jeudi 6 juin 2019

MàJ Premiers retours sur les Rencontres de Santé publique France : du 4 au 6 juin 2019 : Prévention du suicide chez les étudiants : Lille à la pointe


[#RSPFrance] En quoi le #ServiceSanitaire des étudiants en santé peut-il être efficace dans la prévention suicide chez les jeunes ? Retour d’expériences de l’Université de Lille

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Prévention du suicide chez les étudiants : Lille à la pointe
sur www.whatsupdoc-lemag.fr*
Par Julien Moschetti
Prévention du suicide
Des étudiants du CHU de Lille ont mis en place un module de prévention du suicide pour les adolescents et les étudiants en médecine, dans le cadre de la création du service sanitaire des étudiants en santé. Le projet a fait l’objet d’une conférence lors des Rencontres Santé publique France, le 4 juin dernier. Compte-rendu.
Dans le cadre de la création du service sanitaire des étudiants en santé, mis en place par le gouvernement en 2018, la faculté de médecine de Lille a mené une action de prévention de suicide de large ampleur à travers l’ensemble de la population du Nord-Pas-de-Calais. Une action à destination à des étudiants en médecine et des adolescents.

En effet, « le suicide continue de représenter la 2ème cause de mortalité chez les 15-25 ans, selon Charles-Édouard Notredame, le psychiatre de l’enfant et de l’adolescent et chef de clinique au CHU de Lille qui a participé à la mise en place d'un module de prévention du suicide. De manière plus générale, les idées suicidaires et les tentatives de suicide sont très surreprésentées chez les adolescents. « 


Plus de risque suicidaire chez les étudiants en médecine
Présenté lors d’une conférence intitulée « Santé mentale, prévention du suicide et service sanitaire des étudiants en santé » lors des Rencontres Santé publique France le 4 juin dernier, ce module de prévention s’adressait notamment aux étudiants en médecine. Ceux-ci sont en effet plus à risque suicidaire que les autres étudiants, puisqu’ils « rapportent des idées suicidaires à hauteur de 12 % à 23,7 % », selon Charles-Édouard Notredame.

Pour rappel, les professionnels les plus touchés par le suicide sont ceux du domaine de la « santé et de l’action sociale » (34,3 pour 100 000) contre 33,4 pour 100 000 dans la population générale française masculine du même âge. Plusieurs études réalisées notamment par l’Ordre des Médecins suggèrent que près de 8 % des décès des médecins en activité seraient dus à un suicide, soit deux fois plus que pour la population générale.

Ces troubles touchent également les jeunes et futurs médecins. En 2016, une enquête réalisée par le Conseil National de l’Ordre des Médecins, en collaboration avec l'Anemf, l'Isni, l'Isnar-IMG et l’ISNCCA, révélait que 14 % des jeunes médecins interrogés avaient eu des idées suicidaires. À titre de comparaison, entre 3,7 et 4 % des femmes et 2,6 et 3,7 % des hommes âgés de 20 à 34 ans ont des idées suicidaires dans la population générale.

Une autre étude, réalisée au premier trimestre 2017 auprès de 22 000 étudiants et jeunes médecins, dressait un tableau plus sombre encore : 66,2 % des jeunes soignants avaient déclaré souffrir d’anxiété et 27,7 % de dépression, tandis que 23,7 % avaient eu des idées suicidaires, dont 5,8 % dans le mois précédent l’enquête.

Entraide et innocuité

Le module de prévention du suicide mis en place dans la région Nord-Pas-de-Calais était donc à la fois destiné aux collégiens et aux lycéens, mais aussi aux étudiants de santé. Pour les collégiens et lycéens, la prévention a mis l’accent sur l’entraide entre pairs, le recours aux adultes et l’accès aux différentes ressources. Sans oublier l’innocuité, « qui permet d’éviter les effets de suggestion et de contagion que l’on connait chez les adolescents lorsque l’on mène des actions trop peu précautionneuses », a précisé Charles-Édouard Notredame.

Les étudiants en santé avaient aussi des objectifs de pédagogie. Ils ont appris à conduire une action de prévention en santé mentale, à animer des groupes, mais aussi à évaluer l’efficacité de leur action. « Mais, eu égard à la vulnérabilité des étudiants en santé, nous avons eu à cœur de concevoir un objectif de prévention à part entière destiné aux étudiants, selon Charles-Édouard Notredame. Pour eux aussi, il s‘agissait de promouvoir l’entraide entre pairs et l’accès aux ressources, et à faire attention à ne pas être mis en difficulté par son investissement dans le service sanitaire ».

4 messages-clés

Comment cela s’est-il passé concrètement ? Au total, 50 étudiants de médecine ont été répartis en 10 groupes pluridisciplinaires dans 10 établissements. La formation a duré 8 jours, la préparation et l’intervention 14 jours, avant un retour d’expérience d’une journée.

Le module de prévention conçu par les étudiants consistait à transmettre quatre messages-clés :
- s’adresser aux collégiens et aux lycéens pour les aider à remarquer des amis qui n’iraient pas bien.
- les aider à aller vers leurs amis, malgré la pression des pairs et la crainte de la marginalisation.
- les aider à venir leur parler, à ouvrir le dialogue avec leurs pairs, sans forcément faire une évaluation.
- aider les pairs à se faire aider par un professionnel.

Les messages-clés ont été diffusés dans le cadre de deux sessions. La première s’est déroulée sous forme de débats animés par les étudiants autour de supports thématiques représentés par des vidéos. Il s’agissait de traiter de sujets précis qui affectent particulièrement les adolescents : rumeurs, réseaux sociaux, consentement sexuel, harcèlement…

La deuxième session proposait des mises en situations par petits groupes animés par un ou plusieurs étudiants. Les élèves devaient se couler dans la peau des personnages pour mettre en application les quatre messages-clés.


Expérimentation du module Sentinelle

Quel était le contenu de la formation spécifique dispensée aux étudiants en santé ? Tout d’abord, d’une introduction générale à la santé publique, aux conduites de projet et à l’animation de groupe. Puis le service de psychiatrie a pris le relais avec l’organisation de plusieurs sessions de formation. Il a d’abord fallu se familiariser avec le module de prévention, en administrant par exemple le module Sentinelle qui a été élaboré dans le cadre de la campagne nationale de formation à la prévention du risque.

Le module Sentinelle consiste « à former les étudiants à pouvoir repérer un pair ou un élève en difficulté, à pouvoir nouer le dialogue avec lui, à pouvoir chercher spécifiquement les idées suicidaires, à pouvoir graduer l’inquiétude par rapport à ces idées suicidaires, et à pouvoir orienter rapidement vers un professionnel qui pourra prendre ne charge cette personne », a rappelé Charles-Édouard Notredame.

L’administration du module Sentinelle a jeté les bases d’une action de prévention spécifique auprès des étudiants en santé, pour qu’ils deviennent eux-mêmes des sentinelles. « Sentinelle les a aidés à être repérés comme des ressources au sein de leur communauté, que cela soit dans les collèges ou les lycées où ils sont intervenus, mais également dans leurs promotions d’étudiants. », selon Charles-Édouard Notredame. Des personnes ressources repérées comme « étant capables de porter une inquiétude particulière, de graduer leur inquiétude, et de les orienter vers des professionnels. »

Campagne de repérage des étudiants
En outre, les messages-clés diffusés par le module de prévention développé par les étudiants a permis de mener une véritable campagne de repérage des étudiants qui étaient le plus en difficulté au cours de leur formation. « On a très vite vu que certains étudiants étaient très mal à l’aise quand on abordait ce genre de sujets, mais aussi au cours d’entretiens individuels que les internes ont organisé avec les étudiants », a constaté Charles-Édouard Notredame.

Enfin, tout au long de l’année, les étudiants ont bénéficié d’un accompagnement par les internes. « Un accompagnement pédagogique mais aussi personnel, car les étudiants en difficulté pouvaient solliciter les internes pour en parler », a conclu Charles-Édouard Notredame.

Suicide Écoute :
Écoute des personnes confrontées au suicide.
Permanence d’écoute téléphonique 24h/24, 7j/7.
Tél. : 01 45 39 40 00
Site Internet : www.suicide-ecoute.fr

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