Radio-Canada
Dans
beaucoup de grandes villes comme Montréal, Paris et New York, les
autorités n'utilisent pas le mot « suicide » dans leurs communications
lorsque quelqu'un s'enlève la vie dans le métro, causant une
interruption de service. Toronto a choisi, au contraire, d'en parler
ouvertement, ce qui est la « meilleure » stratégie, selon une experte.
Texte de Michel Bolduc; infographie de Camile Gauthier
La Société de transport de Montréal n'emploie pas le mot
« suicide », parlant plutôt d'une « intervention des services
d'urgence », pour
ne pas inciter d'autres personnes à commettre ces actes malheureux
, explique la porte-parole de la STM Amélie Régis.
Même son de cloche de la part de la MTA à New York et de
la RATP à Paris, qui ajoute que seule la police y a le pouvoir de
confirmer qu'il s'agit d'un suicide.
À Toronto, la Commission de transport utilise souvent
l'expression « blessé au niveau des rails » dans ses alertes
automatisées dans les médias sociaux et sur les écrans dans le métro.
Mais lorsque le tweet vient du porte-parole de la CTT
Brad Ross, ce dernier, qui a plus de 30 000 abonnés sur Twitter, fait
directement référence au suicide, en ajoutant le
contexte
nécessaire, explique-t-il.Les experts sont unanimes : ça n'incite pas au suicide de faire preuve de transparence, si on utilise de l'empathie et de la compassion. Le fait d'en parler peut, au contraire, inciter les gens à obtenir de l'aide.
M. Ross s'assure d'ajouter dans ses tweets le numéro
d'une ligne téléphonique d'aide. La CTT doit conserver la même stratégie
après son départ le 14 décembre, indique-t-il.
La CTT a recensé 43 tentatives de suicide et suicides
jusqu'à maintenant cette année (30 tentatives; 13 morts). L'an dernier,
il y en avait eu 45 (26 tentatives; 19 morts). Il est difficile pour
l'instant de savoir si la stratégie adoptée par M. Ross il y a deux ans
porte fruit.
Pour prévenir les suicides, la CTT collabore également
avec l'organisme Distress Centres que les usagers en détresse
psychologique peuvent joindre grâce à un bouton sur les téléphones
publics dans les stations de métro.
À Montréal, les employés du métro ont reçu une formation
en matière de prévention du suicide et la STM a mené une campagne de
sensibilisation en collaboration avec l'organisme Suicide action
Montréal, précise Mme Régis.
Briser le tabou
La professeure de psychologie de l'Université d'Ottawa
Nafissa Ismail est d'accord avec Brad Ross, de la CTT : l'approche
traditionnelle consistant à taire la question
n'a pas marché
, si l'on se fie à la hausse des taux de dépression et de suicide.En n'en parlant pas, on n'arrive pas à rejoindre [les personnes suicidaires].
Parler ouvertement du suicide, ajoute-t-elle, peut aussi
aider à sensibiliser un plus grand nombre de personnes et aider le
public à reconnaître des signes avant-coureurs du suicide chez un
proche.
Où obtenir de l'aide?
- Jeunesse, J'écoute (Nouvelle fenêtre) : 1 800 668-6868
- The LifeLine (Nouvelle fenêtre) (application bilingue pour téléphones intelligents)
- Crisis Link, Distress Centres (Nouvelle fenêtre) (en anglais) : 416 408-HELP (416 408-4357)
- Suicide action Montréal (Nouvelle fenêtre) : 1 866 APPELLE (1 866 277-3553)
Pour sa part, Kathleen Patterson, leader en santé mentale
au Conseil scolaire Viamonde, se demande si un tweet est le format
idéal pour parler d'une question
très complexe
comme le suicide.
Néanmoins, elle pense elle aussi qu'il faut mettre fin à la
stigmatisation et au tabou
.Les médias ont un rôle clé à jouer. Le ton est maintenant beaucoup plus à la discussion [au sujet du suicide].
Selon Mme Patterson, il est important de parler des souffrances vécues, mais aussi d'inclure un
message d'espoir
et d'informer le public que des ressources d'aide sont disponibles.
Elle souligne que les personnes seules ou isolées sont souvent
plus vulnérables
durant la période des Fêtes, connue pour ses rassemblements de famille.
C'est sans parler du stress financier que Noël et l'achat de cadeaux
peuvent entraîner.
La professeure Ismail offre quelques conseils :
- « Il n'est pas nécessaire de suivre les traditions [des années précédentes] », si le temps ou l'argent ne le permet pas.
- « C'est correct de s'absenter [d'une fête de famille] », selon les circonstances.
- « Bien dormir, prendre le temps de relaxer. »
- « Être à l'écoute des gens autour de nous », pour identifier les signes de détresse et diriger les personnes dans le besoin vers les ressources d'aide adéquates.