D'après article "N’ayez pas peur d’aller voir ce "Fils" qui nous hante longtemps
Paris Match | Publié le 25/10/2018
Catherine Schwaab
Stéphane Freiss et Florence Darel dans "Le Fils". DR
Notre journaliste Catherine Schwaab a été emballée par « Le Fils », qui se joue actuellement à la Comédie des Champs-Elysées, à Paris.
Comme certains livres, certains films, il est des pièces qui bousculent et bouleversent. « Le Fils » est une tragédie moderne : un père confronté aux pulsions suicidaires de son fils de 17 ans. Ses parents divorcés, le gamin perd pied, sa survie n’est plus désormais que prostration, auto-mutilation, accusations culpabilisantes envers son géniteur qui a refait sa vie avec une plus jeune et un nouveau bébé.
Sur cette trame, Florian Zeller cisèle un drame que le public espère de toutes ses forces ne pas voir exploser. Et c’est là le talent : les personnages campés, on s’y attache. On veut que ça s’arrange. On cherche une issue. Mais non…
Des interprètes qui savent exalter le texte
On est bluffé par la justesse constante des dialogues. Le père, Stéphane Freiss formidable, tente de ménager la chèvre et le chou, il aimerait ne pas imposer ce fils à problème à sa jeune épouse. Tiraillé entre l’amour et la haine pour ce jeune perturbateur qu’il a engendré. Il explose, moralise, rembarre, impuissant. Cet ado, l’éblouissant Rod Paradot, plombe l’ambiance, crée un suspens terrifié : à chacune de ses apparitions, on s’attend au pire. Sa mère, madone en souffrance, l’équilibrante Florence Darel, reste l’élément tendre et logique. Elle est la valeur refuge du chaos. Tandis que la nouvelle épouse, Elodie Navarre fait de son mieux pour apaiser son homme et s’allier ce fils parasite.
Stéphane Freiss et Florence Darel © DR
Une mécanique implacable vers le désespoir
Ce texte est un travail d’orfèvre. Le mot juste, la phrase exacte qu’on aurait dite à ce moment-là, mais aussi le retournement de situation, les explosions de rancœur… Tout est à sa place comme une inéluctable mécanique qui alterne espoir et désolation et à nouveau espoir… Les interprètes sont magnifiquement dirigés, bravo à Ladislas Chollat : chaque intonation, chaque geste même le plus infime sont d’une précision subtile.
Le théâtre n’a pas toujours pour mission de divertir, on n’y va pas forcément « pour rigoler ». Là, il FAUT aller voir cette pièce car elle nous remue au plus profond.
Dans la salle, une émotion palpable
Pour certains, dans la salle, elle mène aux larmes, pour d’autres, elle partage un désespoir. En tout cas, d’un bout à l’autre des deux heures, on est suspendu aux interprètes, à la vie même.
A la sortie, Stéphane Freiss confiait avoir souvent recueilli malgré lui des confidences de parents inquiets, effondrés, moins seuls dans leur détresse après le spectacle. Le thème l’a touché de près lui aussi, dit-il. Pour Florence Darel, mère d’un petit garçon de 7 ans, la question n’est pas d’actualité. Elle campe son personnage avec un art de la sobriété, une présence très forte. Et bien sûr la révélation Rod Paradot (« La tête haute ») est un coup de poing dans l’estomac. Long, ultra-mince, les yeux cernés, les mains qui se tordent, les ongles bouffés… Il a dépassé l’adolescence mais nous arrache le cœur de son mal de vivre.
Après un tel programme, il manque un bar où décompresser…
« Le Fils », un texte de Florian Zeller, mis en scène par Ladislas Chollat et interprété par Stéphane Freiss, Florence Darel, Elodie Navarre et Rod Paradot, à la Comédie des Champs-Elysées, à Paris, du 13 septembre au 30 décembre 2018.
Stéphane Freiss et Rod Paradot © DR
*https://www.parismatch.com/Culture/Spectacles/Le-Fils-de-Florian-Zeller-par-Ladislas-Chollat-avec-Stephane-Freiss-1583624
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Mis à jour le 24/09/2018 à 14:36
Publié le 23/09/2018 à 07:00
CRITIQUE - Les deux acteurs sont les parents dans le désarroi de l'adolescent que joue Rod Paradot dans la très forte pièce de Florian Zeller mise en scène par Ladislas Chollat. Remarquable et bouleversant.
Un spectacle est un organisme vivant qui change au fil du temps. Créée la saison dernière, la pièce de Florian Zeller Le Fils aborde un problème très grave. Celui de la dépression profonde d'un adolescent qui ne trouve plus de raisons de vivre.
Cette pièce a fortement impressionné le public, mais elle a été interrompue en plein succès au printemps dernier par suite de la défection du comédien qui incarnait le père.
La revoir dans une distribution en partie renouvelée nous fait mieux prendre la mesure de l'écriture magistrale de Florian Zeller. Une très grande œuvre contemporaine qui se saisit d'un sujet qui touche chacun, que l'on y soit ou non confronté. Une pièce remarquablement composée et écrite - chaque mot compte. Elle est rigoureuse et bouleversante.
«Le Fils», une très grande œuvre contemporaine qui se saisit d'un sujet qui touche chacun, que l'on y soit ou non confronté. Une pièce remarquablement composée et écrite chaque mot compte.
Le noyau de la pièce, c'est la famille. Si le jeune homme se sent si mal, c'est parce que ses parents ont divorcé. Il vit avec Anne, sa mère. Florence Darel fait son entrée dans la pièce, Anne Consigny ayant d'autres engagements. Beauté voluptueuse et finesse du jeu, elle est cette maman qui appelle au secours son ex-mari, car elle ne sait plus que faire et s'angoisse devant le désespoir tangible de Nicolas. Ce dernier demande à vivre avec Pierre, son père à qui il reproche pourtant de les avoir abandonnés, lui et sa mère. Ce père, avocat brillant, très occupé, est tombé amoureux d'une jeune femme, Sofia, qui vient d'avoir un bébé. On retrouve Élodie Navarre, parfaite, toujours sobre et juste, très nuancée, belle présence subtile. Stéphane Freiss trouve en Pierre une manière d'imposer sa personnalité séduisante et la profonde émotivité qu'il sait mettre en chaque scène, de compréhension à colère avec son fils, de complicité ancienne avec son ex-femme, à amour pur avec sa nouvelle épouse.
Plus émouvant, plus vrai
Rod Paradot, qui faisait ses premiers pas sur scène la saison dernière, a magnifiquement mûri. Il est encore plus évident, plus émouvant, plus vrai, plus juste dans la moindre de ses inflexions, dans ce long parcours au cours duquel il passe, comme son personnage, par des émotions et des humeurs très contrastées. Il tente de comprendre, d'expliquer. Il se confie. Puis il abandonne et s'enferme.
Daniel San Pedro dans le rôle du médecin, Raphaël Magnobosco dans celui de l'infirmier sont parfaits. Présences fermes et graves, essentielles dans le développement dramaturgique.
Le décor à panneaux coulissants d'Édouard Laug, la succession vive des scènes, avec des plages musicales réunies par Mathieu Boutel (elles apparaissent plus pertinentes qu'à la création), les lumières d'Alban Sauve, les costumes harmonieux de Jean-Daniel Vuillermoz, tout s'inscrit dans un implacable mouvement tragique, parfaitement maîtrisé par Ladislas Chollat, qui est un remarquable directeur d'acteurs. Une soirée très forte. «Le Fils» à la Comédie des Champs-Élysées. 15, av. Montaigne (VIIIe). Tél.: 01 53 23 99 19. Horaires: du mar. au sam. à 20 h 30; le dim. à 16 h. Durée: 2 h sans entracte. Jusqu'à la fin de l'année. Places: de 20 à 53 €; 10 € pour les - 26 ans. Texte publié par L'Avant-scène théâtre (14 €).
http://www.lefigaro.fr/theatre/2018/09/23/03003-20180923ARTFIG00002--le-fils-heureusereprise-avec-stephane-freiss-etflorence-darel.php