TÉMOIGNAGE. « J’ai commencé à vouloir mourir… » : Martin, 17 ans, a fait face au mal-être psychique
Carine JANIN.
Le mal-être psychique des jeunes augmente, comme le montre une étude de Santé publique France. Martin (1) a accepté de raconter l’épisode dépressif qu’il a traversé après le suicide de sa petite amie.
Sur la table du salon, Martin (1), 17 ans, a disposé les anneaux argentés qu’il porte aux doigts et qui, chacun, symbolise un être cher. Parmi eux, il y a celui de sa « petite amie »,Nadia (1). Elle s’est suicidée en août dernier. Martin l’aimait. Il a appris sa mort par un simple SMS de la mère de celle-ci, qui s’opposait à leur relation. Et ensuite, « rien ».«Je n’allais déjà pas ultra-bien avant, explique-t-il. Mais à partir de là, j’ai commencé à vouloir mourir moi aussi. Je m’en suis voulu de ne pas l’avoir aidée. »
Martin perd le sommeil et l’appétit, il décroche en cours. À la maison, les relations sont tendues de longue date avec ses parents. Le père est en fauteuil roulant depuis un accident de moto, quand Martin avait 6 ans. Son corps et sa vie ont volé en éclats, et celle de toute la famille a vacillé. L’épreuve a distendu les liens.
À l’été 2023, Martin ne dit mot de ce qu’il traverse. Il ne veut « pas déranger ». Deux semaines après la reprise des cours, l’envie de mourir est devenue omniprésente.
Instinctivement, il se rend, un jour, à la vie scolaire du lycée et demande à « voir une psy » Il passera trois heures à déverser son chagrin et ses angoisses. La maman est alertée le lendemain. Ébranlée. Rendez-vous est pris chez le médecin, lequel renvoie vers une psychologue. Deux possibilités : six semaines d’attente pour un rendez-vous remboursé à la Maison de l’adolescent. Deux semaines de délai chez une psy libérale, à 50 €. Ils choisissent la seconde option, malgré son coût. « On ne pouvait pas se permettre d’attendre » dit la maman.
« Ça va s’arranger »
Le soir même du rendez-vous, Martin est orienté vers les urgences psychiatriques du CHU le plus proche, dans une unité spéciale pour adolescents.
Après quarante-huit heures de réflexion, sans téléphone ni contact extérieur, il accepte de séjourner à l’hôpital en passant un « contrat » avec des objectifs. Par exemple, écrire un poème pour dire « Adieu » à Nadia.
Les journées sont jalonnées de consultations, d’ateliers avec les autres patients, de « médiations de parole » ou de « slam ». La compagnie des autres patients apaise Martin. « On pouvait dire ce qu’on avait sur le cœur, sans gêne et sans jugement. » Parce que, dit Martin, « quand on va mal, la société nous oblige à le cacher ».
Au bout de deux semaines « d’hospit’», comme il dit, « c’était pas magique, mais j’allais un peu mieux. Et j’avais des pistes pour aller encore mieux. »
Aujourd’hui, il a le sentiment de « moins souffrir », même si des tensions perdurent au sein de la famille.
Quand le moral de Martin se remet à faiblir, écrire est un exutoire : « Je prends un crayon, et j’écris ce qui me passe sur le cœur, sans réfléchir. »
À un jeune qui traverserait les mêmes difficultés, Martin dirait : « Il ne faut pas rester solo. En parler, ça fait du bien. Parce qu’au fond, même si on n’arrive pas à le croire quand on est dedans, ça va s’arranger. »
Pour l’an prochain, après le bac, Martin a émis ses vœux : « Fac de psycho. Ou médecine », pour se spécialiser en psychiatrie.
(1) Prénom d’emprunt.
Cet article est paru dans Ouest-France
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