Au crépuscule de leur vie, ils ont fait le choix de mourir ensemble
Home ACTUALITE Société Par JulieVoisin Publié le 17/02/2014 http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/02/17/01016-20140217ARTFIG00031-au-crepuscule-de-leur-vie-ils-ont-fait-le-choix-de-mourir-ensemble.php
Plusieurs histoires récentes montrent qu'il est de plus en plus fréquent que des couples de seniors décident d'en finir avec la vie, ensemble.
Enlacés sur leur lit, les corps sans vie d'Elisabeth Devidas, 94 ans, et de Didier Delavigne, 55 ans, ont été découverts à Bordeaux lundi après-midi par les pompiers, alertés par le gardien de l'immeuble, rapporte le quotidien régional Sud-Ouest . Selon les premières constatations, l'homme, qui aurait été SDF avant d'emménager chez sa compagne, est mort le premier. Elisabeth Devidas se serait alors laissée mourir.
En novembre dernier, c'est un couple d'octogénaires qui s'est donné la mort dans un palace cinq étoiles de Paris le Lutetia. Une lettre expliquant leur geste par «l'interdiction de l'accès à toute pastille létale qui permettrait une mort douce» a été retrouvée auprès du couple, décrit comme deux «brillants intellectuels» par leurs proches.
Un suicide sur trois est attribué à un senior
Selon les derniers chiffres présentés par le ministère des Affaires sociales, en 2010, près de 3000 personnes âgées de plus de 65 ans se suicideraient chaque année en France, représentant un tiers des suicides enregistrés chaque année. Pour Marguerite Charazac-Brunel, auteur de Le suicide chez la personne âgée, ce chiffre n'est que la partie émergée de l'iceberg. Selon elle, beaucoup de suicides ne seraient pas comptabilisés, car il s'agit «d'équivalents et de conduites suicidaires». Une personne âgée qui traverse résolument, en regardant droit devant elle, un retraité diabétique qui choisit d'arrêter son traitement... sont autant de personnes qui ont des comportements suicidaires, et qui pourtant ne sont pas comptabilisées dans les chiffres du suicide.
Dans le cadre du suicide «en couple», Marguerite Charazac-Brunel distingue deux types de suicide. L'exemple précédemment cité du couple d'octogénaires, retrouvé main dans la main sur un lit du Lutetia, illustre un cas de «pacte du suicide». «Le pacte de suicide est relativement peu fréquent. Il survient lorsqu'un état de codépendance entre les deux conjoints est lié», souligne Marguerite Charazac-Brunel, psychanalyste. Le deuxième type de suicide, «l'homicide suicide», est plus fréquent. La psychanalyste estime à «une vingtaine par mois» les morts de ce type. L'un des deux conjoints, «le plus souvent l'homme», estime que son conjoint «ne sera pas capable de s'en sortir seul» et décide de mettre fin à leurs vies, comme l'a tenté un octogénaire en août dernier.
Un acte trop souvent banalisé
Selon la psychanalyste, il y a souvent des signes annonciateurs prévenant cette issue. Dans le cas du pacte de suicide, il est fréquent que le couple parle de ses intentions, de manière anodine. Ils sont rarement pris au sérieux. Un homicide suicide est aussi décelable: le conjoint, qui a le plus souvent des antécédents d'emprise psychique et/ou physique sur le second, refuse l'aide de tout tiers et s'estime être le seul capable de soigner et s'occuper de son conjoint.
Marguerite Charazac-Brunel dénonce aussi «la banalisation du suicide chez les personnes âgées». Souvent, cet acte reflétant un désespoir, de très grandes angoisses, est considéré comme un acte de courage par ces personnes fragilisées, en fin de vie.