LE CERCLE/POINT DE VUE - La dépression peut être soignée dans de bonnes conditions si elle est détectée à temps.
Chaque année, la dépression tue 6.000 personnes,  le double des tués sur la route :
  on estime, en effet, qu'elle est la cause des deux tiers des suicides.
 Sans aller jusqu'à une issue aussi dramatique, la maladie touche 20 % 
de la population au cours de sa vie. Or c'est une maladie qui peut être 
soignée dans de bonnes conditions si elle est détectée à temps. Les 
entreprises et la médecine du travail ont donc un rôle décisif à jouer 
pour la combattre, comme elles l'ont fait dans le passé pour prévenir 
les maladies cardio-vasculaires ou les troubles musculo-squelettiques.
Au
 sein de CIC Est, filiale du groupe Crédit Mutuel CM11, le dialogue 
social et le soutien unanime des organisations syndicales ont permis de 
mettre en place une action concrète et efficace en ce domaine, qui est 
en train d'être reprise par le Crédit Mutuel Nord Europe. Quatre ans 
après son lancement, sa généralisation à tout le groupe Crédit Mutuel 
CM11 est envisagée.
Travailler sur la sensibilisation
Cette
 action repose d'abord sur une sensibilisation des équipes de direction 
et des représentants syndicaux pour expliquer la maladie, montrer 
comment la dépression s'exprime dans un contexte professionnel et 
détailler les modalités de sa prise en charge. Cette étape est 
fondamentale pour sortir des débats aussi passionnés que conflictuels 
sur les conditions de travail,  le burn-out  ou le harcèlement : l'enjeu commun est de contribuer à la santé des salariés, sans a priori.
Entendons-nous
 bien : ce choix de la santé au travail ne signifie pas que les autres 
débats sont occultés. Simplement, chacun d'entre eux doit être replacé 
dans un cadre dans lequel il peut être traité.
La
 dépression relève d'un cadre médical : il appartient à la médecine du 
travail de participer à une meilleure prise en charge des salariés 
souffrant de dépression. Le harcèlement doit faire l'objet d'une lutte 
déterminée, dans un cadre disciplinaire et pénal : chaque signalement 
donne lieu à enquête commune d'un représentant de l'entreprise et d'un 
représentant du personnel, dans le respect des droits de chaque personne
 concernée.
Enfin, les conditions de 
travail se traitent dans un cadre social : le débat sur la stratégie de 
l'entreprise et ses conséquences doit être mené au sein des instances 
représentatives du personnel, dans le souci du bien-être au travail 
comme de la réussite de l'entreprise. Vouloir confondre les trois 
sujets, c'est se condamner à l'impuissance et négliger le sort des 
individus concernés.
Détection systématique
Pour
 ce qui concerne la prévention de la dépression, une fois passée la 
phase de sensibilisation, une détection systématique est mise en place :
 il est proposé à chaque salarié, qui reste libre de son choix, de 
remplir un questionnaire d'évaluation de la symptomatologie dépressive, 
fondé sur l'humeur des sept derniers jours.
Ce
 questionnaire est géré sur un serveur extérieur à l'entreprise et le 
résultat n'est évidemment pas archivé. S'il fait apparaître une 
présomption de dépression, le médecin du travail ou le généraliste 
approfondit le diagnostic et peut orienter le salarié vers un médecin 
psychiatre.
Tout ce processus se déroule dans le strict respect du secret médical.
Tout
 ce processus se déroule dans le strict respect du secret médical. Mais,
 chaque année, au CIC Est, le médecin du travail vient rendre compte de 
son action au comité d'entreprise, occasion pour lui de partager ses 
conclusions sur la situation sanitaire dans l'entreprise. Le suivi de la
 dépression fait désormais partie de son rapport et ceci permet aux 
partenaires sociaux de débattre sur des faits précis et d'agir 
efficacement, dans le souci du bien-être et de la santé des salariés, 
sans posture idéologique.
Quatre ans après 
son lancement, nous pouvons aujourd'hui affirmer que cette action de 
prévention de la dépression dans l'entreprise est positive et efficace. 
Et nous avons la conviction qu'elle mériterait d'être étendue à d'autres
 entreprises...
Patrick Aubert est secrétaire du comité d'entreprise de CIC Est, Nicolas Théry est président du Crédit Mutuel et Marc Willard, psychiatre, est auteur de « La Dépression au travail ».
Patrick Aubert, Nicolas Théry et Marc Willard
En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/0301260499706-prevenir-la-depression-cest-possible-2152335.php#MHw6mcHoX5ygvFIz.99
 
