Quels risques de burn out et de dépression chez les étudiants en anesthésiologie?
Publié le 19/07/2013 | |
A l’heure où la presse médicale nationale fait état des mesures mises en place après le suicide en 2010 d’un chef de clinique en anesthésie, une étude intéressante concernant l’épuisement professionnel des étudiants en anesthésiologie et ses conséquences en termes de risque pour les patients est publiée dans Anesthesia Analgesia.
Les professions de santé sont reconnues comme étant particulièrement à risque d’apparition de syndrome d’épuisement professionnel. Celui-ci est bien documenté chez les professionnels expérimentés, mais sa place chez les étudiants et son éventuel impact sur la prise en charge des patients n’a été que peu étudié.
Au total, 2 773 résidents américains en anesthésiologie, référencés par l’ASA (American Society of Anesthesiologists), ont été destinataires par voie électronique d’un questionnaire psycho-social comprenant 53 questions à choix multiple subdivisées en 5 chapitres : 11 questions à caractère socio-démographique, 12 questions reprises parmi les 22 du questionnaire d’auto-appréciation du risque de burn-out (BO) de Malash, 10 questions appréciant le niveau de dépression (échelle de Harvard), 10 questions d’auto-évaluation de l’application des référentiels de bonnes pratiques (RBP), et pour finir 7 questions d’auto-appréciation du nombre d’erreurs de prise en charge réalisées.
Mille quatre cent trente étudiants ont répondu au premier envoi. Un ré-échantillonnage de 300 non répondeurs à 6 mois a été réalisé, afin d’éliminer d’éventuels biais de sélection sur les premiers répondants. Cinquante-quatre pour cent des étudiants interrogés (1 430 puis 78) ont rempli 93 % des items du questionnaire. Les réponses étaient insuffisantes pour permettre l’établissement du risque de BO dans 91 questionnaires, de celui de dépression dans 124, expliquant le nombre variable de répondants dans chacun des 4 sous-groupes déterminés par l’analyse :
• « Risque élevé de BO » : n = 575/1 417, soit 41 % des étudiants. Parmi ceux-ci, 74 % sont très insatisfaits de leurs conditions de travail ;
• « Risque élevé de dépression » : n= 298/1 384, soit 22 % des étudiants ;
• « Risque élevé de BO et de dépression » : n = 240/1383, soit 17 % des répondants ;
• Risque faible de BO et/ou de dépression : 56 % des répondants (n = 764), dont 29 % seulement sont insatisfaits de leurs conditions de travail (p 0,001).
Parmi les points notables mis en évidence :
• Les hommes présentent un risque de BO moindre que les femmes ;
• La consommation d’alcool ou de tabac hebdomadaire est plus importante dans les sous-groupes à risque de BO et/ou de dépression ;
• L’adhésion aux référentiels de bonnes pratiques est également moindre dans ces sous-groupes ;
• De même que la prévalence des erreurs de prise en charge. La possibilité d’un biais de déclaration des erreurs est évoquée pour ces sous-groupes, et cet item devra donc être ré-évalué par d’autres études ;
• La pression de travail (durée de travail hebdomadaire supérieure à 70 heures, plus de 1 garde hebdomadaire) est associée au risque de BO.
Cette étude confirme donc que les étudiants américains en anesthésiologie ne sont pas à l’abri du risque de BO et/ou de dépression, dès le début de leur cursus. Le risque suicidaire s’est même avéré être dans cette étude plus de deux fois plus important que le risque de suicide observé dans la population des pays industrialisés. Ce risque professionnel a un impact avéré vis-à-vis de la prise en charge des patients.
Qu’en est-il de nos étudiants DESAR (Diplôme d'Etude Spécialisé en Anesthésie Réanimation) ? La conduite d’une étude similaire en France serait intéressante.
Dr Monique Carlier
de Oliveira GS et coll. : The prevalence of burnout and depression and their association with adherence to safety and practice standards: a survey of United States anesthesiology trainees. Anesth Analg. 2013 Jul ;117 (1) : 182-93.