mercredi 14 novembre 2018
Un réseau national de prévention
contre le mal-être des agriculteurs sera lancé début 2019. Dans l'Yonne,
Patrice a réussi à éviter le pire grâce à la cellule d'écoute "Réagir
89" mise en place dans le même esprit il y a déjà trois ans.
Auxerre, France
Le réseau national contre le mal-être des
agriculteurs sera lancé l'an prochain et aura pour objectif d’enrayer la
surmortalité par suicide qui toucherait 150 agriculteurs chaque année
(selon l’agence nationale de santé publique).Deux suicides en deux ans dans l'YonneL'Yonne, qui compte 4000 agriculteurs, n'est pas plus touché que les autres départements avec deux suicides en deux ans. Il faut dire que la Chambre d'Agriculture de l'Yonne avait pris les devants avec la cellule "Réagir 89" lancée en 2015. Avec 180 appels en trois ans, elle a permis, grâce à une écoute et des conseils financiers, notamment, à des exploitations de se redresser et à certains agriculteurs de ne pas mettre fin à leurs jours.
"Il fallait que j'en finisse"C'est le cas de Patrice qui produit du lait et des céréales dans l'Yonne. Ce père de famille a tenté à deux reprises de se suicider après de graves problèmes financiers. Il s'est retrouvé avec 300 000 euros de dettes après que sa ex-femme ait détourné l'argent de l'exploitation : " il fallait que j'en finisse. Je voulais passer de l'autre côté pour être tranquille tellement j'étais déçu de moi-même, tellement j'avais honte et tellement on m'avait mis la pression de partout. C'était _intenable_. Dans la tête on se dit qu'on ne réussit pas à faire vire sa famille alors qu'on bosse comme des dingues. On se croit à l'abri en faisant bien mais c'est faux."
il fallait que j'en finisse
"Heureusement ça n'a pas marché"Patrice a tenté à deux reprises de se suicider
"C'est de plus plus en compliqué"_"C'est un milieu où on est pas habitué à voir beaucoup de monde, à discuter et à partager, "_poursuit Patrice.."On a toujours été en retrait de la société, dans nos champs derrière le cul de nos vaches. C'est un monde où on est de plus en plus mis à part et c'est de plus en plus compliqué."
un métier de plus en plus compliqué
Ne pas avoir honte de se faire aider_"Quand tout s'effondre autour de soi, on a plus rien, on est pas reconnu, pas aidé et on est tout seul. En fait il ne faut pas avoir peur de se faire aider et ne pas avoir honte "explique notre agriculteur . "On a un métier qui ne dépend plus de nous_ mais des prix, des aléas climatiques. On nous demande d'être bon partout mais tôt ou tard ou ne peut pas. On ne sait pas combien on va gagner, on sait qu'on a du boulot et qu'il faut bosser un point c'est tout. Sur 24 heures quand j'ai dormi quatre heures c'est beau."
"On travaille tout le temps""Si je ne suis pas dans l'exploitation ou dans les champs la nuit avec mes phares, je suis dans mes papiers", explique encore Patrice." Même si je suis dans mon lit et que je ne dors pas, je travaille dans ma tête. Je prévois, chose qu'avant je ne faisais pas et j'aurais fait ça davantage, je ne serai pas allé jusqu'où je suis allé"
Un appel à Réagir 89Ce père de famille, qui bosse comme un fou, appelle alors Réagir 89 : "j'ai eu une réponse tout de suite et heureusement". Cyrille Fournier est conseiller à Réagir 89 : "ça va être surtout de l'écoute et si le besoin s'en fait sentir de faire intervenir nos partenaires qui sont la MSA et les partenaires sociaux qui peuvent aussi l'accompagner si on détecte une situation plus personnelle."
Il revient de très loin Après avoir vécu l'enfer Patrice a retrouvé force et sourire. Avec 300 000 euros de dettes, son exploitation est placée en redressement judiciaire pendant 15 ans. Cet agriculteur le sait : il revient de très loin. Le Président de la Chambre d'Agriculture de l'Yonne, Étienne Henriot appelle les agriculteurs en difficulté à ne pas hésiter à demander de l'aide. Souvent, ces derniers ont honte de faire le premier pas alors que ces aides permettent souvent de redresser une exploitation.
Patrice revient de loin