Rev Med Suisse 2012;8:1130-1134
Extraits :
Effet négatif de l’annonce du diagnostic sur le patient : dépression et tentatives de suicide
Afin d’évaluer les conséquences psychiques dans les trois mois qui suivent l’annonce du diagnostic, Carpenter et coll. publient en 2008 une étude22 portant sur 90 binômes (patient et proche) qui consultent pour une évaluation des fonctions cognitives. Les participants ne sont pas mis au courant du stade, mais uniquement de la présence (31% des binômes) ou de l’absence de démence (69% des binômes). Les résultats montrent que les symptômes d’angoisse et de dépression restent stables, voire diminuent discrètement après l’annonce. Le degré de démence (très légère ou légère), l’âge, le sexe et l’éducation n’ont pas d’effet significatif. Les auteurs concluent que le médecin peut poser et annoncer le diagnostic de démence sans crainte de réactions émotionnelles délétères chez la plupart des personnes souffrant d’une démence à un stade précoce.Toutefois, selon une étude épidémiologique danoise,23 la démence est associée de manière générale à un risque de suicide augmenté, en particulier chez les patients de moins de 70 ans (risque relatif de huit fois), et dans les trois mois qui suivent le diagnostic (20% des décès par suicide ont lieu pendant cette période). Chez les patients de plus de 70 ans, le risque est toujours trois fois plus élevé même en contrôlant les troubles de l’humeur, en particulier chez les hommes. Une récente méta-analyse confirme ce risque,24 avec un odd ratio de 1,5 comparé à une population de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou d’une insuffisance cardiaque.25
Ces données, à première vue inquiétantes, nécessitent une pondération. D’une part, chez 65% de ces patients le diagnostic a été posé durant une hospitalisation pour raison psychiatrique, la question de l’importance des comorbidités psychiatriques reste ouverte. Le suivi après le diagnostic n’est pas connu non plus – il s’agit d’un registre. Quelques travaux ont montré une augmentation relative de plaques séniles et dégénérescences neurofibrillaires chez des suicidés âgés, suggérant que la présence de marqueurs de la maladie puisse être un facteur de risque, indépendamment de l’annonce diagnostique.26 Cependant, il semble surtout que ce soit la période postdiagnostique qui soit à risque.27
Le risque de suicide nécessite un suivi régulier du patient et de son entourage afin de permettre au patient d’exprimer son désarroi et de dépister des signes d’alarme, d’autant plus que les indicateurs de suicide semblent moins fiables dans ces pathologies.28 Retarder l’annonce diagnostique jusqu’à une phase avancée de la maladie simplement pour éviter un passage à l’acte pourrait être considéré comme une forme de paternalisme médical ou un comportement d’évitement de la part du médecin."
références biblio de l'extrait
22 [*] Carpenter BD, Xiong C, Porensky EK, et al. Reaction to a dementia diagnosis in individuals with Alzheimer’s disease and mild cognitive impairment. J Am Geriatr Soc 2008;56:405-12. [Medline]
23 [*] Erlangsen A, Zarit SH, Conwell Y. Hospital-diagnosed dementia and suicide : A longitudinal study using prospective, nationwide register data. Am J Geriatr Psychiatry 2008;16:220-8.
24[*] Draper B, Peisah C, Snowdon J, Brodaty H. Early dementia diagnosis and the risk of suicide and euthanasia. Alzheimers Dement 2010;6:75-82. [Medline]
25 Waern M, Rubenowitz E, Wilhelmson K. Predictors of suicide in the old elderly. Waern Gerontology 2003;49:328-34.
26 Peisah C, Snowdon J, Gorrie C, Kril J, Rodriguez M. Investigation of Alzheimer’s disease-related pathology in community dwelling older subjects who committed suicide. J Affect Disord 2007;99:127-32. [Medline]
27 Haw C, Harwood D, Hawton K. Dementia and suicidal behavior : A review of the literature. Int Psychogeriatr 2009;21:440-53. [Medline]
28 Purandare N, Voshaar RC, Rodway C, et al. Suicide in dementia : 9-year national clinical survey in England and Wales. Br J Psychiatry 2009;194:175-80. [Medline]
source: http://rms.medhyg.ch/numero-342-page-1130.htm