Source de souffrance, le deuil est aussi à l’origine de conséquences sur la santé, l’emploi, la scolarité, la dépendance… Quels sont ses enjeux et quelles réponses apporter ?
Le deuil est une épreuve dont les enjeux sociétaux doivent s’inscrire dans les dispositifs concernant la santé, la responsabilité sociale des entreprises, la santé au travail, l’éducation, la pauvreté, la dépendance, les politiques de prévention, la protection de l’enfance… Aussi, Empreintes mobilise pour faire émerger le deuil et ses conséquences dans le débat public, afin de créer les conditions d’un accompagnement éthique du deuil, partout et pour tous.
Dans la continuité des Assises du Funéraire de la Chambre Syndicale Nationale de l’Art Funéraire, Empreintes organise les Assises du Deuil, présidées par le sénateur Bernard Jomier : un évènement institutionnel qui interpelle, appelle au rassemblement et à la réflexion.
Depuis 1995, l’association Empreintes œuvre au niveau national pour une meilleure connaissance et reconnaissance du deuil. Elle mobilise et agit pour le développement du soutien des particuliers et des professionnels qui y sont confrontés.
Vous souhaitez être invité ? Merci de remplir ici le formulaire de demande en ligne. Dans la mesure des places disponibles, nous vous ferons parvenir un deuxième formulaire d’invitation, sans laquelle vous ne pouvez accéder à cette journée.
Empreintes crée les Assises du Deuil pour : ALERTER, MOBILISER, AGIR,
afin de développer et d’encadrer l’accompagnement du deuil au sein de chaque établissement, entreprise, organisme public ou privé.
Luttons contre l’isolement des personnes en deuil "A l’initiative de l’association Empreintes, diverses personnalités
appellent, en amont des premières Assises du deuil, le 12 avril au
Palais du Luxembourg, à une mobilisation pour que l’impact et le coût du
deuil en France soient enfin reconnus."
Le deuil échappe aux politiques publiques de prévention et de soutien aux personnes vulnérables. Agissons ensemble, pour mieux accompagner les personnes en deuil et pour former les professionnels.
Le deuil fait peur. Personne ne veut y penser, en parler, s’en
occuper. En France, on recense chaque année 600 000 décès dont 8 500
suicides, soit un décès toutes les 54 secondes. 4 Français sur 10 se
déclarent en deuil, 5 millions sont veufs ou veuves. En établissement
scolaire, un élève par classe est orphelin comme le sont également 20 %
des élèves placés à l’aide sociale à l’enfance. Nous le savons, nous
l’oublions le plus souvent : tout être vivant est destiné à mourir. Or,
chaque mort impacte 5 à 7 personnes proches, qui seront durablement
fragilisées.
Vécu en société, le deuil reste considéré comme exclusivement intime.
Sa définition, sa nature, son évolution sont liées aux représentations
et aux croyances. Mais rappelons ici que le deuil est un processus de
cicatrisation utile, naturel et bénéfique. Chacun devrait pouvoir le
vivre à son rythme, selon son lien au défunt, selon les circonstances du
décès, selon sa propre histoire. Souvent associé à l’oubli, le deuil
risque d’être prolongé, voire bloqué. Idées reçues, injonctions et
silences témoignent du malaise collectif face au deuil. Par action, par
omission ou par déni, notre société ajoute de la douleur à la douleur du
deuil. Si le deuil a un impact humain que chacun mesure à l’aune de
son vécu, il a aussi un coût sanitaire que l’on commence à quantifier,
mais également un coût économique et social qui doivent être pris en
compte.
Le soutien de deuil doit s’inscrire de façon transversale dans les
domaines de l’éthique, du soin, de l’éducation, du travail, de la
dépendance, du handicap, de l’aide aux aidants et aux victimes, de la
prévention du suicide, mais aussi de la recherche scientifique. Il
mérite un cadre, une formation, des moyens et une place dans les
politiques publiques. A ce jour, aucune ligne budgétaire n’est dédiée à
l’accompagnement des personnes en deuil. Et si la loi de 1999 sur
l’accès aux soins palliatifs énonçait un droit au soutien pour
l’entourage du patient y compris après son décès, ce droit n’a pas été
repris en 2005 et 2016 par les lois ultérieures sur la fin de vie. Des
avancées législatives sont nécessaires en la matière.
Il existe à ce jour un corpus de connaissances et d’expériences
cliniques partagé par des professionnels et des associations
spécialisées. Ces compétences permettent de définir ce qu’est un deuil,
d’évaluer si le deuil est “normal”, compliqué (environ 20%) ou
pathologique (5%), de repérer les personnes à risque, d’orienter vers
une prise en charge adaptée – thérapeutique ou de soutien. Mais trop
rares sont ceux qui en bénéficient ! Quels salariés en deuil accèdent à
un dispositif de et d’accompagnement au sein de leur entreprise ? A
l’école, à l’aide sociale à l’enfance, quels outils ont les enseignants
et les éducateurs pour comprendre les enfants en deuil ? Quels hôpitaux
et quels EHPAD forment leurs équipes et proposent une offre systématique
de soutien de deuil ? Parmi les victimes du terrorisme, qui éclaire les
personnes en deuil sur ce vécu, au-delà des prises en charge liées à
leur statut ?
Les risques consécutifs à un deuil sont connus : dans la première
année de veuvage, la mortalité est accrue de 80 % chez les hommes et de
60 % chez les femmes ; 58 % des actifs en deuil ont été en arrêt de
travail plus d’une semaine, 29 % l’ont été plus d’un mois ; 77 % des
élèves orphelins déclarent des impacts négatifs sur leur scolarité.
Pour que l’impact et le coût du deuil en France soient reconnus, pour
lever ce tabou et pour qu’une action politique soit entreprise, combien
faudra-t-il de décès par maladie, suicide, accident, addiction ; combien
de personnes désocialisées, isolées, précarisées ; combien de familles
monoparentales fragilisées ; combien d’enfants en échec scolaire ;
combien de personnes âgées perdent leur autonomie après la mort de leur
conjoint et restent sans soutien ?
Prévenir les risques liés au deuil nécessite motivation, courage, audace, professionnalisme. Et
si, pour commencer, dans chaque entreprise, chaque établissement
scolaire ou universitaire, chaque service social, médico-social ou
hospitalier, un référent sur le deuil était formé ?
Nous avons à construire, grâce à une prise de conscience et une
volonté collective fortes, une solidarité pour lutter contre l’isolement
des personnes en deuil.
Ensemble, parlons-en et agissons ! Le deuil, c’est la vie. Le deuil, c’est l’affaire de tous.
Alors, dans le cadre d’une mobilisation nationale, les premières
Assises du Deuil – organisées par l’association Empreintes – auront lieu
le 12 avril 2019 au Palais du Luxembourg à Paris, sous la présidence du
sénateur Bernard JOMIER, sous le haut patronage du Ministère des
Solidarités et de la Santé et du Ministère de l’Education Nationale. Ces
Assises sont soutenues par nos partenaires : la Chambre Nationale
Syndicale de l’Art Funéraire, l’Action Sociale de Klésia, la Fondation
OCIRP.
Signataires : Pr Régis Aubry, soins palliatifs CHU Besançon ; Dr
Carole Bouleuc, soins de supports Institut Curie ; Pierre Cahuc,
économiste Sciences-Po Paris ; Dr Laure Copel soins palliatifs
Diaconesses C. St Simon ; Karine Dusfour, réalisatrice ; Marie
Darrieussecq, auteure ; Anny Duperey actrice ; Philippe Duperron,
Président association 13 onze 15 ; Pr Emmanuel Gyan Professeur des
Universités-Praticien Hospitalier (PU-PH) en Hématologie-Transfusion ;
Dr Christophe Fauré, psychiatre ; Laurence Ferrari, journaliste ; Pr
François Goldwasser, cancérologue APHP ; Serge Guérin, sociologue ;
Bernard Jomier, Sénateur ; Marie L. Tournigand et Hélène Lalé,
association Empreintes ; Michèle-Hélène Salamagne, co-fondatrice de la
SFAP ; Georges Saline, association 13 onze 15 ; Audrey Pulvar, auteure ; Hélène Romano, Dr en psychopathologie ; Pr Christophe Tournigand, cancérologue APHP et CHIC… Sources et statistiques nationales disponibles sur ce site.
Le choc du veuvage à l’orée de la
vieillesse : vécus masculin et féminin Delbès Christiane, Gaymu Joëlle,
INED, Population n° 6, 2002 – page 879
Enquête Unaf-Favec, 2011
Etude CREDOC/CSNAF 2016
Etude Ecole et orphelins, IFOP/OCIRP 2017
INED MORTA_NIV : Tables de mortalité par sexe, âge et niveau de vie 2018
AVIS
D’EXPERT - Contrairement à certains pays du Nord et aux pays
anglo-saxons, la France ne dispose pas de données exhaustives sur les
conséquences du deuil. Afin d’alerter, mobiliser et agir, l’association
Empreintes organise les premières Assises du deuil le 12 avril
prochain.
Par Hélène Lalé et Marie Tournigand, présidente et déléguée générale de l’association Empreintes.
Chaque année, plus de 3 millions de Français vivent la mort d’un
proche et entrent dans un processus de deuil. Ils sont alors fragilisés,
vulnérables, ont besoin d’être reconnus, écoutés, informés, voire
protégés. Or dans notre pays, ils se sentent seuls, incompris.
Selon une étude Crédoc de 2016, 4 Français sur 10 se déclarent en
deuil. Parmi eux, on compte environ 5 millions de veufs et veuves de
moins de 55 ans, 800.000 orphelins (soit en moyenne un élève par classe)
et près de 20 % des enfants placés à l’aide sociale à l’enfance.
L’absence de dispositif pour soulager la souffrance du deuil nous
interroge.
Le deuil, un «processus de cicatrisation»
« Le deuil est un parcours qui permet d’intérioriser la relation à l’autre et lui permet d’exister encore, en nous. »
Le deuil est vécu de manière intime. C’est un processus de
cicatrisation qui se fait dans la durée, naturellement, sans que nous le
décidions. Un parcours qui permet d’intérioriser la relation à l’autre
et lui permet d’exister encore, en nous. Ce n’est pas l’oubli. Le mot
«deuil» vient du latin dolere qui signifie «douleur», «affliction». Il
est souvent employé, mais son sens, sa temporalité, son processus sont
méconnus. Chacun est amené à le vivre, mais sa réalité reste taboue.
Notons que la maladie, le handicap, la dépendance touchent aussi les
individus dans leur intimité. Cela n’empêche pas notre société de penser
leur prise en charge!
Le deuil est aussi un événement social. Il se vit au quotidien, dans
nos relations familiales, amicales et professionnelles. Il dérange notre
société de la performance dans laquelle la solidarité et l’entraide ont
peu de place. La vulnérabilité est écartée ou rejetée. Vivre aux côtés
d’une personne en deuil est difficile - sans connaissances, sans savoir
quelles réactions sont «normales» ou «pathologiques», ce qui aide ou
blesse.
Ainsi Mattéo, 14 ans, témoigne de la mort de son père dans le documentaire Destins d’orphelins,
d’Élisabeth Bost et Karine Dusfour: «Deux mois plus tard, je suis entré
en sixième. Comme je ne connaissais personne, j’ai caché mon histoire à
tout le monde. Je me suis inventé une vie dans laquelle mon père était
vivant. Même avec mes amis les plus proches, j’avais du mal à en parler.
Cela nous mettait tous mal à l’aise. Je me sentais seul.» Nous devons
protéger nos enfants. Pourrait-on concevoir une campagne nationale de
sensibilisation et d’information? Un impact sur la scolarité, l’emploi, la santéLe deuil est, enfin, un enjeu de société. Il a un impact sanitaire,
familial et économique dont les politiques publiques doivent prendre la
mesure. On ne connaît ni son poids ni son coût sur la santé, le travail,
le logement, la précarité, l’autonomie. Contrairement à certains pays
du Nord et aux pays anglo-saxons, la France ne dispose pas de données
exhaustives sur les conséquences du deuil. Pourrait-on mettre en place
un rapport annuel sur le sujet, comme celui sur le mal-logement?
Prenons ici quelques exemples. Le deuil impacte le retour et le
maintien dans l’emploi: lorsqu’ils sont frappés par la mort d’un proche,
58 % des Français actifs sont en arrêt de travail une semaine, 29 %
plus d’un mois. Le deuil impacte la scolarité: 77 % des élèves orphelins
déclarent un effet négatif sur leur attention et leurs résultats. Oui,
le deuil altère le fonctionnement cognitif, les capacités de
concentration. Cela n’étonne personne, mais qui en tient compte?
À la mort d’un proche, l’idée de mourir pour ne plus souffrir, pour le ou la rejoindre, est extrêmement fréquente
Il impacte aussi la santé. On observe une morbidité liée au deuil:
maladies cardio-vasculaires, diabète, addictions notamment. Des études
ont montré 80 % de surmortalité la première année de veuvage pour les
hommes, 60 % pour les femmes ; 20 à 30 % de majoration du taux
d’hospitalisations (patients de 50 à 70 ans) ; des conséquences
psychologiques durables. Le deuil est un facteur de risque suicidaire
majeur.
Le 5 février, lors de la Journée nationale de prévention du suicide
tenue au ministère de la Justice, Santé Publique France a présenté des
données épidémiologiques: les antécédents personnels et familiaux de
suicide, le veuvage, les pertes parentales précoces, les épisodes
dépressifs exposent les personnes en deuil au risque suicidaire. En
effet, à la mort d’un proche, l’idée de mourir pour ne plus souffrir,
pour le ou la rejoindre, est extrêmement fréquente. Combien faut-il de
passages à l’acte pour qu’un accompagnement préventif du deuil soit
proposé?
Afin d’alerter, mobiliser et agir, l’association Empreintes organise les premières Assises du deuil *
le 12 avril prochain, au Palais du Luxembourg à Paris, sous la
présidence du sénateur Bernard Jomier. Nous y présenterons une nouvelle
étude Crédoc/CSNAF/Empreintes. Avec professionnels, dirigeants,
associations, pouvoirs publics et médias, il s’agit de valoriser les
initiatives innovantes, de penser des dispositifs pour systématiser
l’information aux professionnels et l’aide aux personnes en deuil. C’est
une belle occasion pour que nos gouvernants s’engagent pour amorcer des
politiques publiques et des projets législatifs. Créons ensemble une
Journée nationale du deuil, pour soutenir et informer les millions de
Français concernés. Chacun de nous peut y contribuer. * Sous le haut patronage du ministère des Solidarités et de la
Santé et du ministère de l’Éducation nationale. Journée soutenue par nos
partenaires: Chambre nationale syndicale de l’art funéraire, Action
sociale de Klésia, Fondation d’entreprise Ocirp.