Entretien avec le Pr Guillaume Vaiva
Prévenir la récidive suicidaire : le dispositif VigilanS étendu
Affiliations et déclarations d'intérêt
Prévenir la récidive suicidaire : le dispositif VigilanS étendu
Affiliations et déclarations d'intérêt
Le Pr Guillaume Vaiva, chef du service de psychiatrie d’adultes du CHRU de Lille, est à l’origine du dispositif de veille VigilanS qui a fait la preuve de son efficacité dans le Nord-Pas-de-Calais et doit être étendu à toute la France d’ici 2022.
La Revue du Praticien: En quoi consiste VigilanS ?
Pr G. Vaiva: Ce
dispositif fait suite à plus de vingt ans de travaux de recherche par
des équipes internationales qui ont travaillé sur la prévention de la
récidive. Plusieurs types de médias ont été expérimentés (appels
téléphoniques, envois de lettres, de cartes imprimées…) mais utilisés
indépendamment les uns des autres. L’idée de les combiner pour pouvoir
toucher l’ensemble des populations concernées est à l’origine du
dispositif VigilanS. Ce dispositif de veille a été expérimenté pour la
première fois en février 2015 à Boulogne-sur-Mer. Il concerne tout
patient pris en charge pour une tentative de suicide (quel qu’en soit le
mode). Dès sa sortie, le patient reçoit une « carte ressource » qui
comporte un numéro d’appel unique gratuit, où il peut contacter 24 h/24
l’équipe de VigilanS en cas de besoin. Mais cela ne suffit pas. Si l’on
veut entretenir le compromis de soin établi entre le patient et l’équipe
soignante qui a pris en charge le patient, avec souvent trop peu de
temps d’échanges (quelques heures parfois avant la sortie de l’hôpital),
il faut maintenir le lien avec le patient, mais aussi avec les
professionnels de santé qui vont le suivre.
En pratique, comment ça marche ?
Chez le primo-suicidant (premier geste
suicidaire), une carte ressource est remise à la sortie. Chez le non
primo-suicidant (qui n’en est pas à son premier geste), il faut sans
doute être plus proactif et aller vers lui. Un contact téléphonique est
réalisé dix à vingt jours après sa sortie de l’hôpital, pour évaluer la
situation. Une décision peut alors être prise très rapidement en lien
avec l’équipe du Samu qui peut intervenir s’il y a un risque imminent de
récidive. Si le patient est injoignable ou en difficulté, des cartes
postales personnalisées lui sont envoyées à raison d’une par mois
pendant quatre mois. À six mois, un contact téléphonique est établi pour
tous les patients entrés dans le dispositif.
Des cartes postales, n’est-ce pas un peu « archaïque » ?
À l’heure du numérique, on nous a souvent
fait cette remarque ! En particulier pour toucher les populations plus
jeunes très attachées aux réseaux sociaux.
Mais le choix de l’envoi d’une « carte »
n’est pas dénué de sens : c’est un objet avant tout que le patient peut
toucher, regarder, échanger, montrer… même pour des adolescents, qui a fortiori
ne reçoivent rien d’autre dans leur boîte aux lettres, à part quelques
prospectus ou factures (pour les moins jeunes). Il fallait aussi trouver
un moyen de maintenir le lien avec des patients que l’on n’arrive pas à
contacter au téléphone et qui sont perdus de vue.
Des expérimentations sont bien sûr à l’étude : envoi de SMS, chatbot…mais les moyens humains sont dans ce cas bien plus lourds pour pouvoir répondre en temps réel.
Quel déploiement est-il prévu pour VigilanS ?
Depuis 2017, ce dispositif a été étendu à
d’autres régions, et il devrait être déployé sur l’ensemble du
territoire d’ici 2022 comme s’y est engagée la ministre de la Santé, Mme
Agnès Buzyn. Ce dispositif a un coût modéré (si on le compare ne
serait-ce qu’au coût d’une hospitalisation pour prise en charge d’une
tentative de suicide) et il est simple à mettre en place, puisque la
cellule de recontact est unique et mutualisée sur toute une région.
Ce dispositif est-il adapté aux personnes âgées ?
Ce dispositif devrait surtout être
efficace dans cette population qui, plus qu’une autre, souffre souvent
d’isolement et de rupture du lien. Et pourtant elle est sous-représentée
dans nos cohortes de patients (sur plus de 20 000 sujets inclus dans
VigilanS dans le Nord-Pas-de-Calais, seuls 4 % ont de plus de 65 ans).
On estime à environ 7 % les personnes de plus de 65 ans dans les
cohortes de tentatives de suicides. Cela vient sans doute en partie des
filières de prise en charge spécifiques à cette population (filières
gériatriques ou de services de soins). Des efforts doivent être faits
pour inscrire dans le dispositif toute personne âgée hospitalisée à la
suite d’un geste suicidaire. Nous réfléchissons d’ailleurs avec les
agences régionales de santé à la création, dans VigilanS, d’un groupe
dédié aux sujets âgés. L’accent doit également être mis sur un meilleur
repérage de l’isolement, et là le médecin généraliste a un rôle crucial à
jouer. Il peut dès lors, en raison de l’isolement et/ou du risque
suicidaire de son patient, l’inscrire dans le dispositif VigilanS :
c’est l’une des voies d’évolution de VigilanS que l’on étudie !
Alexandra Karsenty, La Revue du Praticien
Figures et tableaux
https://www.larevuedupraticien.fr/article/prevenir-la-recidive-suicidaire-le-dispositif-vigilans-etendu
Lorraine | Santé Tentatives de suicide : VigilanS pour prévenir la récidive
Le dispositif, anglo-saxon à l’origine, importé en France à Lille d’abord, a fait ses preuves : depuis son déploiement en 2015, une étude a montré une baisse de 10 % des décès par suicide dans le Pas-de-Calais. Son nom ? VigilanS. Un dispositif de veille post-hospitalière destiné aux personnes ayant été prises en charge par un service d’urgences pour tentative de suicide. L’objectif étant de réduire le nombre de récidives.
Formés à la gestion de crise suicidaire
D’abord mis en place sur le CHRU de Nancy dans la foulée de Lille, le dispositif est coordonné en Lorraine, bientôt en Grand Est, par le Dr Catherine Pichené du Centre psychothérapique de Nancy. Très concrètement, à leur sortie de l’hôpital, les patients se voient délivrer une carte « ressource » sur laquelle figure le numéro téléphonique de VigilanS qu’ils pourront contacter en cas de besoin. Au bout du fil, des professionnels de santé (infirmières, psychologue) formés à la gestion de crise suicidaire et à l’évaluation des risques.
« Un filet de sécurité autour du patient »
Parallèlement, cette veille passe par un système de recontact des personnes, par téléphone et/ou envoi de cartes postales personnalisées : « Il s’agit de créer un véritable filet de sécurité autour du patient pendant toute la période à risque estimée à 6 mois après la sortie d’hôpital », explique le Dr Catherine Pichené, voire au-delà quand cela s’avère nécessaire. « VigilanS restaure une certaine connexion sociale. Les personnes sont extrêmement sensibles à la démarche », poursuit le médecin. A chaque étape de ce lien maintenu, médecins généralistes et psychiatres des patients sont tenus informés.
Dix centres opérationnels
Aujourd’hui, dix services d’urgence sont entrés dans le dispositif en Lorraine : Nancy, Toul, Lunéville, Pont-à-Mousson, Epinal, Remiremont, Saint-Dié, Neufchâteau, Metz et Thionville. En 2019, 1. 182 personnes ont été incluses dans VigilanS. En France, seules 90 000 des 200. 000 tentatives de suicides estimées passent par les urgences.
Le suicide reste tabou, regrette le Dr Pichené : « Or il faut en parler car parler du suicide, c’est sauver des vies […] N’oublions jamais que derrière un suicide, il y a une souffrance immense, un désespoir terrible ».
Au vu de ses résultats, le dispositif VigilanS sera déployé sur toute la France d’ici 2021.
https://www.estrepublicain.fr/actualite/2020/02/06/tentatives-de-suicide-vigilans-pour-prevenir-la-recidive
***
sur le même sujetLorraine | Santé Tentatives de suicide : VigilanS pour prévenir la récidive
Implanté à Nancy depuis 2005,
le dispositif de veille post-hospitalière s’adressant aux personnes
ayant été prises en charge par un service d’urgences pour tentative de
suicide, se déploie sur toute la Lorraine et bientôt le Grand Est. Avec
des résultats convaincants.
Par
Hier à 05:03
| mis à jour à 06:42
- Temps de lecture : 2 min
-
Le dispositif, anglo-saxon à l’origine, importé en France à Lille d’abord, a fait ses preuves : depuis son déploiement en 2015, une étude a montré une baisse de 10 % des décès par suicide dans le Pas-de-Calais. Son nom ? VigilanS. Un dispositif de veille post-hospitalière destiné aux personnes ayant été prises en charge par un service d’urgences pour tentative de suicide. L’objectif étant de réduire le nombre de récidives.
Formés à la gestion de crise suicidaire
D’abord mis en place sur le CHRU de Nancy dans la foulée de Lille, le dispositif est coordonné en Lorraine, bientôt en Grand Est, par le Dr Catherine Pichené du Centre psychothérapique de Nancy. Très concrètement, à leur sortie de l’hôpital, les patients se voient délivrer une carte « ressource » sur laquelle figure le numéro téléphonique de VigilanS qu’ils pourront contacter en cas de besoin. Au bout du fil, des professionnels de santé (infirmières, psychologue) formés à la gestion de crise suicidaire et à l’évaluation des risques.
« Un filet de sécurité autour du patient »
Parallèlement, cette veille passe par un système de recontact des personnes, par téléphone et/ou envoi de cartes postales personnalisées : « Il s’agit de créer un véritable filet de sécurité autour du patient pendant toute la période à risque estimée à 6 mois après la sortie d’hôpital », explique le Dr Catherine Pichené, voire au-delà quand cela s’avère nécessaire. « VigilanS restaure une certaine connexion sociale. Les personnes sont extrêmement sensibles à la démarche », poursuit le médecin. A chaque étape de ce lien maintenu, médecins généralistes et psychiatres des patients sont tenus informés.
Dix centres opérationnels
Aujourd’hui, dix services d’urgence sont entrés dans le dispositif en Lorraine : Nancy, Toul, Lunéville, Pont-à-Mousson, Epinal, Remiremont, Saint-Dié, Neufchâteau, Metz et Thionville. En 2019, 1. 182 personnes ont été incluses dans VigilanS. En France, seules 90 000 des 200. 000 tentatives de suicides estimées passent par les urgences.
Le suicide reste tabou, regrette le Dr Pichené : « Or il faut en parler car parler du suicide, c’est sauver des vies […] N’oublions jamais que derrière un suicide, il y a une souffrance immense, un désespoir terrible ».
Au vu de ses résultats, le dispositif VigilanS sera déployé sur toute la France d’ici 2021.
https://www.estrepublicain.fr/actualite/2020/02/06/tentatives-de-suicide-vigilans-pour-prevenir-la-recidive