feu et l’alcool figurent en haut de cette liste. Ici,
l’octogénaire a choisi de tuer sa femme et de retourner son arme contre lui.
Parmi les facteurs facilitateurs, une idéologie de la banalisation du
suicide peut s’associer à la destruction de la vie. Cela se retrouve
dans des médias, des jeux, des écrits ("La dernière leçon" de Noëlle
Châtelet) qui tendent à valoriser le suicide des personnes
vieillissantes.
Comment repérer les signes suicidaires ?
- Au moindre doute, il est important de
poser la question : "est-ce que vous avez envie de mourir ?" Bien que
simples, ces interrogations permettront d’établir un dialogue sur un
sujet tabou. Les personnes âgées en seront soulagées.
- Dans mes travaux, je me suis intéressée
à l’analyse graphologique des lettres de suicidants. Une signature peut
très facilement révéler des tendances suicidaires.
- Il faut savoir que la plupart des
personnes âgées qui pensent au suicide préparent leur mort et en parlent
avec leur entourage, un médecin, un soignant dans les trois mois avant
de passer à l’acte.
- Des personnes âgées peuvent se
renseigner sur les concessions de cimetière, commencer à distribuer
leurs biens et argent, s’inquiéter de savoir qui s’occupera de leur
animal familier, etc. Ces démarches normales peuvent être préoccupantes
si elles prennent place sur une période relativement courte et surtout
si elles sont accompagnées de propos tels que : "Vous serez bientôt
soulagés de ma présence".
- Des conduites de désinvestissements
peuvent aussi être des indices : négligence dans la toilette et la
présentation, dans la prise de médicaments, l’alimentation, l’isolement
de la famille, l’abandon d’activités ou de loisirs habituellement
appréciés. Une prise en charge médicale et psychothérapique par un tiers
extérieur à la famille devient indispensable.
Se faire aider pour être soigné
Si des signes suicidaires sont observés, il est indispensable
d’accompagner la personne chez un psychothérapeute pour que la
dépression soit prise en charge par un professionnel. Mais ce suivi sera
d’autant plus efficace s’il concerne les deux membres du couple.
Il faudra également permettre une prise en charge à domicile, sur le
plan psychologique ainsi que des aides à domicile extérieures à la
famille pour assister le couple dans les tâches ménagères et surtout
dans les soins. Cette aide est souvent refusée par le conjoint-aidant
âgé car l’époux non malade s'y sent obligé.
Le conjoint malade devient son "objet" que personne ne doit lui
retirer, ni s’approcher dans un mouvement affectif où l’encordage est
ressenti comme étant vital pour le conjoint-aidant. Il est difficile
pour l’aidant de renoncer à son rôle qui devient pour lui sa raison de
vivre et d’assurer son dernier lien.
REACTION A L'ACTU : INTERVENTION DE VINCENT LAPIERRE
Du 24/11/2014 13:40 sur Le magazine de la santé LES INVITES Invité du journal Vincent Lapierre, psychologue au centre de prévention suicide Popincourt à Paris A visionner http://www.allodocteurs.fr/le-magazine-de-la-sante.asp A partir de 5 minute 30
Du 24/11/2014 13:40 sur Le magazine de la santé LES INVITES Invité du journal Vincent Lapierre, psychologue au centre de prévention suicide Popincourt à Paris A visionner http://www.allodocteurs.fr/le-magazine-de-la-sante.asp A partir de 5 minute 30
Vendredi
matin, une adolescente bruaysienne a mis fin à ses jours. Dès le
lendemain, sa sœur créait une page Facebook pour annoncer une marche
blanche à sa mémoire. Les mœurs changeraient-elles ? Pas si l’on en
croit Cynthia Mauro, psychologue rebreuvoise spécialisée dans le deuil.
Ophélie avait 15 ans. Vendredi matin, sa mère a
retrouvé son corps sans vie, dans leur maison. La jeune Bruaysienne, qui
a mis fin à ses jours, a laissé une lettre à son attention. Le
lendemain, Mélanie, sa sœur aînée, a créé une page Facebook annonçant
l’organisation d’une marche blanche à sa mémoire. Elle a eu lieu ce
lundi matin (lire ci-dessous).
Rituel collectif
Une décision surprenante ? Pas si l’on en croit
Cynthia Mauro, psychologue et docteur en psychologie spécialisée dans le
deuil et la traumatologie : «
Je crois qu’organiser une marche blanche, c’est
tenter de faire une reconnaissance de la gravité des faits, mettre une
certaine forme de solidarité collective face à la solitude de celui ou
celle qui est passé à l’acte.
»
Rituel
La spécialiste parle même de rituel «
pour honorer la mémoire de celle qui est partie
». Et qui «
soit quelque chose de reconnu par la société
». Effectivement, la marche blanche, qui a perturbé
la circulation en remontant la rue de la République jusqu’au lycée
Carnot, où Ophélie était scolarisée, a forcément été remarquée. Autre explication proposée par Cynthia Mauro, le besoin de réconfort de la famille : «
Cela permet de prouver que cette mort n’est pas passée inaperçue, que les proches de la victime se sentent épaulés.
» Sans parler de la douleur et du sentiment d’impuissance qui pousse à agir, à faire quelque chose. «
C’est aussi une manière de lutter contre l’oubli. Une marche blanche, c’est laisser une empreinte indélébile du chagrin.
»
Violence
Un chagrin forcément terrible, quand il s’agit d’un suicide, a fortiori lorsqu’il concerne un adolescent. «
C’est une mort extrêmement violente. Pour ses
proches, cela va probablement être un deuil très difficile à faire, mais
pas impossible.
» Ce lundi, Mélanie disait en vouloir à sœur pour ce geste «
impardonnable
». Le temps du deuil viendra plus tard.
FAITS DE SOCIÉTÉ ET ACTU : 3 articles sur les réactions, actions et/ou mobilisations de représentants de professions (police, surveillants de prison et commerçants) suite à des suicides mettant en lien les conditions de travail le suicide et la souffrance au travail.
Avec
11 suicides parmi ses effectifs, le mois dernier, le ministère de
l'Intérieur enregistre un sinistre pic statistique. Nouveauté: les
familles ne se contentent plus des explications de l'administration et
se mobilisent.
Dans plus de la moitié des cas, les policiers français recourent à leur pistolet de dotation pour se donner la mort.
AFP PHOTO / MARTIN BUREAU
Septembre noir pour la police française. En un mois,
11 policiers se sont donné la mort, dont un responsable syndical. Ils
sont 12 si l'on ajoute à ce terrible décompte le cas d'un commissaire
détaché à Bagdad. Jamais le ministère de l'Intérieur n'a connu une telle
hécatombe : le quart des suicides annuels d'une année moyenne a été
enregistré en quatre semaines seulement... Et certains voient se
profiler le spectre de l'année 1996, qui avait compté 71 gestes
désespérés parmi les troupes de la Place Beauvau. Toutes
les régions sont touchées. Un policier d'une quarantaine d'années se
suicide avec son arme de service dans la salle de sport du commissariat
de police de Salon-de-Provence (Bouchesdu- Rhône); un autre, en poste au commissariat du IVe arrondissement de Paris, se tire une balle dans la tête,
après s'être retranché plusieurs heures à son domicile, dans le XIIe
arrondissement -la brigade de recherche et d'intervention (BRI), alertée
par sa compagne, n'a pas réussi à éviter le drame. A Cergy-Pontoise
(Val-d'Oise), ce sont deux gardiens qui mettent fin à leur vie le même
jour.
Des "raisons personnelles"
En
octobre, ça continue. Un adjoint de sécurité (ADS) de 20 ans se réfugie
dans les toilettes du commissariat de Bergerac (Dordogne) et se tue.
Une femme officier, cadre à la sécurité publique au commissariat de
Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), retourne son arme de service contre
elle dans le parking de son immeuble, sans laisser derrière elle la
moindre explication. Sa hiérarchie se borne pour l'heure à remarquer que
la policière était bien notée et ne semblait pas souffrir de ses
conditions de travail.
"La plupart du temps, l'administration met en avant
des raisons personnelles pour expliquer les suicides", remarque un
syndicaliste, parfois révolté par l'argumentaire développé. Comme pour
cet officier parisien, dont les supérieurs expliquent le geste
dramatique par ses difficultés à faire empailler son cochon d'Inde, "ce
dont il s'était plaint auprès de ses collègues". "Votre mari avait une
maîtresse, un problème avec l'alcool", se sont très souvent entendu dire
les veuves qui voulaient comprendre. Et cela même si bon nombre de ces
actes se sont produits sur le lieu de travail. Rares
sont les familles qui cherchent à aller plus loin. Difficile de
contredire l'administration, qui seule peut débloquer la pension de
réversion remplaçant, en partie, le salaire du défunt. D'autant qu'on
fait valoir à ces proches qu'il serait dangereux de médiatiser le
"dossier", cette publicité pouvant inciter d'autres fonctionnaires à
commettre l'irréparable par imitation -ce que l'on appelle l'"effet
Werther" en sociologie, par allusion au roman de Goethe. Quelques-uns
résistent pourtant et n'hésitent pas à affronter le ministère de
l'Intérieur. C'est le cas de Patricia Cordier, mère de David, qui s'est
supprimé avec son pistolet, à Dieppe, le 17 octobre 2008. Depuis, cette
aide-soignante interpelle la place Beauvau par le biais d'une pétition
en ligne (Change.org).
Signe de l'importance que prend, actuellement, cette question chez les
policiers et dans leur entourage, ce texte vient de voir le nombre de
ses signataires doubler en quelques semaines, passant à 103 181
signatures de soutien. Autre combat pour la prise en compte du burn-out et, parfois, du harcèlement,
celui de la veuve d'un îlotier de Poitiers, un brigadier qui se
plaignait des méthodes de management de son chef, déplorant ses
remarques répétées, et qui avait mal vécu une mutation l'ayant éloigné
du terrain. Il s'est suicidé en juillet 2004, et la justice a reconnu en
mai dernier seulement, et sous la pression de son épouse, qu'il
existait bien un lien entre cet acte et ses conditions de travail
dégradées. Une première. L'habituelle chape de plomb qui
pèse sur cette question se fendille désormais, alors que le mal est
identifié depuis plusieurs années déjà : une enquête, menée par l'Inserm
de 2005 à 2009, démontre que le danger de suicide dans la police est
supérieur de 36% à la moyenne nationale. Plus étonnant, cette étude
révèle que, tandis que 50 policiers se suicidaient annuellement, en
France, en moyenne sur cette période, seulement 5 commettaient le même
geste en Grande-Bretagne. Pourquoi cet écart ? Parce que les
Britanniques n'ont pas systématiquement une arme à leur disposition,
alors que les Français conservent la leur en permanence, estiment
certains observateurs. Dans plus de la moitié des cas,
les policiers français recourent, en effet, à leur pistolet de dotation
pour se donner la mort. On comprend alors pourquoi, après deux suicides
coup sur coup à Cergy-Pontoise, le 17 septembre, la direction générale
de la police nationale (DGPN) a ordonné que toutes les armes des
fonctionnaires du département soient consignées dans les locaux après le
service.
Un management désincarné
Cette
mesure, préventive, a provoqué de vives réactions chez certains
syndicats, comme Synergie-Officiers, qui déplore une "infantilisation"
des troupes. D'autres font remarquer que, au moment où la question du
terrorisme refait surface, cette décision paraît contradictoire avec une
vigilance renforcée. Et cela d'autant que, depuis peu, les policiers se
préparent, dans leur formation -c'est la procédure "Amok"- à faire
usage de leur pistolet pour neutraliser un éventuel tireur ouvrant le
feu dans la foule... Les divergences syndicales,
exacerbées par l'approche des élections professionnelles de décembre
prochain, devraient se manifester le 5 novembre lors de la réunion
organisée, en urgence, par la DGPN avec les organisations
représentatives. Pour certaines d'entre elles, les causes du mal-être
dans la police sont aussi à rechercher dans un management désincarné,
une course au chiffre adossée à un système de primes qui favorise
clanisme et injustice. Les plus engagés réclament que
les suicides dans la police soient considérés avec une attention accrue,
"comme ils l'ont été à France Télécom". "Il est temps de briser le
tabou", clame Philippe Capon, patron de la Fasmi (Fédération autonome
des syndicats du ministère de l'Intérieur). Pourtant, chaque effort de
prévention a, jusqu'alors, porté ses fruits, la stabilité des chiffres,
jusqu'en 2013, étant à mettre en relation avec l'installation des "pôles
de vigilance" et la multiplication des "psychologues de soutien
opérationnel". "Aucune administration ne consacre autant d'efforts à
prévenir le suicide", soutient la DGPN. Le mois de septembre meurtrier a
montré que cela était désormais insuffisant.
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/actualite/societe/septembre-meurtrier-dans-la-police_1614354.html#DyIEHmFduauGodZR.99
****
Société Rassemblements de surveillants devant plusieurs dizaines de prisons
A l'appel du syndicat FO, des surveillants se sont rassemblés
jeudi devant des prisons, un peu partout en France. A Poitiers, une
minute de silence a été observée, notamment pour alerter sur les
suicides de gardiens.
Plusieurs centaines de surveillants se sont rassemblés jeudi
devant des prisons à l'appel de SNP-FO pour dénoncer leurs conditions de
travail et réclamer des états généraux de la pénitentiaire. Selon le syndicat, le mouvement a mobilisé plus de 2.000 surveillants
dans 103 établissements de France (sur 190). L'administration
pénitentiaire a en revanche fait état de 400 à 420 manifestants sur un
échantillon d'une trentaine d'établissements. SNP-FO était le seul
syndicat de personnels pénitentiaires à appeler à cette mobilisation.
Il manque (du) personnel, ce qui entraîne des conséquences énormes sur notre sécurité
Dans la soirée, une soixantaine de surveillants, réunis autour de feux
de pneus et de palettes, ont bloqué l'entrée de la prison de Fresnes
(Val-de-Marne) pendant trois heures avant d'être délogés sans violence
par les CRS. "Il manque ici une centaine de personnels, ce qui entraîne des
conséquences énormes sur notre sécurité", a déclaré à l'AFP Yohan Karar,
secrétaire local FO, qui a évoqué la possibilité de nouvelles actions.
David Derrouet, maire DVG de Fleury-Mérogis venu en soutien, a critiqué
la récente interdiction des fouilles au corps après les parloirs.
Le plus gros rassemblement à Marseille
Le rassemblement le plus
important a eu lieu à la prison des Baumettes à Marseille, où 200
personnes ont bloqué l'entrée de la prison entre 06H30 et 08H30, avant
de se disperser sans incident. Ailleurs, ils étaient une trentaine devant la maison d'arrêt de
Bonneville (Haute-Savoie) et le centre de détention de Roanne (Loire) et
25 à Saint-Quentin-Fallavier (Isère). En région parisienne, des blocages ont eu lieu à Fresnes, Réau, Bois
D'Arcy, Nanterre, Osny et Melun, a indiqué Jérôme Nobecourt, délégué
régional FO. A Poitiers, Bordeaux-Gradignan et Mont-de-Marsan, pas
de blocage mais une "minute de silence" symbolique pour alerter
notamment sur les suicides de surveillants (9 depuis le début de
l'année). Toujours dans l'ouest, une vingtaine de personnes se sont regroupées
devant la maison d'arrêt de Fontenay-le-Comte (Vendée), où le taux
d'occupation atteint 210%. "Il y a pourtant une possibilité de transférer des détenus au centre de
détention de Nantes car il y a 40 places libres", a déclaré à l'AFP
Emmanuel Baudin, secrétaire interrégional FO Pénitentiaire.
L'ultimatum des gardiens
Une intersyndicale FO/Ufap-Unsa avait
lancé fin septembre "un ultimatum" au chef de l'établissement pour faire
baisser le nombre de détenus, a expliqué Laurent Bachelier, secrétaire
local de FO. "L'ultimatum n'a pas été entendu, c'est pourquoi nous faisons ce
blocage", a indiqué M. Baudin, évoquant la possibilité de nouvelles
actions. Dans un communiqué, le sénateur (UMP) Bruno Retailleau, président du
conseil général de Vendée, "en appelle une nouvelle fois à la Garde des
Sceaux", qui "refuse catégoriquement la création d'un nouvel
établissement dédié aux courtes peines à Fontenay-le-Comte", alors que
le précédent ministre de la Justice, Michel Mercier, "s'y était
pourtant engagé". Présente à la convention nationale des avocats, la garde des Sceaux,
Christiane Taubira, a évoqué le rassemblement des Baumettes et rappelé
qu'un programme de rénovation était en cours au sein de cet
établissement. Elle a également mentionné l'ouverture de 534 emplois supplémentaires de
personnels surveillants, prévus lors du précédent quinquennat mais
jamais créés.
***
Carcassonne : "Les
Pendus" ou la révolte des commerçants
Page Facebook Les pendus; chez
Emonia Chapellerie. PHOTO/CHRISTOPHE BARREAU
C’était deux
jours avant que le mouvement des « Pendus » ne soit créé. Un travailleur
indépendant mettait fin à ses jours dans le Carcassonnais, désespéré par ses
dettes.
"Il
y a eu 300 suicides de commerçants et artisans l’an dernier en France, explique
une des fondatrices du mouvement, qui officie comme ses collègues en centre-ville
de Carcassonne et désire rester anonyme pour l'instant. On a choisi ce nom
de pendus parce que c’est la seule issue qui reste à certains d’entre
nous..."
Leur sujet de colère n° 1, c’est le RSI (Régime social des Indépendants). "Il
nous coûte entre 52 et 54 % de nos revenus. Et il a augmenté de 11 % en un an !
Beaucoup de commerçants nous font part de rappels de cotisations supérieurs à
10 000€ à payer rapidement, sans même savoir à quoi ils se rapportent. On a
l’impression d’être des vaches à lait, de payer pour d’autres..." "En plus du RSI, il y a la TVA (20 %) et la taxe professionnelle
locale. En tout, c’est 83 % de nos revenus qui partent vers l’Etat et les
collectivités. Sans compter les factures diverses, le loyer, le fisc".
Certains se retrouvent devant un choix cornélien. "J’en suis arrivée à
me demander si je ne vais pas rendre mon appartement et retourner habiter chez
ma mère, alors que j’ai 46 ans", témoigne cette commerçante, les
larmes aux yeux.
Une autre enchaîne : "J’ai dû payer le loyer de ma fille et lui donner
400€ pour qu’elle puisse vivre, alors qu’elle a un commerce à carcassonne et un
à Narbonne !"
Autre choix qui s'est posé : "celui de payer la TVA ou être interdit
bancaire. Heureusement, j’ai une bonne interlocutrice à ma banque...". "On est pris à la gorge financièrement, on ne sait même plus pourquoi
on paye. Il faut refoutre le système à plat. On n’en peut plus mais
malheureusement on est tous disséminés. Si tous les artisans et commerçants
nous rejoignent, on sera plus forts...".
Bientôt une réunion à
Carcassonne
Ouverte
dimanche à 16 h sur facebook,
la page « Les Pendus » a été visitée par 17 816 personnes en 24 heures, recueillant 1 038 «
j’aime » ! Un décollage réussi pour un mouvement qui compte bien fédérer
commerçants et artisans à l’échelle nationale. "Les gens nous appellent
de partout et sont prêts à descendre à Carcassonne. Nous avons demandé une
salle à la mairie pour une réunion, nous attendons une réponse. Ce sera
peut-être le lundi 3 novembre".
« Les Pendus
» est un mouvement indépendant, apolitique, non-associatif et non-syndical. "Si
de l’argent doit être demandé, ce sera à l’Etat, au RSI et aux autres
organismes qui nous prennent tout", est-il écrit sur la page facebook.
En attendant l’ouverture prochaine d’un site internet, ses fondateurs espèrent
être entendus par l’Etat, comme le furent « Les bonnets rouges ». Si c’est
le cas, Carcassonne sera la ville où tout aura commencé...