lundi 12 mars 2018

MOBILISATION SYNDICALE Surpopulation à l’hôpital psychiatrique, près de Rouen

Surpopulation à l’hôpital psychiatrique, près de Rouen : « Il suffit d’une allumette pour que ça pète »
Les syndicats de l'hôpital psychiatrique du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), tirent la sonnette d'alarme sur la sur-occupation permanente de l'établissement.
actu.fr/normandie/
Les syndicats du Centre hospitalier du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), dénoncent la surpopulation dans leur hôpital, situé près de Rouen. (©SL / 76actu)
« Il y a un risque de drame », alarment les syndicats du Centre hospitalier du Rouvray, CFDT en tête. Deux semaines avant le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) extraordinaire qui doit, vendredi 23 mars 2018, se concentrer sur la surpopulation, ils estiment le personnel « au bord de craquer ». Dans la dizaine de services que compte l’hôpital psychiatrique de Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), tous les salariés sont en surrégime.

« Une vingtaine de lits supplémentaires et quatorze d’urgence »

« Ce sont des lits de camp posés à l’arrache », lâche Jean-Yves Herment, jeudi 8 mars 2018. Délégué syndical de la CFDT, il travaille CH du Rouvray « depuis 16 ans ». Sur cette durée, il assure n’avoir jamais vu telle situation. Au cœur des griefs syndicaux, la surpopulation qui mène l’hôpital « au bord d’une crise sans précédent ». En décembre 2017, 102,8 % des lits étaient occupés. « Une moyenne », appuie Jean-Yves Herment :
Officiellement, il y a 551 lits. Mais depuis plusieurs années, on peut monter à 110 ou 115 % d’activité. Au total, il y a une vingtaine de lits supplémentaires et quatorze d’urgence.
Ce qui fait grimper le nombre de patients à 585 grâce à des « lits-fantômes » devenus permanents. Des bureaux médicaux, des salles de visite destinées aux familles de patients et des salles d’activités sont devenus des chambres à part entière. « Il n’y a ni toilette, ni lavabo », fustige le délégué syndical. Le problème est tel que maintenant, pour les infirmiers chargés du flux, « la question n’est plus combien, mais où mettre les lits ».
Ces dernières semaines, des patients ont eu à passer « jusqu’à 20h sur une chaise, sans même voir une blouse », assure Jean-Yves Herment. Une « situation sans précédent » a été constatée dans la nuit du jeudi 22 au vendredi 23 février 2018, par la CGT : « Une saturation complète des capacités d’accueil de l’établissement. »

« En termes de risque suicidaire, c’est casse-gueule »

Ce trop-plein n’est pas sans conséquences sur les soins apportés aux patients, « qui continuent d’arriver » alors qu’en période de vacances, « un tiers des effectifs est en congé ». Vacances ou non, la surpopulation empêche la bonne prise en charge des patients « en souffrance, peu importe la pathologie » :
Ces gens ont besoin d’être aidés. Ils arrivent en crise après un divorce, la perte de leur emploi, sont schizophrènes… Plus le patient est en confiance, plus il reprend pied.
Ce que ne permettent pas les lits de fortune installés. « Vous ne reprenez pas confiance face à une porte de ce style », pose comme une évidence Jean-Yves Herment en montrant une photo « prise dans l’établissement ».
Il est devenu difficile de stabiliser les patients car « ça pousse derrière », obligeant les médecins à laisser sortir plus rapidement les personnes hospitalisées, selon le syndicaliste. « Il peut manquer jusqu’à une semaine. »

Des décisions arbitraires qui induisent des conséquences potentiellement dramatiques, dans « un département comme la Seine-Maritime, qui est sur le podium dans toutes les catégories : alcoolisme, suicide, toxicologie… »

Dans le corps infirmier, pas de doute : « En terme de risque suicidaire, c’est casse-gueule, parce qu’on n’a pas le temps de s’occuper d’eux. »
Dans les différents services du centre hospitaliers du Rouvray, des lits sont disposés dans des pièces non destinées à accueillir des patients. 

« Deux axes » pour mettre fin à la surpopulation
Pour appuyer son propos, Jean-Yves Herment fait le parallèle avec 2010, l’année « du premier mouvement » contre la surpopulation psychiatrique. « Nous avions eu plusieurs évasions et une pendaison », liste-t-il tristement. En ce temps, sous une autre direction, un plan de deux ans avait été mis en place par l’Agence régionale de santé (ARS), avec quatorze postes créés et un million d’euros débloqués.
Aujourd’hui, la CFDT envisage « deux axes » pour mettre fin à la surpopulation :
  • Des embauches : « Si nous accueillons tout le monde, il faut le personnel qui va avec », estime le syndicat. Pour pallier à la surpopulation, il faudrait créer une unité, soit le recrutement de 29 personnes. 
  • Faire avec les moyens : « Accepter que nous ne sommes pas assez nombreux et que l’hôpital n’accueille pas plus de patients qu’il ne peut. »
Pour la première hypothèse, Jean-Yves Herment « a peu d’espoir ». Reste la deuxième. Encore faut-il, selon les syndicats, que la direction le veuille : « Ils font croire que cette sur-occupation n’est pas maîtrisée, or nous avons l’impression que c’est volontaire. »

Obligés « de transférer sans tenir compte de la disponibilité »
Une impression confortée par le fait « qu’il n’y a jamais de quinzième patient » pour dépasser le chiffre de quatorze lits d’urgence. Une direction prise à défaut, veut croire la CFDT, montrant un mail :
Vous êtes dans l’obligation de transférer les patients présents dans leurs services d’origine (ils sont classés par zones géographiques, ndlr) sans tenir compte de la disponibilité de lits.
Envoyé vendredi 23 février par la direction, ce mail était à destination des médecins, « mais pas des infirmiers ». Or, ce sont les principaux concernés. Contactée par 76actu, la direction a refusé de communiquer « avant le CHSCT extraordinaire » du vendredi 23 mars 2018.
Jointe jeudi 8 mars, l’ARS Normandie – comptable des effectifs des hôpitaux – n’avait pas eu le temps de répondre à nos sollicitations dans les temps impartis.
Arguant de sa « souplesse », la CFDT se déclare prête « à continuer de tolérer la vingtaine de lits supplémentaires » si les quatorze d’urgence sont supprimés. Jean-Yves Herment en est certain, « il suffit d’une allumette pour que ça pète ». Promettant « des actions », il le répète : « Il y a un risque de drame » au centre hospitalier du Rouvray.