jeudi 5 septembre 2019

MàJ PRESENTATION Le Réseau Agri-Sentinelles : Un réseau national et coopératif d’alerte et de prévention du suicide des agriculteurs


Suicide : la profession poursuit son engagement
En 2015, 372 agriculteurs ont mis fin à leurs jours. Il s’agit de la catégorie socio-professionnelle la plus touchée par le suicide. Le sujet se retrouve au coeur de l’actualité en raison de la sortie du film Au nom de la terre.
L'Oise Agricole 05 septembre 2019 à

- © capture écran
Dispositif d’écoute, entraide, aide au répit, avance de trésorerie… Les leviers sont nombreux pour tenter d’éviter le passage à l’acte. Si la sortie imminente du film d’Édouard Bergeon, Au nom de la terre, prévue le 25 septembre, remet le sujet du suicide en milieu agricole sur le devant de la scène, la profession agricole a mis en place, depuis plusieurs années, un certain nombre d’outils pour éviter aux agriculteurs de commettre l’irréparable dans un contexte où la pression – économique, sociétale, etc. – se fait de plus en plus forte sur le secteur.
«Notre profession est la plus touchée, il importe donc de parler du phénomène, mais en connaissance de cause», note Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Si les quinze à trente-neuf ans se suicident moins, la proportion augmente chez les quarante à quarante-neuf, puis chez les cinquante à soixante-quatre ans, avant d’exploser au-dessus de soixante-cinq ans. «Dans la tranche des cinquante à soixante-quatre ans, les agriculteurs concernés sont majoritairement des éleveurs, en particulier des éleveurs laitiers. Les retraités sont les plus touchés. Ils travaillaient beaucoup, n’avaient pas de loisirs. Sitôt l’arrêt de leur activité, ils se sentent inutiles. Ils se retrouvent seuls et ont un très faible revenu», explique Christiane Lambert.
Des dispositifs d’accompagnement
Pour répondre à la diversité des situations de détresse, plusieurs dispositifs ont été mis en place. Agri Sentinelles est un réseau animé par l’Institut de l’élevage et rassemble un grand nombre d’organisations agricoles partenaires, dont la FNSEA. Sur base du volontariat, il permet aux techniciens, conseillers, vétérinaires, ou encore salariés de ces organisations, qui travaillent au quotidien avec les agriculteurs, de repérer les professionnels en situation de détresse et de lancer l’alerte.
Créé en 2014 par la MSA, Agri’Écoute est un numéro d’appel (09 69 39 29 19) qui permet aux exploitants agricoles en difficulté de joindre à tout moment des psychologues cliniciens diplômés spécifiquement formés à la gestion du mal-être et des situations de crise suicidaire. Un suivi personnalisé peut être mis en place et des solutions concrètes sont trouvées au cas par cas, l’adhérent pouvant garder l’anonymat. Entre juillet et décembre 2018, Agri’Écoute a reçu en moyenne 346 appels par mois. 83 % des appelants sont des agriculteurs en difficulté, 12 % sont des proches, 1 % sont des référents MSA, 4 % sont hors périmètre. 9 % des appelants se sont inscrits dans une démarche de suivi.
Mises en place dès 2011, les cellules pluridisciplinaires MSA apportent une écoute aux situations de détresse et mettent en oeuvre un réseau d’aide adapté à chaque cas. Le risque psycho-social est pris en charge par les équipes médicales, l’action sociale peut proposer des prestations, la relation-adhérent s’assure que toutes les prestations de sécurité sociale ou d’aide sociale ont bien été demandées. En 2017, 1 870 situations de personnes en difficulté ont été détectées par les cellules pluridisciplinaires (une progression de 30 % par rapport à 2016). 75 % des personnes suivies sont des exploitants agricoles.
Si les nouvelles générations choisissent le métier par passion, certains fils et petit-fils d’agriculteurs peuvent avoir du mal à équilibrer leur vie entre la volonté de s’engager 24h sur 24 pour valoriser l’héritage familial, et le besoin de lever le pied pour passer du temps avec sa famille. «C’est notamment pour cela que nous avons mis en place les séjours Ensemble pour repartir», explique Christiane Lambert. Accompagnées par deux travailleurs sociaux MSA, les familles sont invitées à partir cinq jours pendant les vacances scolaires. Des temps d’échange sont organisés durant le séjour avec un psychologue et entre les familles. Le coût du service de remplacement est pris en charge par la MSA. «Il n’y a rien de plus important que les siens, aucune difficulté économique ne justifie que l’on renonce à sa vie», ajoute la présidente de la FNSEA.
L’aide au répit, enfin, vise à prévenir l’épuisement professionnel. Elle permet de bénéficier d’un financement pour se faire remplacer à l’exploitation pendant sept à dix jours, avec renouvellement possible selon les situations. Le travailleur social de la MSA propose un plan d’action personnalisé pour sortir du syndrome de l’épuisement et prendre du recul (aides au départ en vacances, «séjours-répit», temps de loisirs, groupes de paroles, consultations psychologiques, séances de sophrologie…). En 2018,
3 072 affiliés et 890 ayants droit ont été accompagnés pour un montant total de 2 857 619 €. Pour 2019, 3,3 millions d’euros sont mobilisés pour la reconduite du dispositif.
Passage à l’acte aux multiples causes
Dans sa thèse, «Les suicides des agriculteurs : pluralité des approches pour une analyse configurationnelle du suicide», le sociologue Nicolas Deffontaines, chercheur associé au Cesaer Inra, établit les configurations qui poussent les agriculteurs à se suicider. Il constate que les agriculteurs sont au sommet de la pyramide des suicides, si on compare avec les cadres, les artisans, les ouvriers, les employés et les professions intermédiaires. Il distingue ainsi quatre «types» de scénarios.
Le premier, le suicide égoïste, est caractérisé par l’isolement social, a fortiori chez les célibataires, plus fréquents dans la profession, notamment chez les petits paysans. Ces derniers ont un risque 1,5 fois supérieur de se suicider qu’un agriculteur qui est installé dans une plus grande exploitation. Le suicide égoïste est provoqué par un déficit d’intégration. L’agriculteur ainsi acculé éprouve souvent un sentiment grandissant de disqualification sociale.
Le deuxième, le suicide altruiste, est une configuration que l’on retrouve généralement chez les agriculteurs proches de l’âge de la retraite, et qui éprouvent de grandes difficultés à transmettre leur exploitation. Le troisième type est le suicide anomique, qui concerne des agriculteurs très investis dans leur travail, mais qui font face à une menace vis-à-vis de leur indépendance statutaire. Ce sont des agriculteurs très reconnus par leur profession, qui vont tomber dans une dépression, suite à l’effondrement de toutes leurs croyances dans leur travail.
Enfin, le chercheur décrit le suicide fataliste. Il est causé par une difficile imbrication entre vies personnelle et professionnelle. Certains exploitants sont tiraillés entre la volonté de garder une autonomie conjugale, avec un conjoint qui ne travaille pas dans l’exploitation, par exemple, et des parents qui sont encore très présents. Il y a donc une injonction contradictoire pour l’agriculteur qui éprouve des difficultés à réguler sa vie quotidienne


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D'après article Cinq suicides en 2018 : « Le monde agricole ne parle pas »
D. M. D’après : Le Progrès , mercredi 23 janvier 2019 714 mots, p. Rhône11

Un nouveau dispositif, baptisé Agri'sentinelles, verra le jour en 2019. Mais la prévention du suicide des agriculteurs occupe déjà les organismes depuis plus de quinze ans, depuis les premières crises viticoles.

L'un des signes annonciateurs est la pile de courriers non ouverts qui grandit au coin d'une table ou sur le frigo. Cinq agriculteurs se suicident, en moyenne, par an dans le Rhône. Cinq de trop, mais cinq seulement. Grâce à une intervention extérieure, d'autres ne commettent pas le geste ultime. Les filières bovine et viticole sont les plus touchées. La majorité des suicides est le fait d'hommes entre 40 et 50 ans. « As-tu pensé à passer à l'acte ? » La campagne d'Agri'écoute, service en ligne de la Mutuelle sociale agricole (MSA), a parfois choqué. « Mais nous savons que parler du suicide n'augmente pas sa probabilité. En revanche, cela permet d'objectiver le degré de mal-être », livre Nathalie Moore, directrice des territoires et des politiques sociales et familiales à la MSA.
« Il y a une pudeur, la peur du regard des autres, le sentiment d'échec est très fort »
Une cinquantaine d'exploitants agricoles bénéficient, chaque année dans le Rhône, d'un suivi par l'organisme dans le cadre d'une cellule de prévention du suicide, constituée de médecins du travail, de psychologues, de conseillers en prévention, de travailleurs sociaux, etc.
« On observe une baisse de leur nombre par rapport à dix ans en arrière. Agri'écoute porte ses fruits. L'épuisement professionnel est cerné plus tôt, ce qui permet aux travailleurs sociaux de travailler plus en amont », détaille encore Nathalie Moore.
Dans un contexte agricole en pleine mutation, la MSA et la Chambre d'agriculture du Rhône ont, en outre, mutualisé leurs compétences et leur expérience via le dispositif Rebond 69, qui propose diagnostic et accompagnement.
« D'abord, il faut entrer chez la personne. Qu'elle retrouve confiance. Après, tous les deux mois, le dossier est examiné, toujours de façon confidentielle », décrit Philippe Bonnet, responsable du pôle installation, transmission, emploi et formation à la Chambre d'agriculture du Rhône. Aucun accompagnement (en moyenne de 6 mois à un an, parfois plus) ne se fait sans le consentement de la personne qui a été jugée à risque par un proche, un voisin, le maire du village, etc. Une stratégie se met alors en place, via des regards croisés.
« Un maillage de compétences est nécessaire car il n'y a jamais un problème », souligne Ingrid Mialon, responsable d'équipe des travailleurs sociaux à la MSA. Moral, santé, état de l'exploitation, situation des finances, tout est pris en compte. Ce fut le cas pour ce producteur laitier qui avait repris derrière ses parents, mais n'était pas fait pour ça. « Jusqu'à ce qu'il n'arrive plus à produire un lait de qualité et qu'il se retrouve coincé par de gros investissements effectués. En jeu également, le chantage affectif de la mère encore en vie », rapporte Philippe Bonnet.
« Le monde agricole ne parle pas. Il y a une pudeur, la peur du regard des autres, le sentiment d'échec est très fort. Il est lié aussi au fait qu'il y a transmission d'un patrimoine dont on ne se sent pas à la hauteur », rapporte Patricia Bissardon, coordinatrice du réseau Solidarité paysan Rhône/Ain. L'association réalise environ 70 prises en charge par an. Avec de bons résultats.
« Nos agriculteurs travaillent bien, bien mieux qu'ailleurs »
Contrairement à ce qui est mis en place par la Chambre d'agriculture et la MSA, le travail réalisé par Solidarité paysans est gratuit. Les intervenants sont des bénévoles, le plus souvent agriculteurs eux-mêmes, mais pas que, prêts à donner de leur temps sans compter. Certains sont prêts à passer chaque semaine chez la personne qu'ils suivent.
« Ce qui a changé aussi, c'est que les agriculteurs doivent faire face à un marché mondialisé. Ils peuvent se sentir submergés. L'informatisation contribue aussi à faire perdre pied à certains. Dans le même temps, les services publics se sont raréfiés en zones rurales. L'isolement, le dénigrement entrent en jeu. C'est injuste. Nos agriculteurs travaillent bien, bien mieux qu'ailleurs. Ils sont soumis à des réglementations plus fortes qu'ailleurs en Europe par exemple. Ils travaillent aussi de mieux en mieux », livre encore Patricia Bissardon.
Dominique MENVIELLE

Le Progrès - Lyon mercredi 23 janvier 2019 395 mots, p. Rhône11
« Je retiens des larmes de soulagement »
D. M.
« Un ami m'a proposé de faire équipe avec lui sur un dossier. J'ai accepté. C'était il y a cinq ou six ans », livre Pierre Thizy, agriculteur à Sainte-Catherine. Quelque temps après, Françoise, son épouse, est devenue bénévole à son tour, au sein du réseau Solidarité paysans. Avant cela, en 2009, une vague de suicides dans leur village et deux autres, les avait sensibilisés à la réalité du suicide. « Cette année-là, on a perdu des agriculteurs qui n'étaient pas vieux », détaille Françoise. Dans la foulée, des groupes de parole avaient été mis en place par la Mutuelle sociale agricole. « Tout ça a compté dans notre cheminement », rapporte encore l'agricultrice.
« Ne jamais juger »
Se rendre auprès d'un collègue en difficulté, l'écouter, évaluer les problèmes, les besoins, trouver des solutions, fait partie du job. « Et surtout ne jamais juger », rappelle Pierre. « Il faut savoir doser son investissement. Il ne s'agit pas de faire à la place de la personne, même si on a tendance à beaucoup s'investir. On apprend à aller à sa vitesse. Même si on trouve que ça ne va pas assez vite, c'est à elle de prendre les décisions », ajoute Françoise.
« Quand une relation se crée, elle est profonde », dit encore Pierre, qui a déjà accompagné un agriculteur chez son banquier, devant un tribunal. « Dans ces situations, nous sentons que notre présence compte. Après, on se sent utile, mais on doute aussi », explique Pierre, qui fait état des rencontres fortes. « En ce moment, je suis une famille dans laquelle je sens tellement d'amour, que j'ai vraiment envie qu'ils s'en sortent. » 
Françoise, gestionnaire de formation, est à l'aise pour étudier une situation financière. Pierre possède les compétences techniques pour évaluer et optimiser une exploitation. « Nous pouvons aussi nous appuyer sur des assistantes sociales. Elles sont un appui précieux. Et nous bénéficions aussi de formations », souligne encore Françoise.
« Derrière chaque histoire, il est question de dignité et il est essentiel que les gens ne la perdent pas. Dans notre société, avoir des difficultés, c'est être mis au ban. On n'a pas le droit de connaître des échecs », regrette Pierre, interrogé sur son expérience. « Moi je garde en mémoire des larmes de soulagement. Elles disaient, "Ça y est, je tiens une bouée. Je vais être aidée" », se rappelle Françoise.
D. M.

Le Progrès - Lyon
mercredi 23 janvier 2019  p. Rhône11
Zoom
Agri-sentinelles, le futur dispositif
FRANCOIS Virginie
Zoom

Ce qui existe déjà
Agri'écoute MSA est disponible au 09.69.39.29.19 et permet de dialoguer de façon confidentielle avec un professionnel.
Rebond 69 au 04.78.92.32.01, dispositif de la Chambre d'agriculture et de la MSA entre autres, pour les agriculteurs et salariés fragiles.
Solidarité paysans défend et accompagne les agriculteurs en difficulté au 04.78.19.06.52 ou au 04.78.59.61.87 ou à 01-69@solidaritepaysans.org
À venir en 2019
Le dispositif national à ancrage local baptisé Agri-sentinelles prévoit la mise à disposition d'un répertoire des dispositifs d'accompagnement des éleveurs existants, des formations, des outils, des temps d'échanges. Ce réseau multi-partenarial s'adressera aux techniciens, conseillers, vétérinaires et agriculteurs volontaires pour s'impliquer dans la prévention du suicide et mieux repérer ceux qui sont en difficulté ou en détresse psychologique.



Prévention du suicide en agriculture Techniciens, conseillers.... tous acteurs du réseau Agri-sentinelles
06/11/2018 | par Robin Vergonjeanne | Terre-net Média*

Que faire lorsqu'un client ou un confrère agriculteur broie du noir ? Tous les intervenants en élevage peuvent se mobiliser et devenir des « agri-sentinelles » formées à repérer un agriculteur au bord du suicide, alerter et agir en conséquence.  Toutes les personnes accompagnant les agriculteurs dans leur activité peuvent être actrices de la prévention du suicide dans le monde agricole. (©Watier Visuels)
Prés de 10 000 personnes (techniciens, inséminateurs, vétérinaires, etc.) circulent quotidiennement dans les élevages bovins français et sont en première ligne pour identifier des agriculteurs en détresse. Mais que peuvent-elles faire lorsqu'elles rencontrent un éleveur prêt à mettre fin à ses jours ?
« L’objectif du réseau Agri-sentinelles c’est que tous les intervenants en élevage volontaires puissent agir comme « sentinelles » pour repérer les agriculteurs qui ne vont pas bien et alerter les services compétents qui pourront les aider à surmonter leurs difficultés. », résume Elsa Delanoue, sociologue et coordinatrice du réseau Agri-sentinelles pour l’Insitut de l'élevage, l’Ifip et l’Itavi.
De nombreux dispositifs existent déjà dans la prévention du suicide en agriculture tels qu’Agri-écoute de la MSA ou Solidarité paysans. Le réseau Agri-sentinelles n’a pas vocation à s’y substituer, mais plutôt à alerter et à orienter les agriculteurs pour faciliter leur accès à un de ces dispositifs.
« Le réseau Agri-sentinelles se mettra en route début 2019 et proposera les premières formations auprès des sentinelles volontaires, détaille Delphine Neumeister de l'Institut de l'élevage. Il nous faut aussi baliser le rôle des sentinelles qui ne doivent pas devenir des assistants sociaux ou des psychologues, et intégrer le devoir de respect de la vie privée de l’éleveur. »

le suicide agricole n'est pas lié à la conjoncture économique

La rupture des liens sociaux ou familiaux est l'un des facteurs les plus importants pour repérer les agriculteurs au bord du suicide, néanmoins « il n’y a pas toujours de signes avant-coureurs chez les gens qui passent à l’acte. Il y a beaucoup d’impulsivité. C’est pourquoi on peut tous se sentir impuissants face à un suicide », fait remarquer Nicolas Deffontaines, sociologue à l’Université du Havre.
« On fait souvent l’écueil de croire que les agriculteurs se suicident pour des causes économiques suite aux différentes crises que leurs filières subissent. Bien qu’il y eu une légère augmentation du taux de suicide durant la crise laitière de 2009-2010, les chiffres restent stables - autour de 150 suicides par an. Les causes sont multiples, et ceux depuis plus de quatre décennies. Ce n’est pas un phénomène nouveau ou conjoncturel. »
Elsa Delanoue, sociologue et coordinatrice du réseau Agri-sentinelles pour l’Insitut de l'élevage, l’Ifip et l’Itavi.Elsa Delanoue, sociologue et coordinatrice du réseau Agri-sentinelles pour l’Insitut de l'élevage, l’Ifip et l’Itavi. (©Robin Vergonjeanne)
Les données montrent que, depuis longtemps, les agriculteurs se suicident davantage que les autres catégories socio-professionnelles. Chez les hommes agriculteurs, c'est même la première cause de mortalité externe, devant les accidents. Le risque est plus élevé chez les agriculteurs exploitants de petites surfaces (moins de 50 ha par rapport à ceux de plus de 200 ha) et chez les éleveurs bovins lait et viande, par rapport aux autres filières agricoles. Le taux de suicide est plus élevé dans les régions d’élevage (Bretagne, Pays de la Loire, Massif central,…), mais l’on remarque qu’il est aussi plus élevé que la moyenne nationale pour le reste de la population dans ces régions.
Il y a trois suicides d’homme pour un de femme, une proportion que l’on retrouve dans le reste de la population française. Une différence : le taux augmente chez les hommes de plus de 50 ans à l’approche de la retraite, alors que ce taux a plutôt tendance à se réduire chez les français de cet âge. Cela est souvent lié au fait que la ferme familiale ne soit pas reprise. En effet, « généralement les tensions familiales sont au cœur des enjeux, explique Nicolas Deffontaines. Le fils est préparé au métier dès son plus jeune âge, arrivé en milieu de carrière il est chargé du rôle de continuation de l’exploitation familiale et à la fois tenu par des exigences familiales vis-à-vis de sa compagne, ses enfants ou ses parents. »

 http://www.web-agri.fr/actualite-agricole/economie-social/article/techniciens-conseillers-tous-acteurs-du-reseau-agri-sentinelles-1142-142773.html

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[Sommet] Agri-sentinelles : un réseau de personnes vigilantes lancé en 2019 pour faire face au suicide
Anne Sophie LESAGE




Prévu pour 2019, le réseau agri-sentinelles a pour objectif de repérer, alerter et agir les agriculteurs en situation de difficulté. Ce réseau national est né de demandes des professionnels de terrain, qui ne savent pas toujours comment orienter les agriculteurs qu’ils identifient.
Tous les deux jours un agriculteur se donne la mort. Et ce phénomène existe depuis longtemps. La MSA a identifié de nombreux facteurs favorisants comme : la transmission familiale, la complexité du métier, les revenus, les temps sociaux différents, les contrôles, le manque de soin, l'isolement social et bien d'autres. « On a commencé à travailler sur cette question (le suicide, ndlr) dans les années 2000, après la crise de l’ESB » précise le Docteur Jean-Jacques Laplante, médecin du travail à la MSA, pour qui le métier n’est pas une question centrale, même si il y a une sur-suicidité chez les agriculteurs.
De nombreux réseaux dédiés à la prévention du suicide en agriculture sont déjà en place, comme par exemple « Agri’écoute » la plateforme de la MSA. Depuis son lancement en 2011, la MSA recense de 90 à 280 appels par mois. Après un renforcement du dispositif en début d’année, Agri’écoute a vu son nombre d’appels augmenter considérablement. En moyenne 430 appels par mois de mars à août 2018. Et pour Etienne Gangneron, vice-président de la FNSEA, « avec les crises qui se succèdent, les situations difficiles vont probablement se multiplier, surtout en élevage. »

Potentiel de près de 10 000 sentinellesPrévu pour 2019, l’objectif du réseau agri-sentinelles, n’est pas de se substituer aux dispositifs existants bien au contraire. Son but est d’engager une initiative nationale et complète de prévention. Pour améliorer l'identification des agriculteurs en situation de fragilité, le réseau agri-sentinelles vise à « sensibiliser, former, outiller les femmes et les hommes volontaires qui travaillent au contact des agriculteurs pour s’impliquer dans la prévention du suicide. »
Né de nombreuses demandes de professionnels de terrain, l’Institut de l’élevage (Idele) qui anime le réseau de près de 30 partenaires, a identifié un potentiel de près de 10 000 sentinelles pour repérer et signaler les situations difficiles. Ce réseau national s’appuiera donc sur les plateformes d’écoute existantes mais pas que, puisque ces dernières se heurtent à des difficultés. Outre la méconnaissance des dispositifs, certains agriculteurs sont en posture de repli sur soi et ne décrocheront pas d'eux-même le téléphone.

Outiller et formerLa première étape sera donc de répertorier les dispositifs existants sur le terrain pour pouvoir donner toutes les clés aux sentinelles volontaires. Elles seront outillées et formées pour « mieux repérer les agriculteurs qui rencontrent de graves difficultés ou qui sont en détresse psychologique, orienter les agriculteurs pour faciliter leur accès à un dispositif d’accompagnement adapté déjà existant et enfin, développer des attitudes adaptées aux agriculteurs en situation de fragilité et partager ses expériences au sein du réseau agri-sentinelles. » Concrètement, après avoir identifié et signalé la situation, la sentinelle pourra proposer un panel de 4 ou 5 acteurs professionnels par département, qui seront en capacité de prendre le relais. Le réseau agri-sentinelle devra se conformer à un code de bonnes pratiques : ne pas se substituer aux dispositifs existants mais amplifier leur action, ancrer l'action dans une logique de volontariat des sentinelles, intégrer le devoir de respect de la vie privée de l'éleveur et enfin, baliser le rôle des sentinelles qui ne doivent pas devenir des assistants sociaux.
Le réseau agri-sentinelles est financé par Allice et Coop de France.
Publié par Anne Sophie LESAGE
https://www.pleinchamp.com/elevage/actualites/sommet-agri-sentinelles-un-reseau-de-personnes-vigilantes-lance-en-2019-pour-faire-face-au-suicide***
post du 01/10/2018
Le Réseau Agri-Sentinelles : Un réseau national et coopératif d’alerte et de prévention du suicide des agriculteurs
source http://idele.fr/*
Repérer, Alerter, Agir







Dans le cadre d’un financement CASDAR, Allice, et Coop de France construisent le Réseau Agri-Sentinelles, un projet innovant et nécessaire autour de l’accompagnement des éleveurs français en détresse. L’objectif de ce réseau de techniciens et de conseillers, dont l’animation technique est assurée par l’Institut de l’Élevage, est de créer une synergie entre les dispositifs d’accompagnement des éleveurs existants et les acteurs agricoles qui agissent sur le terrain.

 Ce projet s'inscrit dans un contexte social difficile pour les éleveurs et les agriculteurs : leur taux de suicide est supérieur de 40% à la moyenne de la population française (étude de Santé publique France sur les agriculteurs de 45 à 64 ans). Ce constat alarmant nous incite à réfléchir à une prise en charge collective du problème.
De nombreux dispositifs d'accompagnement existent déjà dans les territoires mais ne sont pas toujours connus de l'ensemble des professionnels qui côtoient les éleveurs au quotidien.
Or, ces acteurs sont souvent les premiers témoins des situations de fragilité traversées par les éleveurs.


L'objectif de ce projet est de permettre aux techniciens qui le souhaitent, salariés du réseau coopératif et au-delà, de jouer un rôle de sentinelle des situations de détresse, en aidant les éleveurs concernés à se diriger vers un dispositif d'accompagnement adapté ou en lançant l'alerte auprès de ces dispositifs.
La relation humain-animaux est pensée au cœur du dispositif, l'observation d'un mal-être chez l'animal étant souvent le reflet d'une détresse humaine.
Il s'agit donc de créer un réseau de techniciens, conseillers, vétérinaires pour améliorer l'alerte et amplifier la prévention du suicide en agriculture réalisée par les actions collectives de prévention existantes.

De très nombreuses organisations agricoles sont d'ores-et-déjà partenaires du projet
et contribuent à la construction du réseau :
 


Concrètement, le projet a deux ambitions majeures :

Faciliter la détection des situations de fragilité d'éleveurs par l'épanouissement de ce réseau de sentinelles. Le projet souhaite amplifier les actions collectives existantes de prévention et de gestion des situations suicidaires, conduites notamment par la MSA et les acteurs la profession agricole sur les territoires.

Contribuer à prévenir les situations de détresse en mobilisant les acteurs de l'élevage, en s'appuyant sur le maillage territorial de sentinelles et en sensibilisant à la prévention du suicide dans une dimension multidisciplinaire.
Il s'agit d'une part d'informer et de former les professionnels des coopératives agricoles, qui sont au contact direct des agriculteurs, à la détection des situations d'isolement social et de détresse psychique et aux conduites à tenir.
Il s'agit d'autre part de conforter le lien social des éleveurs sur leur territoire, en exploitant le couple salariés/éleveurs adhérents de la coopérative pour contribuer à rompre leur isolement.


Les sentinelles n'ont pas vocation à se substituer à ces dispositifs dont l'efficacité n'est pas à remettre en question.Le projet s'inscrit dans une logique de volontariat des sentinelles et attache une vigilance particulière au balisage clair et précis de leur rôle : ils ne doivent pas jouer les préventeurs des Risques Psycho-Sociaux des éleveurs, mais l'idée est bien de leur donner les clés de la "bonne attitude" à adopter en cas de situation difficile.
Il intègre également le devoir de respect de la vie privée de l'éleveur.
 
La première étape du travail consiste tout d'abord à dresser un panorama des acteurs impliqués dans la prévention des RPS des éleveurs, à recenser les dispositifs existants puis à identifier au sein de ces dispositifs des agents à impliquer dans le projet. La mobilisation des sentinelles aura lieu début 2019, lorsque les outils proposés par le Reséau Agri-Sentinelles seront disponibles (répertoire des dispositifs d'aide aux éleveurs, formations, site web, etc.).
 
ACTU : Pour plus d'informations sur le Réseau Agri-Sentinelles

PROCHAINE DATE : rdv au Sommet le mercredi 3 octobre de 11h à 12h, Clermont-Ferrand
Manifestation information : Delphine.Neumeister@idele.fr,  Elsa.Delanoue@idele.fr



Elsa Delanoue (Institut de l'Elevage, IFIP, ITAVI), Delphine Neumeister (Institut de l'Elevage)

http://idele.fr/no_cache/recherche/publication/idelesolr/recommends/le-reseau-agri-sentinelles-creation-dun-reseau-national-cooperatif-et-pluridisciplinaire-dalert.html



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Suicides dans l'agriculture: un phénomène tabou, qui dure

Défilé d'agriculteurs dans les rues d'Agen le 23 janvier 2017 pour protester contre le suicide de centaines de leurs collègues en France en 2016
afp.com - MEHDI FEDOUACH
15 oct 2018  https://information.tv5monde.com*
Par Isabel MALSANG AFP
© 2018 AFP
Marie s'en veut encore. Le jour où elle a reçu un texto l'avertissant que sa fille de 25 ans, éleveuse de moutons, avait tenté de se suicider, elle est tombée des nues: "Je n'avais rien vu venir".
Rencontrée au Sommet de l'élevage dans le Puy-de-Dôme, lors d'une table ronde sur la prévention du suicide des agriculteurs, Marie veut absolument témoigner sur le fléau silencieux qui ronge les campagnes, "pour que la chappe de silence disparaisse".
Malgré une "formation solide", sa fille n'a "pas pu faire face" à l'énormité des problèmes qu'un jeune affronte en s'installant sans posséder de terres, raconte Marie à l'AFP en requérant l'anonymat.
"Le métier n'était pas à la hauteur de ce dont elle avait rêvé, avec toutes ces paperasses, ces conflits de voisinage, et démarches administratives incessantes", suggère-t-elle.
Après seulement deux ans d'activité, la jeune femme vivait un épuisement professionnel. Mais parvenait à cacher ses idées noires à son entourage.
Un jour, son co-locataire, lui aussi éleveur de moutons, a reçu un inquiétant texto: "tu t'occuperas du chien".
"Il a couru chez elle et l'a sauvée: elle avait absorbé des médicaments" ajoute Marie, heureuse que sa fille ait aujourd'hui repris le dessus, "même si elle reste très fragile".
- Près d'un suicide tous les deux jours -
La mortalité par suicide des agriculteurs en France est 20% supérieure à celle de la population générale, indique l'enquête de référence de Santé Publique France, portant sur la période 2010-2011, et de 30% pour les seuls éleveurs de bovins laitiers.
Selon l'enquête, on compte un suicide d'agriculteur presque tous les deux jours, surtout des hommes de 45 à 54 ans.
Alors que les revenus agricoles sont déjà parmi les plus bas du pays (350 euros par mois pour plus de 30% d'entre eux), l'étude souligne que le plus grand nombre de suicides "a été observé durant les mois où les prix du lait étaient les plus bas".
Face aux violentes fluctuations des cours mondiaux des matières premières, les problèmes de l'agriculture -vente au-dessous des coûts de production, surendettement- se confondent avec les aléas de la vie, solitude, ruptures affectives, ou maladies.
Selon une thèse soutenue à l'Inra en 2017 par Nicolas Deffontaines, les "petits exploitants" se suicident "d'avantage que les gros", "les célibataires, veufs ou divorcés plus que les agriculteurs mariés, et les Bretons plus que les Languedociens".
Selon lui, la surreprésentation des agriculteurs dans les taux de suicide est un phénomène "stable", qui dure "depuis au moins quarante ans".
En 2016, l'Observatoire national du suicide constatait que les agriculteurs font partie des groupes à risques les moins étudiés: un seul ouvrage et un seul article dans une revue spécialisée de 2008 à 2013, contre 30 sur le suicide des jeunes, 12 sur celui des personnes âgées et 14 sur celui des détenus.
Un "tabou" dans les villages et les organismes agricoles, dénonce Fabienne Biscart, éleveuse dans la Haute-Loire.
Elle demande "l'instauration d'une visite médicale une fois par an pour les agriculteurs avec un médecin de la MSA".
La prévention est un sujet d'autant plus crucial que le nombre de suicides est "certainement sous-évalué", admet Véronique Maeght-Lenormand, de la MSA.
"Sur les certificats de décès, des suicides sont enregistrés comme +accident du travail+: de cette façon, les assurances indemnisent les familles", dénonce Patrick Maurin, un élu du Lot-et-Garonne qui a terminé dimanche à Sainte-Anne d'Auray en Bretagne une marche de plus de 500 kilomètres en 22 étapes pour dénoncer les suicides agricoles.
Depuis le lancement en 2015 d'un plan national de prévention du suicide agricole, avec un numéro d'appel unique Agri-écoutes (09 69 39 29 19) lancé par la MSA, "le pourcentage de situations urgentes avec risques suicidaires a plutôt tendance à baisser", tempère Mme Maeght-Lenormand.
- "la pile de courrier" -
Un vaste projet de prévention baptisé "Agri-Sentinelles" doit voir le jour début 2019.
Il fait appel à tous les volontaires parmi les métiers qui gravitent autour des agriculteurs: salariés de coopératives, conseillers de chambre d'agriculture, techniciens de contrôle laitier, vétérinaires ou employés d'abattoir.
"Sans se substituer aux initiatives existantes, nous imaginons ce réseau pour améliorer la détection des agriculteurs en situation de fragilité, d'isolement" explique Delphine Neumeister, de l'Institut de l'Elevage (Idele).
L'idée est venue de la coopérative Allice, spécialisée dans l'insémination artificielle de bovins. Dans les fermes, les techniciens se sentaient dépassés face à la détresse d'agriculteurs taiseux qui ne parviennent pas à gagner leur vie, ou sont débordés par les contraintes administratives. Quand ils ne découvraient pas eux-mêmes un corps au bout d'une corde, la pendaison étant le moyen de suicide le plus répandu dans le milieu.
"Bien souvent, lorsque les animaux sont mal nourris, les éleveurs vont mal aussi" remarque Philippe Chanteloube, de la coopérative porcine Cirhyo.
Pour Jean-Jacques Laplante, retraité de la MSA qui a longtemps suivi le dossier, "la pile de courrier" à l'entrée de la maison est aussi un indice révélateur: "Les lettres qui ne sont plus ouvertes, c'est un signe".
A son arrivée à Saint-Anne d'Auray dimanche, après trois semaines de marche en remontant la Garonne et la Loire, l'élu de Marmande Patrick Maurin a participé à une cérémonie dédiée chaque année aux familles des suicidés agricoles.
"Il fallait faire quelque chose pour alerter sur ce tabou" a-t-il dit à l'AFP au téléphone dimanche soir. "J'ai été hébergé presque chaque soir par des agriculteurs touchés par ma démarche. Des familles de suicidés et même des députés sont venus à ma rencontre" a-t-il ajouté.
M. Maurin a envoyé un message à Benjamin Griveaux et Emmanuel Macron. "Bouleversé" par les dix agriculteurs qui se sont donnés la mort en 10 ans dans une commune de 1.500 habitants près de chez lui, il promet qu'il "ne va pas s'arrêter là".
Par Isabel MALSANG
AFP
 

1er post 1/10/2018