lundi 3 juin 2019

Découpé en courtes fictions, ce livre raconte les douleurs, invisibles et quotidiennes, d'hommes et de femmes ordinaires.

D’après article Les mal-êtres du quotidien, en images et en textes pour les dédramatiser
Découpé en courtes fictions, ce livre raconte les douleurs, invisibles et quotidiennes, d'hommes et de femmes ordinaires.

Par Adrien Filoche
https://www.huffingtonpost.fr 30/05/2019
Lucile de Peslouan
"Ces gants de boxes, ce sont ces voix qui nous disent qu’on est nul, qu’on ne fait pas assez de choses, qu’on devrait se bouger."
Mettre des mots et des images sur ces douleurs imperceptibles. Sur ces mal-êtres qui frappent, insidieusement, des femmes et des hommes. Dans son livre, “J’ai mal et pourtant, ça ne se voit pas”, publié aux éditions de l’Isatis en mars, Lucile de Pesloüan nous fait découvrir le quotidien de personnes frappées par ces “bleus invisibles que la société préfère souvent ne pas voir.”
Découpé en courtes fictions illustrées par Geneviève Darling, ce livre est le fruit de son expérience personnelle, de celle de ses proches mais aussi de longs travaux de recherche. 
“Je veux dédramatiser ces mal-êtres, tout en pointant du doigt leur complexité, dans une volonté de susciter la bienveillance. Ce livre s’adresse à ceux qui ont mal mais aussi à ceux qui ne comprennent pas la réalité des personnes en souffrance”, explique l’auteure française.
Interrogée par Le HuffPost, cette Bretonne établie à Montréal nous propose le commentaire de trois histoires tirées de “J’ai mal et pourtant, ça ne se voit pas”.

La dépression de Shushanna
Lucile de Peslouan
Cette histoire est tirée de la propre expérience de Lucile de Pesloüan.
Lucile de Peslouan
Prise dans le tourbillon du vide, Shusanna se noie l’immensité de son lit, et ne parvient pas à s’extirper des draps invisibles qui la retienne.
“J’ai écrit ce texte en m’inspirant de ma propre dépression, pendant laquelle j’ai passé énormément de temps au lit. Une bonne année, sans rire. Je me souviens de la fatigue extrême, d’une tristesse et d’un mal de vivre infini… mais aussi de l’incompréhension des autres.”
Ce sentiment d’incompréhension est retranscrit dans le dialogue de la mère, qui ne comprend pas le mal-être de sa fille: ‘Tu as tout pour réussir. Tu n’as aucune raison d’aller mal’, lui dit-elle.
Oui, mais ce n’est pas pas si simple...
“Les mots ‘le dépanneur est au bout du monde’ expriment le fait que la guérison paraît hors de porté lorsque l’on souffre de dépression.”
Son objectif est aussi d’ancrer ce mal-être dans le quotidien, montrer qu’il est tenace et ne vous ne lâche pas. “Il y a un jeu de mot avec ‘dépanneur’, qui veut dire l’épicerie au Québec. Le simple fait de sortir, d’aller à l’épicerie juste en bas de chez soi, ça paraît insurmontable.”
L’illustration rejoint ce sentiment de vide. Shusanna se noie l’immensité de son lit, et ne parvient pas à s’extirper des draps invisibles qui la retienne.
“Avec sa main, elle se cache de la lumière, cette lumière qui vient peut être la réveiller, ou la sauver.”
Matthew et les pensées suicidaires
Lucile de Peslouan
Témoin d'un suicide, la vie de Matthew ne sera plus jamais la même. 
Lucile de Peslouan
"Ces gants de boxes, ce sont ces voix qui nous disent qu’on est nul, qu’on ne fait pas assez de choses, qu’on devrait se bouger."
“Ce matin, un garçon s’est jeté sous le métro”. L’histoire commence par le témoignage de Matthew, encore sous le choc du drame qui vient de se dérouler sous ces yeux. Il ne comprend pas. Il n’imagine pas un tel acte. 
“Je me suis inspirée d’un proche qui a vu une personne mettre fin à ses jours sur le quai du métro. Ça l’a profondément marqué. C’est quelque chose dont il est difficile de s’arracher.”
Matthew est tourmenté par une averse de questionnements. Ces interrogations se transforment en tristesse, et le poussent lui-même à des pensées suicidaires. 
“Dans l’illustration, une pluie de gants de boxe tente de pousser l’homme, pourtant très stable. Elle représente ces petites voix qu’on a dans la tête quand on ne va pas bien. Ces voix qui nous disent qu’on est nul, qu’on ne fait pas assez de choses, qu’on devrait se bouger. Ces voix, parfois si difficiles à combattre…”
Chloé affronte la vague
Lucile de Peslouan
L’histoire de Chloé est un condensé de témoignages recueillis par Lucile de Pesloüan.
Lucile de Peslouan
“Le fait de mettre des mots sur ces douleurs, ce que je recherche, c’est très souvent salvateur.”
Assise dans son fauteuil, Chloé attend la vague arriver. “Ce qui me plaît dans le dessin, c’est le côté ancré dans le réel, et fantastique à la fois. La jeune femme essaye de tirer le rideau pour se protéger. Mais on sait tous que les éléments de la nature sont insurmontables. Quoiqu’il arrive, la vague va la submerger”. 
“L’histoire peut évoquer l’endométriose mais aussi le syndrome prémenstruel (un ensemble de symptômes physiques mais aussi émotionnels qui surviennent généralement de 2 à 7 jours avant les règles, ndlr). 70% des femmes souffrent de ce mal-être donc c’était important d’en parler.”
Cette histoire reprend de nombreux thèmes abordés dans le livre, comme l’anxiété ou la déprime. Mon objectif était de produire quelque chose étant le plus proche possible de la réalité. L’histoire de Chloé est un condensé de nombreux témoignages.”
De plus en plus de femmes osent en parler et c’est une très bonne chose pour Lucile de Pesloüan. “Le fait de mettre des mots sur ces douleurs, ce que je recherche, c’est très souvent salvateur.”


https://www.huffingtonpost.fr/entry/dans-ce-livre-lucile-de-peslouan-affronte-les-mal-etres-du-quotidien_fr_5cc822c9e4b02791823eaf08