vendredi 15 février 2019

MAJ ETUDE RECHERCHE CANADA risque de dépression et de comportement suicidaire chez les jeunes consommateurs de cannabis

Le pot peut-il causer la dépression et le suicide?
Publié le 14 février 2019 www.lapresse.ca/* Philippe Mercure

Une étude québécoise publiée hier, mercredi, dans la prestigieuse revue JAMA Psychiatry établit un lien entre consommation de cannabis, dépression et comportement suicidaire. Mais attention : ça ne veut pas dire que le pot cause la dépression ni qu'il faut craindre outre mesure que son ado qui fume un joint de temps à autre commette l'irréparable. Le point en quatre questions.
Q : En quoi consiste l'étude publiée hier ?
R : L'analyse regroupe 11 études internationales comptant en tout 23 317 individus qui ont été suivis sur plusieurs années. Les chercheurs ont interrogé les participants sur leur consommation de cannabis lorsqu'ils avaient moins de 18 ans, puis ont surveillé s'ils développaient une dépression à l'âge adulte. L'anxiété, les idées suicidaires et les tentatives de suicide ont aussi été étudiées. Les chercheurs de McGill ont ensuite regardé si les consommateurs de cannabis étaient plus susceptibles que les autres d'être touchés par les problèmes étudiés. « Les liens entre psychose et cannabis ont beaucoup été étudiés, mais il existe beaucoup moins de recherches sur la dépression », souligne la Dre Gabriella Gobbi, chercheuse au Programme en réparation du cerveau et en neurosciences intégratives à l'Institut de recherche du CUSM et professeure de psychiatrie à l'Université McGill, qui a dirigé l'étude.
Q : Quels sont les résultats ?
R : Les chercheurs de McGill ont noté que les consommateurs de cannabis étaient plus touchés que les autres par la dépression et par les idées suicidaires et qu'ils commettaient plus de tentatives de suicide. Ils ne sont toutefois pas significativement plus nombreux à souffrir d'anxiété. Par « consommateur de cannabis », l'équipe de la Dre Gobbi a considéré les fumeurs qui prennent du pot au moins une fois par semaine. Le Dr Didier Jutras-Aswad, psychiatre au CHUM, n'a pas participé à cette recherche. Il fait remarquer que les différences entre consommateurs et non-consommateurs sont « relativement faibles ». « Ce sont des associations qui ne sont pas si impressionnantes », estime-t-il.
Q : Est-ce que ça veut dire que le pot cause la dépression et le suicide ?
R : Non, et c'est sans doute là le principal piège quand vient le temps d'interpréter ce genre d'études. « Il faut parler d'associations, et non de relations de cause à effet », convient la Dre Gobbi. Bref, l'étude montre que les fumeurs de pot sont plus nombreux à souffrir de dépression, mais pas que le pot est le facteur qui a déclenché ces dépressions. Les chercheurs de McGill ont tenté d'éliminer l'influence de variables comme l'âge, le sexe, le statut socioéconomique et la présence d'anxiété et de dépression lors de la première prise de contact avec les jeunes. Mais bien d'autres variables, comme la prédisposition génétique ou la consommation d'autres drogues, ont pu jouer.
« Il est pratiquement impossible de départager l'influence du cannabis de celle de la consommation d'alcool (voire d'autres drogues), qui est présente chez presque tous les consommateurs, particulièrement les consommateurs les plus lourds et à risque », illustre par exemple Jean-Sébastien Fallu, professeur à l'École de psychoéducation à l'Université de Montréal.
Comme pour contredire cette analyse, les chercheurs de McGill s'avancent bel et bien, dans la partie « discussion » de leur étude, et attribuent une part des dépressions au cannabis. Après des « calculs épidémiologiques », ils estiment que cette proportion se chiffre à 7 % des diagnostics. Cela voudrait dire que 25 000 jeunes Canadiens souffrent de dépression « en raison » de leur consommation de cannabis. En entrevue à La Presse, la Dre Gobbi a convenu qu'il s'agissait d'« estimations ».
« On peut remettre ça en question », dit quant à lui Didier Jutras-Aswad, du CHUM.
Q : Un consommateur de pot devrait-il s'inquiéter pour sa santé mentale ?
R : « Il ne faut pas partir en peur, répond le Dr Justras-Aswad. Ce que cette étude vient nous dire, comme d'autres études l'ont montré avant, c'est que les gens qui consomment du cannabis sont plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé mentale. C'est intéressant à savoir, mais il faut rester prudent. Le cannabis peut sans doute contribuer à la dépression, mais ce n'est pas parce que l'on consomme du cannabis qu'on devient déprimé. »
Quant au suicide, le psychiatre rappelle que les raisons qui conduisent un individu à commettre l'irréparable sont complexes. Le pot peut faire partie de l'équation, mais déterminer le rôle exact joué par la drogue n'est pas simple. L'expert rappelle aussi que le type de pot consommé et la fréquence de consommation influencent les risques. La Dre Gabriella Gobbi estime quant à elle que le risque individuel de dépression et de suicide associé au cannabis est peut-être « modeste », mais qu'il se traduit en véritable enjeu de santé publique, considérant le nombre de jeunes Canadiens qui consomment du pot.
« Nous espérons que nos conclusions inciteront les organismes de santé publique à adopter des stratégies visant à réduire la consommation de cannabis chez les jeunes », dit-elle.
 https://www.lapresse.ca/actualites/sante/201902/14/01-5214705-le-pot-peut-il-causer-la-depression-et-le-suicide.php


Post initial :

Augmentation du risque de dépression et de comportement suicidaire chez les jeunes consommateurs
de cannabis

Une nouvelle étude révèle qu’un certain pourcentage de jeunes consommateurs de cannabis courent un risque de dépression ou de comportement suicidaire

Montréal – La consommation de cannabis à l’adolescence serait liée à un risque plus élevé de dépression et de comportements suicidaires au cours de la vie des jeunes adultes, selon les résultats de la première méta-analyse conduite sur le sujet par une équipe de scientifiques de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et de l’Université McGill, en collaboration avec chercheurs des universités d’Oxford et de Rutgers–Camden. Leur étude est publiée aujourd’hui dans le journal JAMA Psychiatry.
Dre Gabriella Gobbi
Dre Gabriella Gobbi
Ces conclusions ont été rapportées par une équipe dirigée par la Dre Gabriella Gobbi, chercheuse au Programme en réparation du cerveau et en neurosciences intégratives (RCNI) de l’IR-CUSM et professeure de psychiatrie à la Faculté de médecine de l’Université McGill, à la suite d’un examen systématique et à une méta-analyse d’études internationales, comprenant 23 317 individus. Les chercheurs ont conclu que la consommation de cannabis à l’adolescence pourrait être dommageable pour la santé mentale, même chez les jeunes qui ne présentaient pas de symptômes dépressifs avant de commencer à consommer du cannabis.
Peu d’attention a été portée, à ce jour, à l’analyse des conséquences de la consommation de cannabis chez les adolescents et au risque qu’ils courent de développer des symptômes dépressifs et des troubles de l’humeur, compte tenu du fait que leur cerveau est en développement jusqu’à l’âge de 25 ans.
Les jeunes adultes sont une population particulièrement à risque en Amérique du Nord, y compris au Canada, où le pourcentage d’adolescents consommant du cannabis est l’un des plus élevés des pays développés. Les Canadiens ayant entre 15 et 25 ans représentent la majorité des consommateurs de cannabis de tous les groupes d’âge, soit entre 20 et 33 %, alors que plus de 20 % des adolescents des États-Unis affirment consommer du cannabis mensuellement.
Conclusions surprenantes quant au comportement suicidaire
Les chercheurs ont analysé le risque de dépression, d’anxiété, de pensée suicidaire et de tentatives de suicide dérivant de la consommation de cannabis dont la fréquence allait de quotidienne à occasionnelle.
« L'étude suggère que le diagnostic de dépression chez environ 7 % des Canadiens et des Américains âgés de 18 à 30 ans est imputable au cannabis, ce qui signifie que 25 000 jeunes Canadiens et 400 000 Américains souffrent de dépression en raison d'une consommation de cannabis à un plus jeune âge », dit Nancy Mayo, professeure aux départements de médecine et à de physiothérapie et d’ergothérapie de l’Université McGill, et chercheuse au Centre de recherche évaluative en santé de l’IR-CUSM.
En contrepartie, les chercheurs ont rapporté une faible association avec l’anxiété.
« Lorsque nous avons entrepris l’étude sur les effets de la consommation de cannabis chez les adolescents, nous nous attendions à ce que la dépression soit un facteur attribuable à la consommation de cette substance ; nous avons toutefois été très surpris de constater l’ampleur des comportements suicidaires, car nos résultats ont montré qu'un pourcentage significatif des tentatives de suicide chez les jeunes sont attribuables au cannabis », explique la Dre Gobbi, qui est aussi psychiatre au CUSM.
Le secteur public doit lancer des projets de prévention
Les conclusions de l’étude font ressortir l’importance des démarches de prévention, axées sur la sensibilisation des adolescents aux risques liés au cannabis, tout comme l’acquisition de compétences pour résister à la pression des pairs.
« Il est évident que beaucoup de jeunes gens qui consomment du cannabis courent le risque de développer une dépression et un comportement suicidaire; il est très important pour les autorités d’être plus proactives en matière de campagnes de prévention, poursuit la Dre Gobbi. Nous espérons que nos conclusions inciteront les organismes de santé à adopter des stratégies visant à réduire la consommation de cannabis chez les jeunes. »

À propos de l’étude
Les coauteurs de l’étude intitulée « Association of Cannabis Use in Adolescence and
Risk of Depression, Anxiety, and Suicidality in Young Adulthood – A Systematic Review
and Meta-analysis » sont Gabriella Gobbi (auteure principale); Tobias Atkin;
Tomasz Zytynski; Shouao Wang; Sorayya Askari; Jill Boruff; Mark Ware;
Naomi Marmorstein; Andrea Cipriani; Nadine Dendukuri; et Nancy Mayo.
DOI : 10.1001/jamapsychiatry.2018.4500
Ces travaux de recherche ont été financés par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et par le Réseau québécois sur le suicide, les troubles de l’humeur et les troubles associés.
  
Contacts presse :
 Julie Robert
Relations médias (recherche)
Centre universitaire de santé McGill
514.971.4747 (cellulaire)
julie.robert@muhc.mcgill.ca

https://cusm.ca/newsroom/nouvelles/augmentation-du-risque-d%C3%A9pression-et-comportement-suicidaire-chez-les-jeunes-consommateurs