Agnès Vives @VivesAgnes| 07 février 2019, 18h31 |0
Le Dr Yon (au centre) et son équipe (à gauche, Dr Katz, à droite, Yannick Floch, infirmier) chargée du dispositif VigilanS 94 Est, destiné à prévenir le suicide chez des patients qui ont déjà été pris en charge aux urgences de l’hôpital Henri-Mondor à Créteil. DR
Les personnes qui entrent aux urgences de l’hôpital Henri-Mondor à Créteil, après une tentative de suicide, sont suivies après leur retour à domicile.
Une fragilité psychologique, un événement grave et tout bascule. Ce jour-là, le suicide apparaît comme seul échappatoire. Le Val-de-Marne figure parmi les départements les plus touchés par ce phénomène, selon le Dr Yon, chef de service de la psychiatrie intersectorielle à l’hôpital Henri-Mondor à Créteil. Entre 500 et 800 personnes par an, entrent aux urgences de ce CHU, après une tentative.
Alors ce navire amiral de l’Assistance publique vient de lancer « VigilanS » 94 Est, rattaché au réseau national des centres VigilanS. Ce dispositif qui s’appuie sur le Samu 94 est simple : un infirmier et un médecin sont chargés de rappeler tous les patients qui sont passés aux urgences psychiatriques de Mondor et sont retournés chez eux. En général, un tiers reste hospitalisé. Et ce rappel se fait systématiquement, entre le 10e et 20e jour après leur acte. Une révolution.
« Cela permet de vérifier l’état du suicidant, où il en est de son suivi par un psychiatre ou dans un centre médico-psychologique (CMP), détaille le Dr Yon. Ce sont des malades qu’on a du mal à accrocher à des soins. Bien souvent, il y a une amélioration juste après la tentative de suicide. Mais ce n’est que temporaire. Dans 40 % des cas, il y a une récidive dans l’année. C’est un gros enjeu. »
Un numéro vert à disposition
Un nouveau rappel est effectué six mois plus tard, toujours selon les mêmes conditions. Un numéro vert est également ouvert du lundi au vendredi, de 9 heures à 17 heures, pour permettre aux suicidaires qui sont inscrits dans ce dispositif d’appeler en cas de crise. De cette façon, les malades peuvent être écoutés, rassurés et des secours peuvent même être envoyés. Les autres jours ? Les appels sont directement basculés sur le Samu.
Depuis le lancement, fin novembre, 70 personnes ont été rappelées et la permanence téléphonique n’a reçu que deux ou trois appels. Mais selon l’équipe, les patients approuvent. « Ils n’ont pas l’habitude qu’on les suive, une fois partis de l’hôpital », souligne le Dr Yon.
Pour le Dr Dock, psychologue et auteur de « Le nouveau malaise dans la civilisation », VigilanS peut être un « premier filet de sécurité avant un travail clinique pour identifier les difficultés du suicidant. Malheureusement, aujourd’hui dans notre pays, il faut attendre entre 8 mois et un an pour un rendez-vous en CMP. »
Des résultats encourageants dans le Nord et en Bretagne
Cette veille existe depuis 2015 à Lille, région où le taux de suicide est des plus importants, au même titre que la Bretagne. Et ça marche ! Selon un rapport d’évaluation datant de 2017, les passages à l’acte ont baissé de 23 % et la mortalité de 10 %.
Pour l’heure, VigilanS s’adresse dans le Val-de-Marne aux seuls usagers de Mondor. Mais les équipes travaillent à l’étendre à tout le territoire.
L’AP-HP annonce également « mener une réflexion pour déployer des VigilanS dans d’autres départements, comme Paris, les Hauts-de-Seine ou la Seine-Saint-Denis ». Chaque année, 180 000 à 200 000 personnes tentent de se suicider en France. 10 000 meurent en mettant fin à leurs jours.
« CELA M’A SAUVÉ LA VIE », DIT CETTE HABITANTE DE CHAMPIGNY
Valérie*, 40 ans, est passée par le service des urgences psy de Mondor à Créteil fin décembre. Après son acte, cette mère de famille, inscrite dans le dispositif VigilanS rentre chez elle. Quatre jours plus tard, le désespoir la tenaille et elle craque à nouveau.
« J’ai eu une vision, la boîte de médicaments à avaler ou la carte que l’on m’avait donnée. J’ai appelé. Le psychiatre qui m’a répondu m’a conseillé de sortir de chez moi, il a été à l’écoute. Il m’a fait parler, il ne m’a pas lâchée. Cela m’a sauvé la vie. »
Mieux qu’un proche ? « C’est un professionnel. Il a les mots. Je ne me voyais pas appeler ma mère pour lui dire que je voulais me suicider. Un ami, c’est difficile, il a sa vie et puis on peut tomber dans le jugement. De toute façon, quand on a ce type d’envie, on est déconnecté de la réalité. Je n’ai même pas pensé à mes deux enfants. Quand le désespoir et la souffrance sont aussi forts, la seule solution, c’est d’en finir. »
A la suite de cet épisode, Valérie est hospitalisée dix jours. Mais à sa sortie, l’équipe de veille reste présente. « On n’est pas qu’un patient parmi tant d’autres. On m’appelle régulièrement. Cela fait du bien de savoir qu’on n’est pas seul. »* Le prénom a été changé par souci d’anonymat.
http://www.leparisien.fr/val-de-marne-94/val-de-marne-leur-veille-peut-prevenir-les-suicides-07-02-2019-8006778.php
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VIDEO. Reportage au coeur de “VigilanS”, la cellule de prévention du suicide, à Lille
- A 20 ans ? Vous avez identifié ce qui avait amené à ce désir de mourir ?
- Non, franchement, je ne sais pas. Ça m'est tellement arrivé de fois...
Extrait d'une conversation entre une infirmière de la cellule "VigilianS" et une patiente suicidaire. Cette unité a été créée il y 4 ans. 4000 personnes y sont suivies chaque année. Appels téléphoniques mais aussi... cartes postales. Ici, la douleur ou la guérison passent aussi par l'écriture.
"On envoie des cartes postales lorsqu'on n'arrive pas à joindre les gens, explique Christophe Debien, psychiatre coordinateur de "Vigilans" Hauts-de-France. Mais aussi, surtout, on en reçoit et puis on leur réécrit pour vraiment garder un contact."
"Comme on reçoit de plus en plus de réponses, on se dit que finalement, c'est quelque chose de bon, de bien et qui leur montre qu'on se soucie d'eux et je pense qu'ils sont contents de savoir qu'on continue à se soucier d'eux même s'ils n'appellent pas et la preuve en est qu'ils nous envoient des cartes de plus en plus régulièrement", complète Christel Debien, Réseau "Vigilans".
Extrait des cartes postales envoyées par les patients :
- Un grand merci pour ces petites cartes postales envoyées avec un gentil mot.
- C'est vrai qu'il y a un an, je n'étais pas au top. Je me dis que ça ne valait pas la peine.
"Le suicide, c'est toujours l'envie de la fin d'une souffrance, explique Christophe Debien. Et pas l'envie de la mort, c'est complètement différent. Il faut oser en parler, c'est le plus difficile. Il faut oser aller vers l'autre, son collègue, son fils en disant : "Moi, j'ai l'impression que tu ne vas pas bien en ce moment. J'ai l'impression que... On n'est pas dans l'accusation : "Tu ne vas pas bien". Non : "J'ai l'impression..."
Dans le Nord et le Pas-de-Calais, il y a 9000 tentatives de suicide chaque année. Un chiffre en baisse de 12% depuis la création du réseau VigilanS il y a 4 ans.
https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/lille/video-reportage-au-coeur-vigilans-cellule-prevention-du-suicide-lille-1621175.html