samedi 24 février 2018

PRESENTATION dispositif ressources pour les avocats de Paris

Qui connaît le service des affaires sociales de l’ordre de Paris ?
Avocats
Le 20 février 2018
Gazette du Palais *  > Actualités professionnelles >

Qui connaît le service des affaires sociales de l’ordre de Paris ?
Au bout de la salle des pas perdus du palais de justice, escalier L1, 2e étage, se situe le service social de l’ordre des avocats. Il assiste les 28 000 avocats parisiens dans leurs démarches sociales et leur apporte un soutien en cas de coup dur. Rencontre.

C’est inscrit à l’article 17-6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 : le conseil de l’ordre a notamment pour mission « d’administrer et d’utiliser ses ressources pour assurer les secours (…) à ses membres ou anciens membres ». À ce titre, l’ordre de Paris met à la disposition de ses 28 000 membres un service social. Il est sans doute le plus utile et le plus méconnu des services proposés par l’ordre. Ses multiples dénominations, au rythme des changements de bâtonniers, ne sont sans doute pas étrangères à la situation. C’est ainsi qu’il s’est appelé « commission sociale », puis « entraide et finance », ou bien encore « affaires économiques et sociales ». Depuis le 1er janvier 2018, il se baptise « service des affaires sociales ». Il est dirigé par Basile Yakovlev qui en a pris la tête en 2006 à la fin de son mandat au conseil de l’ordre.
En pratique, le service des affaires sociales a deux grandes activités. La première est prise en charge directement par Basile Yakovlev. Elle consiste en une veille de la santé économique et financière des avocats parisiens. « Mon rôle est social et confidentiel. Il consiste à partir de différents indicateurs, par exemple le non-paiement des cotisations sociales, à être en veille permanente pour détecter d’éventuels confrères en difficultés, confie Basile Yakovlev. Dans ce cas, j’adresse un courrier à l’avocat concerné pour lui demander de venir me rencontrer ». Il ne reçoit pas toujours de réponse. C’est regrettable car il a le pouvoir d’éviter qu’une situation ne dégénère si on le sollicite assez tôt. Un avocat ne peut pas avoir de dettes, par conséquent celui qui ne paie pas ses cotisations encourt dans les cas les plus graves une interdiction d’exercice. « Si j’ai été informé que l’intéressé est confronté à un accident de vie, par exemple une maladie ou un problème familial, je peux intervenir en amont pour solliciter une exonération de cotisations, ou bien au stade du passage au conseil de l’ordre pour fournir des explications sur sa situation », poursuit Basile Yakovlev. Il dispose aussi, et c’est peu connu, d’une enveloppe de secours de 100 00 € qui lui permet d’allouer en urgence une somme maximale de 3 000 € à un avocat en difficultés. « Cela peut servir à payer un loyer en retard, voire à acheter de la nourriture car il arrive que certains confrères en raison d’un accident de la vie se retrouvent dans le plus grand dénuement », souligne-t-il.

Assistance psychologique, maternité, maladie.
Outre cette veille, cela fait 42 ans que le barreau de Paris dispose d’une assistante sociale. C’est la deuxième grande activité du service des affaires sociales. À l’époque de sa création, les avocats parisiens n’étaient que 6 000, aujourd’hui ils sont quatre fois plus nombreux, et l’assistante sociale, Véronique Porte, est toujours seule. Autant dire qu’elle a du travail. D’ailleurs, elle ne répond plus au téléphone ; au rythme de 30 à 40 appels par jour, elle ne ferait que cela. Il faut lui écrire par mail ; elle rappelle immédiatement en cas d’urgence ou si une personne précise qu’elle va mal. Jusqu’à récemment, le service comptait deux assistantes sociales et une secrétaire. Mais la secrétaire, qui abattait un énorme travail à la fois de réponse aux demandes les plus classiques et de promotion du service social de l’ordre, a été déplacée dans un autre département de l’ordre. L’une des deux assistantes sociales s’est mise en arrêt maladie. C’est ainsi que Véronique Porte s’est retrouvée seule à tenir son service à bout de bras. Elle n’est pas avocate, il s’agit d’une véritable assistante sociale formée à cet effet. La première chose qu’elle met en avant quand on l’interroge sur sa mission, c’est le numéro bleu (0800 242 240) mis en place en 2012-2013 sous le bâtonnat de Christiane Féral-Schuhl. Un service d’assistance téléphonique indépendant et anonyme, accessible 24h sur 24 qui permet de contacter des psychologues gratuitement. « Régulièrement, il est question de remettre en cause ce soutien aux avocats car la fréquence des appels est insuffisante par rapport au coût annuel, confie-t-elle. Mais il n’est pas dans une logique productiviste ; s’il a permis de sauver un ou deux avocats, c’est déjà énorme ! Une fois, ils ont envoyé une ambulance chez l’avocat qui les appelait car il fallait intervenir immédiatement, la personne était en danger pour elle-même ». Le problème de ce numéro bleu est qu’il touche à un tabou : la santé psychologique des avocats. La profession ne s’autorise pas à montrer ses faiblesses, ce qui complique la communication autour de ce numéro.


La moitié de l’activité concerne les maternités


Si l’assistante sociale a le sentiment que les burn-out augmentent chez les avocats, la moitié de son activité concerne des événements plus heureux : les maternités. « Les avocates se posent beaucoup de questions et je les comprends, le régime est compliqué, surtout si une pathologie survient » analyse-t-elle. Quand certains contestent le caractère social de la maternité, elle s’agace. « Bien sûr que c’est social. Il s’agit de l’arrivée d’un enfant, de la conciliation entre la vie professionnelle et personnelle. C’est aussi l’occasion pour le service social de faire connaître son existence dans les cabinets car généralement les avocates qui ont eu recours à nos services sont nos meilleures ambassadrices ». Toujours cette même frustration que le service ne soit pas suffisamment connu au sein de la profession… Il y a de quoi : les avocats sont très mal renseignés, notamment sur l’étendue de leur protection sociale. Par exemple, ils ignorent souvent qu’ils ont droit à des indemnités s’ils sont en arrêt maladie, via la prévoyance du barreau de Paris AON. « Il y a des cas extrêmes d’avocats qui sont tombés malades et qui n’ont pas ouvert leur courrier durant des mois. Ils n’ont pas fait valoir leurs droits. Il me faut parfois 2 semaines de travail pour tout régulariser », commente Véronique Porte.

Le service traite environ 5 000 situations par an et dénombre 1 200 dossiers en cours. Une situation peut consister en une simple question par mail sur des droits. L’assistante montre un florilège de demandes anonymisées pour illustrer la variété des situations qu’elle rencontre. Un élève-avocat l’interroge sur sa couverture sociale entre le moment où il quitte l’école et celui où il prête serment « Dans l’intervalle, je n’exerce pas d’activité salariée et je ne bénéficie plus de la sécurité sociale étudiante », explique-t-il. Un autre avocat entend prendre sa retraite et voudrait savoir ce que ça va lui coûter en termes de cotisations. Un troisième est sur le point de se faire hospitaliser pour 1 mois. Plusieurs évoquent la perte de leur contrat de collaboration et appellent à l’aide.

Une vie rude.
Les avocats ne vont pas tous forcément aussi bien qu’ils veulent le laisser paraître, mais le service social refuse de s’étendre sur le sujet, confidentialité oblige. Il ne donne ni chiffre, ni statistique. Tout au plus attrape-t-on une confidence au vol. « Les avocats ont de plus en plus de difficultés à obtenir le règlement de leurs honoraires, et la vie au palais est en train de disparaître, en tout cas elle n’a plus rien à voir avec celle que j’ai connue lorsque j’ai prêté serment, explique Basile Yakovlev avec un regret mêlé d’inquiétude. La vie des avocats est devenue très rude ». Une manière indirecte d’alerter sur la nécessité de muscler le service social de l’ordre sans trop écorner une profession qui s’attache à conserver une image idéale d’elle-même. Mais en filigrane, dans les silences, entre les phrases que l’on commence et qu’on ne termine pas, il apparaît évident que le tabou de la souffrance des avocats au travail devra bien un jour être levé. La bâtonnière, Marie-Aimée Peyron, a commencé à le faire en déclarant dans les médias qu’une partie du barreau de Paris gagnait moins que le SMIC. Mi-janvier, elle a accompli un pas supplémentaire en organisant à la Maison du Barreau la projection du film : « Sois juge et tais-toi » sur le suicide des magistrats, qui a été suivi d’un débat sur la souffrance au travail des juges mais aussi des avocats et des greffiers. Basile Yakovlev confie à la fin de l’entretien. « Vous connaissez la série Engrenages ? Ils sont venus se renseigner sur le service social, et souhaiteraient tourner une scène dans nos bureaux », raconte-t-il. Si le projet se confirme, ce sera pour le service social de l’ordre une formidable opportunité d’attirer l’attention des avocats parisiens sur l’existence de personnes prêtes à leur porter secours. Il suffit d’aller au bout de la salle des pas perdus, d’emprunter l’escalier L1 et de monter au 2e étage.

Olivia Dufour


* https://www.gazette-du-palais.fr/actualites-professionnelles/qui-connait-le-service-des-affaires-sociales-de-lordre-de-paris/

Présentation service http://www.avocatparis.org/service-des-affaires-sociales