scienceshumaines Nicolas Journet Novembre 2019
 Bien
 que soucieux de participer aux débats contemporains sur le « droit à 
mourir », les directeurs de ce volume ont pris un large recul pour 
réunir ces vingt-deux contributions sur la question du suicide. Leurs 
auteurs sont philosophes, historiens, juristes, psychologues et 
théologiens : cela donne un recueil de points de vue variés, mais 
largement dominés par la réflexion sur l’acceptabilité éthique du 
suicide, plutôt que sur ses causes et raisons. Violemment condamnée par 
les Pères de l’Église et longtemps punie par la justice laïque, la 
possibilité de se donner la mort a néanmoins été soutenue par les 
philosophes stoïciens, par certains penseurs des Lumières, par Friedrich
 Nietzsche et par des libéraux anglo-saxons. Il est clair, comme le 
montre la partie historique de ce livre, que sa criminalisation a évolué
 au fil du changement des idées, des esthétiques et des lois. Ainsi, la 
Révolution française abolit-elle les vexations auparavant infligées au 
corps et à la famille des suicidés, mais maintient la condamnation 
morale : se donner la mort, n’est-ce pas se soustraire à ses devoirs 
envers la nation ? La tradition éthique anglo-saxonne, souvent plus 
individualiste, maintient contre le suicide les devoirs envers soi-même.
 L’Allemagne, elle, a oscillé entre la raison kantienne qui le condamne,
 le romantisme qui l’esthétise, ou encore un Nietzsche qui y voit un 
geste naturel pour qui n’a plus le goût de vivre. Cependant, au 19e siècle,
 la psychiatrie s’en mêle, et stigmatise le suicide comme la conséquence
 d’une pathologie mentale. Cette thèse continue de faire l’objet de 
recherches en neuropsychologie. Aujourd’hui, le droit à mourir est une 
revendication de principe qui fait débat en France à propos de 
l’euthanasie assistée : active ou passive, cette dernière met en cause 
la responsabilité d’un tiers, et interpelle la profession médicale. 
Jusqu’à présent, seule l’euthanasie passive a pu être ouvertement 
assumée, mais la demande pour un droit plus large ne cesse de croître
Bien
 que soucieux de participer aux débats contemporains sur le « droit à 
mourir », les directeurs de ce volume ont pris un large recul pour 
réunir ces vingt-deux contributions sur la question du suicide. Leurs 
auteurs sont philosophes, historiens, juristes, psychologues et 
théologiens : cela donne un recueil de points de vue variés, mais 
largement dominés par la réflexion sur l’acceptabilité éthique du 
suicide, plutôt que sur ses causes et raisons. Violemment condamnée par 
les Pères de l’Église et longtemps punie par la justice laïque, la 
possibilité de se donner la mort a néanmoins été soutenue par les 
philosophes stoïciens, par certains penseurs des Lumières, par Friedrich
 Nietzsche et par des libéraux anglo-saxons. Il est clair, comme le 
montre la partie historique de ce livre, que sa criminalisation a évolué
 au fil du changement des idées, des esthétiques et des lois. Ainsi, la 
Révolution française abolit-elle les vexations auparavant infligées au 
corps et à la famille des suicidés, mais maintient la condamnation 
morale : se donner la mort, n’est-ce pas se soustraire à ses devoirs 
envers la nation ? La tradition éthique anglo-saxonne, souvent plus 
individualiste, maintient contre le suicide les devoirs envers soi-même.
 L’Allemagne, elle, a oscillé entre la raison kantienne qui le condamne,
 le romantisme qui l’esthétise, ou encore un Nietzsche qui y voit un 
geste naturel pour qui n’a plus le goût de vivre. Cependant, au 19e siècle,
 la psychiatrie s’en mêle, et stigmatise le suicide comme la conséquence
 d’une pathologie mentale. Cette thèse continue de faire l’objet de 
recherches en neuropsychologie. Aujourd’hui, le droit à mourir est une 
revendication de principe qui fait débat en France à propos de 
l’euthanasie assistée : active ou passive, cette dernière met en cause 
la responsabilité d’un tiers, et interpelle la profession médicale. 
Jusqu’à présent, seule l’euthanasie passive a pu être ouvertement 
assumée, mais la demande pour un droit plus large ne cesse de croître 
