"Choisir sa mort, un choix de société"
Par TéléObs
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Arte
22h20
Depuis 1996, la Suisse est dotée d'une loi permettant le suicide
accompagné, officiellement nommé « autodélivrance ». La « prestation »
est assurée par le truchement de volontaires, des bénévoles bien sûr : «
Si on nous payait pour faire ça, je ne le ferais pas », dit l'une de
ces « accompagnatrices », membre de l'association Exit Le mode
opératoire nous est expliqué en détail. La personne, malade et
incurable, doit avoir exprimé en bonne et due forme son désir de mourir.
Le moment venu, l'accompagnatrice prépare la « potion » - pas question
d'utiliser le mot « poison ». Il s'agit de pentobarbital à un dosage
très concentré, dont on ne revient pas. Le verre, posé sur la table de
nuit, doit être saisi par le patient lui-même, « car c'est la personne
qui décide », puis bu d'un trait et vidé entièrement. Toutefois, comme
la potion est a mère, on propose, avant et après, un petit verre
d'alcool - « quelque chose qu'elle aimait, comme du porto ou du
riesling. Ainsi elle s'endort avec dans la bouche un goût agréable ». Un
médecin explique pourquoi, dans la société actuelle, une telle façon de
quitter l'existence par une mort apaisée se justifie pleinement : «
Notre médecine technico-scientifique est très performante, mais elle se
soucie surtout de traiter la maladie, et non pas le malade. » Or « les
gens n'avaient pas l'habitude de vivre si longtemps, et il est aberrant
de devoir assister longuement à sa propre déglingue ». Le praticien
admet qu'« il ne s'agit pas d'une mort naturelle », mais c'est un acte
librement choisi, et cette nouvelle possibilité offerte relève d'« une
sophistication sociétale incroyable, typique d'une société qui pète dans
le luxe » : dans les pays pauvres, on a d'autres priorités que
d'instaurer de pareilles lois.
Ainsi, en Suisse - où l'euthanasie active, « un tout autre concept », reste formellement interdite -, « le suicide n'est plus seulement une liberté, mais aussi un droit ». Curieusement, en Belgique, le législateur a suivi un raisonnement d'apparence inverse : l'euthanasie active y est pratiquée depuis 2002, sous contrôle médical, tandis qu'il n'y est pas question de permettre le suicide accompagné : « Le suicide n'est pas un droit, ni même une liberté, mais le résultat d'une pure situation de fait, juste parce qu'on est capable de se l'administrer. » La preuve - car les Belges aiment les raisonnements paradoxaux : « Si vous empêchez quelqu'un de se suicider, nulle part vous ne serez poursuivi pour entrave à sa liberté. » Un juriste de la faculté de droit de Namur reconnaît cependant que, entre suicide assisté et euthanasie à la demande, il n'y a peut-être, au fond, pas tellement de différence... Interrogé sur le risque de banalisation de ces euthanasies permises - avec l'éventualité de pressions d'un entourage, trop pressé d'hériter, cherchant à influencer le patient -, le juriste se déclare confiant dans l'efficacité des précautions légales. Mais il avoue redouter, avec la crise et l'amenuisement des budgets sociaux, une autre cause de multiplication des « fins de vie » déclenchées à la hâte : la nécessité de raccourcir certains traitements coûteux.
En France, comme dans la plupart des pays européens, euthanasie active et suicide assisté restent, on le sait, hors la loi. Mais, depuis 2005, la loi Leonetti autorise le patient ou ses proches à refuser l'acharnement thérapeutique - c'est-à-dire qu'elle tolère, sans le dire, l'euthanasie passive : on peut cesser tous les soins qui ne visent pas à lui épargner la douleur -, donc notamment mettre hors circuit les dispositifs qui le maintiennent artificiellement en vie. Un médecin, spécialiste des soins palliatifs à l'hôpital Paul-Brousse, à Villejuif, refuse pourtant de devenir « un professionnel de la mort ». Et affirme : « Aujourd'hui, nous disposons des moyens de soulager tous les patients sans avoir à les tuer. »
Fabien Gruhier
Ainsi, en Suisse - où l'euthanasie active, « un tout autre concept », reste formellement interdite -, « le suicide n'est plus seulement une liberté, mais aussi un droit ». Curieusement, en Belgique, le législateur a suivi un raisonnement d'apparence inverse : l'euthanasie active y est pratiquée depuis 2002, sous contrôle médical, tandis qu'il n'y est pas question de permettre le suicide accompagné : « Le suicide n'est pas un droit, ni même une liberté, mais le résultat d'une pure situation de fait, juste parce qu'on est capable de se l'administrer. » La preuve - car les Belges aiment les raisonnements paradoxaux : « Si vous empêchez quelqu'un de se suicider, nulle part vous ne serez poursuivi pour entrave à sa liberté. » Un juriste de la faculté de droit de Namur reconnaît cependant que, entre suicide assisté et euthanasie à la demande, il n'y a peut-être, au fond, pas tellement de différence... Interrogé sur le risque de banalisation de ces euthanasies permises - avec l'éventualité de pressions d'un entourage, trop pressé d'hériter, cherchant à influencer le patient -, le juriste se déclare confiant dans l'efficacité des précautions légales. Mais il avoue redouter, avec la crise et l'amenuisement des budgets sociaux, une autre cause de multiplication des « fins de vie » déclenchées à la hâte : la nécessité de raccourcir certains traitements coûteux.
En France, comme dans la plupart des pays européens, euthanasie active et suicide assisté restent, on le sait, hors la loi. Mais, depuis 2005, la loi Leonetti autorise le patient ou ses proches à refuser l'acharnement thérapeutique - c'est-à-dire qu'elle tolère, sans le dire, l'euthanasie passive : on peut cesser tous les soins qui ne visent pas à lui épargner la douleur -, donc notamment mettre hors circuit les dispositifs qui le maintiennent artificiellement en vie. Un médecin, spécialiste des soins palliatifs à l'hôpital Paul-Brousse, à Villejuif, refuse pourtant de devenir « un professionnel de la mort ». Et affirme : « Aujourd'hui, nous disposons des moyens de soulager tous les patients sans avoir à les tuer. »
Fabien Gruhier