On sait qu’il existe divers insignes montrant l’empathie de
leurs porteurs pour certains malades, notamment le ruban rouge
contre le SIDA et le ruban rose contre le cancer du sein. Mais qui
connaît aux États-Unis (et ailleurs), s’interroge The American
Journal of Psychiatry, l’existence d’un ruban similaire, «
pourpre et turquoise », destiné à dénoncer un autre
problème de société, « responsable de plus de morts que les
accidents de voiture » ? Prenant aux États-Unis chaque année « deux fois plus de vies
que l’ensemble des meurtres » (statistique déjà effrayante
dans un pays où la législation sur les armes est pour le moins
laxiste !) et « plus de 800 000 vies annuellement dans le
monde », le responsable de cette hécatombe planétaire est le
suicide. Mais, demande l’auteur, « où est le large débat public
que cette force de destruction massive devrait susciter ? »
Indépendamment des raisons humanitaires pour combattre le suicide,
les psychiatres devraient ajouter une dimension personnelle à leur
engagement pour prévenir ce fléau : en effet, des études ont
confirmé l’impact néfaste du suicide chez les psychiatres ayant
traité ces patients ! Le tiers des psychiatres ayant perdu un
malade par suicide éprouvent ainsi « des troubles de l’humeur
ou du sommeil ou même un mal-être important. »[1],[2]. Des
aspects égoïstes doivent donc rejoindre les motivations
philanthropiques pour amplifier la prévention du suicide. Car les
taux de suicide sont en augmentation et la souffrance des parents
ou amis du suicidé se révèle « inconcevable. » Il est donc temps de relancer le débat public à ce sujet et de
rappeler avec insistance que le suicide s’apparente toujours à une
« fausse note », mais ne constitue jamais, dans l’histoire
de la personne concernée, une « bonne sortie » pour
délaisser discrètement, comme par une porte dérobée ou latérale,
une situation qu’on n’ose plus endurer frontalement. L’auteur se
demande si les personnes vulnérables gagneraient à être plus
conscientes de la vraie nature du suicide, « horrible et
violente. » Un débat plus transparent en la matière
permettrait-il d’épargner des vies ? En d’autres termes, «
devrions-nous porter ces rubans pourpre et turquoise »
pour afficher notre détermination plus marquée à combattre le
suicide ? 1) R Ruskin & coll.: Impact of patient suicide on
psychiatrists and psychiatric trainees. Acad Psychiatry 2004;
28:104–110.
2) H. Hendin & coll.: Factors contributing to therapists’
distress after the suicide of a patient. Am J Psychiatry 2004;
161:1442–1446. Dr Alain Cohen