Chronique: d'après article "La mort remise à deux mains"
Mêler deux plumes dans le même encrier, ça n’est pas si courant. Un
peu de rose, un brin de bleu. Une touche féminine, une patte masculine,
et l’écriture s’en ressent joyeusement. Comme une boule à facettes qui
présenterait tantôt le talent de l’un, tantôt celui de l’autre. Frédéric
Lenoir et Simonetta Greggio viennent de mettre au monde « Nina ». La
complicité qui les unit était somme toute indispensable pour façonner ce
roman à rebondissements. Un bien joli doublé. Frédéric Lenoir, à la
fois philosophe, sociologue, historien des religions et donc romancier,
met là toutes les cordes de son arc au service de l’imagination.
Best-seller en vue, ses livres se hissent systématiquement en tête des
ventes. Ses quarante ouvrages avoisineraient les quatre millions
d’exemplaires. Fichtre ! Signalons les derniers : le « Petit traité de
vie intérieure » ou encore « L’âme du monde ». Bref, un écrivain habitué
au succès. Mais Frédéric Lenoir est avant tout un homme de
réconciliation. Avec la vie. Tel est le fil conducteur de ses essais
comme de ses romans. L’espoir, la non-résignation et le détachement font
partie de sa philosophie personnelle. Son association avec Simonetta
Greggio, elle aussi auteure de romans à succès («Dolce Vita » et «
L’homme qui aimait ma femme »), prouve une fois de plus son ouverture
aux autres. Greggio est italienne, elle écrit en français. On peut
tenter de deviner l’inspiration de l’une, le souffle de l’autre. Mais
pour quoi faire, après tout ? L’union est idéale. Les mots filent le
parfait amour comme les personnages de ce roman l’ont rêvé. Pas un amour
ordinaire, mais celui d’une vie. A 40 ans, Adrien se prépare à mourir. A
se donner la mort. Le cocktail de médicaments est prêt. Reste à régler
quelques petites affaires. Normal. Il lui faut aussi échapper à la
vigilance de Rose, la vieille gouvernante. Attendre qu’elle achève sa
journée pour mourir bien tranquille.
« Nina », de Frédéric Lenoir et Simonetta Greggio, éd. Stock, 295 pages, 19 euros.
«Nina» s’apparente à un roman léger sur laquelle soufflerait un vent frais venu d’Italie
Adrien veut toutefois laisser une lettre à la première femme qu’il a aimée, Nina. Il était jeune et n’a jamais déclaré sa flamme à la jeune fille qu’elle était alors. Les mots glissent sur les feuilles blanches tandis que la vie s’accroche. La mort est repoussée au soir suivant. Puis au surlendemain. Il a tant à dire à Nina. « Le désir d’écrire a remplacé le désir de mourir. » La lettre est bouleversante. Les années passées, le temps perdu le submergent. « Ce qu’il y a de pire dans le silence de l’autre, pense t- il, c’est qu’il vous renvoie à vous-même, à vos peurs les plus profondes, à vos souffrances les plus inavouées. » Une fois la déclaration d’amour achevée, l’objectif est atteint, Adrien peut mener à terme son projet : disparaître. Les rebondissements n’en finissent pas. Même si on peut imaginer qu’un roman signé de ce duo terminera de façon heureuse, l’histoire n’en prend pas le chemin. Pourtant, « Nina » s’apparente à un roman léger, parfois même à une comédie sur laquelle soufflerait un vent frais venu d’Italie. Sa lecture est infiniment fluide et agréable. Mais la patte de Lenoir est inscrite. Elle incite à s’interroger sur des sujets lourds, très lourds même. La vie et la mort, la fin de vie et, surtout, l’amour et la jalousie. Elle nous entraîne aussi dans une réflexion sur la réussite de la vie, ses priorités. Ou comment ne pas passer à côté de sa propre existence.« Nina », de Frédéric Lenoir et Simonetta Greggio, éd. Stock, 295 pages, 19 euros.