Un nouveau médicament contre la dépression bientôt disponible
Après plusieurs décennies sans innovation, Janssen va mettre sur le marché Spravato, un médicament contre les formes résistantes de cette maladie.
Pharmacie - Santé Publié le 3 févr. 2020 https://www.lesechos.fr/*
En France, quelque 150.000 des 2,9 millions de personnes souffrant de dépression ne peuvent être soulagées par l'utilisation des antidépresseurs existants. (Getty Images/iStockphoto)
Par Catherine Ducruet
C'est du jamais vu depuis trente ans… une nouvelle famille d'antidépresseurs va être lancée. Spravato de Janssen a en effet obtenu fin 2019, le feu vert des autorités de santé européennes, après celle des autorités américaines. « Ce médicament repose en effet sur un mécanisme d'action complètement nouveau », explique la directrice médicale Neurosciences de Janssen en France, Sophie Bouju.
Son principe actif, l'eskétamine, est une variante de la kétamine, molécule utilisée habituellement en anesthésie, afin de soulager les douleurs chroniques, ou en soins intensifs. Sur la base de cinq études cliniques de Phase III, ce type de kétamine a donc fait son entrée dans le domaine de la dépression.
Dépressions résistantes
Sans doute Spravato est-il réservé seulement aux dépressions résistantes, c'est-à-dire qui ne sont pas sous contrôle, en dépit de tentatives de traitement avec au moins deux médicaments. Mais cela représente malgré tout 15 à 30 % des 300 millions de malades dans le monde, soit quelque 150.000 des 2,9 millions de dépressifs en France. Et devraient venir bientôt s'ajouter à cette population, les patients « dépressifs avec idées suicidaires et intention de passer à l'acte », nouvelle catégorie de patients plus difficile à cerner, pour lesquels Janssen a déposé, il y a quelques jours, une demande d'autorisation européenne.
« Alors que le poids de la dépression s'accroît - elle devrait être la première cause d'invalidité en 2030 - les familles actuelles d'antidépresseurs ne permettent pas de traiter correctement tous les patients », observe Sophie Bouju. Le recours possible à une nouvelle classe élargit donc l'éventail thérapeutique des psychiatres. Elle leur fournit en particulier un produit dont les effets bénéfiques sont sensibles au bout d'une semaine (contre trois à quatre pour les antidépresseurs oraux), et qui diminue de 50 % le risque de rechute.
Spray nasal
Ce nouveau produit a déjà pu bénéficier à certains patients français avant même son autorisation officielle, grâce au mécanisme dérogatoire dit d'« Autorisation temporaire d'utilisation de cohorte », « la première jamais accordée en psychiatrie » souligne-t-on chez Janssen. Mais il doit être utilisé avec précaution.
Sa prescription peut en effet entraîner des effets secondaires qui nécessitent une surveillance (dissociation, vertiges, sédation…), ou un risque d'addiction en cas d'abus. Il sera donc uniquement à usage hospitalier, et sous une forme originale, celle d'un spray nasal (pour un effet rapide) et à usage unique (afin d'éviter les détournements), en complément d'un antidépresseur oral.
Lancement fin 2020
Janssen, qui a lancé son produit aux Etats-Unis au prix de 32.400 dollars par an, devra certainement en rabattre en Europe. En France, son dossier vient d'être soumis à la Haute autorité de santé pour évaluation médicale, étape préalable à la négociation du prix, avec un lancement commercial espéré fin 2020.
Les analystes américains créditent, en tout cas, un bel avenir au Spravato avec 3 milliards de dollars de ventes à son apogée. Une promesse de succès dans un domaine, les neurosciences, que les laboratoires ont tendance à déserter, en dépit d'importants besoins non satisfaits, du fait d'un taux d'échec très élevé. Janssen est un des rares à persister dans ce domaine. Il dispose actuellement de sept molécules en développement clinique. La plus avancée, le Seltorexant, en Phase III, cible la dépression avec troubles du sommeil.
Catherine Ducruet
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