Menton *nicematin.com* PAR axelle truquet Mis à jour le 12/11/2019 à 11:49 Publié le 10/11/2019
S’il n’existe pas de profil-type, certains critères apparaissent comme des facteurs de risques : le fait d’être un homme, l’isolement, les conduites addictives, l’impulsivité, la maladie mentale, l’antécédent de tentative de suicide, etc. « Il y a toujours un élément déclencheur, parfois c’est une petite chose qui peut sembler insignifiante : la voiture qui ne démarre pas et les pensées qui s’enchaînent : “Je ne suis bon à rien”, “je n’y arriverai jamais”, “je ne manquerai à personne”. La personne trouve de moins en moins de solutions pour gérer le quotidien, tout lui paraît de plus en plus insupportable », décrit le Dr Morel. « Il faut bien comprendre qu’une personne qui décide de se suicider ne le fait pas parce qu’elle souhaite mourir. Elle le fait parce que mettre fin à ses jours lui semble la seule manière de mettre un terme à ses souffrances, poursuit le Dr Buissé. Elle a une perception altérée de la réalité : elle est arrivée à un stade où elle a l’impression d’être sans solution. C’est pour cela que, jusqu’au dernier moment, elle peut changer d’avis. Et c’est aussi la raison pour laquelle certains vont envoyer un message à un proche, prévenir la police : c’est l’instinct de survie qui suscite cette réaction. »
Un schéma suicidaire
Souvent, après un passage à l’acte, l’entourage se dit surpris, avoue n’avoir rien vu venir. Mais après coup, des détails, des indices se dessinent. « Le schéma suicidaire se met progressivement en place. D’abord, ce ne sont que des pensées puis, peu à peu, l’individu va construire la mise en scène de sa mort. Il choisit un mode opératoire, se focalise dessus. Tout est prévu. De ce fait, il est possible d’intervenir à tout moment pour l’aider, le plus tôt étant le mieux », indique le Dr Morel. Pour bien comprendre, un exemple : si au dernier moment un fait empêche l’accomplissement de l’acte fatal, la personne ne changera pas de mode opératoire sur le moment. Le scénario en quelque sorte est construit... donc il peut être interrompu.
Le suicide est tabou et fait peur, parce qu’il est difficile de comprendre que l’on puisse vouloir mourir. « Dans l’entourage, certains vont se dire qu’ “il doit se ressaisir”, qu’ “après tout il est bien entouré”. Or celui qui est en crise ne peut pas mener ce type de réflexion parce que sa perception de la réalité est altérée. Il se sent terriblement seul face à son mal-être alors qu’il y a toujours des gens à qui il est possible de s’adresser. Sa souffrance est telle qu’il est totalement submergé, incapable de regarder la situation objectivement. Il n’est plus capable de s’adapter à quoi que ce soit », décrit le Dr Buissé.
Soutenir et inciter celui qui souffre à consulter
Sachant cela, on identifie l’impérieuse nécessité d’agir. Les tentatives de suicide ne sont pas des appels au secours dans le sens où la personne a agi pour qu’on s’occupe d’elle : elle a agi parce que sa souffrance l’empêche de voir clair. Ainsi, sans aide extérieure, elle ne peut pas se relever. Les psychiatres sont claires : dans le doute, si on a l’impression que quelqu’un est mal, il faut parler, ouvrir le dialogue. Cela aura pour effet de rompre l’isolement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les femmes sont moins touchées par le suicide : parce qu’elles parlent davantage. « On entend parfois des gens dire : “Il ne faut pas parler de suicide sinon ça va lui donner des idées”. C’est totalement faux ! Au contraire : c’est une manière de reconnaître la souffrance et d’amorcer la discussion », indique le Dr Buissé. « Les membres de l’entourage doivent soutenir celui qui souffre et l’inciter à consulter : il faut prendre rendez-vous pour lui, l’accompagner... Véritablement le prendre par la main », insiste le Dr Morel.
A qui donc s’adresser ? Tout dépend du stade de la crise. Si on est juste au bord du précipice, il faut aller directement aux urgences psychiatriques, sinon les CMP sont bien équipés pour prendre en charge et suivre ces patients.
Lorsque l’on a repéré une souffrance et un risque suicidaire chez quelqu’un, il faut l’orienter vers des professionnels. « Notre rôle est de ré-engager la parole et de ré-enclencher le processus de réflexion. L’objectif est de montrer au patient qu’il y a d’autres solutions que la mort pour apaiser ses souffrances », raconte le Dr Morel.
Le patient étant à ce stade très fragile, les soignants balisent son emploi du temps, lui donnent des rendez-vous réguliers, l’appellent s’il ne se présente pas voire envoient quelqu’un chez lui pour savoir pourquoi il ne vient pas. « On réhumanise, on valide ses émotions et on donne du sens », résume le Dr Buissé. Les psychiatres lui expliquent, ainsi qu’à la famille, d’où vient cette envie de mourir - de ce sentiment de souffrance extrême. Il est ensuite possible de relancer un cercle vertueux dans lequel le patient va trouver une chose positive puis une autre et encore une qui vont l’aider à s’en sortir.
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