Lorient. Des psys à l’écoute des entrepreneurs
Publié le 30 janvier 2019 © Le Télégramme
Catherine
Lefeuvre, psychologue à Lorient, fait partie de la quarantaine de
thérapeutes professionnels qui ont intégré le dispositif Apesa 56 dans
le département. (Photo Emmanuelle Gourvès)
Le tribunal de commerce de Lorient a tenu son audience solennelle de rentrée, ce mardi 29 janvier. L’occasion, notamment, d’un premier bilan du dispositif Apesa 56, l’Aide psychologique aux entreprises en souffrance aiguë, déployé depuis un an dans le Morbihan. Entretien avec Catherine Lefeuvre, thérapeute lorientaise, qui a intégré le réseau.
Le dispositif Apesa 56 a été créé il y a tout juste un an sur la juridiction lorientaise. Comment avez-vous intégré l’association ?
« J’ai été contactée par le psychologue clinicien Jean-Luc Douillard, le coordinateur du programme de promotion de la santé mentale et de prévention du suicide, qui a lancé la démarche au centre hospitalier de Saintonge, en Charente-Maritime. J’ai tout de suite adhéré. La souffrance morale des entrepreneurs me parle. Peu de temps avant son appel, j’avais été confrontée à deux cas. Ayant travaillé à l’Aide au milieu ouvert (AMO) par le passé, j’étais avertie. J’ai tout de même participé à une formation de deux jours, en lien avec la Chambre de métiers, sur le risque suicidaire chez les entrepreneurs qui ont déposé le bilan. Une formation intéressante. Deux cas m’ont ensuite rapidement été envoyés. Au total, j’ai reçu quatre auto-entrepreneurs depuis le lancement du dispositif, des hommes et des femmes entre 40 et 55 ans ».
Comment appréhendez-vous ces entrepreneurs dans le mal-être ?
« On répond dans l’immédiateté. Lors des séances, on reçoit des personnes très très secouées, en grande souffrance. Elles sont angoissées, épuisées, dépressives… C’est une claque qu’elles ont reçue ! Elles ont perdu la face. Cela se traduit par beaucoup de honte, de l’isolement, de la peur… Ces entrepreneurs n’ont plus grand-chose à quoi se rattacher pour donner un sens à leur vie. Il y a urgence. On est à la limite d’un acte irrémédiable. Cette honte les rend solitaires et ça s’accompagne bien souvent de rupture de couple ou d’un risque de rupture. Face à ce gouffre, il convient de trouver une porte de sortie. La psychologie, ce sont avant tout des gens qui ont des choses à dire ! Face à un individu en souffrance, il y a plusieurs peaux, plusieurs strates de compréhension (privée, financière…) à étudier. C’est comme un oignon qu’on pèle. Au cas par cas, il faut aller en profondeur ».
Concrètement, quel est votre rôle sur les cinq séances gratuites qui sont proposées à ces entrepreneurs en souffrance ?
« Lors du premier entretien, il est primordial de réaliser un rappel des événements qui ont abouti à cette faillite. Ce qui est formulé va pouvoir être dépassé ! C’est l’amorce pour pouvoir inventer quelque chose de nouveau, en travaillant sur cette notion de honte et en ne se réduisant pas à cette impasse financière. Les séances invitent à une réflexion sur soi, à une remise en question personnelle qui mobilise la responsabilité de la personne. On se rend compte qu’il y a bien souvent eu un moment traumatique initial qui amène à une mise en échec dans un second temps. Parfois, l’échec peut être visible dix ans après… C’est comme s’ils se punissaient. En créant son entreprise, l’entrepreneur a l’ambition de se réaliser lui-même. C’est une grande blessure narcissique que d’aboutir à un dépôt de bilan ».
L’Apesa 56 tend la main aux entrepreneurs en grande souffrance. Et les salariés ?
« Il ne faut surtout pas opposer entrepreneurs et salariés. Un entrepreneur initie le mouvement. Un salarié, lui, occupe une fonction et est habitué à suivre. Si un salarié va mal, il va suivre les conseils qu’on lui donne. De plus, la société a mis en place des outils pour protéger ses droits. L’entrepreneur, lui, ne peut s’en vouloir qu’à lui-même. Comment va-t-il formuler, supporter un échec ? Il y a une réelle visibilité des drames du côté des entrepreneurs. Tout entrepreneur qu’ils sont, ils n’en restent pas moins humains, dans un monde, une société actuelle, mondialisée, qui exige la réussite sociétale, la réussite individuelle. Il faut avoir le souci d’aider au mieux chacun ».
Apesa 56 : 40 signalements
Initiée il y a un an par le tribunal de commerce de Lorient, l’Apesa 56, l’Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë, a enregistré 40 signalements en 2018, pour 24 prises en charge. Le dispositif tend la main aux entrepreneurs en grande souffrance morale et leur propose un soutien psychologique gratuit. Un réseau de « sentinelles », confrontées au quotidien à l’expression de ce mal-être, a été formé à détecter le risque suicidaire. Pour les entrepreneurs qui souhaitent être aidés, une fiche d’alerte est transmise à un centre d’appels nantais spécialisé. Lequel reprend contact avec l’entrepreneur et lui propose, à l’issue d’un entretien, cinq séances gratuites avec un thérapeute proche de son domicile.
Sur les 134 tribunaux de commerce de France, 45 juridictions ont mis en œuvre ce dispositif soutenu par Harmonie Mutuelle. Apesa 56 est toujours en quête de dons pour financer ces séances.
https://www.letelegramme.fr/morbihan/lorient/lorient-des-psys-a-l-ecoute-des-entrepreneurs-29-01-2019-12196130.php
Publié le 30 janvier 2019 © Le Télégramme
Le tribunal de commerce de Lorient a tenu son audience solennelle de rentrée, ce mardi 29 janvier. L’occasion, notamment, d’un premier bilan du dispositif Apesa 56, l’Aide psychologique aux entreprises en souffrance aiguë, déployé depuis un an dans le Morbihan. Entretien avec Catherine Lefeuvre, thérapeute lorientaise, qui a intégré le réseau.
Le dispositif Apesa 56 a été créé il y a tout juste un an sur la juridiction lorientaise. Comment avez-vous intégré l’association ?
« J’ai été contactée par le psychologue clinicien Jean-Luc Douillard, le coordinateur du programme de promotion de la santé mentale et de prévention du suicide, qui a lancé la démarche au centre hospitalier de Saintonge, en Charente-Maritime. J’ai tout de suite adhéré. La souffrance morale des entrepreneurs me parle. Peu de temps avant son appel, j’avais été confrontée à deux cas. Ayant travaillé à l’Aide au milieu ouvert (AMO) par le passé, j’étais avertie. J’ai tout de même participé à une formation de deux jours, en lien avec la Chambre de métiers, sur le risque suicidaire chez les entrepreneurs qui ont déposé le bilan. Une formation intéressante. Deux cas m’ont ensuite rapidement été envoyés. Au total, j’ai reçu quatre auto-entrepreneurs depuis le lancement du dispositif, des hommes et des femmes entre 40 et 55 ans ».
Comment appréhendez-vous ces entrepreneurs dans le mal-être ?
« On répond dans l’immédiateté. Lors des séances, on reçoit des personnes très très secouées, en grande souffrance. Elles sont angoissées, épuisées, dépressives… C’est une claque qu’elles ont reçue ! Elles ont perdu la face. Cela se traduit par beaucoup de honte, de l’isolement, de la peur… Ces entrepreneurs n’ont plus grand-chose à quoi se rattacher pour donner un sens à leur vie. Il y a urgence. On est à la limite d’un acte irrémédiable. Cette honte les rend solitaires et ça s’accompagne bien souvent de rupture de couple ou d’un risque de rupture. Face à ce gouffre, il convient de trouver une porte de sortie. La psychologie, ce sont avant tout des gens qui ont des choses à dire ! Face à un individu en souffrance, il y a plusieurs peaux, plusieurs strates de compréhension (privée, financière…) à étudier. C’est comme un oignon qu’on pèle. Au cas par cas, il faut aller en profondeur ».
Concrètement, quel est votre rôle sur les cinq séances gratuites qui sont proposées à ces entrepreneurs en souffrance ?
« Lors du premier entretien, il est primordial de réaliser un rappel des événements qui ont abouti à cette faillite. Ce qui est formulé va pouvoir être dépassé ! C’est l’amorce pour pouvoir inventer quelque chose de nouveau, en travaillant sur cette notion de honte et en ne se réduisant pas à cette impasse financière. Les séances invitent à une réflexion sur soi, à une remise en question personnelle qui mobilise la responsabilité de la personne. On se rend compte qu’il y a bien souvent eu un moment traumatique initial qui amène à une mise en échec dans un second temps. Parfois, l’échec peut être visible dix ans après… C’est comme s’ils se punissaient. En créant son entreprise, l’entrepreneur a l’ambition de se réaliser lui-même. C’est une grande blessure narcissique que d’aboutir à un dépôt de bilan ».
L’Apesa 56 tend la main aux entrepreneurs en grande souffrance. Et les salariés ?
« Il ne faut surtout pas opposer entrepreneurs et salariés. Un entrepreneur initie le mouvement. Un salarié, lui, occupe une fonction et est habitué à suivre. Si un salarié va mal, il va suivre les conseils qu’on lui donne. De plus, la société a mis en place des outils pour protéger ses droits. L’entrepreneur, lui, ne peut s’en vouloir qu’à lui-même. Comment va-t-il formuler, supporter un échec ? Il y a une réelle visibilité des drames du côté des entrepreneurs. Tout entrepreneur qu’ils sont, ils n’en restent pas moins humains, dans un monde, une société actuelle, mondialisée, qui exige la réussite sociétale, la réussite individuelle. Il faut avoir le souci d’aider au mieux chacun ».
Apesa 56 : 40 signalements
Initiée il y a un an par le tribunal de commerce de Lorient, l’Apesa 56, l’Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë, a enregistré 40 signalements en 2018, pour 24 prises en charge. Le dispositif tend la main aux entrepreneurs en grande souffrance morale et leur propose un soutien psychologique gratuit. Un réseau de « sentinelles », confrontées au quotidien à l’expression de ce mal-être, a été formé à détecter le risque suicidaire. Pour les entrepreneurs qui souhaitent être aidés, une fiche d’alerte est transmise à un centre d’appels nantais spécialisé. Lequel reprend contact avec l’entrepreneur et lui propose, à l’issue d’un entretien, cinq séances gratuites avec un thérapeute proche de son domicile.
Sur les 134 tribunaux de commerce de France, 45 juridictions ont mis en œuvre ce dispositif soutenu par Harmonie Mutuelle. Apesa 56 est toujours en quête de dons pour financer ces séances.
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