Psychiatrie : Une clinique à Sceaux mêle soins et études pour éviter aux adolescents de lâcher l’école
PSYCHIATRIE Une treizième clinique de la Fondation santé des étudiants de France est en construction. Reportage dans l'une d'elle qui propose un accompagnement spécifique pour les 16-25 ans...
Publié le 26/11/18 sur https://www.20minutes.fr*
La clinique Dupré à Sceaux accueille une centaine de jeunes de 16 à 25 ans pendant en moyenne un an et propose un accompagne soins-études. — O. Gabriel / 20 Minutes
Douze cliniques de la Fondation santé des étudiants de France proposent un parcours soins-études.
Une treizième clinique va sortir de terre à Vitry-le-François d'ici un an, la première pierre vient d’être posée.
Comment fonctionne cette double prise en charge? «20 Minutes» a été à la rencontre des équipes soignantes et éducatives de la clinique Dupré à Sceaux (Hauts-de-Seine).
Une médiathèque bien fournie, des arbres apaisants, des chambres individuelles et de petites salles de classe. La clinique Dupré, à Sceaux (Hauts-de-Seine), loin du tumulte et des caricatures d’un hôpital psychiatrique angoissant, offre un havre de paix et surtout une démarche originale pour éviter que des adolescents atteints de troubles psychiatriques ne lâchent l’école. Un parcours soins-études individualisé est proposé à chaque patient-élève. Une spécificité des douze cliniques privées à but non lucratif* de la Fondation santé des étudiants de France. Une treizième doit même ouvrir à Vitry-le-François (Marne) à l’automne 2019. La première pierre a d’ailleurs été posée le 9 novembre.
Accepter de se faire soigner sur la durée
« On dit facilement qu’on est atteint de diabète, moins qu’on est psychotique », introduit Blandine Charrel, directrice de cette clinique francilienne. Encore moins pendant cette période critique de l’adolescence, où sortir de la norme rime avec railleries et solitude. « Le quotidien quand on est lycéen, c’est l’école », reprend la directrice.
D’où l’intérêt de proposer un refuge qui mêle soins et études pour des adolescents anorexiques, bipolaires, schizophrènes, dépressifs ou encore atteints de phobie scolaire. « Le premier avantage de ce parcours soins-études, c’est d’abord que ça rassure et donc que les familles acceptent mieux ces soins importants et dans la durée », synthétise Blandine Charrel. « On le voit d’ailleurs chez nos patients qui vont moins renoncer à leur traitement », complète Patricia Benhamou, psychiatre à la clinique.
A qui cela s’adresse ?
Cette clinique accueille des jeunes de 16 à 25 ans, « des âges où les troubles psychiatriques se manifestent », précise Laurent Pinel, psychiatre à la clinique Dupré. Période aussi où « le psychisme n’est pas encore figé, ajoute la directrice. Plus on prend en charge tôt ces maladies, plus on a de chance d’aller vers une guérison ou une stabilisation. » Sans hypothéquer son avenir social et professionnel. D’ailleurs, les patients suivent des cours dispensés par des enseignants de l’Education nationale et passent les mêmes examens que le reste des étudiants français. « Et le bac, ils l’obtiennent ! » s’enthousiasme Patricia Benhamou.
Planning individuel et évolutif
Comment marier exigences des soins et des cours ? Chaque élève a un emploi du temps aménagé en fonction de ses besoins : cours dans son niveau (seconde, première, terminale, université, et ce dans des classes de 5 à 12 élèves maximum), ateliers de danse, chant, relaxation avec des ergothérapeutes et rendez-vous avec le psychiatre. « Pour des élèves qui ont été déscolarisés pendant plusieurs mois, on va commencer doucement avec peu de cours, puis réaménager son planning en fonction de son évolution », précise Patricia Benhamou, psychiatre. Avec un suivi ajusté puisque chaque semaine un binôme psychiatre et enseignant référent dresse un bilan pour chaque élève.
De petites classes accueillent entre 5 et 12 élèves par niveau pour les adolescents et jeunes adultes hospitalisés dans cette clinique soins-études en psychiatrie. - O. Gabriel / 20 Minutes
« Nous respectons les programmes de l’Education nationale, mais nous adaptons notre pédagogie à l’élève en fonction de son individualité, explique Nadia Azzimani, enseignante d’anglais dans cette clinique. Et de sa fatigue le jour J. C’est toute la difficulté et l’intérêt des soins-études. » Avec pour objectif d’aider ce jeune à « retrouver de la concentration, une possibilité d’être avec les autres, un plaisir d’apprendre et de refaire une activité manuelle », explique l’enseignante rattachée au lycée Lakanal. Car chaque clinique nourrit des liens forts avec un établissement de son secteur.
Cette clinique à Sceaux est en lien avec le lycée Lakanal et des professeurs de l'éducation nationale enseignent dans ce lieu spécifique. - O. Gabriel / 20 Minutes
Une approche différente de l’école à l’hôpital, ce système de cours individuels donnés par des bénévoles pour les enfants hospitalisés. « Ici, c’est le jeune qui se déplace, il doit prendre une douche, aller à la salle de cours », souligne Patricia Benhamou. Laisser son pyjama de patient pour reprendre sa casquette d’élève. Et retrouver un rythme cadré, des horaires précis, une date butoir d’examen…
Construire son avenir professionnel
Avec pour objectif d’éviter que la maladie et l’hospitalisation n’hypothèquent l’avenir professionnel de ces jeunes. Héloïse Roguet, documentaliste à la clinique, aborde donc dans des ateliers la question de l’orientation. Car ces adolescents ont besoin de soins, mais aussi de savoir remplir Parcoursup ou un CV…
Héloïse Roguet, documentaliste et enseignante à la clinique Dupré propose notamment des ateliers pour présenter un cv aux adolescents hospitalisés pour troubles psychiatriques. - O. Gabriel / 20 Minutes
« Parfois, quand les familles arrivent, leurs ambitions sont illusoires, reprend Laurent Pinel. J’ai entendu des parents marteler "mon fils, tu seras polytechnicien". Notre travail, c’est de les ramener à une réalité de manière bienveillante et paisible pour qu’elle soit acceptable et raisonnable. »
Garder un lien avec l’extérieur
Mais l’avenir de ces patients s’écrit en dehors de ces murs. Et le retour à la vie ordinaire n’est pas simple. D’où l’importance de laisser aux parents toute leur place. « Il y a une dimension totalisante de notre établissement où les jeunes retrouvent l’école, des relations amicales, amoureuses, des adultes bienveillants, reconnaît Laurent Pinel. On sait à quel point ils peuvent s’attacher et que le travail de fin de prise en charge commence dès la première rencontre. »
Si en moyenne, ces adolescents passent un an dans cette clinique soins-études, ils restent toujours en lien avec l’extérieur. « On fait du dedans-dehors en permanence, illustre Patricia Benhamou. Ils retournent dans leur famille le week-end et les vacances, quand leur état le permet. On les encourage aussi à garder des liens avec leurs amis, continuer leurs loisirs le week-end. »
Retrouver confiance et optimisme
Mêler études et soins pendant une longue période plutôt que ménager une scolarité en pointillé, un bon calcul ? « J’ai vu des jeunes en grande difficulté, hospitalisés très régulièrement, qui se sont stabilisés ici et ont pu construire un projet d’avenir, assure Laurent Pinel. Cela ne marche pas pour tous, c’est sûr, mais on voit combien cet accompagnement a été bénéfique pour certains. » Et l’équipe pluridisciplinaire de raconter les lettres de remerciement de ces adolescents en grande souffrance qui ont retrouvé confiance en eux.
Pour le moment, aucune enquête sur les soins-études ne peut venir appuyer ce ressenti. « Mais des études montrent que les rechutes à répétition affectent la qualité de vie et l’insertion professionnelle des patients en psychiatrie », complète Patricia Benhamou. Les psychiatres, qui adressent leurs patients à cette clinique, ne s’y sont pas trompés : il y a dix à douze mois d’attente pour obtenir un des 106 lits d’hospitalisation.
* Les tarifs de cette clinique sont ceux d’une hospitalisation classique dans le public.
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