Une
nouvelle étude du Vanderbilt University Medical Center montre que les
alertes cliniques pilotées par l'intelligence artificielle (IA) peuvent
aider les médecins à identifier les patients à risque de suicide,
améliorant ainsi potentiellement les efforts de prévention dans les
contextes médicaux de routine.
Une
équipe dirigée par Colin Walsh, MD, MA, professeur associé
d'informatique biomédicale, de médecine et de psychiatrie, a testé si
leur système d'IA, appelé modèle de probabilité de tentative de suicide
et d'idéation de Vanderbilt (VSAIL), pouvait efficacement inciter les
médecins de trois cliniques de neurologie du VUMC à dépister les
patients à risque de suicide lors des visites régulières à la clinique.
L'étude, publiée dans JAMA Network Open
, a comparé deux approches : des alertes contextuelles automatiques qui
interrompaient le flux de travail du médecin et un système plus passif
qui affichait simplement des informations sur les risques dans le
dossier électronique du patient.
L'étude
a révélé que les alertes interruptives étaient beaucoup plus efficaces,
ce qui a conduit les médecins à procéder à des évaluations du risque de
suicide en lien avec 42 % des alertes de dépistage, contre seulement 4 %
avec le système passif.
«
La plupart des personnes qui se suicident ont consulté un professionnel
de la santé au cours de l’année précédant leur décès, souvent pour des
raisons sans rapport avec la santé mentale
», a déclaré Walsh. « Mais le dépistage universel n’est pas pratique
dans tous les contextes. Nous avons développé VSAIL pour aider à
identifier les patients à haut risque et susciter des discussions
ciblées sur le dépistage. »
Le
suicide est en hausse aux États-Unis depuis une génération et il
coûterait la vie à 14,2 Américains sur 100 000 chaque année, ce qui en
fait la 11e cause de décès aux États-Unis. Des études ont montré que 77 %
des personnes qui se suicident ont eu des contacts avec des médecins
généralistes au cours de l'année précédant leur décès.
Les
appels à améliorer le dépistage des risques ont conduit les chercheurs à
explorer des moyens d'identifier les patients qui ont le plus besoin
d'être évalués. Le modèle VSAIL, que l'équipe de Walsh a développé à
Vanderbilt, analyse les informations de routine des dossiers médicaux électroniques
pour calculer le risque de suicide d'un patient sur 30 jours. Lors de
tests prospectifs antérieurs, où les dossiers des patients du VUMC
étaient signalés mais aucune alerte n'était déclenchée, le modèle s'est
avéré efficace pour identifier les patients à haut risque , avec une personne sur 23 signalée par le système signalant ultérieurement des pensées suicidaires.
Dans
la nouvelle étude, lorsque des patients identifiés comme à haut risque
par VSAIL se présentaient à des rendez-vous dans les cliniques de
neurologie de Vanderbilt, leurs médecins recevaient de manière aléatoire
des alertes interruptives ou non interruptives. La recherche s'est
concentrée sur les cliniques de neurologie car certaines pathologies
neurologiques sont associées à un risque accru de suicide .
Les chercheurs ont suggéré que des systèmes similaires pourraient être testés dans d’autres contextes médicaux.
«
Le système automatisé n'a signalé qu'environ 8 % de toutes les visites
de patients pour un dépistage », a déclaré Walsh. « Cette approche
sélective permet aux cliniques très fréquentées de mettre en œuvre des
mesures de prévention du suicide plus facilement. »
L'étude a porté sur 7 732 consultations de patients sur une période de six mois, ce qui a donné lieu à 596 alertes de dépistage
au total . Au cours de la période de suivi de 30 jours, un examen des
dossiers médicaux du VUMC a révélé qu'aucun patient des deux groupes
d'alertes randomisées n'avait connu d'épisodes d'idées suicidaires ou de
tentative de suicide. Bien que les alertes d'interruption aient été
plus efficaces pour inciter à des dépistages, elles pourraient
potentiellement contribuer à la « fatigue des alertes » – lorsque les
médecins sont submergés par des notifications automatiques fréquentes.
Les chercheurs ont noté que les études futures devraient examiner cette
préoccupation.
«
Les systèmes de santé doivent trouver un équilibre entre l’efficacité
des alertes d’interruption et leurs inconvénients potentiels », a
déclaré Walsh. « Mais ces résultats suggèrent que la détection
automatique des risques combinée à des alertes bien conçues pourrait
nous aider à identifier davantage de patients qui ont besoin de services
de prévention du suicide. »
Conduites suicidaires : des tendances inquiétantes chez les jeunes
Publié le
Une étude de santé publique pointe de fortes inégalités
sociales dans les conduites suicidaires en France et des tendances
inquiétantes chez les jeunes : ainsi le jeune âge, considéré jusqu’en
2015 comme un facteur de protection devient un facteur de risque après
2020. Points clés.
Élaboré dans le cadre de l’Observatoire national du suicide, ce numéro de Questions de santé publiqueprésente une synthèse
des données épidémiologiques et réflexions sociologiques sur les
comportements suicidaires en France et en Europe ainsi que leurs
principaux déterminants sociaux. Pour approcher les conduites
suicidaires, très intriquées à la thématique de la santé mentale,
plusieurs types d’indicateurs statistiques peuvent être mobilisés qui ne
répondent pas tous aux mêmes dynamiques : nombres et proportions de
suicides, tentatives de suicide, automutilations non suicidaires et
pensées suicidaires. Ces phénomènes sont des faits sociaux autant qu’ils
répondent à une grande souffrance subjective. La surveillance
épidémiologique dont ils font l’objet permet de dégager des tendances et
de pointer des populations particulièrement à risque car ils varient
singulièrement selon différentes caractéristiques démographiques et
socioéconomiques.
Parmi les évolutions récentes, on relève une tendance globale de la
mortalité par suicide à la baisse au cours des quarante dernières
années, avec un taux qui baisse entre 1993 et 1999 puis à nouveau entre
2009 et 2017 pour se stabiliser. La littérature scientifique propose
différentes pistes pour expliquer cette tendance de long terme qui
concerne également d’autres pays occidentaux : la restriction
progressive de l’accès « aux moyens létaux » ; l’amélioration de la
prise en charge des troubles psychiatriques ; la mise en place de plans
de prévention nationaux déployant notamment des lignes d’appel d’urgence et des dispositifs de rappels pour les personnes ayant fait une tentative de suicide.
L’article s’intéresse ensuite plus largement aux conduites
suicidaires, tentatives de suicide et pensées suicidaires, marquées par
de fortes inégalités sociales. Sont pointés les facteurs de risques liés
à l’âge et au genre, avec des fortes augmentations depuis 2010 chez les
jeunes et les femmes, les contextes de difficultés socio-économiques et
le rôle des violences subies et des discriminations.
Dans leur conclusion, les chercheurs soulignent que « le
phénomène le plus marquant des dix dernières années est l’inversion du
lien entre la santé mentale et le jeune âge, qui passe de facteur de
protection avant 2015 à facteur de risque après 2020. » Si la crise
sanitaire a joué un rôle d’accélérateur, la progressive dégradation de
la santé mentale des jeunes, particulièrement des adolescentes et jeunes
femmes, a commencé avant celle-ci. Par ailleurs, au-delà de ce
phénomène préoccupent, les auteurs rappellent que « les personnes
âgées restent de loin les principales concernées par les suicides. En
2021, 35 % des personnes suicidées sont âgées de 65 ans ou plus et 38 %
d’entre elles avaient entre 45 et 64 ans ».
• Conduites suicidaires en France : des tendances
inquiétantes chez les jeunes et de fortes inégalités sociales, H.
Guichard, L. Troy, C. De Champs, J.-B. Hazo, Questions de santé
publique, n°50, décembre 2024, Iresp, en pdf.
Original Research Posttraumatic Stress Disorder and Risk of Suicide Reattempt in the French ALGOS Study Alice Demesmaeker
1
2
3
, Fabien D'Hondt
1
2
, Ali Amad
1
, Guillaume Vaiva
1
2
, Arnaud Leroy
1
2 1 Univ. Lille, Inserm, CHU Lille, U1172 - LilNCog - Lille Neuroscience and Cognition, Lille, France. 2 Centre National de Ressources et de Résilience (CN2R), Lille-Paris, France. 3
Corresponding Author: Alice Demesmaeker, MD, PhD, Hôpital Fontan, CHU
de Lille, 1, Rue André Verhaeghe, Lille Cedex F-59037, France
(alice.demesmaeker@chu-lille.fr). Published: November 25, 2024
Abstract
Objective: The specific role of posttraumatic stress
disorder (PTSD) in individuals who have attempted suicide, along with
the influence of comorbid psychiatric conditions on the risk of suicide
reattempt, remains unexplored. This study aims to assess the association
between PTSD and suicide reattempt at 6 months among suicide attempt
(SA) survivors, while controlling for prevalent psychiatric disorders.
Method: We analyzed data from a cohort of 972
participants enrolled in the ALGOS study between January 2010 and
February 2013. We assessed the risk of suicide reattempt at 6 months and
rehospitalization in both psychiatric and nonpsychiatric settings. A
multivariable logistic regression model was performed, controlling for
depression, generalized anxiety disorder, and alcohol use disorder.
Results: Among all participants, 79 had a lifetime
diagnosis of PTSD. At 6 months, 117 participants (13.3%) had reattempted
suicide. After controlling for randomization group, age, sex, and
comorbid psychiatric conditions, PTSD was statistically associated with
suicide reattempt at 6 months (odds ratio [OR] with 95% CI, 2.33
[1.39–3.89], P < .01), rehospitalization in psychiatric settings (OR = 2.24 [1.39–3.61], P < .01), and nonpsychiatric settings (OR = 3.06 [1.90–4.93], P < .01).
Conclusion: Almost 1 in 10 SA survivors suffer from
PTSD. These individuals are at a higher risk of suicide reattempt and
appear more generally to be in poorer health, with a higher risk of
hospitalization in psychiatric and nonpsychiatric settings. Recognizing
and effectively managing PTSD among individuals admitted after an SA is
thus imperative for reducing the risk of subsequent suicide reattempts.
Increased risk of suicide reattempt according to the type of brief contact interventions in the VigilanS program: The critical role of PTSD and anxiety disorders
Alice Demesmaeker a b , Ali Amad a, Wivine Blekic a, Charles-Edouard Notredame a, Thomas Selosse c, Vincent Jardon a, Guillaume Vaiva a b, Fabien D’Hondt a bShow moreAdd to Mendeley
a Univ. Lille, Inserm, CHU Lille, U1172 - LilNCog - Lille Neuroscience & Cognition, F-59000, Lille, France
b Centre national de ressources et de résilience (Cn2r), F-59000, Lille, France
Introduction Global suicide rates highlight the critical need for effective preventive measures. Brief contact interventions (BCIs), such as France's Vigilans program, provide cost-effective prevention strategies. This study evaluates the suicide reattempt risk following BCIs in the aftermath of suicide attempt (SA) and identifies sociodemographic and clinical predictors to guide targeted prevention efforts.
Method We conducted a prospective cohort analysis of 1044 non-first-time suicide attempters, enrolled in the Vigilans program between 2015 and 2020. The program offers diverse BCIs: a phone call only; a phone call followed by postcards (if in suicidal crisis); postcards only (if unreachable); and no intervention (if unreachable and have not provided an address). We used a multivariate Cox model and a multinomial logistic regression to examine the risk associated with each intervention and identify factors influencing intervention receipt.
Results Compared to sole phone call, participants who received both a phone call and postcards, only postcards, or no intervention had a higher risk of suicide reattempt. Posttraumatic stress disorder (PTSD) was linked to a higher likelihood of receiving both a phone call and postcards, postcards only, or no intervention. Panic disorder was associated with receiving both a phone call and postcards, while generalized anxiety disorder (GAD) was linked to receiving postcards only.
Conclusion Participants who received interventions beyond a singular phone call faced higher risks of subsequent SAs. Because these groups had greater suicidality or did not adhere to the program, this finding underscores the importance of tailoring interventions to the specific needs of patients with varying levels of suicidality.https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0022395624006575
Effets à court terme d’un programme de formation par simulation à l’évaluation et la prise en charge du risque suicidaire chez les internes de première année de psychiatrie
Océane Richard a, Marie-Aude Piot a b c, Fabrice Jollant d e f g h
a Université
Paris-Cité, AP–HP, Academic Hospital Necker-Enfants Malades, Department
of child and adolescent psychiatry, Reference center for autism and
learning disorders, Paris, France
b Ilumens, Simulation Center, Paris, France
c Paris-Saclay University, UVSQ, INSERM 1018, CESP, Villejuif, France
d Department of Psychiatry, School of Medicine, Paris-Saclay University, le Kremlin-Bicêtre, France
e Department of Psychiatry, Academic hospital Bicêtre, AP–HP, Le Kremlin-Bicêtre, France
f Department of Psychiatry, CHU Nîmes, Nîmes, France
g McGill University, McGill Group for Suicide Studies, Montreal, Canada
h Moods Team, INSERM UMR-1178, CESP, Le Kremlin-Bicêtre, France
Received 31 August 2023, Accepted 8 November 2023, Available online 4 February 2024, Version of Record 4 December 2024.
Objectifs Une formation adéquate des professionnels de la santé mentale en matière d’évaluation du risque suicidaire et d’intervention est cruciale. La formation basée sur la simulation est une méthode pertinente pour acquérir des compétences dans des situations difficiles. Ici, nous avons cherché à évaluer les effets d’un programme de formation basé sur la simulation sur les compétences, les connaissances, les attitudes et la satisfaction des internes de première année en psychiatrie.
Méthodes Nous avons mené des évaluations avant et immédiatement après la formation auprès de 153 internes en psychiatrie pendant leur premier ou deuxième semestre de troisième cycle à Paris en 2020 et 2021. La formation par simulation a eu lieu quelques semaines après un cours théorique de deux heures sur les comportements suicidaires. Elle consistait en une journée complète de formation en petits groupes (n = 5 à 9) avec six scénarios joués par des acteurs professionnels et animés par deux psychiatres formés, et une séance de débriefing de 45 à 60 minutes après chaque simulation. Les objectifs pédagogiques étaient axés sur les aspects fondamentaux de la relation patient-psychiatre, l’investigation des idées suicidaires et les interventions de base dans différents contextes (consultation externe, salle d’urgence, téléphone) et pour différents profils de patients. Les mesures des résultats comprenaient le Suicide Intervention Response Inventory (SIRI-2), un court questionnaire sur les connaissances de base, une échelle de confiance en soi à 4 items et un questionnaire de satisfaction.
Résultats Les analyses montrent des améliorations significatives des compétences, des connaissances de base et de la confiance en soi entre avant et après la formation. Les internes ont également exprimé un haut niveau de satisfaction, une appréciation de cette pédagogie innovante et un souhait d’autres formations similaires.
Conclusions Ce programme de formation pratique basé sur la simulation a amélioré la confiance en soi, les connaissances et les compétences en matière d’évaluation du risque suicidaire et d’intervention à court terme chez les internes de première année en psychiatrie. Les résultats de cette étude sont donc prometteurs. Des études longitudinales sont cependant nécessaires pour évaluer la persistance des changements dans le temps, les changements positifs dans les soins en milieu réel et les bénéfices pour la santé des patients. À une époque où les connaissances médicales factuelles sont facilement accessibles et se développent rapidement, où le besoin de professionnels ayant des compétences pratiques est indispensable et où la demande de soins en santé mentale augmente, le développement de la formation par simulation en psychiatrie devrait être une priorité pédagogique et de santé publique.
Research paper Increases in suicidal thoughts disclosure among adults in France from 2000 to 2021
Mathilde M. Husky a, Christophe Léon b, Helen-Maria Vasiliadis c d a Bordeaux Population Health Research Center, Active Team, INSERM U1219, Université de Bordeaux, Bordeaux, France b Santé publique France, Saint-Maurice, France c Département des sciences de la santé communautaire, Université de Sherbrooke, Canada d Centre de recherche Charles-Le Moyne, Campus de Longueuil Université de Sherbrooke, Canada Received 27 August 2024, Revised 9 November 2024, Accepted 11 November 2024, Available online 17 November 2024, Version of Record 21 November 2024.
Journal of Affective Disorders Volume 371, 15 February 2025, Pages 54-60
Highlights • The prevalence of 12-month suicidal thoughts was similar in 2000 and 2021. • Suicidal ideation disclosure was 39 % in 2000 and 64.8 % in 2021. • Gender, age, education, and occupation were associated with odds of disclosure.
Abstract Background The objective of the study was to investigate the prevalence of suicidal ideation disclosure over the past two decades in nationally representative samples of the general population, and to identify factors associated with disclosure.
Methods Data were drawn from consecutive nationally representative cross-sectional Health Barometer surveys. The 2000, 2005, 2010, 2014, 2017, and 2021 waves were pooled to examine disclosure among those who reported 12-month suicidal ideation. Logistic regressions were performed to identify factors associated with the odds of disclosure.
Results Across all waves (n = 124,124), 6014 of adults (4.7 %) reported 12-month suicidal ideation, and among them, 49.7 % talked to someone about it. Disclosure was 39 % in 2000, 44.6 % in 2005, 49.9 % in 2010, 52.8 % in 2014, 47.2 % in 2017, and 64.8 % in 2021. Female gender, a prior suicide attempt, higher education, inactive status, and younger age were associated with significantly greater odds of disclosure. Each survey wave was also associated with a greater likelihood of disclosure when compared to 2000, 1.31 (95 % CI, 1.08–1.59) in 2005, 1.69 (95 % CI, 1.38–2.07) in 2010, 1.89 (95 % CI, 1.52–2.34) in 2014, 1.47 (95 % CI, 1.21–1.79) in 2017, and 2.99 (95 % CI, 2.43–3.68) in 2021.
Limitations Cross-sectional surveys.
Conclusions In the general population of France, adults with suicidal ideation were increasingly more likely to disclose their ideation to someone in recent years. Factors associated with odds of disclosure should inform national suicide prevention strategies to identify subgroups who remain less likely than others to disclose their ideation.
Conduites suicidaires en France : des tendances inquiétantes chez les jeunes et de fortes inégalités sociales Hadrien Guichard, Lisa Troy, Clémentine De Champs, Jean-Baptiste Hazo* N°50 - décembre 2024
* Direction de la Recherche, de l’évaluation et des études statistiques (Drees), Ministère des Solidarité. https://doi.org/10.1051/qsp/2024050
Élaboré dans le cadre de l’Observatoire national du suicide, le présent article vise à présenter une synthèse des données épidémiologiques et réflexions sociologiques sur les comportements suicidaires en France et en Europe ainsi que leurs principaux déterminants sociaux. Pour approcher les conduites suicidaires, très intriquées à la thématique de la santé mentale, plusieurs types d’indicateurs statistiques peuvent être mobilisés qui ne répondent pas tous aux mêmes dynamiques : nombres et proportions de suicides, tentatives de suicide, automutilations non suicidaires et pensées suicidaires. Ces phénomènes sont des faits sociaux autant qu’ils répondent à une grande souffrance subjective. La surveillance épidémiologique dont ils font l’objet permet de dégager des tendances et de pointer des populations particulièrement à risque car ils varient singulièrement selon différentes caractéristiques démographiques et socioéconomiques.
Billet de blog
23 décembre 2024 https://blogs.mediapart.fr/*
Prévenir le suicide en prison : la quadrature du cercle
L’administration
pénitentiaire n’a de cesse de renforcer ses protocoles sur la
prévention du risque suicidaire. Mais dans un environnement
inévitablement suicidogène, ces mesures se heurtent à de nombreuses
limites, accentuées par une surpopulation et un manque de moyens humains
qui ne font que s’aggraver.
Organisation non gouvernementale de défense des droits et de la dignité des personnes détenues
Le suicide en détention est une
préoccupation majeure de la Direction de l’administration pénitentiaire
(Dap), qui a adopté successivement plusieurs stratégies de prévention
depuis 1967. Un vaste plan national a été élaboré en 2009, et il est
régulièrement affiné depuis, dernièrement le 5 juillet 2022. Cette
stratégie est également déclinée au niveau local, avec la présence de
« référents suicide » au sein de chaque direction interrégionale (DI) et
de chaque établissement. Le dernier plan national a été suivi de la
publication d’un guide pratique, « presque des fiches-actions pour les
agents », d’après Charles Barbetti, chef du département des politiques
sociales et des partenariats à la Dap. Retour sur les principaux outils
de cet arsenal, malgré lequel le risque de suicide reste encore dix fois
plus important en prison qu’en population générale (Lire « Au quartier disciplinaire, le risque suicidaire est multiplié par vingt »).
Un repérage à trous
Le
repérage des personnes détenues vulnérables est censé commencer en
amont de l’incarcération. Le magistrat en charge du dossier doit remplir
une notice individuelle mentionnant si des facteurs de risque
suicidaire sont d’ores et déjà identifiés. Il peut également recommander
une consultation médicale ou psychiatrique en urgence. L’Inspection
générale des affaires sociales (Igas), dans un rapport publié en 2021[1],
relève toutefois que si « les notices individuelles se sont largement
généralisées, les informations ne sont pas toujours complètes et [sont]
souvent superficielles, faute notamment d’informations et d’éléments à
disposition des magistrats ».
La surveillance se poursuit quand la
personne arrive en prison, un moment très sensible, potentiellement
générateur d’un « choc carcéral ». « Nous avons une vigilance
systématique à ce moment-là », confirme Geoffroy Valmy, psychiatre au
service médico-psychologique régional (SMPR) de Toulouse-Seysses. Mais
certains passent à travers les mailles du filet : « Le dépistage
“arrivant” se fait sur la base du volontariat, il y a donc des gens qui
le refusent, ce qui laisse une possibilité de passer à côté d’une
évaluation », poursuit le psychiatre. À la suite d’un entretien,
généralement avec un gradé, une « grille d’évaluation du potentiel
suicidaire » est aussi remplie et mise en ligne sur le logiciel Genesis.
Mais, selon Monsieur R., psychologue clinicien ayant travaillé au sein
d’une maison centrale sécuritaire, « une fois cette fiche remplie, elle
n’est pas forcément réactualisée. Même pour les personnes que l’on voit
régulièrement, qui présentent des souffrances. Pourtant, tous les
personnels peuvent noter des observations – surveillants, conseillers
pénitentiaires d’insertion et probation (Cpip), soignants, enseignants,
etc. Il y a encore quinze jours, en analysant une situation, je me suis
aperçu que la dernière grille datait de cinq ans. » La Dap recommande
aussi que « le chef du bâtiment et/ou son adjoint »[2]
vérifient « quotidiennement » si de nouvelles observations ont été
portées dans la grille, mais dans les faits, cet outil n’est pas
toujours consulté (Lire Karima, un vie suspendue à un « mot-clé »).
Le
repérage des comportements à risque doit ainsi faire l’objet d’une
attention particulière tout au long de la détention, en particulier lors
d’évènements qui exposent la personne détenue à une vulnérabilité
accrue : annonce d’une mauvaise nouvelle, refus d’aménagement de peine,
placement au quartier disciplinaire (QD) ou à l’isolement, approche du
jugement ou de la sortie. Mais sur le terrain, la remontée des
informations n’est pas toujours effective. « Les actes auto-agressifs ne
nous sont pas systématiquement signalés, note Geoffroy Valmy. Nos
partenaires ont du mal à déterminer si quelqu’un se fait du mal parce
qu’il va mal ou parce qu’il veut quelque chose. Ils manquent de
connaissances sur ce qu’il faut demander pour savoir où en sont les
gens. » À l’inverse, ces difficultés de repérage peuvent mener à des
signalements abusifs et un engorgement des demandes de consultation en
psychiatrie.
Et si les acteurs pénitentiaires sont formés à
repérer des éléments tangibles, tels que l’expression d’idées ou
d’intentions suicidaires, certains comportements ou des changements
d’attitude (troubles du sommeil, perte d’appétit, tristesse, etc.), ceux
qui ne se manifestent pas échappent davantage à la vigilance du
personnel. « Pour moi, c’est presque un signe de bonne santé mentale de
dire qu’on va se suicider quand on est au QD, tant sur le plan de la
santé mentale, ce n’est bon pour personne. C’est plutôt ceux qui ne
disent rien qui auraient tendance à m’inquiéter », indique Pascale
Giravalli, psychiatre à l’unité hospitalière spécialement aménagée
(UHSA) de Marseille et présidente de l’Association des secteurs de
psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP). Détenu à Bapaume, Monsieur
G. abonde : « Actuellement, il y en a un qui a pris vingt ans. C’est un
robot, il ne dit rien, il ne parle à personne, il fait des allées et
venues dans la coursive… Pour moi, c’est un gars qui risque de passer à
l’acte. »
Parmi les grands axes de la politique de prévention
menée par la Dap figure justement le renforcement de la formation du
personnel pénitentiaire au repérage et à l’évaluation du potentiel
suicidaire. C’est dans cette optique que l’administration a diffusé en
2023 un guide de référence à destination de ses agents. La formation
« Terra »[3]sur
la prévention du suicide est proposée sous la forme d’une
« sensibilisation » à l’École nationale d’administration pénitentiaire
(Enap), puis sous sa forme intégrale en formation continue, dans les
directions interrégionales et les établissements. Mais entre les murs,
les connaissances se perdent vite : « L’Enap a formé énormément de
personnes, et certaines ont suivi la formation trois ou quatre fois dans
leur carrière, relate Monsieur D., psychologue intervenant au sein
d’une école nationale. Mais si cette méthode n’est pas appliquée
régulièrement, les idées reçues reviennent au bout de quelques années,
sous l’effet du groupe. » Un surveillant confirme : « On nous apprend
les bases, ensuite il faut les appliquer sur le terrain, mais comme il
n’y a pas de suivi, ça peut vite disparaitre. » Enfin, malgré le travail
de formation et de sensibilisation, certains surveillants ne s’emparent
pas de la situation : « Si les collègues s’en foutent, ils se
contentent de dire “Tu veux te tuer, tue-toi” et ils claquent la
porte », signale une gradée en centre pénitentiaire.
Autre pilier
du dispositif mis en place par l’administration pénitentiaire, des
commissions pluridisciplinaires uniques (CPU) « Prévention du suicide »
se tiennent deux fois par mois dans chaque établissement, réunissant le
personnel pénitentiaire et d’autres intervenants en détention, notamment
les soignants. Des actions à mettre en œuvre y sont décidées pour les
personnes détenues présentant un risque suicidaire majeur, actions qui
doivent ensuite être listées et suivies dans des plans de protection
individualisés (PPI). Un document qui est cependant souvent inexistant
sur le terrain, comme le constatait l’Igas en 2021.
Des carences massives en moyens humains
Plusieurs
agents de l’administration pénitentiaire (AP) insistent sur la
difficulté d’assurer leur mission de prévention du suicide dans
l’ambiance délétère qui affecte nombre d’établissements. La
surpopulation s’accompagne en effet d’un manque de personnel. « On n’est
pas assez nombreux, on est fatigués, on a trop d’arrêts, témoigne un
surveillant dans une maison d’arrêt dont le taux d’occupation dépasse
les 200 %. On n’a pas le temps de créer du lien, de travailler la
réinsertion et de prévenir les risques suicidaires, mais aussi les
violences… […] J’essaie de parler avec un détenu quand j’ai cinq
minutes, mais il y a des journées où je n’arrête pas. » Les carences en
personnel grèvent aussi la transmission des informations. « Quand
j’étais chef de détention, je recevais régulièrement un détenu angoissé
quand ça n’allait pas le soir, on discutait cinq minutes. Ça a duré des
mois, raconte un chef d’établissement. Et puis l’été, je suis parti en
congés sans le signaler à mon remplaçant, qui a traité ce détenu comme
on le faisait en général : pas de demande écrite, pas d’audience. Il a
mal réagi, on l’a mis au QD, et il s’est pendu. On est tellement pris
par des urgences qu’on ne se passe plus les consignes. »
Autre
déficit en moyens humains, celui du secteur de la psychiatrie et des
médecins généralistes. Les soignants – touchés par la crise qui traverse
le secteur hospitalier, et dont les effectifs sont calculés sur le taux
d’occupation théorique des établissements – sont en nombre insuffisant
pour assurer la prise en charge et le suivi de toutes les personnes
détenues en ayant besoin. Le problème est aggravé par le manque
d’attractivité des postes en détention, comme le montrait l’OIP dans un rapport publié en 2022–
un sujet sur lequel la Dap indique travailler avec la Direction
générale de l’offre de soins (DGOS). « Dans notre centre pénitentiaire,
il y a un psychiatre, une psychologue et des infirmiers psy, pour plus
de 700 détenus. L’unité sanitaire est débordée, elle gère l’urgence »,
relate une surveillante. Les consultations sont souvent brèves, quand
les personnes détenues arrivent à obtenir un rendez-vous : « L’autre
jour, j’avais rendez-vous à 10h45, on était dix dans la salle d’attente
et tout le monde avait rendez-vous à 10h45. On n’a pas le temps de
parler au médecin, c’est du travail à la chaîne », explique une personne
détenue à Bapaume. Les places en UHSA sont chères pour les
hospitalisations à la demande des personnes détenues en souffrance[4] :
« En soins libres, nos délais de prise en charge varient entre trois et
quatre semaines », atteste Thomas Fovet, psychiatre à l’UHSA de
Lille-Seclin.
Or, le nombre de personnes détenues présentant des troubles psychiatriques graves est en augmentation[5].
Et faute d’une alternative à l’incarcération adéquate, l’Igas relève
que « quand un risque suicidaire est fortement suspecté […], le
magistrat […] transfère à l’AP la responsabilité, par [la] notice
individuelle, de trouver des solutions adaptées ». Il ne relève pourtant
pas non plus des fonctions des agents pénitentiaires de faire face à de
tels profils. Une surveillante commente : « Nous rencontrons de plus en
plus de problèmes psychiatriques. L’année dernière, on est passé de 65 à
80 % de détenus présentant des troubles psychiatriques sur la direction
interrégionale de Lyon. En juillet 2024, on nous a parlé d’une
explosion du nombre de suicides dans la DI. On n’a aucune explication,
on se débrouille, c’est une gestion à l’arrache. » Un autre abonde :
« Il faut que les juges arrêtent de nous envoyer des cas qui n’ont rien à
faire chez nous. » Si depuis mars 2019, la suspension de peine pour
raison médicale est théoriquement possible pour les personnes admises en
soins psychiatriques sans leur consentement, la mesure se heurte à de tels écueils qu’elle est très peu mobilisée.
Enfin,
aux problèmes d’effectifs s’ajoutent des relations plus ou moins
fluides entre le personnel pénitentiaire et le personnel soignant.
« Globalement, un tiers des soignants participe aux CPU “Prévention du
suicide” », indique Laurent Trippier, chef du pôle Santé de la Dap.
Outre le fait que les soignants n’ont pas toujours le temps, la question
du secret médical est au cœur des débats, et tout dépend du lien de
confiance noué entre la pénitentiaire et le corps médical. « Depuis
qu’on a imposé la traçabilité, les médecins ont dit qu’ils ne
viendraient plus aux CPU, confie un chef d’établissement. Ça n’existe
pas, le secret partagé. Donc ici, les médecins viennent ou pas, et on
les appelle quand on est préoccupé, de façon informelle. Si on veut un
partenariat de qualité, on est obligé de se cacher. » La proximité des
relations peut aussi dépendre de la taille de l’établissement. Un
surveillant explique : « Ici, c’est une petite maison d’arrêt, donc on
peut échanger avec le personnel médical. Par contre, à Lyon par exemple,
c’est tellement grand que chacun est dans sa zone. »
Une lutte contre l’isolement limitée
Dans
certains établissements, on permet aux personnes chez lesquelles on
pense déceler un risque suicidaire d’accéder à davantage de sociabilité
et d’occuper leur temps, et leur esprit : « Ici, ça se passe bien grâce
au travail de la cheffe de détention, elle connaît les plus vulnérables,
elle les oriente vers le scolaire, vers le travail, elle cherche à les
sortir de là », indique une gradée du sud-est de la France. Mais cela ne
fait pas l’objet de recommandations particulières au niveau national.
« On essaie de développer notre offre d’activités de manière générale.
Si on ne fait pas de proposition d’activités spécifique aux personnes
détenues à risque suicidaire, cela leur bénéficie par définition »,
avance Sandrine Rossi, adjointe au sous-directeur de l’insertion et de
la probation à la Dap. « Une énorme partie des activités mises en place
par mon département, du maintien des liens familiaux jusqu’au sport,
peut avoir un impact en termes de prévention du suicide », abonde son
collègue Charles Barbetti.
D’autres ressources sont accessibles
aux personnes détenues, comme des numéros de téléphonie sociale, tels
que Croix-Rouge Écoute. L’accès au 3114, numéro national de prévention
du suicide, est testé depuis octobre 2024 à la maison d’arrêt d’Angers,
avant de l’être dans quatre autres prisons (Brest, Poitiers-Vivonne,
Uzerche et Rouen) d’ici janvier 2025. La Dap prévoit d’évaluer le
dispositif à la mi-2025 avant d’envisager, le cas échéant, une
généralisation à tous les établissements.
L’administration
développe aussi depuis 2014 le dispositif des codétenus de soutien
(CDS). Il s’agit de mobiliser des personnes détenues volontaires comme
acteurs de la prévention du suicide dans leur établissement. Recrutés
par les équipes de direction, elles reçoivent une courte formation,
dispensée par la Croix-Rouge française et l’Union nationale des
professionnels de santé (UNPS). Auparavant limité aux établissements de
plus de 600 places, le recours aux CDS peut désormais être organisé dans
tout type d’établissement. D’après la Dap, c’est le cas dans 23 prisons
actuellement. Toutefois, la responsabilité morale du CDS auprès de la personne détenue qu’il accompagne est lourde, et peut entraîner des répercussions psychologiques importantes sur lui, particulièrement en cas de passage à l’acte.
« On
a toujours des détenus qui préviennent qu’un autre va mal, sans avoir à
désigner des codétenus de soutien, nuance un chef d’établissement. Les
détenus ne sont pas indifférents à ce que vivent leurs codétenus, il y a
des formes de solidarité. » Mais ces détenus impliqués se sentent
parfois bien seuls : « Une fois, j’ai convaincu quelqu’un qui voulait se
pendre de ne pas le faire, témoigne l’un d’eux. Je suis allé le voir
tous les jours, le temps que ça se calme. J’en ai parlé aux
surveillants, mais ils s’en foutaient, rien n’a été fait. Chaque jour,
je lui demandais : “Tu as vu quelqu’un ?” Mais non, il ne voyait
personne. »
Le bât blesse particulièrement sur les mesures de lutte contre l’isolement au QD, haut lieu de passage à l’acte suicidaire(9).
Les textes prévoient un entretien avec un personnel d’encadrement à
l’arrivée pour déceler une éventuelle fragilité, l’accès au téléphone et
la mise à disposition d’un poste de radio en cellule. Mais en réalité,
les appels des personnes détenues sont limités à un par semaine, et
celles qui ont accès à la radio, quand elle fonctionne, n’ont pas
toujours le choix de la station écoutée. La Dap préconise également deux
sorties en promenade par jour, mais les cours de QD se limitent bien
souvent à quatre murs assortis de grillages et de caillebottis obstruant
la vue du ciel, sans banc ni agrès.
Quant à l’accès aux soins, il
est particulièrement entravé au QD. Outre de très brèves visites
bi-hebdomadaires effectuées par l’unité sanitaire à travers la grille du
sas d’entrée des cellules, les psychiatres, quand ils sont sollicités,
se heurtent à des obstacles sécuritaires pour effectuer leur
consultation. « Le QD est l’endroit le plus sensible sur le plan du
risque suicidaire, mais nous ne pouvons pas y déployer nos moyens, alors
qu’ils mériteraient justement d’être accrus. Pour travailler, on a
besoin d’un plateau technique, de notre équipe, d’un bureau, d’accès au
dossier médical. Mais là, on nous demande d’évaluer le potentiel
suicidaire dans une salle qui sert aux appels téléphoniques, aux
parloirs avocats, un peu à tout, dénonce Geoffroy Valmy. On jetterait
une pièce pour voir de quel côté ça tombe, franchement, ce serait
pareil. »
Un contexte délétère
« Ceux qui sont dans le
bateau font ce qu’ils peuvent. Mais le contexte est insécurisant,
aggravé par la surpopulation carcérale qui est un problème majeur de
santé public, résume la psychiatre Pascale Giravalli. Les dispositifs
reposent vraiment sur les personnes. C’est ce qui est épuisant, et
pousse pas mal de soignants à quitter le milieu pénitentiaire. »
L’ampleur des souffrances à prendre en charge et le manque de moyens
réellement adaptés peuvent en effet nourrir un sentiment d’impuissance
chez bon nombre d’intervenants. Voire l’impression de cocher des cases à
seule fin de protéger l’administration : « On nous demande une
traçabilité totale, pour qu’on puisse dire qu’on a tout fait pour
l’empêcher, s’agace un chef d’établissement. Il y a tout un formalisme
autour de la prévention du suicide, et j’ai le sentiment que l’AP ne
tourne qu’autour de ça. On ne prend pas en compte l’histoire des
détenus, on ne nous demande pas comment vont les familles et nous, mais
on nous met la pression pour qu’on applique à la lettre les plans de
prévention. »
Et pourtant, malgré un déploiement toujours plus
large, le protocole échoue encore à éviter de trop nombreux passages à
l’acte. En cause, les failles dont souffrent chacune de ces mesures.
Mais aussi, et surtout, l’absence d’une véritable volonté politique de
s’attaquer aux problèmes structurels de la prison, tels que les
conditions de détention, la surpopulation et l’accès aux soins, dans un
environnement qui reste, et restera, particulièrement suicidogène.
[1] IgasIGJ, Rapport sur la prévention du risque suicidaire en milieu carcéral, mai 2021
[2] DAP, pratiques professionnelles : la prévention du suicide en milieu carcéral, 2023
[3] Du nom de son fondateur, le psychiatre Jean-Louis Terra
[4]
En revanche en cas de crise suicidaire aigüe, le détenu est censé être
hospitalisé en urgence. Dans l’attente, il fait souvent l’objet de deux
mesures pénitentiaires, la dotation de protection d’urgence (DPU) et/ou
la mise en cellule de protection d’urgence (CProU)
[5] Thomas Fovet et Camille Lancelevée, la prison pour asile ?, Éditions de la Maison des sciences de l’Homme, avril 2024
ANALYSE HEBDOMADAIRE DES INDICATEURS SURVEILLÉS EN CONTINU de Santé Publique France. Bilan sur l’évolution nationale des indicateurs de santé mentale produits à partir des données de passages aux urgences du réseau OSCOUR® et des actes médicaux SOS Médecins est publié une fois par mois. Une édition régionale est également produite à un rythme bimestriel.
AUTRE ETUDE SUR LE SUJET PENSÉES SUICIDAIRES ET TENTATIVES DE SUICIDE AU COURS DES 12 DERNIERS MOIS CHEZ LES PERSONNES EN ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE EN FRANCE MÉTROPOLITAINE ENTRE 2010 ET 2021 : RÉSULTATS DU BAROMÈTRE SANTÉ Christine Chan-Chee, Catherine Ha (catherine.ha@santepubliquefrance.fr) Santé publique France, Saint-Maurice BEH N° 25 - 10 décembre 2024 http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2024/25/2024_25_1.html Résumé Introduction – L’objectif de cet article est de décrire, chez les actifs occupés en France métropolitaine, la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide déclarées, les raisons auxquelles celles-ci sont attribuées, les évolutions de 2010 à 2021, ainsi que les facteurs associés aux pensées suicidaires. Méthodes – Les données sont issues des Baromètres de Santé publique France 2010, 2014, 2017, 2020 et 2021. Les prévalences des pensées suicidaires et des tentatives de suicide au cours des 12 derniers mois ont été décrites selon l’année d’enquête, la classe d’âge, la catégorie socioprofessionnelle et le secteur d’activité. L’association entre les pensées suicidaires et les caractéristiques sociodémographiques, socioprofessionnelles et de santé a été étudiée sur les données du Baromètre 2021.Résultats – Chez les hommes, les employés présentaient la prévalence la plus élevée de pensées suicidaires en 2020 et 2021. Chez les femmes, la prévalence ne différait pas selon la catégorie socioprofessionnelle. Le secteur de l’hébergement et de la restauration était le plus concerné par les pensées suicidaires en 2010, 2017 et 2021. Une augmentation significative des pensées suicidaires a été observée chez les jeunes de 18-24 ans entre 2020 (3,4%) et 2021 (7,1%), qui présentaient ainsi la plus forte prévalence en 2021. Les 18-24 ans, et dans une moindre mesure les 25-34 ans, les adultes ne vivant pas en couple, ceux vivant sans enfant et ceux ne se déclarant pas à l’aise financièrement avaient un risque plus élevé de pensées suicidaires. Les raisons données pour les pensées suicidaires étaient avant tout professionnelles et familiales, dans des proportions similaires autour de 40%. Pour les tentatives de suicide, les raisons étaient professionnelles dans 9% à 14% des cas. Conclusion – Ces résultats en population active occupée permettent de fournir des éléments pour cibler les populations au travail et les secteurs d’activité les plus à risque. Cette étude confirme la forte dégradation de la santé mentale des adultes les plus jeunes observée en population générale depuis la pandémie de Covid-19.
***
Santé mentale. Bulletin mensuel du 2 décembre 2024. Publié le 4 décembre 2024
Points clés Chez les enfants, sur l’ensemble du mois de novembre 2024, suite à la rentrée scolaire en S45, les passages aux urgences et les actes SOS Médecins étaient en hausse pour l’ensemble des indicateurs par rapport à ceux du mois d’octobre 2024. Alors que les effectifs pour geste suicidaire et idées suicidaires étaient toujours supérieurs à ceux observés les années précédentes, les autres indicateurs restaient dans des valeurs habituelles. Chez les adultes, les passages aux urgences et les actes les SOS Médecins étaient stables ou en baisse en novembre par rapport au moins d’octobre 2024, à l’exception des actes SOS Médecins pour angoisse en hausse chez les 18-24 ans et les 65 ans et plus. Les effectifs des passages pour idées suicidaires et les actes pour angoisse (18-64 ans) restaient supérieurs à ceux des années précédentes. TéléchargerPDF 3.06 MB
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Historique :
Santé mentale. Point mensuel, 4 novembre 2024 Publié le 6 novembre 2024
Points clés Chez
les enfants, les passages aux urgences pour idées suicidaires étaient
en hausse sur le mois d’octobre par rapport à ceux du mois de septembre
2024. De même, on note une hausse des passages pour intoxication
éthylique aigüe en semaine 44. Les autres indicateurs sont stables ou en
baisse, avec une dynamique hebdomadaire comparable à celle des années
précédentes. Le nombre de passages pour geste suicidaire et idées
suicidaires restaient supérieurs à ceux des années précédentes sur cette
période chez les 11-17 ans. Chez les adultes, les passages aux
urgences et actes SOS Médecins étaient stables en octobre par rapport au
moins de septembre 2024. Les effectifs des passages pour geste
suicidaire (18-24 ans), pour idées suicidaires et les actes pour
angoisse (25-64 ans) restaient supérieurs à ceux des années précédentes. TéléchargerPDF 3.49 MB
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Santé mentale. Point mensuel, 10 octobre 2024. Points clés
Chez
les enfants, les passages aux urgences pour tous les indicateurs de
santé mentale (hors intoxication éthylique aigüe) et les actes SOS
Médecins pour angoisse étaient en hausse sur le mois de septembre 2024
(S36 à S39) marquée par rapport au mois d’août, avec une dynamique
hebdomadaire comparable à celle des années précédentes. Le nombre de
passages pour geste suicidaire et idées suicidaires, ainsi que le nombre
d’actes pour angoisse étaient supérieurs à ceux des années précédentes
sur cette période chez les 11-17 ans.
Chez les adultes, les
actes SOS Médecins pour angoisse ont également augmenté chez les 25-64
ans au début du mois de septembre avant de diminuer sur la fin du mois.
Les effectifs des actes pour angoisse et ceux des passages pour idées
suicidaires chez les plus de 25 ans restent supérieurs à ceux des années
précédentes.
*** Santé mentale. Point mensuel, 9 septembre 2024. Publié le 11 septembre 2024 Points clés
Chez
les enfants, les passages aux urgences pour geste et idées suicidaires,
troubles de l’humeur et troubles anxieux sont restés stables à un
niveau bas sur les trois premières semaines d’août et ont augmenté sur
la dernière semaine d’août (S35). Cette dynamique est similaire à celle
des années précédentes avec des effectifs en S35 inférieurs à ceux des
années précédentes sur cette semaine. Chez les adultes de plus de 25
ans, les passages pour idées suicidaires fluctuaient à des niveaux
toujours supérieurs à ceux des années précédentes.
Les actes SOS
Médecins pour angoisse ont augmenté et ont dépassé les effectifs des
années précédentes sur l’ensemble du mois d’août chez les 18-24 ans et
sur la dernière semaine d’août (S35) chez les enfants de 11-17 ans et
les adultes de 25-64 ans.
*** Santé mentale. Point mensuel, 5 août 2024. Publié le 7 août 2024 Points clés La majorité des indicateurs de santé mentale restait dans les marges de fluctuation habituelle. Chez
les enfants, les passages pour geste et idées suicidaires, troubles de
l’humeur et troubles anxieux évoluaient à un niveau bas, comme
habituellement en période estivale. Les passages pour geste suicidaire
restaient à un niveau toujours supérieur à ceux des années précédentes
chez les 11-14 ans uniquement. En revanche, les passages pour idées
suicidaires se maintenaient à des niveaux supérieurs aussi bien chez les
enfants que chez les adultes, avec chez les 25 ans et plus, une légère
tendance à la hausse observée depuis le mois de juin. Chez les
adultes de 18-24 ans, les actes pour angoisse présentaient des valeurs
en limite haute de celles observées les années précédentes. TéléchargerPDF 1.77 MB https://www.santepubliquefrance.fr/surveillance-syndromique-sursaud-R/documents/bulletin-national/2024/sante-mentale.-point-mensuel-5-aout-2024
*** Santé mentale. Point mensuel, 2 juillet 2024.
Points clés
Les
passages pour geste et idées suicidaires, troubles de l’humeur et
troubles anxieux suivaient une dynamique à la baisse, tendance
habituelle en cette période de l’année chez les enfants. Les passages
pour geste et idées suicidaires restaient à un niveau supérieur à ceux
des années précédentes chez les 11-17 ans ainsi que les 18-24 ans.
Chez
les adultes, les actes pour angoisse présentaient des valeurs en limite
haute de celles observées les années précédentes, ainsi que de façon
ponctuelle, les actes pour état dépressif.
Les autres
indicateurs évoluaient peu ou dans les marges de fluctuation des valeurs
observées les années précédentes. On notait néanmoins un pic de recours
pour intoxication éthylique aigue chez les 15-17 et 18-24 ans en S25
(semaine de la fête de la musique notamment).
Après
un plus bas atteint en S19 chez les enfants (première semaine sur
laquelle les 3 zones ont repris les activités scolaires), les passages
aux urgences pour geste et idées suicidaires, repartent à la hausse.
Les
effectifs sont supérieurs à ceux observés les années précédentes pour
le premier regroupement syndromique chez les 15-17 ans et dans toutes
les classes d’âge chez les enfants pour le deuxième regroupement
syndromique qui bien que n’augmentant pas chez les adultes reste
également à un niveau élevé dans cette population.
Pour les autres indicateurs, les niveaux observés restent comparables voire inférieurs à ceux des années précédentes.
Comme
habituellement en période de vacances scolaires (sur les semaines
S15-S18 pour les 3 zones), chez les enfants, les passages aux urgences
pour geste et idées suicidaires, troubles de l’humeur et troubles
anxieux suivaient une tendance à la baisse entre avant de se stabiliser,
en S18.Cette dynamique à la baisse était également observée chez les
adultes.
Pour tous les indicateurs, les niveaux observés
restaient comparables voire inférieurs (chez les 25 ans et plus) à ceux
des années précédentes, à l’exception des passages aux urgences pour
idées suicidaires. Ces derniers restaient toujours à un niveau supérieur
chez les 15-17 ans et chez les adultes, particulièrement les 18-64 ans.
Après
une baisse de la plupart des indicateurs sur la période des vacances
d’hiver, on notait, chez les enfants, une reprise des passages aux
urgences pour idées suicidaires, troubles de l’humeur et troubles
anxieux.
Contrairement aux autres indicateurs, les passages aux
urgences pour idées suicidaires évoluaient toujours à des niveaux très
supérieurs aux années précédentes, chez les 11-17 ans et les 18-64 ans.
On observait notamment un pic en S12 chez les 18-24 ans.
La
plupart des indicateurs était en baisse de façon plus marquée chez les
enfants comme habituellement sur la période des vacances d’hiver. Les
niveaux observés dans les deux réseaux restaient majoritairement
comparables à ceux des années précédentes.
Malgré cette baisse,
les passages aux urgences pour idées suicidaires se maintenaient à des
niveaux supérieurs à ceux des années précédentes (surtout chez les 11-17
ans et les 25-64 ans).
Les indicateurs évoluaient majoritairement dans les marges de fluctuation observées les années précédentes.
On
notait toutefois des niveaux supérieurs pour les passages aux urgences
pour idées suicidaires tous âges (surtout chez les 15-17 ans et les
25-64 ans) ainsi que, dans une moindre mesure, pour geste suicidaire
chez les 11-14 aux urgences et pour état dépressif chez les 25-64 ans
chez SOS Médecins.
Pour
la deuxième semaine des vacances scolaires de fin d'année, les passages
aux urgences pour geste suicidaire, idées suicidaires, anxiété,
troubles de l'humeur et les actes de SOS Médecins pour angoisse et état
dépressif sont en augmentation tous âges confondus par rapport à la
semaine S52 de 2023.
Cette augmentation, principalement portée
par les moins de 18 ans, est observée chaque année à la même période et
est globalement de même ampleur voire inférieure aux années précédentes
(sauf chez les adultes pour idées suicidaires, où les niveaux sont plus
élevés).
En
semaine 48, les passages aux urgences pour idées suicidaires se
maintenaient à un niveau élevé, très supérieur à celui des années
précédentes, dans toutes les classes d’âges.
Dans une moindre
mesure, chez les enfants de 11-17 ans, après une diminution pendant les
vacances de la Toussaint, les passages pour geste suicidaire et troubles
de l’humeur étaient à nouveau en hausse, à des niveaux qui restaient
supérieurs à ceux des années précédentes, comme chez les 18-24 ans.
Chez
les enfants, après l’augmentation des indicateurs en lien avec la
rentrée scolaire, ces derniers étaient en baisse marquée au cours des
vacances de la Toussaint.
Les passages pour idées suicidaires se
maintenaient à un niveau élevé supérieur à celui des années
précédentes, chez les adultes de 18 ans et plus et dans une moindre
mesure chez les enfants.
entre
les semaines 31 et 35, les recours pour les indicateurs de santé
mentale chez les enfants sont restés stables à un niveau bas, observé
depuis le début des vacances scolaires. Les niveaux observés restaient
comparables à ceux des années précédentes. On notait toutefois chez les
11-17 ans, concernant les idées suicidaires, des valeurs en limite haute
de celles observées entre 2020 et 2022.
Chez les adultes,
l’ensemble des indicateurs était en baisse en S35. Les recours pour
idées suicidaires se maintenaient à des niveaux élevés, supérieurs aux
trois années précédentes depuis la semaine 23, contrairement aux recours
pour geste suicidaire, qui restaient dans des valeurs comparables à
celles des années précédentes. Parmi les autres indicateurs, on retenait
également une légère hausse des passages pour troubles de l’humeur et
troubles psychotiques en S33-34 chez les 18-24 ans et les 18-64 ans
respectivement, à des niveaux supérieurs à ceux des années précédentes.
Dans
le réseau SOS Médecins, les indicateurs de santé mentale restaient
stables et dans les niveaux observés les années précédentes pour toutes
les classes d’âges, sauf les actes pour angoisse chez les 18-24 ans, qui
étaient dans des niveaux supérieurs à ceux observés les années
précédentes.
"Le point sur" - enquête CoviPrev : une enquête pour suivre l’évolution des comportements et de la santé mentale pendant l'épidémie de COVID-19 Depuis
le 23 mars 2020, Santé publique France a lancé l'enquête CoviPrev en
population générale afin de suivre l’évolution des comportements (gestes
barrières, confinement, consommation d’alcool et de tabac, alimentation
et activité physique) et de la santé mentale (bien-être, troubles).
Les résultats de l'enquête CoviPrev
couvrent les thématiques suivantes : santé mentale, adoption des
mesures de prévention, adhésion vaccinale, addictions, alimentation et
activité sportive. Evolution de la santé mentale pendant l'épidémie de Covid-19