Santé Autoflagellation numérique, un nouveau mal adolescent
Une étude
américaine montre que de plus en plus de jeunes vivant aux Etats-Unis se
trollent eux-mêmes sur internet, dans une démarche comparable à
l'automutilation physique.
Août 2013. Le suicide d’Hannah Smith,
13 ans, une adolescente anglaise sans histoire, émeut la planète. Dans
un premier temps, elle est présentée comme la victime d’autres jeunes
qui la sommaient de mettre fin à ses jours sur Ask.fm, un réseau social
majoritairement utilisé par les moins de 18 ans où l’on communique via
un système de question/réponse. A une question sur ses problèmes de
peau, certains avaient par exemple conseillé de boire «de l’eau de javel» ou d’«attraper un cancer».
Des messages cruels qui relancent illico la polémique sur les sites de
discussion, le manque de surveillance dont ils bénéficient et la
passivité des services de modération censés intervenir en cas de
messages à caractère haineux ou de menaces.
Six mois plus tard, les enquêteurs révèlent que la jeune Hannah s’est «autoflagellée» sur le réseau social: elle interrogeait les internautes et se répondait sous une autre identité, dans une tonalité toujours plus dure et sans pitié.
Par ailleurs, le taux de suicide chez les jeunes filles a augmenté de 65% entre 2010 et 2015 et doublé depuis la fin des années 90 alors que le nombre de suicides reste plus important chez les garçons. Interrogé par le Chicago Tribune, Jean Twenge, professeur de psychologie à l’université d’Etat de San Diego et auteur principal de l’étude a constaté que «vers 2012, les taux de dépression, les tentatives de suicide et le suicide lui-même ont soudainement augmenté chez les adolescents, en particulier chez les filles». «L’augmentation s’est produite juste au moment où les smartphones sont devenus populaires. […] Nous avons constaté que les adolescents qui passaient plus de temps en ligne étaient plus susceptibles d’avoir au moins un problème lié au suicide, comme la dépression, les pensées suicidaires.» Si les garçons sont moins touchés, c’est qu’ils passent plus de temps à jouer sur Internet et utilisent moins les réseaux sociaux.
Six mois plus tard, les enquêteurs révèlent que la jeune Hannah s’est «autoflagellée» sur le réseau social: elle interrogeait les internautes et se répondait sous une autre identité, dans une tonalité toujours plus dure et sans pitié.
Auto-troll
La mort tragique d’Hannah a incité Sameer Hinduja,
professeur à l’école de criminologie de l’université Atlantic de
Floride, et Justin W. Patchin, professeur de criminologie à l’université
Eau Claire du Wisconsin, à lancer une étude auprès de jeunes Américains
pour déterminer si cette pratique dite d’automutilation se répand. Un
autre cas a poussé Sameer Hinduja à s’intéresser à cette problématique.
Un département de police l’a un jour consulté à propos d’un adolescent
qui recevait des messages particulièrement violents du type «Tu
devrais sauter du toit et te tuer»; «tu es pathétique et tu ne mérites
pas d’être en vie»; «si tu ne te tues pas ce soir, je le ferai pour toi». Le chercheur a découvert que le destinataire et l’expéditeur ne constituaient qu’une seule et même personne.
Les mutilations que les jeunes peuvent s’infliger
ne sont pas un phénomène nouveau mais leur déplacement sur la sphère web
fait craindre que le monde numérique se transforme en un terrain de jeu
idéal pour se troller soi-même. Sameer Hinduja et Justin W. Patchin ont
récemment publié les résultats de leur recherche dans The Journal of Adolescent Health. «Nous
savions que nous devions mener cette enquête de façon empirique. J’ai
été stupéfait de constater qu’environ 1 lycéen sur 25 s’était déjà
intimidé en ligne, ce qui était totalement inattendu, même après quinze
ans de travail sur la cyberintimidation», commente Sameer Hinduja.
Préoccupant côté filles
L’étude qu’il a codirigée porte sur un échantillon
de 5 593 personnes âgées de 12 à 17 ans, tous élèves de collège et de
lycée. Près de 6% des adolescents ont déclaré avoir publié anonymement
quelque chose de méchant en ligne à leur propos. Parmi eux, environ la
moitié (51,3%) a dit l’avoir fait une seule fois, un tiers (35,5%)
quelques fois, tandis que 13,2% ont dit l’avoir fait de nombreuses fois.
Les raisons pour lesquelles les jeunes en arrivent
à de telles extrémités sont multiples : la haine de soi, la quête
d’attention, des symptômes dépressifs, des élans suicidaires, le jeu et
le besoin de faire réagir. Les garçons sont un peu plus nombreux que les
filles à s’autocritiquer (7% contre 5%). Mais eux décrivent leur
comportement comme relevant de la blague ou comme une façon d’attirer
l’attention alors que les filles avouent le faire parce qu’elles sont
déprimées ou se sentent blessées. Les chercheurs estiment cette
constatation préoccupante. Ils craignent que ce comportement chez les
filles aboutisse à terme à des tentatives de suicide. «Les
recherches antérieures ont montré que l’automutilation et la dépression
sont liées à un risque accru de suicide, […] nous devons examiner de
près la possibilité que les comportements autodestructeurs numériques
puissent précéder les tentatives de suicide. […] Il ne
faut pas diaboliser ceux qui intimident et accepter le fait troublant
que, dans certains cas, l’agresseur et la cible peuvent être une seule
et même personne. Par ailleurs, leur propre comportement de
cyberintimidation peut indiquer un profond besoin de socialisation et de
soutien médical», explique Sameer Hinduja, qui alerte sur le fait que
les victimes de harcèlement sont douze fois plus exposées que les autres
à l’automutilation numérique.
Suicide des jeunes
Il y a quelques jours, l’agence gouvernementale américaine des centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention) indiquait qu’après vingt ans de baisse, les suicides chez les moins de 18 ans américains étaient à nouveau en augmentation, depuis 2010. En parallèle, des chercheurs psychologues de l’université de San Diego ont mené une vaste enquête portant sur 506 000 jeunes, de 13 à 18 ans, pour déterminer si l’usage d’Internet avait une incidence sur le mal-être des jeunes. L’étude tend à démontrer un lien entre l’utilisation accrue des écrans et des réseaux sociaux, dont la fréquentation a explosé entre 2010 et 2015, et les cas de dépression juvénile. D’après leurs observations, un adolescent qui passe plus de cinq heures par jour sur son smartphone présente 66% de risques supplémentaires d’avoir des pensées suicidaires que ceux qui ne l’utilisent qu’une heure par jour.Par ailleurs, le taux de suicide chez les jeunes filles a augmenté de 65% entre 2010 et 2015 et doublé depuis la fin des années 90 alors que le nombre de suicides reste plus important chez les garçons. Interrogé par le Chicago Tribune, Jean Twenge, professeur de psychologie à l’université d’Etat de San Diego et auteur principal de l’étude a constaté que «vers 2012, les taux de dépression, les tentatives de suicide et le suicide lui-même ont soudainement augmenté chez les adolescents, en particulier chez les filles». «L’augmentation s’est produite juste au moment où les smartphones sont devenus populaires. […] Nous avons constaté que les adolescents qui passaient plus de temps en ligne étaient plus susceptibles d’avoir au moins un problème lié au suicide, comme la dépression, les pensées suicidaires.» Si les garçons sont moins touchés, c’est qu’ils passent plus de temps à jouer sur Internet et utilisent moins les réseaux sociaux.
Suicide : l’usage des écrans mis en cause chez les plus jeunes
De plus en plus d’heures passées devant les écrans
Des chercheurs de la San Diego State University et de la Florida State University ont décidé de faire une étude pour mieux comprendre les conséquences de l’usage des écrans chez les plus jeunes. Les résultats ont été publiés dans le journal Clinical Psychological Science.
Aujourd’hui, on sait que les adolescents passent de plus en plus de temps devant des écrans, qu’il s’agisse des ordinateurs, des smartphones ou des télévisions. En France, les résultats du baromètre 2017 de la santé visuelle de l’AsnaV viennent renforcer ce constat, puisque les jeunes de 16 à 24 ans passent, en moyenne, 10 heures par jour devant leurs écrans. Les conséquences pour la santé sont graves avec des troubles visuels accrus, mais également des problèmes liés à la sédentarité, au sommeil et à l’obésité.
Cette équipe de chercheurs américains ajoute donc un nouveau risque pour la santé lié à l’usage prolongé des écrans : celui du suicide.
Écrans : un taux de suicide en augmentation chez les jeunes filles américaines
Pour arriver à cette conclusion, ces scientifiques ont étudié le taux de suicide chez les jeunes âgés de 13 à 18 ans ainsi que leur usage des écrans entre 2010 et 2015. Et les résultats sont particulièrement inquiétants en ce qui concerne les jeunes filles. Ainsi, le taux de suicide des adolescentes a augmenté de 65 %. Le taux de dépression pour ce même public a, quant à lui, augmenté de 58 %.
Les chercheurs ont également pu constater que 48 % des jeunes passant plus de cinq heures par jour devant des écrans ont témoigné avoir eu au moins une pensée suicidaire. Ceux passant moins d’une heure devant leurs écrans sont seulement 28 % à déclarer la même chose.
Il est, aujourd’hui, encore difficile d’expliquer le lien entre dépression, suicide et écrans, mais également de comprendre pourquoi le phénomène touche plus particulièrement les jeunes filles. Mais les scientifiques concluent leur étude en indiquant qu’il est possible d’agir. En effet, diminuer l’usage des écrans de deux heures par jour est suffisant pour faire baisser les idées suicidaires chez les plus jeunes.