mardi 14 août 2018

EXEMPLE DE RÉUNION PLURIPROFESSIONNELLE, APRÈS LE SUICIDE D’UN PATIENT DANS UN SERVICE DE PSYCHIATRIE


EXEMPLE DE RÉUNION PLURIPROFESSIONNELLE, APRÈS LE SUICIDE D’UN PATIENT DANS UN SERVICE DE PSYCHIATRIE
Extrait de "Consolider le travail d’équipe en santé Apports de l’expérience en psychiatrie" dans REVUE HOSPITALIÈRE DE FRANCE # 582 Mai - Juin 2018 *

Les situations à forte tension affective sont fréquentes dans les services hospitaliers de par la nature même des personnes qu’ils reçoivent, les patients en soins. Dans ce contexte, les suicides de patients, même rares, sont des situations que tous les professionnels peuvent être amenés à rencontrer. Ces  situations doivent faire l’objet d’une double approche auprès des équipes, préventive et post-traumatique. L’approche préventive passe par la formation, ou au minimum la sensibilisation préalable de tous les professionnels, sur les facteurs de risque suicidaire pour éviter de faire porter la responsabilité du suicide sur le dernier soignant qui a rencontré le patient, attitude culpabilisante et surtout erronée, du fait des causes toujours multifactorielles du suicide.
En outre, il n’existe pas de facteurs prédictifs précédant un suicide qui soient standardisés ou absolus, mais plutôt une somme et une interférence de plusieurs facteurs de risques qui aboutiront à l’acte suicidaire.
Dans ces conditions, l’imprévisibilité du geste suicidaire fait toujours irruption traumatique dans un service. Elle nécessite la tenue de réunions d’équipe dites « de retour d’expérience » (REX) en deux temps : un temps de réunion « à chaud » d’écoute des émotions et de prise en compte des réactions de chacun face à la mort ; un temps de réunion plus formelle d’analyse systémique dont la finalité est d’une part médico-légale* et constitue d’autre part, plus encore, un temps de réflexion sur le rôle de chacun dans le parcours de soins et l’incident. Ce dernier temps donne à chacun une responsabilité qui doit permettre de situer le professionnel dans une fonction valorisée et reconnue, tout en concourant à créer un collectif.
La réunion « à chaud » ici décrite s’inspire d’un retour d’expérience qui a eu lieu dans un service de psychiatrie. Après le suicide du patient par pendaison dans sa chambre, les premières formalités sont accomplies par l’équipe selon un protocole bien défini. Dès le lendemain, jour ouvré, le cadre du
service propose en relation avec le coordinateur de la gestion des risques associés aux soins (CGRAS) une réunion avec les professionnels présents lors du suicide et tous les « référents » du patient (médecins, assistant social, soignants). Particularité de cette réunion : un directeur  représentant la direction générale sera également présent, dans l’intention exprimée d’être sensibilisé à ces aspects difficiles du métier soignant. Sa présence sera appréciée, avec un effet évident pour la construction d’une « culture maison » de l’établissement, où les atteintes vécues par les personnels ne sont pas négligées. La discussion est restée proche du débriefing post-événements traumatiques, avec quelques prises de paroles plutôt défensives tout en restant factuelles, et d’autres plus affectives qui osent ouvrir le champ de la mort difficile à appréhender.
La réunion d’analyse systémique, réalisée à distance de l’événement (au moins un mois), suit un schéma prédéfini. La participation des mêmes professionnels sans la direction est requise. Avec les items abordés, sont discutées les grandes questions liées à l’environnement de travail : facteurs institutionnels, liés à l’organisation et au management, liés à l’équipe, liés à un ou des professionnels et liés au patient. Ces questions permettent l’analyse de l’organisation générale du service avec, éventuellement, des propositions d’amélioration. Elles doivent aussi ouvrir la réflexion sur le travail d’équipe.
Ces deux temps forts après un événement traumatique participent au renforcement des professionnels dans leur capacité à prendre en charge les patients. Ils exercent une fonction très importante de prévention d’un effondrement des soignants.
Frédéric Khidichian **
* Déclaration des événements indésirables graves associés aux soins
(décret n° 2016-1606 du 25 novembre 2016).
** Frédéric Khidichian Président de CME des hôpitaux de Saint-Maurice,
chef du pôle Paris Centre, membre de la commission qualité de vie au travail, FHF