Comment réagir face à un collègue qui s’isole peu à peu, un ami dont on craint qu’il se suicide, un inconnu qui “pète un plomb” en pleine rue ? « La tendance naturelle, quand une personne manifeste des signes de mal-être, c’est de détourner le regard », note Roselyne Touroude, vice-présidente de l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques). Pourtant, comme il existe des premiers gestes physiques à réaliser sur une personne blessée avant l’arrivée des secours professionnels, il existe des « premiers secours en santé mentale » (PSSM) à prodiguer en attendant que la crise soit passée ou qu’une prise en charge adaptée ne soit trouvée.


Deux jours pour apprendre à réagir
Né en Australie en 2001, le programme PSSM vise à apprendre aux citoyens comment se comporter face aux premières manifestations de troubles psychiques et à bien connaître le système de soins et d’accompagnement afin d’être en mesure d’aider les malades à s’orienter « vers un dispositif susceptible d’apporter l’écoute et les soins requis par leur état de santé », explique l’association PSSM France. Créé fin juin, cette structure – regroupant l’Unafam, Santé mentale France et l’organisme de formation INFIPP – dispensera, à partir de 2019, des formations à ce programme enseigné dans une vingtaine de pays dans le monde.
Ainsi, dans quelques mois ou années, votre employeur vous proposera peut-être, aux côtés de la formation de secouriste du travail, une formation aux PSSM… Comme la première, elle devrait durer deux jours et s’articuler autour de plusieurs troubles : l’anxiété, la dépression, la psychose, les addictions, la crise panique et les situations de violence.


« Un savoir être très simple »
« Il ne s’agit pas d’apporter du soin mais une aide », souligne Béatrice Borrel, trésorière de PSSM France. « L’objectif est de développer un savoir être très simple, une écoute, une attention bienveillante… L’idée c’est : comment aborder ces personnes sans être envahis par nos propres peurs et nos représentations de la maladie mentale », précise Rémi Forger. Infirmier au Mans, il fait partie des seize « instructeurs » formés pendant cinq jours à Lyon, du 9 au 13 juillet. Ceux-ci formeront à leur tour les premiers formateurs aux PSSM qui enseigneront à leur tour ce savoir auprès des publics « pilotes », en particulier les étudiants en santé, comme le souhaite la ministre de la Santé mais aussi des travailleurs sociaux, des DRH, des policiers… dans des régions pilotes. Le démarrage est soutenu financièrement par la Direction générale de la santé, Santé Publique France et la Fondation de France. Mais le déploiement du programme auprès d’un public plus large dépendra de la sensibilité et des moyens financiers que chaque structure (entreprise, collectivité…) sera prête à investir dans cette formation.


Diminuer le taux de suicide
Le programme PSSM est l’occasion « d’inverser » le premier mouvement de recul face au malade psychique, « de changer le regard et de permettre un accès aux soins », souligne Roselyne Touroude, également futur instructeur. Car contrairement aux premiers secours physiques, « on n’est pas dans le ponctuel. On va traiter une crise mais pas seulement. On est beaucoup dans une logique de compréhension : repérer les premiers signes, travailler sur la prise de conscience avec la personne et lui donner de l’information », explique Béatrice Borrel. Outre la « déstigmatisation » de la maladie mentale, l’enjeu est d’arriver à une prise en charge plus précoce des patients. Et peut-être de diminuer le taux de suicide car, avec 25 morts par jour – contre 9 tués par accident de la route –, la France affiche l’un des taux européens les plus mauvais (17e sur 28 en 2014).
L’efficacité du programme a été mesurée par plusieurs études internationales. Elles ont montré que les formations aux PSSM augmentaient les connaissances sur la santé mentale ainsi que les comportements d’aide et réduisaient les attitudes négatives envers les personnes malades.

Sylvie MONTARON