jeudi 17 octobre 2019

AUTOUR DE LA QUESTION Petite histoire des maladies mentales dans la pop culture

Petite histoire des maladies mentales dans la pop culture
16/10/19 10h19 https://www.lesinrocks.com*
Par Naomi Clément

De Britney Spears à Kanye West en passant par “Black Swan”, le psychiatre Jean-Victor Blanc décrypte les troubles psychiques en s’appuyant sur des œuvres et des figures notoires de la pop culture. Un ouvrage qui contribue à éclaircir l’épais nuage de fumée qui entoure ces pathologies.
A l’instar de Selena Gomez, Kanye West, Demi Lovato ou encore Lady Gaga, les célébrités sont de plus en plus nombreuses à briser le tabou sur les troubles mentaux. Un phénomène qui s’est confirmé le 10 octobre lors de la 28ème Journée mondiale de la santé mentale qui, cette année, était centrée sur la prévention contre le suicide - soit la deuxième cause de décès dans le monde selon l'OMS, qui touche majoritairement les 15-29 ans.
Plusieurs personnalités publiques ont en effet choisi cet événement pour prendre la parole sur les réseaux sociaux, dans le but de faire la lumière sur la dépression, la bipolarité ou la schizophrénie. “On ne peut pas vaincre une maladie mentale, on apprend à vivre avec”, affirmait dans un post Instagram le rappeur australien Ziggy Ramo, tandis qu’Ed Sheeran, épaulé du Prince Harry, réalisait une vidéo encourageant l’écoute des malades.

C’est à l’occasion de cette journée que le psychiatre Jean-Victor Blanc a publié son premier livre : Pop & Psy – Comment la pop culture nous aide à comprendre les troubles psychiques (éd. Plon). Médecin psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, où il s’occupe des addictions de la génération millennials et des patients atteints de troubles bipolaires, ce féru de pop culture propose avec cet ouvrage une meilleure connaissance des principales maladies mentales, en utilisant des références bien connues du grand public.
“Se rase-t-on forcément la tête comme Britney lorsqu’on est bipolaire ? La schizophrénie ressemble-t-elle à un dédoublement de la personnalité façon Black Swan ? Qu’est-ce qu’une série comme 13 Reasons Why de Netflix peut dire de la santé mentale des adolescents ? Les artistes sont-ils condamnés à des destins tragiques à la Amy Winehouse ? En prenant des antidépresseurs, est-ce qu’on finit comme dans Requiem for a Dream ?”, s'y interroge-t-il.

De la bipolarité de Mariah Carey à la santé mentale des millenials dans “Virgin Suicides”

Pour répondre à ces questions, le médecin procède de deux façons : d’une part, il souligne le fait que les représentations des maladies mentales dans les œuvres artistiques (qu'elles soient cinématographiques, musicales ou autres) sont parfois erronées, et donc à prendre avec des pincettes ; de l’autre, il convoque le parcours de quelques-uns des plus grands artistes de notre époque, de Miloš Forman à Britney Spears en passant par Amy Winehouse et Kanye West, qui lui servent d’exemples concrets et pertinents pour décoder les origines, les symptômes, et les traitements de ces pathologies mal connues.
Il évoque tout d'abord le cas de Mariah Carey, qui révélait l'an passé en couverture du magazine américain People son combat contre la bipolarité. Il s’appuie également sur le film Aviator pour décrypter les TOC (troubles obsessionnels compulsifs), avec lesquels vivent d'ailleurs des stars comme Justin Timberlake et Cameron Diaz.
Il mentionne aussi Kate Moss, qui avait un beau jour déclaré que “rien n’est aussi bien que de se sentir maigre” (“nothing tastes as good as skinny feels”), analysant les troubles du comportement alimentaire que sont l’anorexie mentale et la boulimie nerveuse (qui toucheraient respectivement 1 % de la population générale, majoritairement de femmes). Sans oublier la dépression post-partum, mise en exergue par l'histoire de Jennifer Lopez, ou l’érotomanie (la “maladie d’amour”), traitée dans des films tels qu'Obsessed de Steve Shill (incarné par Beyoncé) ou L’Histoire d’Adèle H. de François Truffaut (avec Isabelle Adjani).

Mieux comprendre pour mieux lutter

Classé en treize chapitres et soutenu par une série de lexiques permettant de lever les innombrables confusions autour de ces maladies, Pop & Psy s’attache également à pointer du doigt les diverses problématiques qui entourent ces troubles psychiques, comme les conditions parfois très difficiles d’hospitalisation (notamment montrées dans Shutter Island de Martin Scorsese), le harcèlement scolaire pouvant potentiellement conduire au suicide (récemment mis en avant dans la série 13 Reasons Why), et la façon dont ils sont continuellement minimisés par rapport aux maladies dites organiques, c'est-à-dire du corps (un fait qu’il démontre parfaitement en citant le fameux “Angelina Jolie Effect”).
Didactique, bienveillant et souvent amusant, ce manuel de 245 pages tend ainsi à briser la stigmatisation qui pèse encore trop largement sur les personnes atteintes de pathologies psychiques. Un appel à l’inclusivité et à la libération de la parole des malades, que le docteur Jean-Victor Blanc s’apprête d’ailleurs à consolider de plus belle à travers son cycle de conférences “Culture Pop et Psychiatrie” qui se tiendra du 19 octobre au 21 mars 2020 dans les cinémas MK2 de Paris.
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Pop & Psy, du Dr Jean-Victor Blanc, éd. Plon, 245 p., 18€