mardi 22 octobre 2019

OUVRAGE Le suicide. Regards croisés, François-Xavier Putallaz et Bernard Schumacher (dir.), Cerf, 2019,

Le suicide. Regards croisés, François-Xavier Putallaz et Bernard Schumacher (dir.), Cerf, 2019, 570 p., 25 €.
scienceshumaines Nicolas Journet Novembre 2019
  Bien que soucieux de participer aux débats contemporains sur le « droit à mourir », les directeurs de ce volume ont pris un large recul pour réunir ces vingt-deux contributions sur la question du suicide. Leurs auteurs sont philosophes, historiens, juristes, psychologues et théologiens : cela donne un recueil de points de vue variés, mais largement dominés par la réflexion sur l’acceptabilité éthique du suicide, plutôt que sur ses causes et raisons. Violemment condamnée par les Pères de l’Église et longtemps punie par la justice laïque, la possibilité de se donner la mort a néanmoins été soutenue par les philosophes stoïciens, par certains penseurs des Lumières, par Friedrich Nietzsche et par des libéraux anglo-saxons. Il est clair, comme le montre la partie historique de ce livre, que sa criminalisation a évolué au fil du changement des idées, des esthétiques et des lois. Ainsi, la Révolution française abolit-elle les vexations auparavant infligées au corps et à la famille des suicidés, mais maintient la condamnation morale : se donner la mort, n’est-ce pas se soustraire à ses devoirs envers la nation ? La tradition éthique anglo-saxonne, souvent plus individualiste, maintient contre le suicide les devoirs envers soi-même. L’Allemagne, elle, a oscillé entre la raison kantienne qui le condamne, le romantisme qui l’esthétise, ou encore un Nietzsche qui y voit un geste naturel pour qui n’a plus le goût de vivre. Cependant, au 19e siècle, la psychiatrie s’en mêle, et stigmatise le suicide comme la conséquence d’une pathologie mentale. Cette thèse continue de faire l’objet de recherches en neuropsychologie. Aujourd’hui, le droit à mourir est une revendication de principe qui fait débat en France à propos de l’euthanasie assistée : active ou passive, cette dernière met en cause la responsabilité d’un tiers, et interpelle la profession médicale. Jusqu’à présent, seule l’euthanasie passive a pu être ouvertement assumée, mais la demande pour un droit plus large ne cesse de croître