Suicide: Ne passez pas sous le radar
On parle rarement du décès par suicide d'un client dans la pratique des professionnels de la santé, mais c'est une réalité malheureuse qui existe.
                        Il faut encourager la prise de parole. Que ce 
soit pour verbaliser sa souffrance ou pour venir en aide à un proche.
                    
                                                                        
            
                            Chaque année, lors de la semaine de la 
prévention du suicide, j'ai une pensée pour ces gens de passage dans ma 
vie, qui en raison d'une immense souffrance, ont fait le choix de 
commettre un geste irréversible et de mettre fin à leur trop jeune 
existence.
                                
                                                                        
    
     
                
     
                
     
                
     
                
http://quebec.huffingtonpost.ca/myriam-lefebvre-1/suicide-ne-passez-pas-sous-le-radar_a_23352214/
                                
                                    
Évidemment,
 je pense à Pierre-Olivier. Un gars avec qui j'allais au secondaire qui 
s'est enlevé la vie à 14 ans. Le moment où le mot suicide est entré 
précocement dans mon vocabulaire de jeune adolescente. Je repense à cet 
instant où, en sanglots, sa mère m'a prise dans ses bras au salon 
funéraire et m'a fait prendre conscience de tout le drame derrière le 
geste. Je me souviens encore, quelques jours auparavant tu m'avais dit 
que tu aimais mon nouveau look. Tu étais bien le seul à apprécier mes 
croix dessinées au crayon noir sur le côté de mes yeux qui me donnaient 
une allure Emo !
Je
 pense aussi à Maryse. Une collègue d'un ancien travail qui s'est enlevé
 la vie pendant qu'elle était partie en congé maladie. Elle était ma 
colocataire de bureau ou plutôt de notre placard à balais. On se 
marchait sur les pieds et je rêvais qu'un bureau se libère sur l'étage.
À la suite de son décès, je suis restée seule avec ses souliers qui l'attendaient à côté de sa chaise et les photos de ses enfants accrochées sur nos murs.
Notre placard est devenu soudainement si grand et vide.
Je
 pense à des amis; Sophie, J-F, qui ont posé ce geste totalement 
inattendu, mais qui après avoir fouillé de fond en comble leur profil 
Facebook, avaient laissé quelques messages et signaux de détresse. Des 
commentaires étranges qui subitement prenaient une tout autre 
signification.
Puis
 dans les derniers mois, il y a eu ce client au travail. Celui, qui dans
 le jargon, est passé sous le radar. Celui qui à peine quelques jours 
après avoir accepté les services de mon équipe, a mis fin à ses jours. 
Celui qui nous a laissé un petit mot... Parce qu'il le savait bien que 
c'est nous qui le retrouverions chez lui.
On
 parle rarement du décès par suicide d'un client dans la pratique des 
professionnels de la santé, mais c'est une réalité malheureuse qui 
existe. Lorsqu'on travaille avec l'être humain, on doit apprendre à 
tolérer l'incertitude, l'ambiguïté. On doit jongler avec une science qui
 est inexacte et avec des gens différents qui évidemment ont des 
émotions, des réactions et des comportements distincts. On se doit 
d'être particulièrement empathique et attentif à l'autre.
Confronté à un certain deuil de la toute-puissance thérapeutique, on apprend rapidement que ça prend beaucoup d'humilité pour bien faire ce travail.
Le
 décès par suicide d'un client, ça ébranle un peu les convictions et les
 illusions. Cela nous ramène à un sentiment d'impuissance et à la 
violence de l'expérience de la maladie mentale.
J'ai
 repassé l'entrevue que j'ai faite avec cette personne des dizaines et 
des dizaines de fois dans ma tête. Est-ce que j'ai dit les bons mots au 
bon moment? Est-ce qu'il y avait des signes? Qu'est-ce que je n'ai pas 
vu? Est-ce que j'aurais dû faire l'entrevue dans un lieu différent? 
Est-ce que j'ai abordé trop rapidement ses antécédents? Je ne sais pas. 
Par contre, ce que je sais, c'est qu'à ce moment précis, il n'a rien 
mentionné de sa souffrance. C'est qu'à aucun moment, je n'ai pu 
percevoir qu'il avait l'intention de passer à l'acte.
Si cela avait été le cas, on aurait pu l'aider différemment.
Mon
 équipe et moi, on aurait pu mettre en place les interventions 
nécessaires pour lui assurer un filet de sécurité, pour susciter 
l'espoir, pour faire grandir la partie de lui qui veut vivre et pour 
essayer d'apaiser ses émotions douloureuses, mais qui sont temporaires.
Cette
 année, le thème de la campagne lancée par l'Association québécoise de 
prévention du suicide est : « Parler du suicide sauve des vies. » Parce 
qu'effectivement, il faut encourager la prise de parole. Que ce soit 
pour verbaliser sa souffrance ou pour venir en aide à un proche.
Évidemment,
 je sais que l'accessibilité aux soins de santé et de services sociaux 
n'est pas optimale et que le processus est périlleux. Les listes 
d'attente sont interminables à bien des endroits et il est facile de se 
perdre dans le système.
Par contre, il existe des services de crise, des lignes d'écoute, des urgences remplies de professionnels qui savent entendre les cris du cœur.
C'est un 
privilège de pouvoir accompagner une personne en détresse, de l'aider à 
réaliser qu'elle était sur le point de commettre un geste irréversible 
et de la soutenir dans la réflexion qui lui permettra de retrouver un 
sens à sa vie. Malgré la difficulté et le courage que cela demande, 
permettez à un professionnel ou à un proche de faire partie du 
dénouement. Demandez de l'aide et parlez. Ensemble, on peut trouver des 
solutions.
Bonne semaine de la prévention du suicide !
Besoin d'aide pour vous ou un proche ?
Communiquez avec votre centre de prévention du suicide ou avec les intervenants de la Ligne québécoise de prévention du suicide : 1-866-APPELLE (277-3553).
http://quebec.huffingtonpost.ca/myriam-lefebvre-1/suicide-ne-passez-pas-sous-le-radar_a_23352214/
 
