Les
organisations universitaires de psychiatrie et d’addictologie estiment
que "la crise sanitaire est aussi psychiatrique, pas de santé mentale
sans psychiatrie universitaire"
Rédigé par Rédaction le Vendredi 27 Novembre 2020 https://www.hospitalia.fr/*
Communiqué commun du Collège National Universitaire de Psychiatrie
(CNUP), du Conseil National des Universités (CNU), du Syndicat
Universitaire de Psychiatrie (SUP), du Collège National pour la Qualité
des Soins en Psychiatrie (CNQSP), et du Collège Universitaire National
des Enseignants d'Addictologie (CUNEA).
L’impact de la crise
sanitaire sur la santé mentale de la population est important, il
pourrait devenir l’un des problèmes majeurs des années à venir. Les
enquêtes le montrent clairement : les scores de bien-être mental
diminuent, les consommations de substances psychoactives (alcool, tabac,
cannabis) augmentent, de même que les symptômes dépressifs, anxieux,
psychotiques, y compris chez ceux qui n’en souffraient pas. Plusieurs
groupes sont déjà identifiés comme particulièrement vulnérables : les
jeunes, les sujets âgés, les étudiants, les personnes sans emploi, les
artisans et les chefs d’entreprise, les personnes en situation de
handicap.
Une « deuxième vague » psychiatrique est observée
dans les urgences hospitalières, en particulier chez les jeunes. Les
résultats de la récente enquête de la Fondation Jean Jaurès sont
alarmants : depuis la crise COVID-19, 20 % des personnes interrogées ont
sérieusement envisagé de se suicider, surtout depuis le dé-confinement.
Les consommations de psychotropes ont fortement augmenté. L’analyse
précise des causes doit être conduite, mais l’expérience des crises
passées apporte déjà un éclairage sur la dynamique de cette vague
psychiatrique : l’impact des grandes crises sur la santé mentale et sur
le suicide est toujours retardé de plusieurs mois à quelques années.
"Le manque de cohérence en matière de santé mentale est criant"
L’urgence
sanitaire est aujourd’hui de sauver des vies, celles des personnes
touchées par une forme grave de la COVID-19, celles des personnes pour
lesquelles un retard aux soins de leur pathologie aigüe ou chronique
constituerait une perte de chance. Les troubles psychiatriques et
addictologiques tuent eux aussi : par suicide et par manque d’accès à la
prévention et aux soins. Aujourd’hui en France, l’espérance de vie des
personnes qui souffrent de dépression ou de psychose est réduite de 15 à
20 ans.
Le manque de cohérence en matière de santé mentale
est criant, sans doute expliqué en partie par le retard considérable de
la France en matière de prévention et de développement de la santé
publique. Alors que l’incertitude est extrême, que les liens sociaux
sont mis à mal quotidiennement et qu’une crise économique et morale
menace notre cohésion sociale, les professionnels de la santé mentale se
trouvent particulièrement désarmés : le manque de financement et
d’attractivité des métiers est majeur ; l’accès aux soins
psychothérapiques est toujours freiné par l’absence de prise en charge
par l’assurance maladie ; alors que tous les professionnels œuvrent dans
le cadre des Projets Territoriaux de Santé Mentale pour décloisonner la
médecine- chirurgie-obstétrique, la psychiatrie et les activités
médico-sociales, une partie des hospitaliers n’est pas reconnue à
travers l’attribution du complément indiciaire prévu par le Ségur de la
Santé.
"Le risque qu’une fois de plus les besoins de la psychiatrie ne soient pas pris en compte"
Alors que les arbitrages sont aujourd’hui particulièrement difficiles,
nous alertons sur le risque qu’une fois de plus les besoins de la
psychiatrie ne soient pas pris en compte, et parmi ces besoins, ceux de
la psychiatrie et de l’addictologie universitaire.
Les besoins
de formation initiale et continue sont majeurs, dans une période où les
pratiques doivent s’adapter et les métiers se transformer.
L’attractivité de la discipline doit être soutenue, et les spécialités
médicales les plus choisies par les jeunes sont aussi celles qui sont
les plus dotées en ressources universitaires.
Le travail
accompli ces dernières années par les universitaires de psychiatrie et
d’addictologie est considérable : réforme des études médicales,
formation des futurs psychiatres en lien avec le territoire, ouverture
du parcours psychiatrie et santé mentale pour les infirmiers en
pratiques avancées, participation à la formation de nombreux autres
métiers de la santé (orthophoniste, ergothérapeute, psychomotricien...),
forte productivité d’une recherche de qualité, participation à la
diffusion de bonnes pratiques et d’innovations organisationnelles. Il
est plus que temps d’inverser la tendance afin que la psychiatrie ne
soit plus l’une des disciplines où le taux d’encadrement des étudiants
est le plus faible de toutes les spécialités médicales, et la recherche
la moins financée de tous les pays européens.
L’impact de la
crise actuelle sur la santé mentale nous paraît justifier une large
campagne d’information qui permettrait à la population d’accéder à des
messages généraux en faveur de cette dimension sanitaire et favoriserait
le fait que ceux qui en relèvent accèdent à une écoute et, le cas
échéant, à des soins adéquats.
Si dans l’immense majorité des
cas ces principes sont respectés pour ces patients vulnérables, il
apparaît que ce n’est pas toujours le cas. C’est pourquoi il nous
apparaît comme essentiel qu’un psychiatre puisse y être systématiquement
associé afin de garantir une éthique concrète du soin et de la
vulnérabilité.
Pr Marie Rose Moro, Présidente du CNUP
Pr Amine Benyamina, Président du CNU Addictologie
Pr Olivier Cottencin, Président du CUNEA
Pr Raphaël Gaillard, Président du CNU Psychiatrie d’Adultes
Pr Bernard Granger, Président du SUP
Pr Anne Catherine Rolland, Présidente du CNU Pédopsychiatrie
Pr Emmanuelle Corruble, Présidente du CNPP-CNQSP
** Les inter-titres sont de la rédaction https://www.hospitalia.fr/Les-organisations-universitaires-de-psychiatrie-et-d-addictologie-estiment-que-la-crise-sanitaire-est-aussi_a2454.html
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Voir egalement notre post special :MàJ : POST SPECIAL Coronavirus COVID-19 & prévention du suicide