lundi 25 mars 2019

GRAND EST Nora Fraisse crée une association contre le harcèlement scolaire après le suicide de sa fille, Marion

Nora Fraisse crée une association contre le harcèlement scolaire après le suicide de sa fille, Marion
Nora Fraisse souhaite prévenir le harcèlement scolaire. Elle a écrit le livre Marion, 13 ans pour toujours.  Photo Yann Le Pape
Nora Fraisse souhaite prévenir le harcèlement scolaire. Elle a écrit le livre Marion, 13 ans pour toujours. Photo Yann Le Pape - Photo Yann Le Pape
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L’essentiel
L’Établissement public de coopération culturelle Bords II Scènes, situé à Vitry-le-François, a mené un important travail autour du harcèlement scolaire.
La structure a commandé une pièce de théâtre sur le sujet à la compagnie troyenne Kalijo. Les artistes sont allés à la rencontre des écoliers, collégiens et lycéens afin d’aborder la thématique dans toute sa complexité. Et, une conférence a déjà eu lieu avec Amélie Devaux psychopraticienne des centres Chagrin Scolaire.
Une nouvelle rencontre est aujourd’hui programmée avec Nora Fraisse, auteur de Marion, 13 ans pour toujours, et Danièle Habis-Poirot, psychologue de l’association Marion la main tendue.
Nora Fraisse sera présente, ce lundi soir, à Vitry-le-François, au cours d’une rencontre-débat destinée à prévenir le harcèlement scolaire. Sa fille Marion s’est suicidée, le 13 février 2013, par pendaison. Depuis, elle a créé une association, Marion la main tendue, afin de prévenir et lutter contre les violences et le harcèlement en milieu scolaire. Elle a également écrit un livre, et son témoignage a été adapté pour le petit écran. Nous lui avons posé quelques questions.
Comment va s’organiser l’échange ?
Généralement, nous sommes dans des conférences interactives, pas du tout professorales. Les gens parleront autant que nous, voire plus que nous. On décline les réponses en fonction des questions. En réalité, nous disons toujours les mêmes choses, mais de façon différente en fonction du public présent. Ma collègue psychologue, Danièle Habis-Poirot, apportera un éclairage sur les questions plus personnelles et de prise en charge.
Proposez-vous souvent ce type d’intervention ?
J’en ai fait beaucoup, beaucoup, beaucoup. Maintenant, nous sélectionnons en fonction du lieu et des besoins. L’association a pris beaucoup d’ampleur. Des demandes viennent du Liban, du Maroc, du Portugal… C’est très bien de faire une conférence, mais il faut que toute la communauté s’empare du sujet. Les services de gendarmerie, les enseignants, les services sociaux… Et justement, ici, Bords II Scènes a fait ce beau travail en amont. Du coup, on essaime, les gens deviennent des citoyens vigilants. C’est comme cela que j’envisage les choses.
Sur quoi insistez-vous ?
On aborde ce qu’est le harcèlement. Ce sont des violences verbales, psychiques, et psychologiques. En fonction de l’âge, on ne subit pas la même chose. Je dis souvent que c’est le contraire d’un conflit, d’un désaccord. Il y a quatre points à noter : la répétition, une relation asymétrique dominant-dominé, un effet de meute, et la fragilité.
Le harcèlement peut commencer à quel âge ?
Dès tout petit. Dès la sociabilisation. Ça peut arriver parfois avant la maternelle. Ce n’est pas conscient. Un enfant, à la crèche, qui a du retard pour marcher, va se faire plus facilement pousser. C’est à lui qu’on va mettre des claques. Ce sont les prémices. Après, à l’école maternelle, ça va être l’exclusion, le fait de ne jamais être invité à un anniversaire… Donc il faut travailler sur l’empathie. Il faut toujours se montrer très attentif à un enfant seul dans la cour.
À partir de quand un parent doit se poser des questions ?
Quand l’enfant verbalise, qu’il dit qu’il a encore mangé tout seul, que ça fait trois fois que quelqu’un le frappe, il faut commencer à s’interroger, lui demander s’il n’y a pas d’autres personnes hostiles, comment il ressent sa situation. S’il le dit souvent, c’est qu’on entre dans la répétition. Il faut alerter. Les changements brutaux (ne plus aller au sport, arrêter de prendre le bus pour aller à pied, un enfant qui ne dort plus ou trop, celui qui se remet à faire pipi au lit) sont à prendre en compte.
Existe-t-il des outils pour éviter l’escalade néfaste ?
La sensibilisation. Il faut former le personnel de cantine, les chauffeurs de bus scolaire, les grands-parents qui peuvent être une bonne oreille pour certains enfants. Casser le groupe, rendre les auteurs de ces agressions acteurs de la solution. Développer la médiation entre pairs. Il y a un arsenal à mettre en place. Mais on est au début du chantier. Il faut aller plus vite et plus fort. Le travail est à recommencer chaque année. Les élèves changent. Je dis toujours aux jeunes, vous n’embêtez pas vos parents à leur parler. Vous avez mal aux dents, on vous emmène chez le dentiste, eh bien là, c’est pareil. Les témoins souffrent énormément aussi, il faut leur apprendre à réagir, à se confier…
“Un élève sur deux n’en parle pas à sa famille. On n’a rien détecté pour Marion. À la maison, elle gardait son grand sourire”
Est-ce qu’on vous pose des questions sur votre histoire ?
Je ne suis pas du tout dans le témoignage, le pathos. Je réponds aux questions. Par exemple, sur le comment les signes ont été détectés dans mon cas. Moi, je vais leur dire qu’un élève sur deux n’en parle pas à sa famille. On n’a rien détecté pour Marion. À la maison, elle gardait son grand sourire, c’était son cocon. Je ne suis pas là pour raconter ma vie. Je suis triste, je ne changerai rien à cela. Mais les gens, en face, n’ont pas à porter mon désarroi. Je veux que les gens se disent : cette femme tient le coup, donc on va tenir le coup aussi. Je me dis qu’en faisant tout ce travail, Marion sauve des vies. Elle a sauvé beaucoup de vies. Ce n’est pas une fatalité. Je pense que si, à l’époque, j’avais pu assister à des échanges de cette nature… Mais je ne savais même pas que ça existait. Il faut casser des années de préjugés où l’on s’est dit que ce n’était pas grave, que l’enfant ferait sa place. Il n’a qu’à se défendre. Il ne faut pas qu’il se laisse faire. Moi je combats le fait qu’on ose dire ça à un enfant ; on ne le dirait pas à un adulte ! Se défendre contre un groupe c’est très compliqué. Que l’on ait quatre ou cinquante ans. Regardez la désastreuse ligue du LOL…
Propos recueillis par
Mathilde Escamilla
Rencontre-débat, ce lundi 25 mars, à 19 heures, dans la salle Simone-Signoret de Vitry-le-François. Tél. : 03 26 41 00 10.

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