L'association accompagne plus de 600 personnes, individuellement ou en collectif
Réparer par les mots les maux de la vie
La Montagne, Brive jeudi 29 novembre 2018
- Quelle est l'action du Centre Écoute et Soutien ? Les gens viennent se confier, parce qu'ils sont dans une situation de mal-être, suite à une rupture, plus ou moins grave et qui peut être d'origine diverse, familiale, professionnelle, amoureuse, une remise en cause globale de sa vie, un déménagement Le mal-être est souvent multifactoriel. Nous les aidons à se comprendre, à sentir qu'elles doivent faire quelque chose, sauf à perdre pied.
- Quels signes doivent alerter ? Le repli, ne plus voir les gens. La personne s'isole, donc on l'isole : on est moins présent, on se confine C'est comme cela que des addictions peuvent se mettre en place sans que personne ne le voit. Plus on prend en compte le mal-être tôt, mieux c'est. Le stress qu'on a ressenti à 15, 22, 35 ans, qu'on a masqué, surmonté, s'imprime dans le subconscient et se rajoute aux nouveaux épisodes de stress. Et finalement, une nouvelle épreuve joue comme la goutte d'eau qui déborde. Pour 200 suicides, il y a 4.000 tentatives et pas 4.000 passages aux urgences. Pour autant, cette violence reste imprimer dans la vie de la personne, même si rien n'est dit. La résilience est une théorie intéressante, mais elle ne résout pas tout.
- Quels sont vos leviers d'action ? Par le biais d'ateliers, de groupes de parole, d'entretiens, un suivi qui peut être ponctuel ou régulier, on aide la personne à trouver les ressources en elle, à réactiver des moments du passé et à retourner vers les autres. Souvent, il s'agit de poser des questions, de reformuler ce que dit la personne sans jamais juger, de rebondir sur des choses positives.
Cette reconstruction psycho-sociale peut suffire et même s'il y a une rechute, la personne connaît la conduite à suivre. Les résultats sont excellents, tant que la démarche est volontaire. La personne ne doit pas venir juste pour faire plaisir à quelqu'un.
On travaille par exemple avec des personnes qui ont fermé le dossier emploi, qui fait très mal. Pour le rouvrir, il faut leur donner des atouts, travailler sur l'image, l'esthétique, l'estime de soi, sur leur état de stress et de détente. On essaie de les réarmer en les amenant à prendre soin d'eux. C'est un appui incontournable pour les personnes qui ont perdu leur ressort interne.
- Comment les personnes vous contactent-elles ? Notre deuxième activité, que nous cherchons absolument à développer, ce sont les sentinelles. Des gens en contact avec des personnes en difficulté, qui ont noué un lien de confiance; ils n'ont pas à jouer les saint-bernard, mais à accompagner les personnes vers nous.
Tout être humain est censé être une sentinelle, même si ce sont en général les services sociaux qui jouent ce rôle. Souvent, la personne exprime son mal-être à celui pour lequel elle pense que ça n'aura pas trop de conséquences; c'est celui-là qui peut être une sentinelle, en l'amenant à penser qu'il y a d'autres solutions que l'hôpital pour aller mieux.
- Le mal-être et le suicide sont pourtant encore tabous, pourquoi ? Historiquement, on a eu peur de l'épidémie, après Le Grand Meaulnes notamment et aujourd'hui encore, certaines théories avance le risque de mimétisme chez les adolescents. Il y a aussi leur résonance très forte, la preuve que ça peut toucher tout le monde, et pas que les malades mentaux; on reste souvent sidérés face à cette idée. Il y a encore une autre explication, c'est que les médecins ne sont toujours très à l'aise avec la prise en charge de ces souffrances. La moitié des personnes qui se sont donné la mort avaient vu leur médecin dans la semaine
Ce que je crois, c'est qu'il ne faut pas en parler n'importe comment, mais que ça peut être dangereux de ne pas en parler. Parler du suicide avec une personne en souffrance ne provoque pas un passage à l'acte, cela peut lui montrer au contraire qu'on peut l'entendre et trouver une solution.
- Les outils numériques, les réseaux sociaux notamment, sont-ils une aide ou un risque ? L'isolement numérique est flagrant, ceux qui n'ont pas mis le pied à l'étrier peuvent se sentir encore plus coupés du monde. Mais souvent, la personne en mal-être est en demande d'un vrai contact; ce n'est pas un réseau social qu'elle veut, mais de l'humain, un regard notamment. Il y a des personnes qui ne se sont pas suicidées grâce à un regard in extremis Après, les réseaux sociaux peuvent aider à entretenir des relations, mais il faut d'abord bien se connaître pour s'y retrouver.
Blandine Hutin-Mercier
La Montagne, Brive jeudi 29 novembre 2018
- Quelle est l'action du Centre Écoute et Soutien ? Les gens viennent se confier, parce qu'ils sont dans une situation de mal-être, suite à une rupture, plus ou moins grave et qui peut être d'origine diverse, familiale, professionnelle, amoureuse, une remise en cause globale de sa vie, un déménagement Le mal-être est souvent multifactoriel. Nous les aidons à se comprendre, à sentir qu'elles doivent faire quelque chose, sauf à perdre pied.
- Quels signes doivent alerter ? Le repli, ne plus voir les gens. La personne s'isole, donc on l'isole : on est moins présent, on se confine C'est comme cela que des addictions peuvent se mettre en place sans que personne ne le voit. Plus on prend en compte le mal-être tôt, mieux c'est. Le stress qu'on a ressenti à 15, 22, 35 ans, qu'on a masqué, surmonté, s'imprime dans le subconscient et se rajoute aux nouveaux épisodes de stress. Et finalement, une nouvelle épreuve joue comme la goutte d'eau qui déborde. Pour 200 suicides, il y a 4.000 tentatives et pas 4.000 passages aux urgences. Pour autant, cette violence reste imprimer dans la vie de la personne, même si rien n'est dit. La résilience est une théorie intéressante, mais elle ne résout pas tout.
- Quels sont vos leviers d'action ? Par le biais d'ateliers, de groupes de parole, d'entretiens, un suivi qui peut être ponctuel ou régulier, on aide la personne à trouver les ressources en elle, à réactiver des moments du passé et à retourner vers les autres. Souvent, il s'agit de poser des questions, de reformuler ce que dit la personne sans jamais juger, de rebondir sur des choses positives.
Cette reconstruction psycho-sociale peut suffire et même s'il y a une rechute, la personne connaît la conduite à suivre. Les résultats sont excellents, tant que la démarche est volontaire. La personne ne doit pas venir juste pour faire plaisir à quelqu'un.
On travaille par exemple avec des personnes qui ont fermé le dossier emploi, qui fait très mal. Pour le rouvrir, il faut leur donner des atouts, travailler sur l'image, l'esthétique, l'estime de soi, sur leur état de stress et de détente. On essaie de les réarmer en les amenant à prendre soin d'eux. C'est un appui incontournable pour les personnes qui ont perdu leur ressort interne.
- Comment les personnes vous contactent-elles ? Notre deuxième activité, que nous cherchons absolument à développer, ce sont les sentinelles. Des gens en contact avec des personnes en difficulté, qui ont noué un lien de confiance; ils n'ont pas à jouer les saint-bernard, mais à accompagner les personnes vers nous.
Tout être humain est censé être une sentinelle, même si ce sont en général les services sociaux qui jouent ce rôle. Souvent, la personne exprime son mal-être à celui pour lequel elle pense que ça n'aura pas trop de conséquences; c'est celui-là qui peut être une sentinelle, en l'amenant à penser qu'il y a d'autres solutions que l'hôpital pour aller mieux.
- Le mal-être et le suicide sont pourtant encore tabous, pourquoi ? Historiquement, on a eu peur de l'épidémie, après Le Grand Meaulnes notamment et aujourd'hui encore, certaines théories avance le risque de mimétisme chez les adolescents. Il y a aussi leur résonance très forte, la preuve que ça peut toucher tout le monde, et pas que les malades mentaux; on reste souvent sidérés face à cette idée. Il y a encore une autre explication, c'est que les médecins ne sont toujours très à l'aise avec la prise en charge de ces souffrances. La moitié des personnes qui se sont donné la mort avaient vu leur médecin dans la semaine
Ce que je crois, c'est qu'il ne faut pas en parler n'importe comment, mais que ça peut être dangereux de ne pas en parler. Parler du suicide avec une personne en souffrance ne provoque pas un passage à l'acte, cela peut lui montrer au contraire qu'on peut l'entendre et trouver une solution.
- Les outils numériques, les réseaux sociaux notamment, sont-ils une aide ou un risque ? L'isolement numérique est flagrant, ceux qui n'ont pas mis le pied à l'étrier peuvent se sentir encore plus coupés du monde. Mais souvent, la personne en mal-être est en demande d'un vrai contact; ce n'est pas un réseau social qu'elle veut, mais de l'humain, un regard notamment. Il y a des personnes qui ne se sont pas suicidées grâce à un regard in extremis Après, les réseaux sociaux peuvent aider à entretenir des relations, mais il faut d'abord bien se connaître pour s'y retrouver.
Blandine Hutin-Mercier