ETUDE RECHERCHE CANADA Une application québécoise validée scientifiquement pour soutenir les dépressifs et prévenir le suicide
Une application québécoise validée scientifiquement pour soutenir les dépressifs et prévenir le suicide
PsyAssistance,
l'une des premières applications mobiles en français à avoir été
validées scientifiquement, compte des milliers d'utilisateurs.
L'application procure un soutien qui ne remplace ni la médication, ni la
thérapie, mais qui peut atténuer au jour le jour la souffrance et la
solitude de ceux qui sont aux prises avec des problèmes de santé
mentale, voire des idées suicidaires.
Un texte d'Anne Marie Lecomte
C'est
aujourd'hui la 16e Journée mondiale de la prévention du suicide. En
février, ce sera la Semaine nationale de prévention du suicide. Des
moments consacrés pour rappeler la terrible réalité : au Québec, trois
personnes s'enlèvent la vie et 80 autres tentent de le faire, chaque
jour. Au Canada, ce sont 10 personnes qui se suicident chaque jour.
Parmi ces désespérés, 90 % souffraient d'un problème de santé mentale.
Il
y a ces jours désignés pour alerter l'opinion publique et il y a tous
ces jours pendant lesquels quantité de gens filent un mauvais coton. Au
point où ils songent à en finir... Au quotidien, comment aider ces
gens-là?
« Partout dans le monde, le facteur le plus associé au
suicide est la dépression », affirme Réal Labelle, professeur au
département de psychologie de l'UQAM. Depuis 15 ans, explique en
substance ce professeur et chercheur, on sait que la thérapie
cognitivo-comportementale est la plus efficace pour traiter la
dépression. Le cognitif concerne la connaissance et les processus
mentaux qui y sont associés. Le comportement... c'est l'attitude face à
la vie, les réactions.
C'est sur cette approche que repose
l'application dont Réal Labelle a eu l'idée, il y a une dizaine
d'années, PsyAssistance. Une application qu'il a développée pendant
quelques années avec l'aide d'ingénieurs et d'avocats (pour les
questions d'ordre déontologique et réglementaire).
Que
PsyAssistance ait fait l'objet d'une validation scientifique n'est pas
anecdotique. On estime qu'il existe sur le marché entre 15 000 et
165 000 applications dans le domaine très général de la santé,
rapportait le magazine Québec Science au printemps dernier. Le
quart d'entre elles sont en lien avec la santé mentale. Fait désolant :
la plupart n'ont pas été testées scientifiquement et n'ont fait l'objet
d'aucune validation empirique, disait encore Québec Science.
S'entraîner moralement à aller mieux
En
gros, le fonctionnement de PsyAssistance repose sur ce qui suit : l'un
des « ingrédients les plus efficaces » dans la thérapie
cognitivo-comportementale est de faire des travaux entre les sessions
avec le thérapeute, des exercices. Auparavant, thérapeute et patient
élaboraient par écrit ce programme d'exercices, de même que « le plan de
sécurité », un protocole que s'engage à suivre le patient en cas de
crise suicidaire.
L'Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) veut utiliser
les nouvelles technologies pour aider les personnes en détresse. Photo :
iStock
Pourquoi nous les psychologues n’utiliserions-nous pas le numérique?
Quand
M. Labelle a vu son jeune adolescent glisser sa tablette dans son sac
d'école, il s'est dit que le numérique devait devenir l'allié des
thérapeutes. Ne serait-ce que pour rejoindre les jeunes – chez les
enfants, les adolescents et les adultes de moins de 30 ans, le suicide
est la deuxième cause de décès au pays.
Avec PsyAssistance, le
cellulaire, qui suit la plupart des gens comme leur ombre, renferme
désormais ce que Réal Labelle compare à une « police d'assurance » en
santé mentale.
Avec l'appli, les gens identifient les signes
précurseurs de déprime et d'idées noires. Ils inscrivent les moyens
qu'ils privilégient pour les dissiper et « gérer leurs émotions » : se
balader, aller au cinéma, faire du yoga. Si ces moyens ne fonctionnent
pas, ils ont inscrit les noms et numéros de téléphone de proches qu'ils
appelleront au besoin.
Et la suite est planifiée aussi : dans les
cas où les proches ne répondent pas ou sont dépassés par la situation,
la personne en détresse appelle un centre de crise, dont le numéro a lui
aussi été inscrit à l'avance. Le numéro de Suicide Action Montréal
(SAM), par exemple.
Besoin d'aide pour vous ou un proche?
Ligne québécoise de prévention du suicide : 1 866 APPELLE (277-3553). Ce service est disponible partout au Québec, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Le nouveau site commentparlerdusuicide.com outillera les Québécois qui veulent parler du sujet.
Ailleurs au Canada : 1-833-456-4566 On peut aussi consulter le site Prévention du suicide et soutien
Prévenir le pire : chaque seconde compte
C'est
une sorte de plan d'urgence, de pilote automatique. Car quand détresse
et panique prennent le dessus, on ne réfléchit plus sainement.
Quand
on travaille en suicidologie, c’est pareil à la cardiologie. Les
secondes comptent. Quelqu’un qui a fait une tentative de suicide en
ingurgitant des médicaments et qui est dans la salle de bain... C'est
urgent.
Il
n'y a pas que les patients déjà suivis par un psychologue ou un
psychiatre qui peuvent utiliser cette application. Monsieur et Madame
Tout-le-Monde aussi.
L'application comprend trois « modules » essentiels, dit Réal Labelle :
la résolution de problèmes;
l'activation comportementale (s'activer en allant marcher, par exemple);
la restructuration cognitive (voir les choses, la vie, autrement).
Ça ne remplace ni la médication ni la thérapie
L'application
ne permet pas pour autant à tout un chacun de « jouer au thérapeute »
ni de se passer de médication. « Notre but n’était pas de montrer que
c’était meilleur qu’une thérapie, précise Réal Labelle, mais de montrer
que le numérique est aussi efficace que le crayon ». Ce crayon par
lequel une personne se dicte à elle-même ce qu'il importe de faire quand
plus rien ne va.
Réal Labelle prononcera le 4 octobre prochain
une conférence sur PsyAssistance et l'ensemble de ses travaux dans le
cadre du Grand forum de la prévention du suicide à Trois-Rivières.
D'ici
là, la population est invitée ce soir même, 10 septembre, à allumer une
chandelle, petit geste de grande portée pour soutenir les endeuillés
par suicide ou pour rappeler la mémoire d'un être cher qui s'est enlevé
la vie.