Secret professionnel et articulation service social-service de santé en entreprise
- Quelle que soit la proximité entre service social du travail et service de santé au travail (interentreprises ou intégrés), la législation est la même en matière de secret et partage d’informations.
- Si la législation soumet l’assistant social au secret par profession, il n’est pas prévu d’exception autorisant le partage d’informations à caractère secret avec les professionnels du service de santé au travail (et réciproquement).
- Cependant, certaines informations concernant le contexte professionnel du salarié peuvent être partagées sous certaines conditions.
- Enfin, dans des cas limités, il pourrait être légitime de partager une information, quand bien même cela s’avérerait illégal.
- Il convient cependant de toujours garder à l’esprit que le partage d’informations peut constituer un acte non-seulement illégal, mais aussi contre-productif en termes d’aide à la personne et/ou au salarié.
Tout d’abord, nous pouvons dire que l’articulation est différente entre des services interentreprises ou intégrés à l’entreprise. Car bien que cela ne change rien d’un point de vue légal, le lien existant entre un service social et un service de santé au travail intégrés à l’entreprise peut être très développé parfois jusqu’à considérer dans les faits que le service social du travail ferait partie intégrante du service de santé au travail.
Nous verrons donc que, si ce lien est nécessaire et pertinent en matière de prévention des risques professionnels, d’accès aux droits ou encore d’accompagnement de certains salariés, la législation en matière de secret professionnel ne prévoit pas la possibilité d’un partage d’informations à caractère secret entre un assistant social et une infirmière/psychologue/médecin du travail.
La volonté du législateur, reflétée dans le code du travail, ne va pas jusqu’à prévoir un cadre de partage d’informations nominatives à caractère secret entre service social du travail et service de santé au travail qui dérogerait aux dispositions du code pénal. Rappelons aussi que ce n’est pas parce que deux professionnels sont soumis au secret qu’ils peuvent partager entre eux des informations à caractère secret. Ils ne le peuvent que si la loi permet une levée du secret. En l’occurrence, ce n’est pas le cas entre un assistant social et une infirmière ou un médecin du travail.
Concernant les psychologues du travail, précisons qu’ils ne sont pas soumis au secret professionnel que ce soit par profession ou par mission.
« Les services de santé au travail ont pour mission exclusive d'éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. A cette fin, ils :
« 1° Conduisent les actions de santé au travail, dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;
« 2° Conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d'éviter ou de diminuer les risques professionnels, d'améliorer les conditions de travail, de prévenir la consommation d'alcool et de drogue sur le lieu de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et la désinsertion professionnelle et de contribuer au maintien dans l'emploi des travailleurs ;
« 3° Assurent la surveillance de l'état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ;
« 4° Participent au suivi et contribuent à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire. »
Dans le contexte d’intervention en entreprise, l’assistant social est dépositaire d’informations à caractère secret (cf. Les informations couvertes par le secret professionnel, notamment l'Arrêt du 19 décembre 1885 de la chambre criminelle de la Cour de cassation) concernant le salarié mais aussi d’informations concernant sa vie professionnelle dans l’entreprise ou sa situation administrative vis-à-vis de son employeur. Les éléments que l’AS pourra échanger, avec l’accord du salarié, ne peuvent concerner que les éléments relatifs au contexte professionnel du salarié, en dehors de tout élément relevant la vie privée, et dans un objectif d’action en faveur de la santé des salariés sur leur lieu de travail.
Dans ce contexte précis, le positionnement professionnel de l’assistant social découle d’une démarche éthique et prend donc en compte le cadre légal en matière de secret professionnel, ses missions propres, les missions du service de santé au travail ainsi que la singularité de la situation personnelle et professionnelle du salarié.
Enfin, toute la pertinence de la collaboration entre un service social du travail et service de santé au travail réside dans le croisement de l’analyse et de l’expertise à un niveau collectif sur les conditions de travail des salariés, les facteurs de risques propres à l’organisation du travail au sein de l’entreprise et les pistes d’actions en matière de prévention de ces risques.
Il est nécessaire que des espaces différenciés et cloisonnés existent au sein des entreprises et que les salariés puissent repérer ce qu’ils peuvent déposer comme informations selon l’espace où ils se trouvent. Cette organisation n’empêche pas un travail collaboratif sur les missions communes de service social du travail et le service de santé au travail. Au contraire, c’est parce que chacun se situe dans ses missions et donne des garanties aux salariés que la collaboration peut s’avérer efficiente. L’espace particulier que propose l’assistant social au sein d’une entreprise doit permettre au salarié d’évoquer des éléments de vie privée qui viennent lui poser question ou représentent une difficulté, notamment dans cet équilibre fragile mais indispensable entre la vie privée et la vie professionnelle. Ceci n’est possible et ne peut se travailler dans cet espace qu’avec la garantie du secret professionnel quant aux éléments relatifs à la vie privée du salarié.
Conformément à l’article 223-6 du code pénal, il est aussi obligé d’agir en cas de péril (comme c’est par exemple le cas quand l’évaluation du professionnel aboutit à repérer un risque suicidaire très élevé).
*Antoine Guillet
Antoine Guillet est assistant social en entreprise. Il a auparavant exercé en polyvalence de secteur et en pédopsychiatrie. Antoine Guillet est investi sur les questions de secret et de partage d'informations, de responsabilité et de postionnement professionnels. Il a été vice-président de l'ANAS jusqu'en début d'année 2014 et reste actuellement membre de son conseil d'administration
article d'Antoine Guillet*
Ce qu’il faut retenir en matière de secret et partage d’information entre service social du travail et service de santé au travail
- L’entreprise est un cadre particulier d’exercice professionnel.- Quelle que soit la proximité entre service social du travail et service de santé au travail (interentreprises ou intégrés), la législation est la même en matière de secret et partage d’informations.
- Si la législation soumet l’assistant social au secret par profession, il n’est pas prévu d’exception autorisant le partage d’informations à caractère secret avec les professionnels du service de santé au travail (et réciproquement).
- Cependant, certaines informations concernant le contexte professionnel du salarié peuvent être partagées sous certaines conditions.
- Enfin, dans des cas limités, il pourrait être légitime de partager une information, quand bien même cela s’avérerait illégal.
- Il convient cependant de toujours garder à l’esprit que le partage d’informations peut constituer un acte non-seulement illégal, mais aussi contre-productif en termes d’aide à la personne et/ou au salarié.
Pour aller plus loin : quelle pratique légale est-elle possible ?
Ce sujet est intéressant car il vient poser la question du partage d’informations entre des professions différentes, dans un cadre particulier qu’est celui de l’entreprise.Tout d’abord, nous pouvons dire que l’articulation est différente entre des services interentreprises ou intégrés à l’entreprise. Car bien que cela ne change rien d’un point de vue légal, le lien existant entre un service social et un service de santé au travail intégrés à l’entreprise peut être très développé parfois jusqu’à considérer dans les faits que le service social du travail ferait partie intégrante du service de santé au travail.
Nous verrons donc que, si ce lien est nécessaire et pertinent en matière de prévention des risques professionnels, d’accès aux droits ou encore d’accompagnement de certains salariés, la législation en matière de secret professionnel ne prévoit pas la possibilité d’un partage d’informations à caractère secret entre un assistant social et une infirmière/psychologue/médecin du travail.
Que dit la loi en matière d'articulation service social du travail-service de santé au travail ?
Le code du travail prévoit explicitement, à plusieurs reprises, dans ses articles L.4631-2 et L.4622-9, une collaboration étroite entre le service de santé au travail et le service social du travail. La circulaire DGT/n°13 du 9 novembre 2012 relative à la mise en œuvre de la réforme de la médecine du travail et des services de santé au travail prévoit un « appui » du service social du travail au médecin du travail.La volonté du législateur, reflétée dans le code du travail, ne va pas jusqu’à prévoir un cadre de partage d’informations nominatives à caractère secret entre service social du travail et service de santé au travail qui dérogerait aux dispositions du code pénal. Rappelons aussi que ce n’est pas parce que deux professionnels sont soumis au secret qu’ils peuvent partager entre eux des informations à caractère secret. Ils ne le peuvent que si la loi permet une levée du secret. En l’occurrence, ce n’est pas le cas entre un assistant social et une infirmière ou un médecin du travail.
Concernant les psychologues du travail, précisons qu’ils ne sont pas soumis au secret professionnel que ce soit par profession ou par mission.
Quel positionnement professionnel ?
Tout d’abord, précisons ce qu’est la mission du service de santé au travail. Elle est ainsi définie par l’article L.4622-2 du Code du travail :« Les services de santé au travail ont pour mission exclusive d'éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. A cette fin, ils :
« 1° Conduisent les actions de santé au travail, dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;
« 2° Conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d'éviter ou de diminuer les risques professionnels, d'améliorer les conditions de travail, de prévenir la consommation d'alcool et de drogue sur le lieu de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et la désinsertion professionnelle et de contribuer au maintien dans l'emploi des travailleurs ;
« 3° Assurent la surveillance de l'état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ;
« 4° Participent au suivi et contribuent à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire. »
Dans le contexte d’intervention en entreprise, l’assistant social est dépositaire d’informations à caractère secret (cf. Les informations couvertes par le secret professionnel, notamment l'Arrêt du 19 décembre 1885 de la chambre criminelle de la Cour de cassation) concernant le salarié mais aussi d’informations concernant sa vie professionnelle dans l’entreprise ou sa situation administrative vis-à-vis de son employeur. Les éléments que l’AS pourra échanger, avec l’accord du salarié, ne peuvent concerner que les éléments relatifs au contexte professionnel du salarié, en dehors de tout élément relevant la vie privée, et dans un objectif d’action en faveur de la santé des salariés sur leur lieu de travail.
Dans ce contexte précis, le positionnement professionnel de l’assistant social découle d’une démarche éthique et prend donc en compte le cadre légal en matière de secret professionnel, ses missions propres, les missions du service de santé au travail ainsi que la singularité de la situation personnelle et professionnelle du salarié.
Enfin, toute la pertinence de la collaboration entre un service social du travail et service de santé au travail réside dans le croisement de l’analyse et de l’expertise à un niveau collectif sur les conditions de travail des salariés, les facteurs de risques propres à l’organisation du travail au sein de l’entreprise et les pistes d’actions en matière de prévention de ces risques.
Il est nécessaire que des espaces différenciés et cloisonnés existent au sein des entreprises et que les salariés puissent repérer ce qu’ils peuvent déposer comme informations selon l’espace où ils se trouvent. Cette organisation n’empêche pas un travail collaboratif sur les missions communes de service social du travail et le service de santé au travail. Au contraire, c’est parce que chacun se situe dans ses missions et donne des garanties aux salariés que la collaboration peut s’avérer efficiente. L’espace particulier que propose l’assistant social au sein d’une entreprise doit permettre au salarié d’évoquer des éléments de vie privée qui viennent lui poser question ou représentent une difficulté, notamment dans cet équilibre fragile mais indispensable entre la vie privée et la vie professionnelle. Ceci n’est possible et ne peut se travailler dans cet espace qu’avec la garantie du secret professionnel quant aux éléments relatifs à la vie privée du salarié.
Concernant la divulgation d’une information à caractère secret à une autorité administrative ou judiciaire.
Conformément à ce que prévoit l’article 226-14 du code pénal, l’assistant social du travail est légalement autorisé à révéler une information concernant certaines situations graves concernant des catégories particulières de public (adulte ou mineur).Conformément à l’article 223-6 du code pénal, il est aussi obligé d’agir en cas de péril (comme c’est par exemple le cas quand l’évaluation du professionnel aboutit à repérer un risque suicidaire très élevé).
*Antoine Guillet
Antoine Guillet est assistant social en entreprise. Il a auparavant exercé en polyvalence de secteur et en pédopsychiatrie. Antoine Guillet est investi sur les questions de secret et de partage d'informations, de responsabilité et de postionnement professionnels. Il a été vice-président de l'ANAS jusqu'en début d'année 2014 et reste actuellement membre de son conseil d'administration
Secret professionnel en entreprise - Circulation des informations entre service social et service de santé
D'autres fiches sur http://www.secretpro.fr/ Secretpro.fr est destiné aux professionnels du travail social et médico-social, ainsi qu'aux publics de ces services. Il propose des fiches pratiques et fiables sur le secret professionnel et le partage d'informations, au plus proche des contextes d'exercices
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