Aude Lecrubier 10 octobre 2019
https://francais.medscape.com*
Paris, France—A l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, la Fondation FondaMental* a présenté trois projets d’e-santé en psychiatrie en cours d’évaluation par son réseau de chercheurs et de médecins.
Deux d’entre eux, baptisés E-compared et ImpleMent-All, s’intéressent à la thérapie cognitivo-comportementale par internet (i-TCC) dans la dépression et le troisième, l’application smartphone « Emma » à la prévention du suicide.
« L’objectif est d’utiliser des outils innovants dans une logique de plus grande accessibilité aux soins psychothérapeutiques », a souligné le le Pr Pierre-Michel Llorca, Directeur des soins de FondaMental, CHU Clermont-Ferrand) lors de sa présentation à la presse [1].
TCC par internet dans la dépression : deux essais européens
« Les TCC possèdent une efficacité démontrée tant dans le traitement de la phase aiguë de la dépression que dans la prévention des rechutes et des récurrences. Dans les recommandations canadiennes (CANMAT 2016), le niveau de preuve est considéré comme le plus élevé », a précisé le Pr Llorca. Toutefois, aujourd’hui le manque d’accessibilité à la TCC est un frein à son développement.
D’où l’idée de développer une TCC par internet pour
renforcer l’accès à ce type de thérapie. Les avantages attendus de la
i-TCC, outre son côté ludique et interactif, sont la réduction
du « temps de psychothérapeute », la réduction de l’impact de la
distance géographique, l’accès à un support pédagogique à domicile et
son moindre coût. Toutefois, plusieurs inconvénients peuvent y être
associés : le niveau de connaissance « technologique » variable des
patients, la perte de la relation directe avec le thérapeute ou les
limites liées à la qualité du contenu.
Considérant les limites de l’i-TCC, les chercheurs ont décider de mener un essai évaluant l’intérêt d’une thérapie mixte, alliant TCC internet et TCC face/face plutôt que l’outil numérique seul.
L’essai clinique européen E-Compared a comparé la TCC mixte combinant i-TCC et TCC en face/face aux soins usuels de TCC chez environ 1200 patients dépressifs provenant de 8 pays sur deux critères : la non-infériorité par rapport à la TCC classique et le rapport coût-efficacité.
Dans E-Compared, la thérapie mixte a consisté en 8 sessions face à face + de l’i-TCC. Les soins usuels ont consisté en 16 sessions de TCC.
En tout, 105 patients ont été recrutés dans les centres
experts français de FondaMental. L’âge moyen des participants français
était de 45 ans (SD 13,51), 65 % étaient des femmes, le PHQ-9 à
l’inclusion était de 16,2 (SD 4,6), une comorbidité anxieuse était
présente dans 53 % des cas et 72 % des patients recevaient un traitement
antidépresseur à l’entrée dans l’étude.
Deux d’entre eux, baptisés E-compared et ImpleMent-All, s’intéressent à la thérapie cognitivo-comportementale par internet (i-TCC) dans la dépression et le troisième, l’application smartphone « Emma » à la prévention du suicide.
« L’objectif est d’utiliser des outils innovants dans une logique de plus grande accessibilité aux soins psychothérapeutiques », a souligné le le Pr Pierre-Michel Llorca, Directeur des soins de FondaMental, CHU Clermont-Ferrand) lors de sa présentation à la presse [1].
TCC par internet dans la dépression : deux essais européens
« Les TCC possèdent une efficacité démontrée tant dans le traitement de la phase aiguë de la dépression que dans la prévention des rechutes et des récurrences. Dans les recommandations canadiennes (CANMAT 2016), le niveau de preuve est considéré comme le plus élevé », a précisé le Pr Llorca. Toutefois, aujourd’hui le manque d’accessibilité à la TCC est un frein à son développement.
Considérant les limites de l’i-TCC, les chercheurs ont décider de mener un essai évaluant l’intérêt d’une thérapie mixte, alliant TCC internet et TCC face/face plutôt que l’outil numérique seul.
L’essai clinique européen E-Compared a comparé la TCC mixte combinant i-TCC et TCC en face/face aux soins usuels de TCC chez environ 1200 patients dépressifs provenant de 8 pays sur deux critères : la non-infériorité par rapport à la TCC classique et le rapport coût-efficacité.
Dans E-Compared, la thérapie mixte a consisté en 8 sessions face à face + de l’i-TCC. Les soins usuels ont consisté en 16 sessions de TCC.
L’outil numérique de TCC Moodbuster
L’outil d’i-TCC qui a été utilisé est une plateforme nommée Moodbuster qui se compose d’un portail web pour les patients et les thérapeutes et d’une application mobile. Elle comporte 6 modules en ligne destinés à expliquer la dépression, à apprendre à avoir une pensée plus positive (restructuration cognitive), à planifier des activités structurellement agréables, à résoudre des problèmes associés à la morosité et à faire plus d’activité physique. Des textes et des vidéos guident l’utilisateur à travers chaque module, dans lesquels il est appelé à faire des exercices.
« L’analyse finale des données devrait être disponible au premier trimestre 2020 », a précisé le Pr Llorca à Medscape édition française.L’outil d’i-TCC qui a été utilisé est une plateforme nommée Moodbuster qui se compose d’un portail web pour les patients et les thérapeutes et d’une application mobile. Elle comporte 6 modules en ligne destinés à expliquer la dépression, à apprendre à avoir une pensée plus positive (restructuration cognitive), à planifier des activités structurellement agréables, à résoudre des problèmes associés à la morosité et à faire plus d’activité physique. Des textes et des vidéos guident l’utilisateur à travers chaque module, dans lesquels il est appelé à faire des exercices.
« L’intérêt
pour nous est de montrer que la TCC mixte est une stratégie qui peut se
déployer, ne venant pas à la place des psychothérapeutes mais
permettant de renforcer la possibilité d’accès à la psychothérapie pour
le plus grand nombre de patients », conclut l’expert.
En parallèle de l’essai E-Compared, un autre projet européen, ImpleMent-All, est en cours pour évaluer de quelle façon l’outil numérique Moodbuster est utilisé et apprécié par les patients et les thérapeutes. Son objectif est d’évaluer l’efficacité d’une mise en œuvre personnalisée (grâce à une boite à outil générique) par rapport à une mise en œuvre classique de l’i-TCC dans les soins courants.
D’où le projet de développer un compagnon numérique d’évaluation, de prédiction et d’intervention dans la gestion du risque suicidaire. L’application Emma a été développée dans le cadre de la Fondation FondaMental grâce au soutien de mécènes (SNCF, groupe Dassault, cliniques privées…) et en lien avec des patients. Elle est en cours d’évaluation et non encore disponible hors du champ de la recherche.
« La crise suicidaire apparait très rapidement, dure quelques heures. L’objectif est de disposer d’un assistant psychiatre/psychologue dans le smartphone pour repérer les fluctuations d’humeur, les idées de suicide, la tension émotionnelle, le désespoir, l’anxiété lorsque le sujet est en vie quotidienne et en temps réel de façon à être plus efficace que lors de consultations espacées et rétrospectives », a expliqué le Pr Courtet.
En pratique, l’application propose un premier module contenant : un journal de bord, des questionnaires d’auto-évaluation, des accès à un réseau social (appel, sms), et aux réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram…).
Le deuxième module est un module d’intervention. Son objectif est de proposer un plan de sécurité personnalisé pour aider à trouver des solutions apaisant la crise suicidaire (encouragement à développer des réseaux de soutien social, modules de gestion des émotions, modules de gestion des traitements/consultations, numéro d’urgence 24/24). Lorsque les données renseignées dans l’application jugent le risque suicidaire important, un écran apparait avec les options : « appeler mes proches », « appeler un service d’urgences », « appeler le SAMU ».
Enfin,
dans un troisième module, l’idée, ambitieuse, est de récupérer les
données de monitoring du module d’évaluation pour proposer un algorithme
prédictif. « A l’heure actuelle, il est impossible de prévoir la
survenue d’un geste suicidaire chez un patient donné », a rappelé le Pr
Cortet.
Les premiers retours sur 15 patients montrent que le taux de participation est élevé (88%). Toutefois, les questionnaires d’évaluation sont remplis de façon hétérogène (quotidiennement : 0-53 %, hebdomadaire : 25-87%). En revanche, point positif, lorsque les patients sont en crise suicidaire, ils renseignent l’application spontanément (de 1 à 39 fois).
Aussi, les patients ont beaucoup utilisé les modules d’intervention et notamment les modules d’appel (2 à 75 fois) mais aussi les espaces de respiration et de régulation émotionnelle (accès aux photos personnelles, musique…).
En termes de ressenti, une étude qualitative suggère que le compagnon numérique permet de rompre le sentiment de solitude. « Or, la solitude, l’isolement sont une dimension clé dans le suicide », commente le psychiatre. Autre avantage, certains patients indiquent qu’ils ont plus de facilité à correspondre avec Emma qu’avec leur entourage « soit pour ne pas inquiéter l’entourage, soit par peur de la stigmatisation », précise-t-il.
« Nous avons l’impression que nous ne sommes pas seuls. Que l’application nous soutien », commente l’un des patients.
En parallèle de l’essai E-Compared, un autre projet européen, ImpleMent-All, est en cours pour évaluer de quelle façon l’outil numérique Moodbuster est utilisé et apprécié par les patients et les thérapeutes. Son objectif est d’évaluer l’efficacité d’une mise en œuvre personnalisée (grâce à une boite à outil générique) par rapport à une mise en œuvre classique de l’i-TCC dans les soins courants.
Emma : 1ère évaluation clinique d’une application de prévention du suicide
« Il y a un mort par suicide toutes les 40 secondes dans le monde. Or, depuis 2014, l’OMS recommande l’utilisation des portables pour la prévention du suicide, a indiqué le Pr Philippe Courtet (CHU et Université de Montpellier, Inserm, Titulaire de la chaire FondaMental de prévention du suicide) en préambule de sa présentation de l’application mobile « Emma » de prévention du suicide.D’où le projet de développer un compagnon numérique d’évaluation, de prédiction et d’intervention dans la gestion du risque suicidaire. L’application Emma a été développée dans le cadre de la Fondation FondaMental grâce au soutien de mécènes (SNCF, groupe Dassault, cliniques privées…) et en lien avec des patients. Elle est en cours d’évaluation et non encore disponible hors du champ de la recherche.
« La crise suicidaire apparait très rapidement, dure quelques heures. L’objectif est de disposer d’un assistant psychiatre/psychologue dans le smartphone pour repérer les fluctuations d’humeur, les idées de suicide, la tension émotionnelle, le désespoir, l’anxiété lorsque le sujet est en vie quotidienne et en temps réel de façon à être plus efficace que lors de consultations espacées et rétrospectives », a expliqué le Pr Courtet.
En pratique, l’application propose un premier module contenant : un journal de bord, des questionnaires d’auto-évaluation, des accès à un réseau social (appel, sms), et aux réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram…).
Le deuxième module est un module d’intervention. Son objectif est de proposer un plan de sécurité personnalisé pour aider à trouver des solutions apaisant la crise suicidaire (encouragement à développer des réseaux de soutien social, modules de gestion des émotions, modules de gestion des traitements/consultations, numéro d’urgence 24/24). Lorsque les données renseignées dans l’application jugent le risque suicidaire important, un écran apparait avec les options : « appeler mes proches », « appeler un service d’urgences », « appeler le SAMU ».
Premiers retours
Une étude pilote multicentrique (Montpellier, Lille, Brest et Créteil) est en cours pour évaluer l’application Emma. Il est prévu qu’elle enrôle 100 patients à haut risque suicidaire (déjà 91 inclusions). Les patients utiliseront l’application pendant 6 mois en parallèle de leurs consultations classiques. Les données recueillies avec l’application et lors des soins usuels seront ensuite mises en parallèle.Les premiers retours sur 15 patients montrent que le taux de participation est élevé (88%). Toutefois, les questionnaires d’évaluation sont remplis de façon hétérogène (quotidiennement : 0-53 %, hebdomadaire : 25-87%). En revanche, point positif, lorsque les patients sont en crise suicidaire, ils renseignent l’application spontanément (de 1 à 39 fois).
Application « Emma »
Aussi, les patients ont beaucoup utilisé les modules d’intervention et notamment les modules d’appel (2 à 75 fois) mais aussi les espaces de respiration et de régulation émotionnelle (accès aux photos personnelles, musique…).
En termes de ressenti, une étude qualitative suggère que le compagnon numérique permet de rompre le sentiment de solitude. « Or, la solitude, l’isolement sont une dimension clé dans le suicide », commente le psychiatre. Autre avantage, certains patients indiquent qu’ils ont plus de facilité à correspondre avec Emma qu’avec leur entourage « soit pour ne pas inquiéter l’entourage, soit par peur de la stigmatisation », précise-t-il.
*La fondation FondaMental est un réseau de coopération
scientifique pour l’innovation dans le soin et la recherche en
psychiatrie.
https://francais.medscape.com/voirarticle/3605336