Suicide : des sentinelles pour le prévenir
Yann Collobert, cadre supérieur de santé pour le secteur morbihannais, est aussi formateur en intervention de crises suicidaires. Un comportement d’autodestruction difficile à anticiper, que les centre médico psychologiques et hôpitaux cherchent à prévenir et accompagner à travers différents dispositifs.
Nous sommes en période de fêtes… Est-il vrai qu’on perçoit une hausse des gestes suicidaires dans ces moments-là ?
Pas particulièrement. Cela peut constituer un facteur supplémentaire qui renforce un isolement déjà présent, mais tout comme un anniversaire, ou d’autres temps forts… C’est quelque chose qu’on entend beaucoup, qui est très médiatisé, mais qui ne se ressent pas concrètement dans les services.
En Bretagne, le taux de suicide est plus élevé que la moyenne ?
Oui, ça, c’est avéré. En 2010, on comptait 1,5 fois plus de suicides en Bretagne que la moyenne nationale (ndlr : 729 décès en 2015 par tentative de suicide).
Dans les Côtes-d’Armor, ce taux est encore plus élevé, et représente la deuxième cause de mortalité des 15-24 ans. C’est difficile de savoir à quoi ça tient, on sait que c’est une région très agricole, or les gestes suicidaires sont présents dans ce milieu. Cela peut peut-être avoir un lien aussi avec la forte consommation d’alcool dans la région…
Y a-t-il des récurrences dans les profils ?
Il n’y a pas de profil type, les raisons peuvent être multiples, tristesse, mal être, isolement, situation professionnelle difficile, cadre familial qui se dégrade… Ce sont toutes ces situations qu’il faut savoir repérer.
Comment anticiper les gestes suicidaires ?
C’est difficile, car les comportements dépendent de chaque personne. Il arrive qu’elle en fasse part, mais parfois, une fois que la décision est prise, on a simplement l’impression que la personne va mieux, parce qu’elle est soulagée d’avoir choisi. Certains critères sont pris en compte par les professionnels : les antécédents, l’âge, le sexe (ndlr : 76 % des morts par suicide en Bretagne en 2015 étaient des hommes), les événements traumatiques, mais aussi les moyens à sa disposition pour passer à l’acte…
Comment se former à anticiper ces gestes ?
En 2020, des formations « sentinelles » vont être mises en place. Il s’agit de former des personnes en mesure de repérer que quelqu’un ne va pas bien, et de l’orienter vers le bon endroit. Le niveau 2 et 3 de cette formation est réservé aux professionnels, mais le niveau un est accessible à toute personne qui s’en sent capable. Ça peut très bien être un élu, un pharmacien, un patron de bar…
Vers qui orienter les personnes fragiles ?
Le réflexe à avoir est de les orienter vers des milieux de soin : les centres médicaux psychologiques de Gourin, Rostrenen, Carhaix, les urgences, ou encore le médecin généraliste, qui orientera au mieux la personne.
Les personnes sont-elles accompagnées pour éviter les récidives ?
C’est important d’avoir un suivi, pour savoir comment va la personne, et parfois parvenir à anticiper une récidive. En plus du suivi habituel, il existe le réseau « Vigilans », un dispositif qui consiste à recontacter les personnes qui sont passées à l’acte.
Si elles acceptent de s’inscrire dans le dispositif, elles sont rappelées au bout de six mois s’il s’agit d’une première tentative, et 10 jours puis 20 jours, s’il s’agit d’une récidive. Si la personne va bien, le prochain contact a lieu aux six mois, autrement elle est contactée régulièrement et les médecins sont tenus au courant. Si la personne est injoignable, des cartes postales, manuscrites, leur sont régulièrement envoyées. Plus de 100 personnes ont été incluses dans le dispositif depuis 2018 pour la zone de Plouguernével/Pontivy.
Propos recueillis par Morgane Olès
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