Stress, accidents, suicides : un soutien psychologique pour tous les marins de France
Vendredi 8 octobre 2021 - Par Hélène Roussel, France Bleu Loire Océan, France Bleu
Saint-Nazaire
Ce jeudi et ce vendredi se tient au Cinéville de Saint-Nazaire le premier congrès de l'urgence médico-psychologique des gens de mer. Les pêcheurs et les marins de commerce sont les plus fragiles, avec un taux de stress post-traumatique supérieur à 20% par rapport à la moyenne nationale.
Marin : la profession la plus dangereuse au monde avec un taux de stress post-traumatique supérieur à 20% par rapport à la moyenne. © Maxppp - Sadak Souici / Le Pictorium
Ils partent des jours, des semaines, parfois des mois en mer. C'est un huit-clos à bord, même dans le pire des cas. Un accident sur le bateau par exemple : un marin fait une chute grave ou un infarctus, quand à terre, ce genre de situation est déjà traumatisante, en mer, il faut vivre avec, car avant que les secours n'arrivent ou que le bateau retourne au port, il faut parfois plusieurs jours. C'est ce qu'on appelle en psychologie le temps de dissociation.
Un milieu où les blessures invisibles se taisent
Camille Jégo, psychologue, fondatrice et coordinatrice du CRAPEM, le Centre Ressources d'Aides Psychologiques En Mer, basé à l'hôpital de Saint-Nazaire, détaille : "Ca peut aussi vouloir dire vivre avec un cadavre à bord, on pense aux migrants, mais ça peut être le cadavre d'un coéquipier. Le plus courant reste le traumatisme du naufrage". A ces événements s'ajoutent l'isolement et le stress, parties intégrantes du métier. La dépression est la principale pathologie chez les marins et le taux de suicide bien supérieur au reste de la population. Dans ce milieu très masculin, les blessures invisibles se taisent. Des marins à la vie fracturée, qui consomment à terre plus de cocaïne ou de cannabis que la moyenne.
Camille Jégo a écrit un mémoire sur le sujet en 2017, le premier du genre, avant de monter cette unité de soutient psychologique à Saint-Nazaire en mars 2020. La seule à ce jour dans toute l'Europe. "On est présent au téléphone 24/24, en relation avec le CCMM (Centre de Consultation Médicale Maritime) basé à Toulouse. Il s'agit pour nous de rompre leur solitude, des les accompagner, de les soigner car nous proposons aussi des consultations, s'il le faut au téléphone ou en visio". Une seule unité pour répondre aux marins dans toute la France. "Depuis le mois de juin, nous en sommes à une centaine de patients", précise Camile Jégo tout en assurant que la thérapie fonctionne très bien, car dit-elle, "c'est une population ultra résiliente".